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LES
MONUMENTS ARABES
DE TLEMCEN
PAR MM.
William MARÇAIS
DIRKGÏRUR DE LA MÉDERSA DE TLEMCKN
ET
Georges MARÇAIS
OUVRAGE PUBLIÉ SOUS LES AUSPICES
DU GOUVERNEMENT GÉNÉRAL DE L'ALGERIE
Contenant 30 planches hors texte phototypie et 82 illustrations dans le texte
PARIS
ANCIENNE LIBRAIRIE ÏHORIN ET FILS
ALBERT FONTEMOING, ÉDITEUR
Libraire des Écoles Françaises d'Athènes et de Rome, du Collège de France
et de l'École Normale Supérieure
4, RUE LE GOFF, 4
1903
Tous droits de traduction et de reproduction réservés.
LES MONUMENTS ARABES
DE TLEMCEN
1
^;^j|iRVlCE DES MONUMENTS HISTORIQUES DE L'AieÉRIK
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monum:ents arabes
DE TLEMCEN '
PAR MM.
William MARÇAIS
DIRECTEUR DE LA MÉDBRSA DE TLEMGEN
ET
Georges MARÇAIS
OUVRAGE PUBLIE SOUS LES AUSPICES
DU GOUVERNEMENT GÉNÉRAL DE L'ALGÉRIE
Contenant 30 planches hors texte phototypie et 82 illustrations dans le texte
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ALBERT FONTEMOING, ÉDITEUR
Libraire des Écoles Françaises d'Athènes et de Rome, du Collège de France
et de l'École Normale Supérieure
4, RUE LE GOFF, 4
1903
Tous droits de traduction et de reproduction réservés.
PRÉFACE
Il n'y a guère de \ille musulmane en Algérie sur
laquelle on ait autant écrit que sur Tlemcen. Son histoire,
son épigraphie, son archéologie, ont déjà fait l'objet
d'assez nombreuses publications. Parmi elles, il faut citer
en première ligne les ouvrages de l'abbé Bargès. A la
suite d'un voyage accompli dans cette ville au lende-
main de l'entrée des troupes françaises (septembre-
octobre 1846), ce savant s'éprit pour ïlemcen d'un véri-
table amour. La majeure partie de son œuvre d'arabisant
fut dès lors consacrée à l'étude de l'antique capitale zei-
yânide. Ses notes de voyage ont été réunies par lui dans
son ouvrage intitulé : Tlemcen^ ancienne capitale du
royaume de ce nomK Ce livre, malgré de légères erreurs,
que la brièveté du séjour fait par l'auteur dans la cité de
Yarmorâsen rend fort excusables, est rempli de documents
intéressants, de précieuses observations personnelles. Il
1. rZewîcen, ancienne capitale du royaume de ce nom {sa topofjrap/iie^ son
liistoi7'e^ description de ses principaux monuments, anecdotes, légendes et
récils divers), souvenir d'un voyage. Paris, 1859.
1
II PRÉFACE
a surtout l'immense avantage de nous retracer de Tlem-
cen un tableau qui, sur bien des points, hélas ! n'appar-
tient déjà plus qu'à l'histoire. En 1852, Bargès avait pu-
blié son Histoire des Beni-Zeiyân^ ] en 1887, il donna
le Complément de l'Histoire des Beni-Zeiyân~ \ entre-
temps il avait consacré deux brochures l'une à l'étude
du grand saint tlemcenien, Sîdi Bou-Médyen % l'autre à
un essai sur le commerce de Tlemcen avec le Soudan
au moyen àge^.
D'une importance presque égale aux travaux de l'abbé
Bargès sont ceux de Ch. Brosselard, qui habita Tlemcen
pendant de longues années (il y fut sous-préfet de 1853 à
18Ô2). Entouré de lettrés musulmans, dans la société
desquels il se plaisait fort, ce bon arabisant débrouilla,
avec une rare sagacité, l'épigraphie tlemcenienne. Les
inscriptions de Tlemcen, publiées par lui avec d'abon-
dants commentaires, offrent des documents de premier
ordre à quiconque veut étudier l'archéologie et l'histoire
de cette ville^.
L'intérêt architectural des monuments tlemceniens
1. Histoire des Beni-Zeiijân^ rois de Tlemcen^ par l'imam Cidi Abou-Abd'
Allah-Mohammed Ibn Ahd'el-Djelyl el-Tenessy, traduit de l'arabe. Paris, 1852;
Sur et-Tenessy (f 1494 899 de l'hét^ire), cf. Journal asiatique, novembre-dé-
cemibre 1831, p. 586 et ss.; Bargès, complément de VHistoire des Beni-Zeiyân,
p. 379 et ss.
2. Complément de VHistoire des Beni-Zeiydn, rois de Tlemcen. Paris, 1887.
3. Vie du célèbre marabout Cidi Abou-Médien. Paris, 1884.
4. Mémoire sur les relations commerciales de Tlemcen avec le Soudan sous
le règne des Beni-Zeirjân (Extrait Revue de VOrient). Paris, 1853.
5. Tombeaux des Emirs Beni Zeiyân et de Boabdil. Paris, 1876 ^Extrait du
Journal asiatique) ; — les Inscriptions arabes de Tlemcen, dans Revue A fri-
caine, 1858 à 1861.
PRÉFACE III
n'échappa pas à Diithoit, qui fut inspecteur des monu-
ments historiques en Algérie de 1871 à 1880. 11 a laissé
sur eux, dans un rapport, d'importantes observations
accompagnées de croquis, de dessins et de plans. C'est
là une source importante de renseignements dont il im-
porte de tenir compte dans une étude d'ensemble de l'ar-
chitecture tlemcenienne ^
Il convient de mentionner aussi une bonne mono-
graphie de Piesse, continuée par Canal, dans la Revue de
V Afrique française ~.
Dans la masse des descriptions moins scientifiques
que pseudo-littéraires inspirées par Tlemcen à des visi-
teurs d'un jour, il faut signaler les jolies pages qu'Ary
Renan a consacrées à ses monuments dans la Gazette des
Beaux-Arts'^ et les articles moins estimables parus dans
le Tour du monde et signés de Lorrain
Enfin une large part est faite aux édifices tlemceniens
dans la bonne étude d'ensemble que Basset a publiée sur
le Dèveloppewœnt historique de Vart magJirihin dans
V Algérie par ses monuments •\
De ces publications, les unes, comme les ouvrages de
Barges, tirées à un nombre assez restreintd'exemplaires,
sont aujourd'hui devenues fort rares; les autres sont
éparses dans diverses revues ou dans des collections
1. Archives des Missions scientifiques^ 3" série, t. I, 1873, p. 305 et suiv.
2. Revue de V Afrique française, 1888, 39-55 réunis en vohime 1899,
3. Gazettedes Beaux-Arts, IIP part., t. VU, p. 383-400; t. IX, 177-193.
4. Tour du Monde.im^, p. 300-68. — Citons aussi E. Barclay, The Mosques of
Tlemcen dans Engl. illustred Magazine, février 1892.
5. L'Algérie par ses monuments: II, domination arabe. Paris, 1900.
IV PRÉFACE
comme les Archives des Missions scieiitiflques^ difficile-
ment accessibles au public. Il a paru qu'une étude d'en-
semble sur les monuments tlemceniens ne serait pas
inutile ; et M. le directeur des Beaux-Arts a bien voulu
nous en confier l'entreprise. Aussi bien il nous restait
peut-être à faire quelque chose de plus que nos devan-
ciers. Le principal intérêt des édifices tlemceniens
réside, comme nous espérons le montrer plus loin, dans
l'évidente parenté qui les unit aux monuments andalous.
Que l'on songe, d'autre part, que Girault de Prangey,dont
VEssai sur V architecture des Mores ^ demeure le meil-
leur manuel d'archéologie musulmane occidentale, igno-
rait entièrement les monuments de Tlemcen, et l'on
comprendra que, sur ce terrain, une étude comparative
restait à faire; nous l'avons tentée dans cet ouvrage.
L'introduction paraîtra peut-être démesurée. Après
mûre réflexion, nous avons jugé à propos de grouper au
début du livre, dans un tableau d'ensemble, les observa-
tions d'ordre un peu général sur le style, la construction,
la décoration, que nous a suggérées l'étude individuelle
des monuments tlemceniens. De la sorte cette intro-
duction peut être considérée comme un essai de petit
précis de l'art arabe maghribin ; et sur bien des points,
dans le reste de l'ouvrage, nous n'avons eu qu'à y ren-
voyer.
Les dessins qui illustrent ce livre sont l'œuvre de l'un
1. Essai sur Vûrchiiecture des Arabes et des Mores en Espagne, en Sicile et en
Barbarie. Paris, 1841,
PRÉFACE V
de nous. Ils ont été exécutés tout exprès en présence des
monuments pendant les mois de mai, juin et juillet 1902.
Un petit nombre d'entre eux seulement a été emprunté
aux relevés des édifices tlemceniens, qui figurent dans les
dossiers des monuments historiques. Des photographies,
quelques-unes sont l'œuvre de M. S. Gsell, et de M. le ca-
pitaine Bertillon, que nous remercions vivement de cette
communication de documents. Nous sommes redevables
de la plus grande partie à nos amis, MM. Chantron et
Perdrizet, professeurs au collège de Tlemcen. Avec une
bonne grâce infatigable, ils ont mis à notre disposition
leur talent de photographes, et c'est au cours de nos
communes promenades archéologiques à travers les rues
de Tlemcen et les chemins de sa banlieue que les clichés
reproduits dans les planches de cet ouvrage ont été réu-
nis. Ce sont pour nous, qu'il nous soit permis de le dire,
non seulement des documents, mais aussi de bons souve-
nirs.
Nous devons enfin remercier tout particulièrement M. S.
Gsell, professeur à l'École des Lettres d'Alger, dont la
complaisance nous a épargné les soucis matériels de
la reproduction phototypique, de la correction des
épreuves de l'illustration. Pourtout ce qui concerne cette
partie de l'ouvrage il a prêté un continuel secours à notre
inexpérience, et nous lui en avons une bien vive gratitude.
Tlemcen, octobre 1902.
William et Georges Marçais.
INTRODUCTION
A mi-hauteur de la pente qui descend du Djebel Terni, enve-
loppée de massifs séculaires d'oliviers, de figuiers et de téré-
binthes, ayant à ses pieds le tapis changeant des vallées de la
Tafna et de la Safsaf, Tlemcen, « la bien gardée de Dieu >>,
occupe une des plus admirables positions que puisse choisir un
faiseur de villes. Au Sud, elle a la couronne des plateaux
rocheux ; au Nord, elle domine la plaine semée de villages, de
marabouts et que ferme très loin la ligne souple des hauteurs.
A rOuest, s'élèvent au milieu des champs de vignes les ruines
grandioses d'El-Mansourah la guerrière ; à l'Est, au flanc de la
montagne, se groupe le petit bourg sacré d'El-Eubbâd où dort
le saint le plus vénéré du Maghrib.
Les chants populaires composés en l'honneur de la vieille cité
sont innombrables ; et les écrivains d'école ont assemblé, pour
décrire son charme, toutes les fleurs de la rhétorique arabe.
Suivant Yahya-ben-Khaldoun : « Elle est semblable à une jeune
fiancée sur son lit nuptial. Les palais de Tlemcen éclipsent le
Khawernaq, font rougir Er-Roçâfa, et se moquent d'es-Sedîr^.
1. Le Khawernaq et le Sedir étaient des palais des rois de Hira, er-Roçâfa
des palais abbassides dont la splendeur est devenue proverbiale dans la litté-
rature arabe,
8 INTRODUCTION
Les vallées fleuries quirentourent sont pleines de sources, étin-
celantes comme la lame qu'on tire du fourreau. » Et, après avoir
épuisé les hyperboles, il cite successivement les poètes Abou-
Abdallah-ben-Khemîs, El-Hâdj-ben-Abou-Jemâa, Ibn-Khafadja,
Abou-Obaïd qui tous chantent àTenvi les grâces de la perle du
Maghrib 1. Plus robuste et plus substantielle est la prose naïve de
Jean Temporal, le traducteur de Jean-Léon dit Léon l'Africain,
^ qui la visita au xvi° siècle : « Telensin, dit-il, est une grande et
royale cité. Du temps du roi Abou-Tesfîn, elle parvint jusques
au nombre de seize mille feux, et si elle était accrue en gran-
deur, elle n'était pas moindre en civilité et honnête façon de
vivre... Tous les marchands et artisans sont séparés en diverses
places et rues, comme nous avons dit de la cité de Fez. Mais
les maisons ne sont pas si belles ni de telle étoffe et cou-
tanges. Outre cela, il y a de beaux temples et bien ordonnés.
Puis se trouvent cinq collèges d'une belle structure ornés de
mosaïques et d'autres ouvrages excellents dont les aucuns
furent édifiés par les rois de Telensin et les autres par les rois de
Fez... Il s'y trouve davantage un grand nombre d'hôtelleries à
la mode africaine, entre lesquelles il en est deux où logent ordi-
nairement les marchands genevois et vénitiens. Et sont les
murailles merveilleusement hautes et fortes donnant entrée
par cinq portes très commodes et bien ferrées, joignant
lesquelles sont les loges des officiers, gardes, et gabel-
liers. Hors la ville se voient de belles possessions et
maisons, là oii les citoyens ont accoutumé en temps d'été
demeurer pour le bel ébat qu'on y trouve, pour ce qu'outre la
plaisance et belle assiette du lieu, il y a des puits et fontaines
1. Baghyat-er-Rouwâd {moinnscnt de la Médersa de Tlemcen, n» 11), fol. 27;
Bargès, Complément de VHistoire des Déni Zeiyân, p. 517 et suiv.
INTRODUCTION 9
vives d'eau douce et fraîche. Puis, au dedans le pourpris de
chacune possession, sont des treilles de vignes qui produisent des
raisins de diverses coulein^s et d\ni goût fort délicat avec des
cerises de toutes sortes et en si grande quantité que je n'en
vis jamais tant en lieu oii je me sois trouvé.
Les habitants de Telensin sont divisés en quatre parties,
écoliers, marchands, soldats et artisans. Les marchands sont
pécunieux, opulents en possession, hommes justes ayant en sin-
gulière recommandation la loyauté et honnêteté de leurs affaires,
et prenant merveilleusement plaisir à tenir la cité garnie, en
sorte que, pour y faire conduire la marchandise, se transportent
au pays des noirs K Les artisans sont fort dispos et bien pris de
leurs personnes, menant une très plaisante vie et paisible, et
n'ont d'autre chose qui leur revienne mieux que de se
donner du bon temps. Les soldats du roi sont tous gens d'élite,
et soudoyés suivant qu'on les sent suffisants et mettables, tel-
lement que le moindre d'entre eux touche 300 ducats par mois. . .
Les écoliers sont fort pauvres et demeurent aux collèges avec
une très grande misère ; mais, quand ils viennent à être docto-
rés, on leur donne quelque office de lecteur ou de notaire, ou
bien ils se font prêtres. Les marchands et citoj'ens vont hono-
rablement vêtus, et le plus souvent mieux en ordre que ceux de
Fez, parce qu'à vrai dire ils sont plus magnifiques et libéraux »
Ce tableau séduisant n'est malheureusement plus conforme en
beaucoup de points à la vérité actuelle. Où sont « les cinq col-
lèges d'une belle structure » oii enseignèrent Sîdi Senousi, le
1. Cf., sur le commerce de Tlemcen avec les pays du Soudan, Bargès,
ouvrage cité, p. ii, note 4.
2. Description de V Afrique, tierce partie du inonde, écrite par Jean-Léon
1 Africain, édition Schefer, Paris, 1898, 111, p. 20-29.
10
INTRODUCTION
chérif Abou-Abdallah, Sîdi Ben-Merzouq El- hafid, et le grand
historien des Berbères Abd er-Rahmân-Ben-Khaldoun, et tant
de chîklis si savants et si respectables^? On est la Médersa
Tâchfînîya dont le beau portail de mosaïque s'élevait naguère
encore sur l'emplacement de la place d'Alger actuelle-? Mais il
est trop tard pour se plaindre, pour déplorer le vandalisme des
maîtres de Tlemcen pendant les trois derniers siècles. Il faut se
contenter d'admirer ce qui subsiste de la « grande et royale
cité » et de conserver jalousement ces restes si intéressants
par leur valeur d'art et leur importance historique.
Tout d'abord il nous paraît indispensable de retracer dans
ses grandes lignes le passé historique de Tlemcen. Nous le
ferons bien entendu au seul point de vue qui nous occupe. Il
ne s'agit pas ici de mettre en lumière le rôle exact que tint
cette ville dans l'histoire générale de l'Afrique mineure depuis
la conquête musulmane, mais de dresser simplement, en sui-
vant le cours des âges, le bilan de ce que Tlemcen doit de
gloire architecturale à chacun de ses anciens maîtres.
Agadir jusqu'à la conquête abnoravide et à la fondation
^ de Tagrdrt. — Tlemcen est la Pomaria romaine. La ville
antique était située sur le plateau oii est aujourd'hui Agadir.
Le nom de Pomaria a été relevé dans plusieurs inscriptions
trouvées sur cet emplacement^. On ignore ce qu'était exacte-
1. Cf., sur les écoles de Tlemcen sous les Beni Zeiyàn, le chapitre xiv de
Bargès, Tlemcen, ancienne capitale du royau7ne de ce nom.
2. Cf., sur cet édifice, infrà, p. 27, note 2.
3. Cf. Bargès, Tlemcen. capitale du royaume de ce nom, p. 173 ; — I. Khal-
doun. Histoire des Berbères (traduction), III, p. 323; — Audollent, Sur un
groupe d'inscriptions de Pomaria (Tlemcen) en Mauritanie césarienne {Mé-
langes Rossi. Publications de VEcole française de Rome, 1892, p. 127-135) ; —
C. I. L., VIII, 9906-9908, 9955-9960; — consulter aussi avec précaution Canal,
Pomaria-Tlemcen sous la domination romaine (extrait du Bulletin de ge'ogra'
phie et d'archéologie d'Oran, 1889).
INTRODUCTION 11
ment la localité à Tépoque de la conquête musulmane. Son sol
n'a pas fourni d'antiquités romaines ou byzantines de marque.
Les incursions de la première invasion arabe durent passer
sur Tlemcen comme sur le reste de TAfrique mineure sans y
laisser de traces sérieuses. Au témoignage d'Ibn-Khaldoun,
elle aurait été conquise par Abou'l-Mohâdjir, lieutenant d'Oqba-
ben-Nâfî, et, en souvenir de ce lointain événement, une source
tlemcenienne aurait porté encore, à l'époque du grand historien,
le nom de Aïn-El-Mohàdjir ^ Rappelons aussi pour mémoire
une tradition locale qui fait de l'un des saints les plus anciens
de la ville, Sîdi Wahliâb, un compagnon du i)r()})liète venu à la ^
suite d'Oqba à la conquête du Maghrib et mort à Tlemcen^. A
l'époque héroïque du Khâridjisme, Tlemcen apparaît comme le
siège d'une petite principauté çofrite avec, pour imâm, Abou-
Qorra. Mais, en 790 (174 de l'hégire), elle est conquise par u
Idrîs P''. C'est au nom de ce prince qu'est attachée la première
mention historique d'une construction d'édifice à Tlemcen.
a Idrîs, dit l'auteur du Qarfds, entra sans coup férir à Tlem-
cen, donna Vamdn au peuple et édifia une belle mosquée qu'il
orna d'une chaire sur laquelle il fit graver ces mots : « Au
nom de Dieu le clément, le miséricordieux. Cette mosquée a
1. Histoire des Berbères (traduction), 111, p. 334. Aujourd'hui l'on ne connaît
plus Aïn-El-Mohàdjir ; toutefois une source située dans la montagne au-des-
sus de Mansourah porte le nom de Aïn-EI-Mô>]jer, et la tradition locile veut que
l'empreinte des pas d'un compag-non du Prophète soit marquée tout auprès.
2. Le nom de ce personnage dont la qoubba est très vénérée se trouve écrit
dans les textes Wahb-ben-Monebbih (par exemple Boston, nofre manuscrit,
p. 601) ; il y a là une curieuse confusion populaire avec le Juif converti,
compagnon du prophète qui porte ce nom (Cf. Doutté, les Marabouts, p. 66,
notes 7, 8 ; — sur Wahb-ben-Monebbih : Chauvin, Recension égyptienne des
Mille et une Nuits, 31-32, 51-58); — rappelons aussi la légende locale qui fait
d'Agadir une des stations du fabuleux voyage de Moïse et de Khidhr ; elle est
abondamment étudiée apud Basset, Nedromah et les Traras, X-Xl.
12 INTRODUCTION
été élevée par les ordres de Fimâm Idris-ben-Abdallah-ben-
Hosaïn^ »
Il importe de ne pas oublier qu'à cette époque, Tlemcen,
c'est Agadir, et rien de plus -, et des monuments tlemceniens
celui dont l'édification première remonte le plus loin dans le
passé se trouverait donc être la mosquée d'Agadir. Elle subit
au reste de fréquentes restaurations, reçut de nombreux com-
pléments dans la suite des âges. Idrîs II y aurait retravaillé
vingt-cinq ans après sa fondation ; les Omeyyades de Cordoue,
les Beni-Zeiyân y ajoutèrent ou y firent des réparations. Sous
la domination Idrîside, Tlemcen (Agadir) devint probablement
une sorte de place avancée vis-à-vis de Tiaret la Khâridjite.
La forte position du lieu engageait à s'y établir solidement.
Aux âges suivants, nous en voyons le commandement confié par
les Idrîsides de Fâs à leurs cousins les descendants de Solaïmân-
ben-Abdallah. Dès cette époque lointaine, Tlemcen apparaît
^ comme une dépendance d'un empire marocain. Elle est la vas-
sale de Fâs. Il en sera presque continuellement de même jus-
qu'au jour ou Yarmorâsen, débarrassé de la tutelle almohade,
érigera la ville en capitale d'un royaume indépendant. Mais
cette longue tradition de vassalité pèsera lourdement sur les
destinées de Tlemcen. Fréquemment, ses voisins de l'Ouest
s'efforceront de la faire descendre de son nouveau rang, et de
rétablir son antique dépendance vis-à-vis de Fâs etdeMarrâkecb.
1. Roudh-el-Qartâs (traduction Beaumier), p. 17; — Histoire des Berbères
(traduction), II, p. 560; — Bargès, Complément de VHistoire des Déni Zeiyân,
535, 536.
2. Le nom d'Agadir paraît bien répondre à l'arabe djedâr, mur, endroit for-
tifié ; mais, comme on l'a remarqué, l'emprunt de ce mot par le berbère à une
langue sémitique est antérieur à la conquête arabe. Il faut probablement son-
ger au phénicien gadir (cf. Bargès, Tlemcen, ancienne capitale du royaume de
ce nom, p. 153 ; — Basset, ISledromali et les Traras, XI, note 4).
INTRODUCTION 13
La dynastie des Idrîsides ne tarda pas à être battue en brèche
par deux puissances rivales, les Omeyyades de Cordoue et les
Fatimides. La branche de la famille idrîside fixée à Tlemcen
gouverne tantôt sous l'une, tantôt sous l'autre de ces suzerai-
netés. Puis, à la chute définitive des descendants d'Idrîs P*", elle
est remplacée dans le commandement de la ville par une famille
d'émirs Maghrâwa, les Beni-Khâzer, de la grande race berbère
des Zenata. Ces princes acceptent l'investiture des Omeyyades
de Cordoue^.
Nous possédons des descriptions très sommaires de Tlem-
cen au ix*" siècle, laissées par des voyageurs et des géo-
graphes arabes. Ils la dépeignent comme une ville peuplée,
dans une banlieue fertile, déjà construite et entourée d'un
mur. Suivant Ibn-Haouqal (vers 950 de Tère chrétienne), le
mur est en brique ; suivant El-Yaqoûbi (vers 967 de l'ère chré-
tienne), il est en pierre et il est double-. En 973, Tlemcen est
prise et saccagée parBologghi ez-Zîri, lieutenant des Fatimides
dans le Maghrib ; ses habitants sont transportés à Achîr^.
Mais la ville se relève de ses ruines avec le gouvernement
des émirs Maghrâwa, connus sous le nom de Beni-Yala^. Pré-
ludant à son rôle de future capitale, elle peut être considérée
alors comme le siège du gouvernement du Maghrib central.
Au xi*" siècle, elle voit venir jusqu'à elle les hordes nomades de
nouveaux envahisseurs, la tribu Hilâhenne des Zighba. Mais
1. Cf., pour toute cette période de l'histoire de Tlemcen, I. Khaldoun, His-
toire des Berbères, III, 335, 336 ; — Roudh-el-Qartâs, p. 113.
2. Ibn-Haouqal (éd. de Goeje), 63; — El-Yaqoùbi (éd. de Goeje), texte 17 ;
traduction, 116, 117.
3. Cf. Ibn-Khaldoun, Histoire des Berbères, 11, p. 10 ; — Fournel, la Conquête
de V Afrique, II, p. 363.
4. Cf., sur cette dynastie tlemcenienne, Histoire des Berbères, III, 269-272.
14 INTRODUCTION
El-Bekri, qui écrit à cette époque (1067-1080), la dépeint comme
une ville prospère et forte. Il y signale un reste de population
chrétienne (?) et donne le nom de cinq de ses portes ^ L'em-
placement de deux au moins peut facilement être déterminé :
la première, la porte de Wahb, qui avait reçu le nom du vieux
saint tlemcenien Sîdi Wahb (Sîdi Wahhâb, cf. suprà^ p. 11),
était située auprès de son tombeau, au Nord du petit bois de
Sîdi Yaqoùb ; mention en est faite dans des textes bien posté-
rieurs''^; la seconde, Importe de la montée (Bâb El-Aqba), était
encore debout, il y a vingt ans. Située au levant d'Agadir, elle
dominait le tombeau de Sîdi Dâoudi. Ce personnage, le « maître
du pays » avant Sîdi Bou-Médyen, appartient lui-même au
siècle-'^. Sa coupole dut être édifiée pour la première fois à
cette époque. Mais il n'y a plus rien d'antique à discerner dans
le petit monument actuellement debout, auquel est attaché le
nom du saint. Semblable à beaucoup de ^o?Y/><^a.s tlemceniennes,
il a dû subir, au cours des siècles, de fréquentes restaurations.
Conquête ahnoravide . — Fondation de Tagrdrt. — A la
fin du xi" siècle, Tlemcen change de maîtres. Dès 1079, le prince
almoravide Yousouf-ben-Tâchfîn envoie son général Mazdali
contre la capitale maghrawienne. En 1001, il vient lui-même
renouveler l'attaque, prend la ville, et soumet à son pouvoir
tout le Maghrib central. Suivant une pratique dont l'histoire des
peuples musulmans offre de nombreux exemples, il commença
d'édifier une ville nouvelle à l'endroit oîi s'était dressé son
1. El-Bekri, Description de V Afrique septentrionale (éd. de Slanej, p. 76.
2. « La tombe de Sîdi Yaqoùb, bien connue, et où les vœux sont exaucés, est
située à la porte de Wahb-ben-Monebbih » {Boslân, notre manuscrit, 601, in
fine).
3. Abou-Jafar Ahmed ed-Dàoudi mourut en 402 de l'hégire (1011 de l'ère
chrétienne). Cf. Index librorum quos a magistris didicit Abu Bequer Ben
Khair (Ed. Godera), 1, p. 87.
INTRODUCTION
15
camp ; ce fut sur le vaste plateau, situé à l'Ouest d'Agadir, à
remplacement même de la ville moderne. Cette cité almora-
vide, Tagrârt, est la véritable ancêtre de la Tlemcen actuelle ^
De son berceau, Agadir, la ville se transporta une première
fois vers l'Ouest au xf siècle, par ce curieux procédé. Au
xw"" siècle, elle sera sur le point de subir un nouveau et semblable
déplacement, avec la construction de Mansourah. Nous ren-
voyons sur ce point au chapitre consacré aux ruines de cette loca-
lité. — Agadir prise, la nouvelle cité de Tagrârt demeura le
siège officiel du Gouvernement. Les Almoravides y édifièrent
un château-fort, qu'il faut probablement identifier avec le Qac?'
el-qadim~, Tagrârt devait croître de plus en plus au fur et à
mesure qu'Agadir déclinait, et survivre à cette dernière. Il
semble certain qu'à la fin de la dynastie almoravide elle avait
pris assez d'importance pour qu'on songeât à y édifier une grande
mosquée. La date de 1136 (530 de l'hégire), relevée sur une
inscription de la mosquée cathédrale de Tlemcen, montre qu'on
avait travaillé, à cette époque, à une partie essentielle de l'édi-
fice, la coupole du mihrâb^.
Conquête almohade. — Tlemcen, après avoir été un des bou-
levards de l'empire almoravide, vit la chute de cet empire.
Elle fut le théâtre de la bataille décisive que l'almohade victo-
rieux, Abd-el-Moumin, livra au dernier almoravide, Tâchfîn-
1. Tagrârt^ dit Ibn-Khaldoun, signifie camp {Malialla) en Berbère; — conf.,
pour la fondation de Tagrârt, Ibn-Khaldoun, II, p. 76 ; III, p. 272 ; — Bargés,
Complément, p. 514 (le passage de la Baghyat-ev-Rouwâd, traduit par Bargès
<à cet endroit, ne figure dans aucun des manuscrits que nous avons examinés).
2. Cf., sur le Qaçr el-Qadîm : Brosselard, Tombeaux des Emirs Beni Zeiyân,
p. 53.
3. Cf. Brosselard, les Inscriptions de Tlemcen {Revue africaine, décembre 1858,
p. 86, 87); — Bargès, Tlemcen, ancienne capitale de ce nom, p. 435; — sur
d'autres traces de la conquête almoravide dans le pays de Tlemcen, cf. Bas-
set, Nedromati et les Traras, p. 22 (inscription votive du temps).
16 INTRODUCTION
ben-Ali. Les Almoliades avaient éta1)li et fortifié leur camp dans
la gorge qui ouvre le plateau rocheux dominant la ville au Sud
(esSakhratein^ les deux rochers). Tagrârt, puis Agadir furent
prises, et Tâchfîn-ben- Ali s'enfuit versOranoù il trouva la mort
(1145) ^ Abd-el-Moumin, maître de la ville, la dévasta d'abord ;
puis, peu après, il fît relever les remparts d'Agâdir, augmen-
ter ceux de Tagrârt, et travailla à la Grande Mosquée Ses suc-
cesseurs l'imitent, accroissent et fortifient le vaste périmètre
des murailles, surtout à l'époque de la lutte contre les Beni
Ghânya (1185-1223). Yaqout, qui écrit à l'époque almohade,
donne de Tlemcen la description suivante : « Tlimsân (ou Tnim-
sân) est formée de deux villes voisines, entourées de murs et
distantes l'une de l'autre d'un jet de pierre. L'une est ancienne,
l'autre nouvelle. La nouvelle, tracée par les Almoravides,
s'appelle Tagrârt; c'est là que résident l'armée, les fonction-
naires et diverses classes de gens. La vieille ville, Agâdir est
habitée par la masse du peuple^. » Les derniers Almohades
1. Cf. Histoire des Berbères, 11, p. 85, p. 177 et ss. (Tlemcen, dans ce texte, est
bien distinguée de Tagrârt); 111, p. 337; — noud/i-el-Qarlâs, p. 266, 267 (sui-
vant ce texte, les Almoravides, après la prise de Tagrârt, se seraient mainte-
nus à Agadir jusqu'en M49; — cf. l'exacte discussion de Bargès à cet égard,
ap. Tlemcen, ancienne capitale, etc., 183, 184).
2. Cf. Histoire des Berbères, 111, p. 337 ; — Roudh-el-Qartâs, p. 269, où il
est dit qu'Abd el-Moumin bâtit la grande mosquée de Tlemcen ; par là s'ex-
pliquerait ce fait que, dans l'inscription commémorative datée de 530 de l'hé-
gire, le nom de l'almoravide alors régnant ait été efl'acé (Cf. Bargès, Tlemcen,
ancienne capitale, p. 435, et infrà : Grande Mosquée).
S. Yaiqout, Modjam el-Boldân, p. 870, 871; — sur les constructions des
murs de Tlemcen à l'époque almohade, Bargès, Tlemcen, ancienne capitale,
p. 187, 188.
Une juxtaposition toute semblable à celle de Tagrârt et d'Agâdir est
encore visible à Fâs, composée de deux villes, séparées entre elles par un
oued et munies toutes deux d'une enceinte : Fâs-el-Bâli et Fâs-Djadid.
Fâs-el-Bâli (l'ancienne) est une agglomération populaire, Fâs-Djadîd (la
neuve) ne contient, outre le mellah, que la qasbah et les résidences des fonc-
tionnaires.
INTRODUCTION 17
retravaillèrent vraisemblablement à la Grande Mosquée. La
coupole primitive du tombeau de Sîdi Bou-Médyen à El-Eubbâd
fut l'œuvre du quatrième de ces princes, Mohammed en-Nâcer^.
Les Abd-el-Wcidites ; Tlemcen^ capitale. — C'est à l'époque
almohade que s'installèrent dans le pays de Tlemcen les ancêtres
des plus célèbres de ces futurs maîtres. La grande famille
berbère zenatienne des Abd-el-Wâd, refoulée du Sahara par ^
l'invasion hilâlienne, remonta vers le Nord et vint s'établir
dans la partie occidentale du département actuel d'Oran'-. A la
même époque, leurs frères ennemis, les Beni-Mérin, venaient
occuper le pays qui va de la Molouj^a à Fâs.
D'abord gouverneurs du pays de Tlemcen pour les Almohades,
les Emirs abd-el-wâdites, au déclin de cette dynastie, s'affran-
chissent de toute suzeraineté. C'est Yarmorâsen-ben-Zeiyân qui ^
accomplit cet acte d'hidépcndance. Tlemcen devient capitale;
un royaume du Maghrib central apparaît dans l'histoire, à la
tête duquel les successeurs de Yarmorâsen se succèdent pen-
dant près de trois siècles. Ibn Khaldoun résume en ces
termes l'avènement de Tlemcen à une fortune plus haute :
(( Tlemcen est la capitale du Maghreb central, la métropole pro- ""l
tectrice des tribus zenatiennes qu'elle est toujours prête à
abriter dans son sein... Pendant les guerres d'Ibn-Ghânya, elle
a vu tomber autour d'elles de nombreuses forteresses, Qaçr-
Adjîça, Zerqa, El-Khadhra, Metîdja, etc.. Depuis lors, ces
1. Ci", infrà: les Monuments de Sîdi Bou-Médine ; — Brosselard, les Inscrip-
tions arabes de Tlemcen {Revue africaine^ décembre 1859, p. 83); — Bargès,
Vie de Cidi Bou-Médine^ introducLion.
2. Le nom même des Abd-el-Wàd demeure jusqu'à nouvel ordre inexplicable.
Cf., sur les origines de cette tribu, Histoire des Berbères, III, 302, 326 et suiv. ;
— Bargès, Complément de VEisloire des Beni Zeiyàn, 1-.^, 540 et suiv. ; —
l'arbre généalogique par lequel ces Berbères prétendaient se rattacher à la
famille du prophète apud Bargès, Histoire des Beni Zeiytm, 146, 147*
2
18 INTRODUCTION
villes sont restées désertes. On n'y trouve plus un seul foyer
habité, on n'y entend plus le chant du coq. Tlemcen, au con-
traire, a toujours vu sa prospérité augmenter, ses quartiers
s'étendre, ses maisons, solidement construites en briques et en
tuiles, s'élever et s'agrandir. Les enfants de Yarmorâsen-ben-
Zeiyân, l'ayant prise pour siège de leur empire, y bâtirent de
beaux palais et des caravansérails pour les voyageurs... Elle
prit l'aspect d'une vraie capitale musulmane, siège d'un Kha-
lifat^. » La tentative de Yarmorâsen ne va pas, du reste, sans
rencontrer d'obstacles. Ses quarante-quatre ans de règne se
passent en grande partie à repousser les attaques de ses voi-
sins de l'Est et de l'Ouest. Ces derniers surtout, les Mérinides,
sous les successeurs de Yarmorâsen, chercheront à ramener le
nouvel empire sous la suzeraineté de Pas et de Marrakech.
Ils y réussiront momentanément au cours du xiv^ siècle, et,
pendant vingt-cinq ans, ils seront maîtres de Tlemcen. Cet
1 interrègne mérinide coupe en deux parties distinctes l'histoire
de la dynastie des Beni-Zeiyân.
La première dynastie zeiyânide. — On distingue générale-
ment la première branche régnante des Beni-Zeiyân sous le
nom de dynastie Abd-el-Wâdite. Ces monarques construisirent
beaucoup à Tlemcen. Le fondateur, Yarmorâsen, éleva le mina-
ret de la Grande Mosquée. A l'histoire de cette construction
se rattache une anecdote célèbre que l'on trouvera plus loin
(Cf. infrà: Grande Mosquée). La coupole qui recouvre le tom-
beau de l'imâm Mohammed Ben-Merzouq, à l'angle Sud-Ouest
du bâtiment, date de la même époque; et, suivant la tradition,
Yarmorâsen lui-même aurait été inhumé tout auprès''. En
1. Histoire des Berbères, III, p. 339, 340.
2. Cf. Bargès, Complément de VHistoire des Beni Zeiyân, p. 16 ; — Brosselard,
INTRODUCTION j9
même temps qu'il travaillait à la grande mosquée de Tagrârt,
le monarque Abd-el-Wâdite n'oublia pas celle du vieil Aga-
dir, lien fit réparer le dôme et le minarets Ce dernier, tel
qu'il subsiste jusqu'à nos jours, nous oifre très vraisemblable-
ment Tœuvre de Yarmorâsen. Ce prince travailla activement
aux remparts de la partie occidentale de la ville, dont les
continuelles incursions de l'ennemi rendaient nécessaire le
renforcement-. Enfin les textes mentionnent qu'après la
construction du minaret de la Grande Mosquée, Yarmorâsen
abandonna le vieux château (El-Qaçr El-Qadim) pour des rai-
sons de convenance personnelle et alla jeter dans la partie
méridionale de la ville les fondations d'un nouvel édifice royal.
C'est du Mécliouar qu'il s'agit très vraisemblablement
Cette œuvre architecturale de Yarmorâsen ne fut point, au
reste, le fruit de la paix ; c'est au milieu de guerres continuelles
que le premier des Beni-Zeijân accomplit ses desseins de
fondateur de capitale. A deux reprises, il dut évacuer Tlemcen,
et le voyageur El-Abderi, qui visita la ville en 688, nous en
trace un tableau assez triste : « Cette cité est très belle à
voir, dit-il, et contient de magnifiques choses ; mais ce sont des
habitations sans habitants, des maisons sans propriétaires, des
lieux que personne ne visite. Les nuages pleurent les malheurs
de la ville en versant leurs eaux, et les colombes sur les
arbres déplorent sa destinée en poussant des gémissements^. »
Tombeaux des Emirs Beni Zeit/ân, p. 137, 138; — le Walî Abou'l-hasan Ali Ben-
en-Nejjârîyâ aurait déjà été enterré à cette place (Bargès, op. laud., p. 17).
1. Cf. Bargès, Histoire des Beni Zeiyûn, XXXVII ; — Complément, p. 9.
2. Bargès, Complément.,'^. 2.
3. Cf. Bostân (notre manuscrit), p. 415 ; — Brosselard, Tombeaux des Emirs
Beni Zeiyân, p. 53.
4. Er-Rihla el Maghribiya, traduction Cherbonneau {Revue africaine et colo-
niale, avril 1880, p. 288).
20 INTRODUCTION
Si pénibles qu'aient été ces débuts de Fempire zeijânide, il
n'en reste pas moins qu'il eut la chance d'avoir un fondateur
qui régna près d'un quart de siècle ; dès sa naissance, le droit
à la vie du nouveau royaume s'affirma ainsi énergiquement. —
Les successeurs de Yarmorâsen continuent d'embellir leur capi-
tale au milieu des mêmes embarras. Le siècle que dure la dynastie
Abd-el-Wâdite nous apparaît comme une époque de vie très
^ intense, sous l'impulsion de monarques guerriers, bâtisseurs,
protecteurs des arts et des sciences, braves et violents, sou-
vent diplomates médiocres, mais animés d'une rare et tenace
continuité de vues. Entre deux guerres, ils poursuivent l'œuvre
architecturale du fondateur ; et ces guerres ne sont pas tou-
jours des razzias^ de simples séries d'escarmouches. Elles
mettent parfois en péril l'existence même de la cité abd-el-
wâdite : telle celle qui eut pour épilogue le fameux siège de
Tlemcen, et à laquelle est liée l'histoire de la fondation d'El-
Mansourah (Cf. infrà : El-Mansourah). Deux ans avant le
commencement de ce siège, sous le règne d'Abou-Saîd Otsmân,
J est élevé l'oratoire de Bel-Hassen, la plus richement décorée des
mosquées tlemceniennes (1296) ^ Quelques années après la
délivrance du siège, le sultan Abou-Hammou fait construire
J la médersa, la zâwiya, la mosquée d'Oulâd-El-Imâm
(vers 1310) -, et la mosquée du Méchouar, dans son palais
(( aussi grand que bien des villes » (1317 ; 717 de l'hégire)
Son successeur Abou-Tâchfîn, prince artiste, versé lui-même
1. Cf. Brosselard, les Inscriptions de Tlemcen {Revue africaine, février 1859,
p. 161 et suiv.) ; — et infrà : Mosquée de Sîdi Bel-Hassen.
2. Cf. Bargès, Histoire des BeniZeiyân, p. 43 ; — Complément, p. 58, 63; —
Brosselard, Inscriptions arabes de Tlemcen {Revue africaine, février 1859,
p. 168) ; — et infrà: Mosquée d'Oulàd El-Imàm.
3. Cf. Ibn-Khaldoun, Histoire des Berbères, 111, 396, 397 ; — Brosselard,
Inscriptions arabes de Tlemcen {Revue africaine, mai 1860, p. 246, 247.
INTRODUCTION 21
dans l'art du dessin, passe plus que tout autre pour avoir
contribué à embellir sa capitale. Ce sont surtout des édifices
civils que les historiens lui attribuent, des palais comme le
ddi'- essor ow\ le ddr-ahî-fih\ le ddr-el-moulk^ . Aucun n'est
parvenu jusqu'à nous. Seule la Médersa Tâchfînîya, qui fut
son œuvre, était encore debout au milieu du siècle dernier, et
ne fut complètement démolie que vers 1876. Dans son dernier
état, selon toute vraisemblance, elle offrait surtout l'impor-
tante restauration qu'elle subit environ cent ans après sa cons-
truction, sous le règne d'Abou'l-Abbâs Ahmed-. Entre temps,
Abou-Tâchfîn faisait élever le minaret de la grande mosquée
d'Alger (1323; 723 de l'hégire)'^. Enfin il paraît bien que
\e grand bassin^ situé au Couchant deTlemcen, sous les murs ^
modernes de la ville, doit également être considéré comme son
oeuvre^.
1. Cf. Bargès, Histoire des Beni Zeij./ân, p. 46; — Complément, p. 70, avec
d'intéressants renseignements sur les goûts artistiques d'Abou-Tàchfîn.
2. La Médersa Tâchfînîya portait aussi le nom de Mederm Djadîda (Médersa
neuve) ; — cf., sur sa construction, Rargès, Tlemcen, capitale du royaume de
ce nom, p. 331, 332 ; — Histoire des Beni Zeiyân, p. 47, 48; Complément, p. 77 ;
sur sa restauration par Aboul-Abbàs Ahmed, Histoire des Beni Zeiyân, p. 128;
— les constructions dont les restes de cet édifice faisaient partie étant frappées
d'alignement, lors du redressement de la place Saint-Michel (place d'Alger
actuelle), Duthoit demanda, en 1873, un crédit de 1.500 francs pour l'enlèvement
et l'encaissement des mosaïques qui en décoraient l'entrée {Archives des Mis-
sions scientifiques, IIP série, t. I, p. 325). On en trouvera une aquarelle signée
Danjoy au Musée de Cluny (faite sur les relevés de Collignon, conservateur
des monuments historiques à Tlemcen), des photographies et des relevés dans
les dossiers des monuments historiques (département d'Oran) ; des photogra-
phies à la bibliothèque de l'École des Beaux-Arts (Vues d\ifrique, n°' 1403-83
du Catalogue). Des fragments de mosaïques en provenant figurent dans les
collections du Musée de Cluny et du Musée de Tlemcen.
3. Cf. Bargès, Complément, p. 74, 75 ; — Revue de l'Orient (avril 1857), p. 261
et suiv. ; — Bewoulx, Edifices religieux de Vancien Alger, p. 94 ; Colin, Cor-
pus des inscriptions arabes de V Algérie, I, Département d'Alger, p. 6 et suiv.
4. Cf. Bargès Histoire des Beni Zeiyân, p. 46 ; — Tlemcen, capitale du royaume
de ce nom, p. 350 et suiv. ; — aussi infrà : Enceinte de Tlemcen.
22 INTRODUCTION
C'est dans la quinzième année da règne d'Abou-Tâch-
fîn que tomba la dynastie abd-el-wâdite, première branche
/ des Beni-Zeiyân. Le 27 de Ramadhân 737 (1^^ mai 1337),
après un siège de deux ans, Tlemcen est prise d'assaut par le
mérinide Abou'l-Hasen ; Abou-Tâchfîn succombe dans une lutte
suprême en défendant le Méchouar. Pendant vingt-cinq ans,
Tlemcen va obéir aux princes de la dynastie zenatienne occi-
dentale ^ .
Linterregne mérinide. — Tlemcen n'eut pas à souffrir de
ses nouveaux maîtres. Pendant le quart de siècle qu'ils }'
régnèrent, ils la dotèrent de ses plus beaux monuments.
Toutefois il paraîtra remarquable que, soit à dessein, soit par
hasard, la ville même n'eut pas de part aux fastueuses cons-
tructions des Beni-Merîn; tout au plus réaménagèrent-ils
peut-être le vieux château (El-Qaçr El-Qadîm), qui semble avoir
été presque toujours la demeure de leurs gouverneurs. Mais ce
fut, pour ainsi dire, la banlieue de Tlemcen, qui obtint leur pré-
dilection de pri ices bâtisseurs. Les trois annexes architectu-
rales de Tlemcen, Mansourah, Sîdi Bou-Médine et Sîdi'l-Halwi
■> sont leur œuvre. — Mansourah, œuvre des Mérinides, est anté-
rieure à leur occupation de Tlemcen. L'histoire de la fondation,
de la construction de son enceinte et de sa mosquée se
rattache au premier siège de Tlemcen (1299; 698 de l'hégire).
On la trouvera plus loin rapportée et discutée (Cf. infrà :
El-Mansourah). Mais il paraît certain que nombre d'embel-
lissements apportés à « Tlemcen la Neuve », comme on appela
El-Mansourah, ne datent que de l'interrègne mérinide. La
1. Sur la chute de la dynastie abd el-wàdite, cf. Histoire des Berbères^ IV,
219-224 ; HT, 408 et suiv. ; — Bargès, Histoire des Beni Zeiyân, p. 53 ; — Com-
ple'ment, p. 71.
INTRODUCTION 23
construction d'un palais somptueux, une restauration probable
de sa mosquée furent l'œuvre d'Aboul-Hasen Ali (vers 1348 ;
747 de l'hégire). — Bou-Médine doit aux Mérinides trois des
édifices dont elle se fait gloire : la mosquée, la médersa, le l-
petit palais. On pent dire qu'ils furent les véritables créateurs
de cette localité (Cf. infrà : Sidi Bou-Médine, p. 228 et
suiv.). Enfin, sept années après Sîdi Bou-Médyen, le Pôle,
le Secours mprême, le patron par excellence de leur nouvelle ^
conquête, un autre saint Tlemcenien très vénéré se vit aussi
consacrer un oratoire parles magnifiques vainqueurs (Cf. infvà :
Mosquée de Sidi'l-Halwi).
Restauration de la branche cadette des Ahd-el-Wddites. —
Dynastie Zeiydnide. — Defii34^d, les princes abd-el-wâditesAbou- ^
Tsâbit et Abou-Said avaient réussi momentanément à reprendre
au gouverneur mérinide la capitale de leurs ancêtres. Mais ils
n'avaient pu s'y maintenir contre les armes triomphantes du méri-
nide Abou-lnân. Aussi ne faut-il compter la restauration véritable
des descendants de Yarmorâsen que de 1359 (760 de l'hégire). ^
A cette date, Abou-Hammou Mousa II, petit-fils de Abou-Zaïd,
frère cadet du deuxième sultan abd-el-wâdite Abou-Saîd
Otsmân, réussit à reprendre définitivement Tlemcen aux Méri-
nides^. La dynastie issue de cette restauration est distinguée
sous le nom particulier de dynastie zeiyânide. Cette royauté
de la branche cadette des Beni-Zeiyân est loin d'égaler en
gloire celle de la branche aînée. Elle dura deux cents ans ; ^
mais l'histoire des vingt-cinq princes qui s'y succèdent ofi*re
presque sans interruption le triste spectacle de meurtres,
1. Abou-Tsâbit et Abou-Saîd sont généralement comptés par les historiens
parmi les souverains effectifs; — cf., sur leur histoire et sur la reprise de Tlem-
cen par Abou-Hammou II : Bargès, Histoire des Beni Zeiyân, p. 59 à 68 ; —
Complément., p. 122-146 ; — Ibn Khaldoun, Histoire des Ber})ères., 111, 420-438.
24
INTRODUCTION
d'usurpations, d'appels à l'étranger. Deux seulement des
monarques zeiyânides, le restaurateur de la dynastie, Abou-
Hammon II, et Abou'l-Abbâs Ahmed, le treizième souverain,
ont des règnes un peu longs. Les autres ne demeurent guère sur
le trône que quelques années, certains quelques mois. L'im-
puissance du malheureux royaume zeiyânide à vivre avec
quelque grandeur se manifeste par les continuelles interven-
tions d'abord des Mérinides, qui se considèrent toujours comme
suzerains des monarques tlemceniens, et des Hafcides de
Tunis, plus tard des Espagnols et des Turcs, jusqu'au jour où,
sous le cimeterre de ces derniers venus, la dynastie zeiyânide
s'éteint définitivement. Naturellement, dans cette précarité du
pouvoir, les constructions sont rares; le nombre des monu-
ments zeiyânides est fort restreint et leur importance mé-
diocre. Le premier des princes zeiyânides, Abou-Hammou II,
fut, à beaucoup d'égards, le plus glorieux. Son secrétaire et
historiographe Yahya-beii-Khaldoun, frère du grand historien
des Berbères Abder-Rahmân-ben-Khaldoun, nous a abondam-
ment renseigné sur son long règne ^ Abou-Hammou II, né et
élevé en Andalousie, s'efforça de réunir à sa cour des savants
et des littérateurs. Il composa lui-même de nombreuses poé-
sies et un traité politico-littéraire sur l'art de régner 2. En butte
1. Yahya Ben-Khaldoun, né à Tunis en 1333, mourut assassiné par Tordre
crAbou-Tàchfîn, fils d'Abon-Hammou 11, en 1379 ; il a laissé une histoire de la
dynastie abd-el-wâdite intitulée Baghyat- e^^-rouwâd fî akhhâr el-Molouk min
Beni-Abd-al-Wâd. Il en existe des manuscrits à la Bibliothèque Nationale, à la
Bibliothèque d'Alger et dans un certain nombre de bibliothèques particulières
de l'Algérie (la première partie, Médersa de Tlemcen, n" 11). On trouvera une
biographie de l'auteur et une analyse de l'ouvrage apud Bargès, Complément,
p. 204-217. Bargès a largement utilisé la Baghyat-er-Rouwâd pour ses travaux
sur l'histoire de Tlemcen. M. Bel, professeur à la Médersa de Tlemcen, pré-
pare actuellement une édition de cet ouvrage, avec traduction et notes.
2. Cf. sur ce prince, Bargès, Histoire des Béni Zeiyân, chapitre vu ; — Corn-
INTRODUCTION 25
aux intrigues de son fils Abou-Tàclifîn et aux retours offensifs
des Mérinides,il réussit à se maintenir trente ans sur le trône *^
jusqu'à ce qu'un parricide vînt mettre fin à ses jours (1389 ;
791 de l'hégire). Yahya-ben-Khaldoun nous a laissé de pré-
cieux renseignements sur la capitale zeijânide à l'époque
d'Abou-Hammou^ D'une masse de descriptions enthousiastes
et de poèmes hyperboliques en l'honneur de la cité, il reste à
retenir que Tlemcen avait alors cinq portes facilement identi-
fiables. Le périmètre de Tlemcen, à la fin du xiv' siècle, peut
par là être à peu près exactement déterminé (cf. infvà :
Enceinte de Tlemcen). L'œuvre architecturale d'Abou-Ham-
mou comprend d'abord la restauration de partie de l'enceinte, ^
et du Méchouar, ruinés par le mérinide Abou'l-Abbâs en 789-,
et surtout la construction de la médersa, de la mosquée, et de
la qoubba de Sîdi Brâhîm '^. Ces deux derniers monuments sont
seuls debout aujourd'hui. L'histoire de leur fondation sera
exposée plus loin (cf, m/m .• Mosquée de Sîdi Brâhîm). 11 faut
mentionner encore parmi les oeuvres d'Abou-Hammou la cons-
truction d'une bibliothèque attenante à la Grande Mosquée^,
Enfin un certain nombre de petits oratoires tlemceniens doivent
plément, chap. viii, ix ; — Brosselard, Tombeaux des Emirs Beni Zeiijâii^
p. 58-70 (avec Tépitaphe retrouvée de ce prince). L'ouvrage politico-litté-
raire d'Abou-Hammou II a été traduit en espagnol par Mariano Gaspar, pro-
fesseur d'arabe à TUniversité de Grenade [El Collai' de Pe>'las, Saragosse,
1899), d'après l'Edition de Tunis de 1862.
1. Cf. Barges, Complément, p. 514 et suiv., Tlemcen, ancienne capitale
p. 196 et suiv.
2. Abou Tàchfîn II compléta cette œuvre, cf. ll)n Khaldoun, Histoire des
Berbères, p. 480.
3. Cette médersa est désignée par les textes sous le nom de Médersa Yaqou-
bî'/a, cf. Bargès, Histoire des Beni Zeiyân, rois de Tlemcen, p. 79, 80 ; — Com-
plé?nent, p. 159 et suiv. : — Brosselard, Tombeaux des Emirs Beni Zeiyân^
p. 10, 11,47.
4. Cf. Brosselard, les Inscriptions de Tlemcen [Revue africaine^ dé-
cembre 1858, p. 90).
26 INTRODUCTION
appartenir à Tépoque de la restauration zeiyânide, au règne
d'Abou-Hammou ou à celui de ses successeurs. Mais le témoi-
gnage historique de l'activité architecturale, apparemment
médiocre des premiers Zeiyânides, nous fait défaut, et il faut
descendre jusqu'au règne d'Abou'l-Abbâs Ahmed, le treizième
de ces princes, pour trouver la mention certaine de constructions
^ d'édifices. Abou'l-Abbas restaura la médersa Tâchfinîya^ A la
suite d'un soulèvement populaire inspiré par l'un de ses neveux,
Abou-Zeiyân Mohammed, il fit, au dire de l'historien Tenesi,
élever les murailles du Méchouar, <( ce qui causa grandement
dommage aux propriétaires voisins, dont on dut abattre les mai-
sons ^ C'est également à ce prince qu'il faut attribuer la
construction de l'oratoire, aujourd'hui ruiné (à Texception du
minaret) du petit village de Sîdi-Lahsen, dans la banheue
orientale de Tlemcen. 11 fut consacré à la mémoire de son ami
^ et conseiller, le pieux Sîdi Lahsen Ben-Makhlouf ér-Râchidi,
après la mort de ce personnage-^. A la même époque semble
appartenir le minaret de la petite mosquée du Derb-Msoufa, à
Tlemcen, qui porte le nom du Chîkh Senousi. Ce savant, mort à
la fin du xv° siècle, y enseignait déjà de son vivant. Enfin il n'}^
a guère à attribuer aux Zeiyânides postérieurs que la construc-
tion de la qoubba de Chîkh Senousi. Ce petit édifice fut élevé,
très vraisemblablement, quelques années après la mort du
grand théologien, vers 1490-1500^. C'est à cette époque que
Léon l'Africain visita Tlemcen et en laissa la description, qu'on
a pu lire en tête de cette étude (cf. siiprà^ p. 8, 9).
1. Bargès, Histoire des Beni Zeiycm, p. 128.
2. IcL, p. 133; — Complément, p. 297.
3. Cf. Brosselard, Tombeaux des Emirs Beni Zeiyân,^. 89; — Bargès, Com-
plément, p. 346.
4. Cf. Brosselard, Bévue africaine, avril 1859, p. 246.
INTRODUCTION 27
La domination turque à Tleîucen. — Les Turcs furent les
derniers maîtres de Tlemcen avant nous. Il est à noter que les
chérifs marocains, héritiers des traditions mérinides, cher-
chèrent à deux reprises à rattacher, par la conquête, Tlemcen
à leur empire. Ils furent victorieusement repoussés par les
soldats de l'Ojâq. La vieille capitale, désormais simple annexe
dubeylik d'Oran, subit entre les mains de ces nouveaux maîtres
une profonde décadence. Elle se dépeupla, son enceinte se
réduisit, des quartiers entiers tombèrent en ruines. Lorsque nos
troupes entrèrent à Tlemcen pour la première fois, un cinquième
au plus de la ville primitive était encore habité ^ L'extrême
négligence des nouveaux occupants laissa sans entretien la
plupart des édifices. Le Méchouar, citadelle de la garnison
tlemcenienne, conserva son enceinte de murs; mais beaucoup
des constructions que contenait cette véritable ville tombèrent
à terre-. Les dégradations de Sidi'l-Halwi, du petit palais de
Sidi Bou-Médine, d'Oulâd el-Imâm doivent dater de cette
époque. Tlemcen fut simplement pour les Turcs une place de
garnison. Leur occupation n'y a point laissé de souvenirs épi-
graphiques ou archéologiques. Dans la masse variée des ins-
criptions tlemceniennes, funéraires, votives, dédicatoires, on
n'a pas relevé, à notre connaissance, une seule inscription
turque, alors qu'Alger en offre un grand nombre-^. Le seul
monument de quelque importance qui soit l'œuvre des Turcs
1. Déjà au XVIII'' siècle, cf. Shaw, Voyage dans la Régence d'Alger (traduc-
tion Mac Garthy, Paris, 1830), p. 243 : — Bargès, Tlemcen, capitale du royaume
de ce nom, p. 202; — de Lorral, Voyage à Tlemcen (dans Tour du Monde.
1875, p. 310).
2. Cf. Bargès, Tlemcen, capitale du royaume de ce nom, p. 385.
3. Réunies dans le Corpus des inscriptions de V Algérie ; I, Département
d'Alger (Paris, 1901).
28
INTRODUCTION
nous semble la qoubba de Sîdi Bou-Médjen. On peut affirmer
^ que, dans son dernier état, la plus grande partie de cette
qoubba est une œuvre turque. Une inscription qui figure
sur la porte d'entrée du tombeau donne la date de 1208
(1793 de l'ère chrétienne), et le nom du l)ey d'Oran Moham-
med El-Kebîr^ La restauration de la coupole en bois delà
^ médersa de Sîdi Bou-Médine doit également dater de cet
âge. Une tradition rapportée par Barges attribuait la cons-
truction même de l'édifice au bey Mohammed^. Une autre tra-
dition, recueillie par nous de la bouche de vieux Boumédinois,
rapporte à ce même personnage l'aménagement, actuellement
subsistant, de la maison de l'oukil ; cet édifice aurait été aupa-
ravant une zâwiya pour les pèlerins. Enfin les deux tombeaux
de Sîdi Abdallah Ben-Mançour et de Sîdi Mohammed Ben- Ali, à
Aïn-el-Hout, sont également datés par les inscriptions Tun
de 1804 (1218 h. ; — bevlicat de Mostafa El-Manzali), lautre
de 1761 (1174 h. ; bevlicat d'Ibrâhîm El-Mihani)-'.
C'est, comme on le voit, aux Almoravides, aux Almohades,
aux Abd-el-wâdites et surtout aux Mérinides de Fâs que Tlemcen
doit ses embellissements successifs. En dehors de la Grande
Mosquée, les monuments tlemceniens appartiennent pour la
plupart à l'époque qui va des dernières années du xiii*" siècle
/ au milieu du xiv\ Contemporains des grands monuments de
Grenade, ils forment un groupe se rattachant à la période de
plein épanouissement du style andalous, lui-même rejeton vi-
1. Cf. Brosselard, les Inscriptions arabes de Tlemcen {Revue africaine, dé-
cenibre 1839, p. 87, 88).
2. Cf. Bargès, Tlemcen, capitale du royaume de ce nom, p. 310.
3. Cf. Brosselard, les Inscriptions arabes de Tlemcen [Revue africaine,
janvier 1862, p. 16, 17, 18).
INTRODUCTION 29
goureiix de Tart arabe. Cette époque, qui voyait en France
s'élever les savantes architectures de Saint-Urbain de Troyes,
de Saint-Nazaire de Carcassonne et de Saint-Ouen de Rouen,
étaitaussi marqrée, dans lapéninsule ibérique et dans le Maghrib,
par l'apparition des plus beaux spécimens de cet art ingénieux
et fragile que les Orientaux y avaient transporté avec eux.
Les origines étrangères de Vart arabe cV Orient. — A vrai
dire, lors delà conquête de l'Espagne (709),rart arabe n'avait
pas pris nettement conscience de lui-même : il manquait de
formules traditionnelles et d'ouvriers.
Les premières mosquées d'Orient avaient eu le plus souvent,
pour architectes, non des Arabes, mais des artistes ayant déjà
fait leurs preuves, dans le pays récemment conquis ou dans les
pays voisins. Il n'est pas ju squ'au vieux sanctuaire préislamique
de la Kaha dont une tradition curieuse ne veuille faire l'oeuvre
d'un architecte copte venu d'Alexandrie. C'aurait été, d'autre
part, un chrétien d'Egypte, qui construisit la première mosquée
d'Amr ben-El-Aci à Postât (El-Jâmi El-atîq), un chrétien encore,
qui bâtit la mosquée d'Ahmed ben-Touloun au Caire, en 879 ^
Les Perses aussi furent souvent employés comme architectes.
« Quand les Arabes, dit Ibn Khahloun, eurent cessé d'observer les
préceptes stricts de leur religion, et quand le goût d'une vie
luxueuse et de la domination les eut pris, ils apprirent des Perses
subjugués les arts et l'architecture, et bâtirent des édifices som-
ptueux- ». Enfin et surtout les Grecs eurent un rôle important
dans la formation de ce qui devait être l'art arabe. Le cahfe El-
1. Cf. Gorbett Bey, The life and works of Ahmad ibn Tûlûn (dans Journ.
of Ro/j. asiat. Society, 1891); — Maqrizi, texte arabe, H, 265; — sur les
influences de Tart copte sur Fart musulman d'Egypte, cf. Gayet, VArL arabe^
p. 26 et suiv.
2. Prolégomènes, texte Quatremère, II, p. 231, 232; Traduction, 11, 274.
INTRODUCTION
Walîd, fils d'Abd-el-Malik, fit venir douze cents ouvriers deCons-
J tantinople pour reconstruire la mosquée de Damas. Longtemps
les Omeyyades eurent auprès d'eux des maîtres byzantins qui
formèrent des disciples arabes — Parfois les souverains musul-
mans se contentèrent de désaffecter les temples des religions
vaincues pour les accommoder au nouveau culte : TÉglise Saint-
Jean de Damas en fournit un exemple célèbre. Très souvent
aussi des morceaux d'architecture étaient arrachés aux édi-
fices existants pour être utilisés dans les mosquées 2.
Vart arabe en Espagne et dans l'Afrique du Nord. —
Ces collaborations, ces emprunts se continuèrent dans le Maghrib
et en Espagne quand les Arabes en furent maîtres. Oqba ben
Nâfi construit la mosquée de Cairouan, et c'est « une véri-
table forêt de colonnes à chapiteaux antiques de toutes pro-
venances-^ ». Pour élever le palais de Zahra, près de Cordoue
(commencé en 936), Abd-er-Rahmân III réunit les archi-
tectes et les artistes les plus habiles de Bagdad, de Cons-
tantinople et d'autres lieux. ^ Dans ce même palais, on trou-
vait des colonnes empruntées aux édifices d'Asie Mineure,
d'Italie, aune église chrétienne de Sfax, des cuves de marbre,
apportées de Jérusalem par un personnage que les historiens
arabes désignent sous le nom de « Rabî l'évêque^ ». De fré-
1. L'emploi d'ouvriers byzantins pour la construction des mosquées de
Damas, de Jérusalem et de Médine est mentionné par la plupart des histo-
riens arabes ; nous nous contentons de renvoyer à Ibn Rhaldoun, Prolégo-
mènes, traduction, II, 268, 375 ; — Cf. Bayet, VArt byzantin, p. 288 et ss.
2. Au vil'' siècle de l'hégire encore, un portail enlevé à une église des
croisés à Saint-Jean-d'Acre est transporté au Caire et incorporé à la madrasa
de Malik Ncàçir (Cf. Maqrizi H, 382 ; Prisse d'Avennes, VArL arabe, pl. XXXIV).
3. Cf. Saladin, la Mosquée de Sidi Okba à Cairouan, Paris, 1899, p. 50, 58
et suiv.
4. Girault de Prangey, Essai sur Varchitecture des Arabes, p. 53.
5. Cf. Maqqari, Analectes sur Vhistoire et la littérature des Arabes d'Es-
iNTRODUCTÎON 31
quents rapports existent entre les califes de Cordoue et les
empereurs de Byzance ^ L'examen des monuments moresques
d'Espagne des viii% ix^ et x^ siècles en montre nettement
les effets.
Première période^ arabo-byzantine -. — Le plus noble re-
présentant de cette première période est le vénérable édifice de
la mosquée de Cordoue (commencée en 786), l'ancêtre de
toutes les mosquées d'Espagne et du Maghrib. Il faut citer, à
côté, une mosquée de Tolède, maintenant église Del-Cristo de
la Luz (965), des bains publics à Grenade et à Barcelone,
enfin quelques fragments du cloître de Tarragone.
Les caractères qui distinguent cette première période sont,
outre l'emploi de matériaux, de systèmes d'appareillage et de
charpente antiques, la forme des arcades généralement en
fer à cheval, souvent découpées en festons, ne présentant
jamais l'ogive, qui était cependant en usage dans les monu-
ments d'Egypte contemporains, l'emploi du dôme hémisphé-
rique qui venait de Byzance, la forme des chapiteaux,
copies grossières de types corinthiens et composites, l^emploi
dans les arcades des voussoirs colorés ou alternativement
lisses et colorés, enfin le style des décors garnissant les sur-
faces, palmettes, entrelacs, tout à fait semblables à ceux
qu'on observe sur les monuments byzantins de Coiistan-
tinople, de Ravenne et de Venise.
L'influence byzantine, très reconnaissable dans les monu-
ments d'architecture, est peut-être plus tangible encore, dans
pagne, I p. 372, 373; Description de lalcazar de Ez-Zahra d'après Conde et
Murphy, ap. Girault de Prangey, p. 51 et ss.
1. Cf. Dozy, Histoire des Musulmans d'Espagne, III, p. 93.
2. Nous empruntons cette commode division en trois périodes au bon
livre de Girault de Prangey.
32 INTRODUCTION
les produits de l'art industriel espagnol, qui ne se distinguent
guère ^, que par des inscriptions arabes, des objets analogues
d'art bj^zantin.
Deuxième j^ériode. — Transition. — Une période de tran-
sition, oii l'art arabe occidental se dégage lentement de l'imi-
tation byzantine, remplit les deux siècles qui suivent
(xf et XII'), période assez mal connue par suite du petit
nombre des monuments étudiés. L'énigmatique chapelle de
Villa- Viciosa à Cordoue, la tour de la Giralda et quelques
parties anciennes de l'Alcazar de Séville, tels sont les spé-
cimens dont Texamen a pu jusqu'ici servir aux archéologues
à déterminer les caractères de cette phase intéressante. Il
faut y ajouter les palais Sicihens de la Cuba et de la Zisa, qui
datent vraisemblablement du xii' siècle, époque de l'occupation
normande. « De nouvelles recherches..., disait Girault de
Prangev, pourront compléter, un jour, les notions qu'il a été
possible de recueillir sur les édifices de cette époque
intermédiaire entre Cordoue et Grenade - ». C'est du Maroc
surtout, qu'il faut attendre, à notre avis, les documents
les plus importants sur cette période intéressante de l'archi-
tecture maghribine. Les grandes mosquées de Fàs et de Mar-
rakech, sinon dans leur ensemble, au moins dans leurs parties
principales semblent dater de cette époque. Tous ceux qui
s'intéressent à l'art musulman d'Occident doivent inqjatiemment
1. Au Louvre, une boîte en ivoire, sculptée pour El-Moghîra, fils d'Abder-
Rahmàn est toute byzantine de style. — Le goût des œuvres byzantines se pro-
longea bien après que les musulmans eurent produit eux-mêmes des œuvres
originales. A TAlliambra, on conserve une cuve rectangulaire en marbre,
d'un travail purement byzantin ; c'est un présent fait au roi de Grenade, et
dont Tinscription arabe en caractères cursifs porte la date de 704 de l'hé-
gire (1304 de rère chrétienne).
2. Essai sur V architecture des Arabes, p. 207.
INTRODUCTION
33
désirer le jour où paraîtra une description complète, appuyée
d'une illustration abondante, de la Kotoubîya de Marrakech,
de la Qarawîyîn de Fâs, de la tour de Hassan à Rbât K Enfin,
parmi les monuments qu'on trouvera étudiés plus loin,
la Grande Mosquée de Tlemcen, qui fut construite vers 1136,
nous offre un document de première importance. Encore toute
imprégnée de tradition byzantine, elle marque cependant,
comme nous tenterons de le montrer, un pas en avant vers
une formule d'art plus libre et plus raffiné.
Troisième période. — Artmoresçtie. — C'est à Grenade qu'eut
lieu l'éclosion de cet art à la fois léger et touffu, fragile et
foisonnant, qui intéresse et séduit davantage par l'ingéniosité
du détail que par la composition d'ensemble, à qui manqua
le plus souvent le sentiment de la grandeur d'aspect et le
souci de la noblesse de la matière.
L'Alhambra en est le modèle le plus achevé. Les princes
artistes des Beni'l-Ahmar, ayant fait de Grenade le siège de
leur empire, transformèrent en un palais de rêve la vieille
citadelle, dont dès le xf siècle Sawar ibn-Hamdoun el-Qaisi
avait jeté les premiers fondements. Le père de la dynastie,
.Mohammed ech-Chîkli commença l'œuvre, et, pendant deux
siècles, ces successeurs y travaillèrent, ajoutant des salles,
1. Cf. Sur les constructions et agrandissements successifs de la Qarawîyîn,
Qartâs, p. 65-92 ; — Kilâb el-Istiqçâ, I, p. 77. — Sur les constructions des
Maghrâwiens et des Almoravides à B'às, Qarlas, p. 152,199; — Istiqçâ, I,
p. 109. — Sur la construction de la Kotoubîya, Istiqçâ^ 1, 151 ; — Sur les
constructions de l'Almohade El-Mansour, Qarlâs^ p. 323 (Ce prince fit bâtir
les trois tours célèbres : le minaret de la Kotoubîya, la tour de Hassan à
Rbât, et la Giralda de Séville; suivant la tradition, elles seraient l'œuvre
d"un même architecte) ; — qm^'û htiqçâ, I, 180; — et W. Marçais, Six Ins-
criptions arabes du Musée de Tlemcen (dans Bulletin archéologique, 1902,
p. 546). — On doit attendre beaucoup de la publication des matériaux amassés
par M. Edmond Doutté, pendant ses séjours au Maroc de 1901 et 1902.
3
34
INTRODUCTION
des portes, une mosquée, des bains, des jardins intérieurs,
enrichissant le décor, inscrivant tour à tour leurs noms et
leurs devises dans l'éblouissant revêtement des murs*. — Plus
encore que TAlhambra, l'Alcazar de Séville subit des modi-
fications sous ses maîtres successifs. Un examen un peu
attentif de ce palais montre qu'il peut difficilement servir
pour étudier l'évolution du style. L'homogénéité de ses garni-
tures, qui, si nous les comparons à celles des monuments d'une
date plus certaine, semblent rattacher celui-ci aux dernières
années du xin'' siècle, n'est en efî"et qu'apparente. Un goût
archéologique curieux poussa ses possesseurs chrétiens à le
restaurer presqu'en entier dans le style moresque de cette époque.
Plusieurs salles portent dans un cartouche, en caractères cou-
fiques d'une belle allure, rinscription suivante : « Gloire à
notre maître le sultan don Pedro 2. » Un tel « truquage », s'il
jette un jour intéressant sur les prolongements de l'influence
arabe, sur les rapports sans haine établis entre vainqueurs et
vaincus, sur le dilettantisme très moderne des princes espa-
gnols de la fin du xiv^ siècle, doit faire prudemment rejeter
tous les renseignements archéologiques qu'on pourrait puiser
à l'Alcazar.
Déjà la note sommaire, mais précise, que ce savant a fait paraître dans le
Journal Asiatique sar la mosquée de Tin-Mâl, retrouvée par lui, peut être
considérée comme un document fort important (janvier-février 1902J. Nous
lui sommes personnellement redevables de la communication de bonnes
photographies du minaret de la Kotoubîya.
1. Cf. Owen Jones et Jules Goury, Plans, élévations, sections and détails of
Allvimbra, 1842, p. 7 et suiv. ; — aussi Almegro Gardenas, Inscripciones
arabes de Granada, 1879, passim; — Simonet, Descripcion del reino de Gra-
nada, 1860, p. 41 ; — l'article Granada de Dozy, dans Allgenieine Encyclopœ-
die de Brockhaus.
2. Izzoun limaoulâna ssoltdn don Pedro ; — cf. Amador de los Rios. Ins-
cripciones arabes de Sevilla, p. 44 et suiv. avec la bibliographie antérieure de
la question.
INTRODUCTION 35
Il semble bien que les monuments de TJemcen aient été,
moins que ceux d'Espagne, soumis aux courants de la mode.
C'est que nous n'avons pas à faire dans la cité maghribine
à des palais que chaque maître s'efforce d'accommoder au
goût du jour où à ses convenances personnelles. Les rési-
dences royales de Tlemcen ont disparu tour à tour, le Mé-
chouar abd-el-wâdite, comme le château mérinide de Man-
sourah^ Ce qui nous reste à étudier, ce sont des mosquées, de
jjroportions réduites, auxquelles on naguère touché après leur
fondation. Chaque monarque préfère en élever une autre à côté
de celle de son prédécesseur, et s'acquérir par cette œuvre,
toute personnelle, des mérites auprès de Dieu. Chez un
peuple resté fidèle à la religion musulmane, assez respectueux
des traditions, ayant d'ailleurs perdu toute initiative créatrice,
toute habileté artistique, les édifices religieux ont pu sub-
sister et parvenir jusqu'à nous, attaqués par le temps sans
doute, mais n'ayant pas eu trop à souffrir des hommes, ruinés
parfois, mais rarement déformés par des embellissements
maladroits.
On ne trouve pas ici de ces œuvres de « recherche » comme
la plupart de nos cathédrales gothiques, où se sente le travail
lent et inquiet, l'apport laborieux des générations successives.
Les mosquées de Tlemcen semblent plutôt des conceptions de
princes artistes et croyants, vite réalisées par des ouvriers
habiles. Leurs dimensions généralement restreintes, la sim-
plicité du plan, la commodité des matériaux employés, tout
1. Cf. suprà, p. 21, 23, 27; le seul spécimen de résidence royale qui
subsiste à Tlemcen est un monument très ruiné, et de très modestes
dimensions; c'est celui que nous étudierons plus loin, sous le nom de Petit
PALAIS d'El Eubbad; son état d'extrême délabrement fait qu'il est de second
ordre pour l'étude de l'archéologie tlemceniennc.
36 INTRODUCTION
facilitait la promptitude de F exécution et assurait par con-
séquent Thomogénéité du stjle.
Architectes et ouvriers. — On ne saurait relever avec trop
de soin les noms d'architectes et d'artistes musulmans fournis
par les textes épigraphiques et historiques. Utilisés avec ré-
serve et critique, ils peuvent constituer de bons documents pour
l'histoire encore obscure de l'art arabe ^ Malheureusement dans
le Maghrib, comme en Orient, les renseignements précis sur la
personne des constructeurs et des décorateurs sont extrêmement
rares. Une tradition nous fournit le nom incertain de l'architecte
qui aurait élevé à la fois la tour de Rbât, la Giralda, et le
minaret de la Kotoubîya. Un texte historique nous mentionne
l'auteur des boules dorées qui décoraient la Giralda; et là
s'arrêtent nos informations sur les artistes almohades Par-
ticulièrement, pour ce qui concerne les édifices tlemceniens,
c'est de quelques textes épars, que l'on peut établir sur l'ori-
gine des artistes mérinides ou abd-el-wâdites, d'assez fragiles
conjectures. Le nom même que nous fournit l'inscription com-
mémorative tracée à la coupole de la Grande Mosquée n'est
pas celui de l'architecte ; c'est, comme il arrive le plus sou-
vent, celui de l'intendant des travaux, du fonctionnaire « sous
la surveillance^ duquel on a élevé l'édifice. »
Pour ce qui concerne la période abd-el-wâdite, il faut tou-
\. Cf. Van Berchem, Matériaux pour un corpus^ p. 47, note 3; 5, note 1.
2. Cf. Qartâs^ p. 323, 234; — Girault de Prangey, dit d'après Ibn-Saîd :
« C'est des provinces d'Andalousie que les émirs Almohades Youçouf et Yaqoub-
El-Mansour firent venir des architectes pour toutes les constructions qu'ils
élevèrent à Maroc, à Rbàt, à Fez, à Mansouriah. » [Essai sur Varchitectin-e des
Arabes, p. 116.) — Sur les ouvriers et artistes employés par les Almohades,
voir aussi les observations de Goldziher, ap. Materialeri zur Kennlniss der
Almohaden bewegung {Z. D. M. G., 1887, p. 105).
3. Alâ yad, mot à mot par la main. Cf., sur cette expression, Van Ber-
chem, Matériaux pour un corpus^ p. 84, 85.
INTRODUCTION 37
tefois considérer comme assez important le passage suivant
d'Ibn-Khaldoun : « A l'époque d'Abou-Hammou P' et de son fils ^
Abou-Tâchfîn, les arts étaient très peu avancés à Tlemcen,
parce que le peuple, qui avait fait de cette ville le siège de
son empire, conservait encore la rudesse de la vie nomade ;
aussi ces princes durent s'adresser à Abou'l-Walîd, seigneur
de l'Andalousie, afin de se procurer des ouvriers et des arti-
sans. Le souverain espagnol, maître d'une nation sédentaire
chez laquelle les arts avaient nécessairement fait beaucoup
de progrès, leur envoya les architectes les plus habiles de
son pays. Tlemcen s'embellit alors de pahiis tellement beaux
que depuis on n'a jamais rien pu construire de semblable »
Ce renseignement vient jeter une clarté nouvelle sur l'étroite
parenté qu'un examen archéologique révèle entre les monu-
mionts grenadins et les édifices abd-el-wâditos. D'après un autre
historien, Abou Tâchfîn aurait employé à ses coûteuses cons-
tructions des milliers d'esclaves chrétiens (?) tant architectes,
que maçons, faïenciers, doreurs et peintres-. Enfin, l'on
verra plus loin "^, que des carreaux de faïence, figurant dans
un monument abd-el-wâdite, la mosquée du Méchouar, sont -
sûrement de fabrication andalouse. Les premiers souverains
de la dynastie tlemcenienne auraient donc tiré de la brillante
Espagne à la fois des équipes d'ouvriers et des matériaux
pour la décoration des édifices de leur capitale. Ils ne furent
jamais cependant que des souverains du Maghrib, tandis que
leurs frères ennemis, les Mérinides, furent des monarques à la
1. Histoire des Berbères, III, p. 480.
2. Bargès, Complément de Vliistoire de Beni-Zeiyân, p. 69, 70; — Histoire
des Beni-Zeiyân, p. 46.
3. Cf. infrà : Mosquée du Méchouar.
38 INTRODUCTION
fois africains et andalous. Aussi paraît-il légitime de pré-
sumer que la collaboration d'artistes espagnols n'est pas
étrangère à la réelle beauté des monuments dont ces der-
niers princes dotèrent Tlemcen conquise. Une inscription du
minaret de Nedromah fournit le nom d'un architecte de cette
époque. Malheureusement ce nom est de lecture incertaine et
l'ethnique qui l'accompagne est difficilement identifiable Un
autre texte épigraphique tlemcenien, nous fait connaître un
artiste d'ordre secondaire de la période mérinide. C'est l'ins-
cription funéraire du sculpteur sur bois qui construisit le
minhav de la mosquée de Sidi Bou-Médine. Ce personnage
est qualifié de el-Djazîri, el-Marrâkchi, c'est-à-dire né à
Algérisas et fixé par la suite à Marrakech. C'était donc un
andalous d'origine-. Quant au nom d'Ahmed el-Lamti qui
figure sur une colonne de la mosquée de Sîdi'l-Halwi, il faut
résolument renoncer à suivre Brosselard lorsqu'il propose de
voir dans ce personnage le sculpteur de la colonne portant son
nom et du chapiteau qui la surmonte Un examen attentif
nous a révélé la présence, sur le fût de la colonne, d'un cadran
solaire. C'est ce cadran et non la colonne qu'Ahmed el-Lamti
a signé. L'inscription où figure son nom, nous offre un inté-
ressant spécimen tlemcenien de coufique astronomique, et un
fac-similé en sera donné plus loin ^. Mentionnons encore la
curieuse légende rapportée par Bargès et qui fait venir d'Es-
pagne le revêtement de bronze des portes de Sîdi Bou-
1. Cf. Basset, Nedromah et les Trm^as^ p. 28, 21 ; note 1.
2. Cf. W. Marçais, Six inscriptions arabes du Musée de Tlemcen [Bulletin
archéologique, 1902, p. 544 et suiv,).
3. Cf. Brosselard, les Inscriptions arabes de Tlemcen {Revue africaine,
août 1860, p. ,324).
4. Cf. infrà : Mosquée de Sîdi'l-Halwi.
INTRODUCTION
39
Médine. Peut-être rimagination populaire n'a-t-elle fait à ce
propos qu'embellir (rincidents merveilleux une vieille tra-
dition relative à Torigine andalouse de ce remarquable tra-
vail 1 .
Ce n'est guère que dans la période de pleine décadence, à
l'époque turque et à celle d'Abd-el-Kader, que l'on rencontre des
signatures d'artistes sur des monuments tlemceniens. Dans le
décor de plâtre, qui orne l'entrée du tombeau de Sîdi Bou-
Médyen, est inscrit le nom de El-Hâchemi Çarmachîq, avec la
date de 1208 de l'hégire (1793). Ce personnage appartenait
A^raisemblablement à une famille d'ouvriers d'art turcs, fixés
à Tlemcen ; car nous retrouvons les noms de deux autres
Çarmachîq sur des inscriptions d'une mosquée de Mascara,
avec cette mention qu'ils sont originaires de Tlemcen Enfin
l'ouvrier en bois qui fit le minbar de la mosquée de Sîdi
Brâhîm en 1832 (1248 H.) a également signé son œuvre ; il s'ap-
pelait Ben-Ferfara, et c'est à lui encore que la tradition
attribue la chaire de la mosquée de Sîdi Bou-Médine édifiée
par l'ordre d'Abd-el-Kader vers 1843^.
Le Plan. — Le plan du temple tlemcenien, c'est celui
qu'on retrouve en Orient comme en Espagne, à la mosquée
d'Amr comme à la mosquée de Cordoue, avec ses éléments vrai-
1. Cf. Bargès, Tlemcen, ancienne capitale du royaume de ce nom, p. 297,
298. L'on ne doit bien entendu attacher aucune importance à une autre
légende, qui fait collaborer un architecte juif ou chrétien à la construction du
minaret de Mansourah ; c'est une invention toute moderne destinée à expli-
quer la chute de la moitié du minaret et la conservation de l'autre moitié
(cf. Bévue africaine, m<ii 1860, p. 311).
2. Cf. Brosselard, les Inscriptions arabes de Tlemcen {Revue africaine,
décembre 1859, p. 87, 88); — Ch. Leclerc, Inscriptions arabes de Mascara
{Revue africaine, octobre 1839, p. 43, 46).
3. Cf. Brosselard, Tombeaux des Emirs Beni-Zeiyân, p. 50, n. 1, et Bulletin
archéologique, 1902, p. 546.
40
INTRODUCTION
semblablement dérivés de la basilique byzantine ^ La porte
principale, placée le pins souvent dans le grand axe du monu-
ment, donne entrée dans le çahn, sorte à'atriu7n rectangulaire,
bordé sur trois faces par des portiques aune ou plusieurs nefs.
Au milieu se trouve le mîdha^ le phiala byzantin, où de l'eau
courante sert aux ablutions rituelles. Du côté du çahn opposé
à la porte, s'ouvrent des nefs parallèles, qui constituent la vé-
ritable salle de prière-. Ces nefs sont, dans les mosquées anté-
rieures au xv'' siècle, perpendiculaires au mur de la façade
principale. Percé dans le mur du fond, suivant le grand axe,
se trouve ce qui tient lieu de sanctuaire, dans ces temples
sans mystères et sans idoles, le mihrâh. sorte diabside atro-
phiée, indiquant aux fidèles la direction de la Kaba de La
Mecque, le pôle dn monde musulman. C'est là que se place
rimâm dirigeant la prière des fidèles. Une coupole précède
presque toujours la niche du mihrâb, qui fait extérieurement
saillie sur le mur du fond. Parfois, une seconde coupole s'élève
au centre de la salle de prière, dans la nef médiane, plus
1. Cf., sur Torigine des éléments constitutifs de la mosquée : Van Bercliem,
Notes d'archéologie^ p. 20 et suiv. ; — Malériaux pour un corpus inscriplio-
num arabicarum, p. 536. — Dans les mosquées de l'Afrique du Nord, Tinfluence
toute syrienne de la madrasa et de son plan cruciforme ne se fait jamais sentir.
La mosquée garde son plan primitif jusqu'à la conquête ottomane, qui fait
apparaître de rares spécimens de la mosquée à coupoles successives (par
exemple la Mosquée de la Pêcherie à Alger). D'autre part, la médersa du Nord
de l'Afrique, dont un intéressant spécimen sera étudié plus loin (Cf. Médersa
DE sÎDi bou-Médine), n'a aucun rapport avec la madrasa orientale des Ayyou-
bites. C'est un édifice sui generis dont il faut chercher les éléments d'abord
dans la mosquée elle-même, puis vraisemblablement dans les zâvnya et les
ribât ; nous reviendrons plus loin sur cette question,
2. A Tlemcen, les nefs sont désignées sous le nom assez impropre de ma
bîn elaqwâs, «ce qui est entre les arcades». Les noms classiques de balai et
de bahou sont tout à fait inusités (Cf. leur emploi dans les textes ap. Dozy,
Supplément aux Dictionnaires arabes^ p. 3, 123). Une travée s'appelle çaff
« rangée», parce que chacune d'elles est occupée dans la prière par un rang
de fidèles.
INTRODUCTION 41
large que les autres. Cette disposition, fréquente en Orient,
rappelle Sainte-Sophie de Constantinople.
L'établissement de la coupole précédant le mihrâb néces-
site un plan carré inférieur. Il en résulte que la travée qui
longe le mur du fond doit être égale, en largeur, à la nef
médiane, généralement plus large que les autres nefs. En
plan, la rencontre de la travée du fond et de la nef médiane
engendre la forme T, dont on a signalé l'analogie avec la
forme en tau des églises chrétiennes primitives ^. Cette dispo-
sition ne devait rien avoir, au reste, de traditionnel ni d'obligé.
11 est en effet curieux de remarquer que, visible dans les mos-
quées mérinides, elle ne se retrouve pas dans le plus ancien
des temples tlemceniens ; nous décrirons, en étudiant cet édi-
fice, la tricherie qui a permis de négliger cette égalité (cf.
infrà Grande Mosquée.)
Orientation des mosquées. — Nous ne saurions aborder
ici d'une façon générale la délicate question de Torientation
des mosquées. L'histoire de la qihla dans les différents paj^s
que soumit successivement la conquête musulmane mériterait
sûrement Thonneur d'une sérieuse monographie, pour laquelle
les historiens, les géographes, et surtout les traditionnistes
offriraient d'importants documents. Nous marquerons simple-
ment d'une façon sommaire, quelques points concernant
Torientation des oratoires tlemceniens.
La tradition veut que l'emplacement de leurs mihrdh ait été
déterminé par l'observation des astres et plus particulièrement
de la constellation d'Orion (El-Jaouzd)-. 11 s'en faut de beau-
1. Cf. Saladin, la Mosquée de Sidi-Okba, p. 38, 39, 40.
2. Indiquée en effet par les textes de droit comme un des points de repère
pour la fixation de la qihla dans le Maghrib (Cf. El-Bannàni sur Abd-el-Bàqi
sur Skli-Rhalîl, édition du Caire, 1307, I, p. 186, m fine).
42 INTRODUCTION
coup que ce procédé primitif ait assuré l'unité de l'orientation
dans les mosquées tlemceniennes. D'un édifice a un autre, la
direction de la qîhla est assez variable. Elle va du Sud-Sud-
Est à l'Est-Sud-Est. Il ne semble pas cependant, pour la
plupart des édifices religieux, que les sultans mérinides ou
abd-el-wâdites aient été gênés dans l'orientation de leurs
constructions nouvelles par la présence de constructions
voisines préexistantes. Les mosquées de Mansourah, de
Sîdi'l-Halwi, de Sîdi Bou-Médine, par exemple, ont été
élevées, pour ainsi parler, en rase campagne, ce qui
n'empêche pas que chacune d'elles nous offre une orientation
différente. Aucun obstacle de cette nature ne paraît non plus
avoir existé pour la plupart des oratoires situés à l'intérieur
delà ville. Dans tous les cas, le souci d'une orientation un peu
exacte aurait pu alors donner l'idée d'un procédé constructif
qui se rencontre parfois en Egypte : la disposition oblique du
mihrâb dans la muraille ^ Or cette disposition ne se rencontre
dans aucune des mosquées tlemceniennes. L'axe du mihrâb
y est invariablement perpendiculaire au mur qui contient sa
niche. C'est donc que le souci dont nous parlons n'a point existé
chez les constructeurs tlemceniens. Plus tard, il est vrai, des
scrupules sont nés. Des voyageurs ont dénoncé l'orientation
inexacte des mosquées maghribines 2, et aujourd'hui il n'est
pas rare que de pieux musulmans, lorsqu'ils font la prière à la
1. Cf., sur rorientation des mosquées égyptiennes, Van Berchem, iVo^es
d'archéologie^ I, p. 90, note 3; — Matériaux pour un Corpus^ p, 7, note 1; —
Ravaisse, Essai sur V histoire et la topographie du Caire, I, p. 423,
note 1.
2. Dans une glose manuscrite sur Sidi-Khalil due au chîkh Mohammed-ben-
Abd-er-Rahmàn El-Tlimsàni (xii" siècle de Thégire), il est dit ironiquement
que « les maghribins ont deux qibla, une vers laquelle ils prient, et l'autre
vers laquelle ils font le pèlerinage?.
INTRODUCTION 43
Grande Mosquée de Tlemcen, ne se tournent légèrement vers
la gauche du mihrâb ^ .
D'une façon sommaire nous pouvons distinguer comme il
suit l'orientation des principales mosquées tlemceniennes : Sud-
Sud-Est la Grande Mosquée, la mosquée de Bou-Médine, la
mosquée de Sîdi Brâhîm; Sud-Est les mosquées de Bel-Hassen,
d'Oulâd el-Imâm, de Sîdi'l-Halwi, de Sîdi Lahsen ; Est-Sud-
Est la mosquée de Mansourah, et aussi les oratoires ruinés
d'Eubbâd es-Sefii, y compris probablement le monument que
l'on désigne couramment sous le nom de Qoubba de Sîdi Bou-
Ishâq et-Tayyâr.
Nous donnons ce classement rapide sans nous hasarder à en
tirer aucune conjecture. En outre nous appellerons qibli^
ou Sud, le côté de la qihlajaoïifi ou Nord, le côté opposé à la
qibla, gharhi ou occidental, le côté situé à droite du mihrâb
pour un observateur qui fait face à sa niche, charqi ou orien-
tal, le côté situé à gauche. Ces désignations, si peu exactes
qu'elles soient, au point de vue d'une détermination rigoureuse
de l'orientation, se retrouvent au reste dans des textes relatifs
aux mosquées tlemceniennes
Mobilier. — C'est dans la salle de prière que se trouve le
minbar^ chaire de l'imam, sorte d'escalier de bois adossé au mur
du fond^, généralement à droite du mihrâb, le sedda (banc)
1. Il en serait de même, nous assure-t-on, à la Qarawîyîn de Fàs, et même
à la prière du vendredi, le mosamma avertirait à haute voix les fidèles de se
tourner légèrement à gauche du mihrâb; il serait important, dans une étude
sur les édifices religieux marocains, de noter exactement l'orientation des
mihrâhs.
2. Par exemple, la table des hahous de Sîdi Bel-Hassen (Cf. Revue africaine,
février 1859, p. 163),
3. Il est parfois mobile et peut, à volonté, être repoussé dans une loge
ménagée dans le mur pour le recevoir. lien est ainsi à la Grande Mosquée de
Tlemcen {Comp. Doutté, ap. Journal asiatique, Janvier 1902, p. 160).
44
INTRODUCTION
du haut duquel le mommmi reproduit pour les fidèles
éloignés les attitudes de Timâm, et leur <( fait parvenir » sa
prière^ Le sedda^ dont nous ne trouverons que deux exemples
à Tlemcen,^ est généralement composé d'un plancher surélevé,
auquel un escalier donne accès, et qui porte une balustrade
sur ses quatre faces; il est ici placé dans Taxe du monument-
et occupe toute la nef centrale. C'est là enfin qu'on trouvait la
maqçoura^ enceinte permettant aux sultans de faire la prière
en sûreté Toutes ces pièces d'ameublement ne sont d'ail-
leurs point indispensables, et ne se rencontrent que
dans les mosquées oii l'on célèbre le service solennel du
vendredi.
L'ameublement des mosquées tlemceniennes est, comme
1. Les noms de sedda et de mosammi sont employés dans le Maghrib; en
Egyptien le sedda porte le nom de dikka, et le mosammi celui plus con-
forme à la technologie rituelle de mohalUçjh (Cf. Lane, Modem Egyptians^
I, 106).
2. CeUe position médiane du sedda n'est pas nécessaire, A la mosquée
d'Amr, au Caire, il est placé à droite de Taxe en regardant le mihrâb. A la
mosquée de Cordoue, il se pourrait que la chapelle Villa-Viciosa, élevée d'en-
viron 3 mètres au-dessus du sol, et contiguë à la coupole centrale, mais à
gauche de celle-ci, ait été construite pour remplir ce rôle, après que la
mosquée elle-même eut été augmentée vers la gauche, d'un certain nombre de
nefs.
3. A Tlemcen, il n'y a plus une seule maqçoura en place; celle de la grande
mosquée existait encore il y a trente ans, et un important fragment en a été
transporté au musée de la ville. 11 date de l'époque almoravide et porte ime
inscription d'un type curieux, intermédiaire entre le caractère arrondi et le
caractère rectangulaire, C{ue l'un de nous a publiée (Cf. Bulletin archéolo-
gique, 1902, p. 548 à 551). — Le nom de maqçoura (m. à m. partie séparée)
reçoit, au reste, bien d'autres applications. En Égypte, il en est arrivé à dési-
gner toute la salle principale de prière, et aussi la grille de bois ou de métal
qui entoure les sarcophages de saints (Cf. Lane, Modem Égypliaus, 1, p. 299,
II, p. 340). A Cairouan, nous le trouvons dès une époque ancienne donné à
une partie de la mosquée réservée aux femmes et isolée du reste de l'édifice
(Cf. El-Bekri, p. 21 ; Saladin, la Mosquée de Sidi Okba, p. 21,70). Jl en est de
même aujourd'hui à Tlemcen. Enfin nous dirons plus loin quelques mots des
rapports de la maqçoura avec la « chambre de prêche ».
INTRODUCTION 45
on le voit, fort sommaire, et en outre, il est très peu artis-
tique. Les ouvrages de boiserie n'occupent pas un rang d'hon-
neur dans la vieille cité abd-el-wâdite. On n'y trouve par
exemple aucun spécimen de ces beaux pupitres à Coran (Koiirsi)
qui font l'orgueil de certaines mosquées égyptiennes ^ Le sedda
est fruste; les minbar sont simples, massifs, et font triste
figure à côté de la belle chaire de style byzantin de la mosquée
de Cairouan Cependant, au dire de vieillards de Sîdi Bou-
Médine, la mosquée de cette localité possédait encore, au
siècle dernier, un minbar mérinide précieusement sculpté et
incrusté d'ivoire^. Il aurait été mis en pièces dans les troubles
qui suivirent la première apparition des troupes françaises à
Tlemcen.
Dépendances. — Des dépendances d'importance variable
s'ajoutent à ces temples : d'abord le minaret (dans toute
l'Afrique du nord çaoïwia)^ la tour du haut de laquelle le
moiieddin lance cinq fois par jour la profession de foi musulmane
et l'appel à la prière. Accolé à Tun des murs de la mosquée, sou-
vent au mur de façade'*, le minaret tlemcenien est toujours
construit sur plan carré, et rappelle la Giralda de Séville. Un
parapet entoure la plate-forme. Il est généralement crénelé de
merlons en trapèzes dentelés'*. Un édifice terminal, également
1. Cf. Gayet, VAri arabe, p. 229 et suivantes. Bourgoin, Précis de l Art
arabe. La Menuiserie, Pl. 79, 80, 81, 93 et 95.
2. Cf. Saladin, la Mosquée de Sîdi-Okba, p. 104 et suiv.
3. Gomp. la description du minbar de la Qarawîyîn ap. Qarfâs, p. 79; Léon
l'Alricain, II, p. 75.
4. A la grande mosquée de Tlemcen, au milieu du mur Nord comme il était
à Cordoue, à Séville (?) et à Cairouan (Cf. Saladin, la Mosquée de Sidi-Okba,
p. 4).
5. Cette forme de merlons est extrêmement ancienne. On trouve déjà des
formes analogues à l'acropole de Suze, dans TArabie méridionale, etc. (Cf. de
Landberg, Étude sur les dialectes de l'Arabie méridionale : 1, Hadraniout , p. 400,
46
INTRODUCTION
carré, sorte de campanile décoré de fausses arcades et percé de
la porte de l'escalier, s'élève au milieu de la plate-formel II
est surmonté d'ornements de cuivre, couronnes ajourées, boules et
croissants 2. Construit généralement en dernier lieu, le minaret
n'apparaît pas comme une dépendance essentielle delà mosquée.
Il semble bien que la Grande Mosquée de Tlemcen s'en soit pas-
sée pendant près de soixante-dix ans ; de même la mosquée
Qarawîyin à Fàs, la Kotoubîjaà Marrakech et la Grande Mos-
quée d'Alger, n'eurent des minarets que de longues années après
leur fondation
Une autre dépendance, qui, elle aussi, n'est en usage que
note 1 ; — Perrot et Chipiez : Hist. de l'Art, III, p. 263 et ss.) ; Les murs extérieurs
de la mosquée de Cordoue sont entièrement couronnés de motifs semblables.
Voici, d'autre part, ce quen dit Saladin pour la Tunisie : « L'apparition des
merlons en dents de scie sur les couronnements des crêtes ne me parait pas
devoir être antérieure à la fm du ix'' siècle ou au commencement du x% en Tu-
nisie du moins. » {Mosquée de Sidi-Okba, p. 43.)
1. Bargès prétend que la chambre qui occupe parfois cet édifice terminal
est l'habituelle demeure du moueddin {Tlemcen, ancienne capitale du royaume
de ce nom, p. 439). Ce renseignement est tout à fait fantaisiste. La chambre
placée au sommet d'un des plus grands minarets que nous ayons à étudier a
exactement 1 mètre de côté ! Elle sert simplement à abriter le moueddin, pen-
dant l'appel à la prière, les jours de pluie ; on y renferme aussi divers acces-
soires, notamment l'étendard blanc qui flotte le vendredi au sommet du
minaret.
2. Les croissants datent de l'époque turque ; quant aux boules de cuivre ou d'or,
leur emploi dans le Maghrib est assez ancien. Les boules {tafâfîh, littéralement
pommes) qui couronnaient le sommet de la Giralda sont célèbres dans les chro-
niques arabes (cf Roudh-el-Qartâs, p. 323; — Kitâb el-Istiqça, I, p, 180).
Les boules du minaret de la grande mosquée d'Alger, sont mentionnées avec
éloge dans l'inscription commémorative de ce monument (Cf. Corpus des Ins-
criptions arabes de VAlgérie, 1, 6 et 7). Le minaret de la Qarawiyîn fut
surmonté de l'épée d'Idrîs II {Roud/i-el-Qartûs, p. 70). On attribue parfois aux
boules des minarets ou à des ornements métalliques qui surmojitent les
dômes des mosquées des vertus magiques (Cf. un curieux passage du Qartâs^
p. 72, 73, et Léon l'Africain, I, 199). Les couronnes ajourées sont parfois
d'un travail assez délicat. Nous donnons plus loin le fac-similé de l'inscrip-
tion qui décore l'une d'elles, provenant de la Grande Mosquée de Tlemcen
(Cf. inf., fig. 23).
3. Cf. Qartâs, p. 69; Istiqra, I, p. 180; Corpus. Alr/er, loc. cit.
INTRODUCTION 4^
dans les mosquées cathédrales, est la «chambre du prêche ».
Appuyée au mur du fond derrière le mihrâb^ dont elle enve-
loppe en quelque sorte la saillie, cette salle, très simple, en
appentis, communique avec la mosquée par une petite porte
percée à gauche du mihrâb. C'est de cette petite chambre ^ que
sort le prédicateur^ lorsqu'à loffîce solennel du vendredi il se
dispose à monter au minbar pour prononcer le sermon prescrit
par la loi reUgieuse. Un curieux passage d'El-Bekri autori-
serait presque à en voir l'origine dans une extériorisation de
la maqçoura^ ; et de fait à Tlemcen, cette salle est fréquem-
ment appelée maqçoura^^ mais son nom le plus courant est
« chambre des morts ^ ». C'est qu'à Tlemcen une coutume plus
ou moins ancienne^ veut que, aux enterrements qui ont lieu
le vendredi et les jours de grandes fêtes, on introduise le
brancard funèbre dans cette salle pour que l'imam fasse sur
le cadavre la prière des funérailles. C'est là une pratique
légèrement hétérodoxe, peu compatible avec la pure doctrine
mâlikite^, mais fortement enracinée.
Il va sans dire que c'est le plan théorique d'une mosquée
complète que nous venons de détailler. Mais il s'en faut que
tous ces éléments soient toujours réunis ; nous en étudierons,
1. Cette salle est mentionnée dans les textes sous le nom de ddr el-Khitâba.
Cf. Kharchi sur KlialîL (édition du Caire, 1307 de l'hégire), I, p. 443, 1. 14; comp.
Dosldn notre ms., p. 71, 1. 8.
2. Cf. El-Bekri, p. 24, in principio.
3. Elle sert aussi de sacristie ; on y met à Tabri divers accessoires fort
simples, utiles au service du culte (comp. Journal asiatique, septembre 1848,
p. 257).
4. Bit El-Djandiz ; c'est le nom que lui donne toujours Duthoit dans son
Rapport.
5. La prière des funérailles faite à la Grande Mosquée est déjà mentionnée
pour des personnages tlemceniens du ix" siècle de Thégire (Cf. Boslân, notre
ms., p. 89 et 302).
6. L'introduction des morts dans la mosquée est, en principe, rejetée dans
48 INTRODUCTION
et non des moins riches au point de vue ornemental, qui n'ont
pas de çahn^ ni de portiques ; d'autres n'ont pas de minaret.
Il semble que Télément indispensable de ces temples soit,
avec la salle où Ton fait la prière en commun, la niche indi-
quant la qibla; nous verrons cependant qu'elle ne peut servir
à les caractériser nettement, car on la rencontre dans des
édifices de destination toute autre, médersa, qoubba des tom-
beaux, etc.
Dépendances extérieures. — Les alentours immédiats
de la mosquée tlemcenienne doivent être considérés comme
dépendances du sanctuaire lui-même. Fréquemment un acte de
habous en consacre le caractère rehgieux et imprescriptible. Il
en est ainsi, par exemple, à Sîdi Bou-Médine, où l'acte de fonda-
tion de la mosquée place au nombre de ses habous le reste du
terrain demeuré libre autour d'elle après sa construction i. Ce
terrain est occupé par un chemin étroit qui fait le tour de l'édi-
fice et permet l'accès de ses différentes portes. Des arcades
partant du mur de la mosquée vont joindre la masse du roc qui
la surplombe. Un chemin du même genre existe autour
de Sidi'l-Hahvi, et un autre existait sur trois faces de la Grande
Mosquée. Du côté Est de ce dernier monument, il subsiste aujour-
d'hui encore une pittoresque allée à arcades dont il sera parlé
plus loin (Cf. m/m, Grande Mosquée). Pour d'autres oratoires
de moindre importance, il n'a jamais existé autour de chemin de
le rite mâlikite (Cf. Kharchi sur Khalîl, II, p. 41 ; — Zorqâni sur le Mowatta,
II, p. 14, 15); les Musulmans tlemceniens scrupuleux font, au reste, remarquer
que, à la rigueur, la « chambre des morts» extérieure à la mosquée n'en fait
pas partie. A Alger, il y avait, dans le voisinage immédiat des mosquées-
cathédrales, mais séparé d'elles, un oratoire funèbre appelé moçalla (Cf.
Devoulx, Édifices religieux de V Ancien Algei', p. 96, 97).
1. Cf. Brosselard, les Inscriptions arabes de Tlemcen [Revue africaine^
août 1859, p. 412 et 416).
INTRODUCTION 49
dégagement, mais les constructions voisines, parfois adossées aux
murs mêmes de la mosquée, faisaient très souvent partie de ses
haboiis. Elles offraient un logement aux fonctionnaires de
Toratoire, moueddin, imâm, etc., ou encore, les revenus en
étaient affectés au service du culte. Il en est ainsi, par exemple,
à la mosquée de Bel-Hassen et à celle du chîkh Senousi^.
Les alentours de la mosquée peuvent encore être occupés
par diverses dépendances. Nous reparlerons plus loin des tom-
beaux vénérés qui s'élèvent dans le voisinage immédiat de cer-
tains oratoires tlemceniens. Pour le moment, nous devons citer
en première ligne, parmi les annexes extérieures des mosquées,
les latrines publiques [motahherdt). Ces édifices comprennent
essentiellement une cour centrale carrée, à ciel ouvert ou
recouverte d'un dôme. Autour sont disposés des bas-
sins rectangulaires pour l'ablution, des logettes-cabinets
d'aisance avec un bassin carré de petites dimensions, une ou
plusieurs loges munies d'un bassin de dimensions moyennes
pour le ghosl^ c'est-à-dire la lotion rituelle générale [iiaqdir),
1. Cf. Brosselard, les Inscriptions arabes de Tlemcen {Revue africaine^
février 1839, p. 163; septembre 1861, p. 325). — Au mur Sud de la Grande
Mosquée, étaient aussi adossées des boutiques, constituées en habous
au profit de la mosquée. — Un exposé des idées musulmanes sur le
harim^ c'est-à-dire sur l'espace non bâti qui joint un édifice et en dépend (cf.
lÂsân El-Avab, XV, p. 14), fournirait la matière d'une intéressante étude. Il
faudrait suivre dans le droit et dans la coutume locale l'histoire du liarîm,
harîm bédouin de la tente (et aussi des arbres), puis harini du puits et de
l'abreuvoir, Jiarim citadin de la maison, et enfin harim des édifices religieux.
Les traités de droit contiennent, à cet égard, au chapitre des Terres mortes,
d'importants renseignements. Pour ce qui concerne les alentours immédiats
des oratoires, il faut remarquer que, lorsque la place manciue dans l'intérieur
d'une mosquée-cathédrale, les fidèles peuvent valablement faire la prière du
vendredi dans les rues contiguës et dans les boutiques adossées aux murs de
l'édifice. C'est donc que ces alentours sont considérés comme faisant partie de
la mosquée (Cf. l'intéressant passage de la glose d'El-Bannàni sur Abd-el-
Bâqi, sur Khalîl; le Caire, 1307 de l'hégire, II, p. 5,")).
4
50 INTRODUCTION
De l'eau courante alimente abondamment ces divers bassins*.
En outre le tout se complète parfois d'une fontaine publique
extérieure. Les anciennes latrines de la Grande Mosquée ont
disparu : elles occupaient un espace assez considérable, au
Nord de l'édifice, sur un emplacement qui fait aujourd'hui
partie de la rue de la Paix. Les latrines de Sidi Bou-Médine
et de Sidi'l-Halwi subsistent encore dans leur état primitif et
seront étudiées plus loin. A Sidi Lalisen, d'après le témoignage
oral de vieux habitants du village, un édifice ruiné, situé à
l'Est du minaret subsistant, et séparé du reste de la mosquée
par l'étroit chemin d'un derh (impasse), contenait des latrines,
une fontaine publique placée sous une voûte, et au premier
étage une école. C'était à peu près la disposition classique
d'un édifice fréquent en Égjpte, le Sabil-Kouttâb (fontaine-
école)-. Remarquons à ce propos qne l'institution de la fon-
taine publique n'a jamais joué, à Tlemcen, le rôle important
qu'elle a tenu en Orient 3. Sans doute un certain nombre
d'anciennes fontaines ont pu disparaître depuis la conquête ;
mais, au dire de vieux Tlemceniens que nous avons consultés,
les fontaines publiques ont toujours été peu nombreuses dans leur
1. Gomp. Léon l'Africain, II, p, 66.
2. Cf. Van Berchem, Matériaux pour un Corpus, p. 432 ; — 11 faut rappro-
cher encore de la fontaine- école égyptienne un édifice algérien maintenant
disparu et qui portait le nom de « zâwiya» de la Grande Mosquée (Gf.
Devoulx, Édifices religieux de l'Ancien Alger, p. 123 et 83).
3. A Tlemcen, le nom habituel de la fontaine est seqqâya, pluriel sqdqi.
(De Goeje, Glossaire de Beladsori, seqàya) ; — l'autre mot maghrihin sebbâla,
qu'il faut vraisemblablement rapprocher du saô?^ des dialectes orientaux (litté-
ralement « celle qui abreuve pour l'amour de Dieu ») est employé par les seuls
Juifs : ce serait donc que, dans les idées populaires rétlétées par le langage
courant, « l'abreuvement des MusuUuans » n'est pas considéré ici comme
l'œuvre agréable à Dieu par excellence (Gf., sur l'évolution du mot sabîl, Van
Berchem, Matériaux pour an Corpus, p. 230 ; — Goldziher, Moliammedanische
Studien, II, 390, 391).
INTRODUCTION 5l
ville et rarement ornées de pompeuses inscriptions dédicatoires.
C'est que nous avons à faire ici à une cité montagnarde, où
presque chaque maison possède un puits d'eau vive. Les princes
et les gouverneurs tlemceniens n'ont donc pas eu à assurer, par
des fondations officielles, T approvisionnement en eau de leurs
sujets et de leurs administrés ^
Proportions. — Les proportions adoptées pour les mosquées
sont assez constantes et très simples. Si, en suivant l'axe qui
va du Jaouf {côté Nord) à la giùla^ l'on additionne la largeur
de la première nef à la longueur de la cour, on obtient une
distance égale à la profondeur de la salle de prière, moins le
mihrdh. La cour seule est égale à la salle de prière moins la
coupole du fond. Le centre de la mosquée se trouve donc
assez exactement placé en avant des premiers piliers de la
nef, à l'endroit oii un renfoncement, découpé dans le pavage
surélevé de cette nef, indique la position du mihrdb aux
fidèles placés dans la cour.
Les nefs dont le nombre est fort variable — il va de
trois jusqu'à treize, — ne sont pas en largeur inférieures
à 2°", 70, et supérieures à 4™, 60. Cette persistance des
largeurs réduites, pour ainsi dire indépendante des dimen-
sions totales de l'édifice, et qui se constate aussi bien
dans les mosquées que dans les monuments civils, pro-
1. Rappelons cependant qu'El-Bekri déjà mentionne l'adduction de l'eau à
Tlemcen par des travaux d'art {Description de V Afrique, p. 12). A Alger, les
fontaines à inscriptions sont très nombreuses, mais elles datent toutes de
l'époque turque, et ont généralement des inscriptions turques [Corpus des
inscriptions de VAlgérie, I, n°' T7, 18, 79, 80, etc.). C'est que les gens de
rOjâq étaient pénétrés des idées de l'Orient musulman sur l'institution des
fontaines fî sahîli 'Ilah. 11 serait intéressant de relever les inscriptions des
fontaines publiques de Fàs, qui, nous assure-t-on, sont nombreuses, et d'exa-
miner soigneusement leurs dates.
52 INTRODUCTION
vient vraisemblablement des exigences de la charpente, de
la rareté des bois de grande taille et de résistance suffisante.
Les plus longues pièces ne dépassent pas 5 mètres de long,
et les plus grosses 20 centimètres au carré.
Matériaux. — Les matériaux sont :
D'abord le bois^ généralement cèdre ou tuya, que Ton
trouve, simplement équarri dans les charpentes, sculpté, gravé
et formant en des assemblages de très savantes combinaisons
dans les solivages apparents, dans les auvents et les portes,
ou posé brut, en brins minces, dans les plafonds de maisons
privées, ou bien encore noyé dans le corps des maçonneries en
longrines, constituant un chahiage qui consolide les murs.
Le pisé (tâljia), ciment fait d'argile, de sable, de chaux et
de débris de toutes sortes, battu sur place dans des caisses
d'environ 0"',80 de hauteur. Il prend avec le temps la con-
sistance d'une pierre très dure, et ses ruines forment des chi-
cots d'un seul bloc régulièrement criblés de trous. Ces trous
ont été laissés par les ais qui réunissaient les parois du
moule. Un enduit de plâtre recouvrant les surfaces inté-
rieures et extérieures les dissimulait aux yeux ; cet enduit
tombé, ils apparaissent, intriguant fort les touristes par leur
symétrie i.
La terre cuite sous son triple aspect de brique, de tuile et
de terre émaillée.
Les briques ^ ont ordinairement 0°',26 de long, 0°',12 de
1 . Cf. Une intéressante description de la fabrication du tâhia, ap. ibn-Khaldoun
Prolégomènes, II, p. 372 ; — cf. aussi, Dozy, Supplément aux dictionnaires
arabes, II, p. 65, 66. — L'emploi de ce genre de « construction compacte »est
extrêmement ancien ; les Phéniciens s'en sont couramment servi. Sur le
pisé à Carthage, cf. Perrot et Chipiez, Hist. de l' Art, t. 111, p. 363, et suiv.
2. La brique crue, si employée en Orient et dans le Maghrib oriental, ne
INTRODUCTION
53
large à peine, 0"',04 d'épaisseur. Les joints ont environ 0°", 03,
mais ils s'augmentent suivant les besoins de F appareillage.
Les tuiles creuses sont des portions do cône très allongé ;
elles sont souvent couvertes d'un émail vert à base d'oxyde de
cuivre.
La terre éniaillée joue un rôle important dans la déco-
ration extérieure ; elle forme ce qu'on a assez improprement
appelé la mosaïque de faïence, combinaison de morceaux vernis-
sés, de tons différents, découpés suivant un dessin et encastrés
les uns dans les autres Ces morceaux, probablement moulés,
cuits, puis couverts et recuits avec l'émail, sont ajustés ensuite
à la lime et posés selon le carton sur des plans convenablement
dressés ; ils sont enfin assemblés et reliés entre eux d'un bon
mortier de sable et de chaux ; ils forment ainsi de grandes
plaques de 0°',05 environ d'épaisseur, que l'on fixe sur la paroi
à décorer par des broches d'osou de bois scellées dans les joints.
La terre est d'unrouge assez sombre ; lesémaux dont ils sont cou-
paraît pas avoir joué un grand rôle dans le Maghrib occidental et en Anda-
lousie; le pisé en tient lieu,
1. Ary Renan donne du procédé cette description minutieuse : «C'est comme
si on découpait une lettre grasse, un A, par exemple ; cliacun voit qu il res-
terait un petit triangle isolé : ce petit triangle, faisant partie du fond, sera
coloré de la môme couleur que le fond; quant aux deux jambages et à la
bande transversale, il serait peut-être dangereux de les tailler d'une seule
pièce; on les scindera en trois segments; et, comme on aura ménagé dans le
fond une rainure de dimension égale, on pourra recomposer la lettre A en ses
quatre morceaux, dont trois noirs et un blanc... {Gaz. des Beaux- Arts, 1893
t. t, p. 188). — En réalité, dans l'exemple choisi, le trapèze ayant pour petit
côté la bande transversale de l'A et pour côtés non parallèles la base des
deux jambages constituerait probablement un cinquième morceau; mais si
les rainures véritables sont rares, les anneaux évidés dans une plaque pour
être ensuite remplis par un fragment d'un ton différent se rencontrent assez
fréquemment. On pourra d'ailleurs constater, par l'examen des figures, que,
dans ce travail, analogue à celui que nécessite le montage en plomb d'un
vitrail, les marqueteurs tlemceniens n'ont pas reculé devant les coupes les plus
délicates.
54
INTRODUCTION
verts sont de nombre limité, maisde tonalité franche et d'un admi-
rable effet. Le blanc est d'une belle pâte, demi-mate, légèrement
verdâtre, très peu craquelée. Le brun de manganèse est
généralement employé très épais, de manière à former un ton
presque noir. Le jaune est un jaune de fer assez impur, don-
nant une ocre verdâtre et mouchetée où les craquelures sont
fréquentes. Le vert de cuivre est de valeur et de ton très
variables; dans le même décor on le rencontre, très sombre
et très profond, ou très clair et se rapprochant soit du céladon,
soit du bleu turquoise. Le bleu de cobalt est assez rare; il ne
semble pas avoir été employé à Tlemcen avant la seconde
moitié du xiv*" siècle; il est clair et assez pur.
Le plâtre^ revêtement habituel des murs arabes, passé au
balai ou rayé simplement de traits horizontaux simulant un
appareillage ; à l'intérieur, il est appliqué en épaisseur sur
une couche de mortier et retenu par des clous carrés à tête
large; parfois moulé et rapporté par morceaux^, parfois taillés
sur place d'après un dessin préalablement établi ~, repercé de
défoncements allant de quelques millimètres' à plus dd cinq
centimètres de profondeur. Il semble moins fin que celui du
revêtement des palais espagnols.
1. Girault de Prangey cite une des salles de l'Alhambra, la salle des Aben-
cerages, dont, suivant une tradition, on aurait refait le plafond à stalactites,
ruiné presqu'en entier, à l'aide des anciens moules fortuitement conservés.
— Il semble bien qu'à Tlemcen les ornements de quelque relief aient été
coulés à part, puis plaqués sur les fonds. I La mosquée d'Oulâd-el-ïmâm pré-
sente la trace de colonnettes, tombées par la suite, avec les intailles prépa-
rées pour accrocher ces plaquages. Nous renvoyons d'ailleurs au chapitre
consacré à ce petit sanctuaire; on y trouvera un assez curieux procédé se
rapportant à la technique du plâtre, f^^'^^i
2. Ibn Rhaldoun décrit ainsi le travail du plâtre sculpté : « Le plâtre est
délayé dans l'eau, puis, quand il a pris corps, mais qu'il est encore humide,
on façonne cette masse sur un modèle donné avec des ébauchoirs en fer^ jus-
qu'à ce qu'il ait pris du poli et un aspect agréable [Prolégomènes^ p. 321, t. IL
INTRODUCTION
55
hdi pierre est assez rare. Elle est représentée par quelques
blocs de grand appareil, le plus souvent empruntés aux mo-
numents antiques, quelques chapiteaux de grès^ plus fré-
quemment par des chapiteaux et des fûts de colonnes taillés
dans un hQdJX inarbre onyx transparent et chaud, que les sul-
tans abd-el-wâdites et mérinides tiraient vraisemblablement
des carrières d'Aïn-Taqbalet ^
Formes extérieures. — Le minaret carré, les toits plats
surmontant chaque nef, telles sont les formes extérieures des
mosquées tlemceniennes. Nous sommes ici dans une cité mon-
tagnarde, les pluies et les neiges n'y sont pas rares, elles
doivent pouvoir s'écouler au versant des toits de tuiles; donc,
ainsi qu'à Grenade et à Marrakech, peu de dômes de plâtre;
les coupoles s'indiquent extérieurement par des pavillons à
quatres croupes; les nefs ont aussi des combles en pyramide.
Seuls, certains tombeaux sont couverts par des dômes hémi-
sphériques ou à pans coupés, forme consacrée de la qoubha-.
Notons aussi que des bains et des latrines publiques pré-
sentent également des dômes percés par des jours.
L'emploi habituel du pisé, et surtout de la brique et du
plâtre, matériaux commodes, à la fois portatifs, légers, et
offrant, quand ils sont bien liés, des masses d'une cohésion
Traduction, II, p. 373). C'est de l'emploi de ces ébauchoirs en fer, bien connus
de tous les artistes qui travaillent le plâtre, que vient vraisemblablement le
nom de Naqch hadida {sculpture au fer), donné au revêtement de plâtre. Sur
ce nom, cf. Dozy, Supplément aux dictionnaires arabes, I, 256; Beaussier,
Dictionnaire arabe, p. 687. A Tlemcen, simplement hadîda {Nâqch étant sous-
entendu).
1. C'est du marbre assez semblable à celui de l'Alhambra, qui provoquait
si justement l'admiration d'Henri Regnault (Cf. Correspondance, p. 306 et ss.).
2. Le mot qoubba s'emploie indifféremment pour désigner tous les genres
de coupoles : coupoles de tombeaux, coupoles de mihrâbs, coupoles de
porches (Cf. Van Berchem; Matériaux pour un corpus, 288, note in fine).
56 INTRODUCTION
suffisante, ne devaient pas orienter les Arabes vers les pro-
blèmes de la construction. Quelques formules simples, emprun-
tées aux Byzantins et médiocrement appliquées, firent tous les
frais de l'anatomie des édifices.
Construction. — Nous avons dit plus haut la composition
des murs de pisé et de briques. Parfois les assises horizon-
tales de ces dernières sont interrompues par des rangs en
diagonale, parfois par des lits de moellons. Plus souvent on
trouve ces moellons chargeant le sommet seul au départ des
voûtes.
Le plus simple des solivages employés est, dans les bâti-
ments privés, la juxtaposition de rondins de bois reposant sur
les deux murs parallèles et recevant directement la chaux et
le béton soigneusement pilonné des terrasses.
Dans les édifices publics, les voûtes les plus employées sont
la voûte en berceau et la voûte d'arête, formée de la péné-
tration d'une voûte cylindrique longitudinale par une seule ou
par plusieurs voûtes cylindriques perpendiculaires. Parfois
des rondins de bois alignés au sommet des murs, parallèlement
à l'axe des berceaux, semblent servir de sommier à l'amor-
cement de ces berceaux.
Nefs, couloirs, escaliers sont généralement couverts sui-
vant ces deux modes classiques.
Nous avons vu qu'il était rare que les toits fussent à deux
pentes seulement. Il est, par conséquent, peu fréquent de voir
ces berceaux buter contre un mur de pignon. Une portion de
voûte cyhndrique les termine souvent aux deux extrémités.
Un revêtis de plâtre les garnit intérieurement. Ce genre de
voûte allongée et surbaissée se rapproche beaucoup de la
construction des coupoles ou qoubbas.
INTRODUCTION 57
Celles-ci sont à pans coupés ou circulaires, appareillées
par assises. Exceptionnellement on trouve à la Grande Mosquée
de Tlemcen une de ces coupoles primitives formées de cintres
entrecroisés, dont la mosquée de Cordoue, et surtout Téglise
del Cristo de la Luz à Tolède présentent de si curieux
exemples [fig. 19).
C'est la demi-Yoûte d'arête qui forme ordinairement la
trompe d'encorbellement sur laquelle reposent les coupoles
tlemceniennes [ficj. 1)
La légèreté des matériaux qui composent les voûtes en
berceau et le faible écartement des murs goutterots, font que
ces voûtes n'exercent pas de poussées bien considérables. La
couverture de tuile est plus lourde, mais il résulte de
la disposition des nefs parallèles qu'elles se contrebutent les
unes les autres, et que, loin de s'additionner, leurs poussées se
neutralisent. Il n'est besoin de lutter que contrôla poussée des
charges des nefs extrêmes. Des contreforts, parfois même des
arceaux, réunissant la mosquée aux édifices voisins, sont,
vraisemblablement dans ce but, dressés contre les murs exté-
rieurs. Il convient de remarquer d'ailleurs que, de même qu'à
Sîdi Oqba et à Cordoue, ces contreforts ne correspondent pas
toujours aux points où la butée des arcs en rendait rétablis-
sement logique.
Des tirants, peut-être même un cliainage de bois nojé dans
les murs, achèvent de consolider la construction.
1. Le petit monument, dont nous donnons ici une vue intérieure, est un de
ceux que Ton rencontre à El-Eubbàd es-Sefli (Voir, sur cette agglomération, inf.^
Pl. XVI et contexte). Uniquement formé d'une coupole portée par quatre piles
réunies entre elles par des arceaux, il présente une curieuse analogie avec
l'édicule achéménide de Férachbad (Cf. M. Dieulafoy, VArl antique de la Perse,
t. IV, p. 77, fig. 56 et 57).
INTRODUCTION 59
Charpentes. — Comme pour les voûtes, le type des charpentes
est emprunté aux monuments antiques. Extrêmement simples,
elles offrent, avec les fermes romaines dont les vestiges nous
sont parvenus, une très grande analogie ^ Ces fermes sont, en rai-
son de la faible dimension des pannes, assez rapprochées les unes
des autres. Rarement des entraits s'assemblent à la base des
arbalétriers, mais des entraits retroussés consolident la charpente
et supportent un plan décoratif de caissons formant plafonnage.
Parfois les sommets des chevrons sont simplement réunis
entre eux par des chevilles ou des clous, leurs pieds noyés
dans la maçonnerie sans sabHère ni patins. La voHge seule
maintient tout le chevronnage dans son plan.
Ce genre de charpente, peu compliqué, devint par la suite
de moins en moins savant. Nous montrons ici (^^. 2) un comble
de qoubba datant de Toccupation turque. 11 est assez élevé au-
dessus de l'extrados. Les bois sont àpeine équarris, les assem-
blages, mal faits, sont maintenus par des clous. Au sommet se
réunissent huit arbalétriers : un pour chaque arêtier, un pour
le miUeude chaque croupe.
Quand on les compare aux Occidentaux du moyen âge on
peut, sans être taxé de sévérité, juger les Arabes de médiocres
constructeurs, empruntant à autrui des formules dont ils ne
semblent plus comprendrele véritable but, en créant eux-mêmes
d'autres, dont ils ne tirent aucun parti logique pour concourir à
la stabilité de leurs édifices.
Les preuves qui peuvent appuyer ce jugement se ren-
contrent à chaque pas dans Texamen de leur technique.
On sait l'heureux usage que les Gothiques firent de l'arc
1. Entre autres, le temple de Sbeitla (Tunisie), cité par Saladin [Conférence
sur VArt musulman, faite à VUnion syndicale des Architectes français, p. 12).
60 INTRODUCTION
brisé, comment ils modifièrent Tare roman en en faisant deux
tronçons distribuant logiquement les poussées. Or, cet arc
exista de tout temps chez les Arabes ; mais ils ne s'en servirent
jamais que comme d'une forme décorative, sans modifier en
l'adoptant leurs procédés habituels de construction.
L'encorbellement à stalactites qu'ils empruntèrent aux
FiG. 2. — Angle crun comble de qoubba (époque turque).
Persans ne fût pour eux, en Occident du moins, même
lorsqu'ils le reproduisaient en pierre, qu'un moyen de décor.
Quant aux ouvrages en bois de faibles dimensions, voici
ce qu'en dit Viollet-le-Duc : « Les ouvrages de bois des Arabes,
des Orientaux ont au moins conservé la formule traditionnelle
INTRODUCTION 61
de la véritable menuiserie, et si les artisans n'en comprennent
pas et n'en savent plus appliquer la structure, du moins ils en
ont respecté l'apparence ^ » Nous constaterons, à propos des
plafonds de Sîdi'l-Halwi, la justesse de cette apprécia-
tion.
Mais si les artistes musulmans ne furent que de piètres construc-
teurs, il convient de reconnaître qu'ils furent, en revanche, des
décorateurs de premier ordre. Sans s'attarder à la recherche
des matières rares, sans viser aux tours de force de l'habileté
technique, sans laisser leur esprit s'égarer aux inventions
d'une symboHque compliquée, ils dépensèrent libéralement leur
science d'ornemanistes purs, de calligraphes élégants et
souples. Sur des supports maladroitement édifiés, ils appli-
quèrent, avec des clous et du mortier, un « maquillage »
toujours séduisant, étonnant parfois de richesse et de grâce
facile.
C'est ce qui, pensons-nous, suffira à expliquer la place
importante réservée à l'ornementation dans le texte et l'illus-
tration de la présente étude.
Les arcs. — Nous l'avons vu plus haut, la courbure donnée
aux arceaux ne fut jamais pour les Arabes le résultat d'un
raisonnement de constructeur, mais plutôt une fantaisie d'or-
nemaniste. Les différentes formes qu'ils adoptèrent, en Occi-
dent du moins, ne s'exclurent pas les unes les autres, elles
furent parallèlement emploj^ées ou reparurent les unes après
les autres, suivant le goût du jour. Nous en donnerons ici
une énumération rapide.
1. VioUet-le-Duc, Dictionnaire raisonné de Varc hi/ec lu re française. Article :
Menuiserie, t. VI, p. 352.
62 INTRODUCTION
L'arc brisé parait avoir été le premier cintrage des monuments
égyptiens' ; on en rencontre à la mosquée d'Amr et dans les
plus yieilles mosquées du Caire. L'arc outrepassé, celui auquel
on a donné le nom caractéristique d'arc en fer à cheval, ainsi
que l'arc en plein cintre ne semble avoir fait son apparition
que plus tard. L'arc outrepassé ^ ne fut d'ailleurs jamais beau-
coup employé en Orient. Des innombrables cintrages qu'on y
rencontre (arc brisé simple ^ reposant sur deux encorbelle-
ments, arc brisé rectiligne, arc trilobé, arc dentelé, arc sur-
baissé, arc en accolade, etc.), l'arc en fer à cheval est,
pour ainsi dire, l'un des moins fréquents. Le xiv° siècle
nous en a cependant laissé quelques rares exemples à la
mosquée Tekich, à la mosquée du chîkh Hakem, le xv% à la
mosquée Qâitbey.
En Espagne, dès la période byzantine (vm^ ix" etx" siècle),
nous rencontrons l'arc outrepassé; il ne comporte jamais de
brisure. On y voit également apparaître l'arcade découpée en
grands lobes ou festons ^ (notons que la hgne joignant les
centres de ces découpures circulaires donne un arc sensible-
ment brisé) .
La mosquée de Cordoue présente une combinaison extrême-
1. Cf. Gayet, VArt arabe, p. 30.
2. Nous ne rechercherons pas ici l'origine de cet arc, qui devait jouer un
rôle si considérable dans l'architectLire maghribine. On lui a signalé des
ancêtres byzantins (Basilique de Dana, édifice d'Urgub, cf. Franz Pacha, der
Baukunst des islam; — grande basilique de Rouwaiha dans la Syrie centrale,
cf. Van Berchem, Matériaux pour un Corpus, I, p. 288, note 1); d'autre part,
Dieulafoy note un curieux rapprochement de cet arc avec plusieurs cintres du
palais de Firouz-Abâd {VArt antique de la Perse, IV, p. 37 etfig. 26).
3. C'est le profil engendré par un arc de courbe terminé à chaque extrémité
par une tangente. On lui donne généralement le nom iVarc persan (Cf. Van
Berchem, Notes d'archéologie, I, p. 23).
4. Sur la construction des festons à l'aide de briques saillantes et d'un
garni de mortier. Cf. Choisy, Hist. de V architecture, t. lï, p. 93.
INTRODUCTION 63
ment curieuse d'arcs en festons. Du sommet de ces arcs partent
d'autres arcs également découpés, qui s'entrecroisent avec des
pleins cintres supérieurs, laissant entre eux de grands espaces
ajourés
La période qui suit (xf et xif siècle) emploie, avec l'arc
lobé, l'arc outrepassé plein cintre et brisé. La Puerta del Sol
de Tolède présente à la fois un premier fer à cheval ogival et
un second en plein cintre. Nous trouverons les trois modes de
cintrage réunis à la Grande Mosquée de Tlemcen (Cf. Pl. V).
Enfin, la période arabe moresque adopte toutes les variétés
d'arcades. A l'Alliambra, on trouve surtout l'arc plein cintre
surhaussé porté par des encorbellements.
Dans le Maghrib, il semble bien que l'arc outrepassé ait, de
tout temps, dominé. L'on y rencontre cependant Tare non
outrepassé; il est réservé pour quelques petits cintrages,
fenêtres ou arcatures décoratives. Le xiif et le xiv*" siècle y
employèrent le fer à cheval plein cintre ou brisé presque
indifféremment. A peine peut-on établir que, dans le même
monument, le plein cintre couvre des écartements plus larges
que Tare ogival ; mais cette remarque n'a rien de rigoureux.
L'arc d'ouverture des mihrâbs est, de préférence, en plein
cintre et tracé à Faide d'une seule ouverture de compas.
Nous déterminerons, en étudiant les plus importants, la disposi-
tion des claveaux décoratifs qui les accompagnent.
La plupart des arc brisés semblent très librement tracés.
Quelques-uns pourtant se construisent d'après des formules
très simples : nous reproduisons deux d'entre elles. L'un [fig. 3),
1. Voir infrà, figure 9 en A, le schéma de cette disposition. Le problème
à résoudre était celui-ci : obtenir un grande hauteur avec des colonnes de
dimension fixe, puisqu'empruntées à des monuments étrangers.
64 INTRODUCTION
qui fait partie d'une grande porte mérinide, se sert de deux
arcs de cercle, et est appareillé par claveaux raj'onnant autour
d'un centre placé au-dessous des centres de construction.
L'autre [fig. 4), qui s'ouvre dans les nefs d'une mosquée, ne
fait encore intervenir que deux centres, mais intervertit les
ouvertures de compas dans la partie supérieure et inférieure
des branches qui la composent (0, centre de l'arc AD et de la
rentrée BC; 0', centre de AB et de DE). Les briques sont
appareillées par lits horizontaux presque jusqu'à la moitié des
arcs, par claveaux raj'onnants au dessus. Parfois un triangle
de briques horizontales G fait au son.met une véritable clef.
Pour établir ces arcs, il est bien probable qu'on ne lit jamais
usage de cintres arrondis; voici, d'ailleurs, le procédé encore
employé par les maçons arabes. Une planche horizontale est
fichée dans deux joints vers la naissance; des briques sont
posées aux extrémités; une seconde planche, posée sur ces
briques; et l'on élève ainsi, en les étayant tant bien que mal,
INTRODUCTION 65
des étages successifs qui vont se rétrécissant jusqu'au som-
met. La courbe, à peu près dessinée par les briques, est régu-
larisée avec du mortier.
L'angle des brisures est extrêmement variable : l'ogive
est parfois très aiguë, et nous rencontrerons, à la mosquée de
Sidi Bou-Médine, des arcs brisés qui ne se distinguent du
plein cintre que par une déformation supérieure à peine sensible.
Enfin, il n'est pas jusqu'à l'arc lobé et entrecroisé de Cor-
doue qui ne soit représenté dans les édifices du xiv° siècle.
Nous étudierons tout à l'heure les curieuses formules orne-
mentales auxquelles il donna naissance (Cf. infrà^ fig. 9).
V enc or bellement à stalactites^ , — De même que la décou-
pure des arcs, la stalactite, une des formes les plus caractéris-
tiques de l'architecture musulmane, peut n'être considérée que
comme un motif ornemental, n'intéressant en rien l'anatomie
des édifices.
Ce genre de relief, dont l'élément primitif , la trompe, semble
d'origine persane, a pour but de décorer un encorbellement
quelconque. Son emploi le plus logique fut de substituer au
pendentif sphérique un certain nombre de trompillons ména-
geant une transition entre le carré inférieur et un plan circulaire.
En Orient, les constructeurs fatimites n'employèrent que les
quatre trompes d'angle pour porter la coupole. A l'époque des
Ayyoubites et sous les premiers Mameiucks, on superposa deux
ou trois étages de petites trompes, faisant successivement pas-
ser du carré à l'octogone, de l'octogone au polygone à seize
côtés, etc. Le type du pendentif arabe était dès lors fixé
1. Alvéoles serait peut être préférable, stalacliles désignant parfois spé-
cialement l'aiguille pendante qui, nous le verrons, n'existe pas à Tlemcen.
2. Cf. R. Phèné Spiers, la Voûte s (alacti le {dans V Architecture, 1888, p. 591
et s.). Van Berchem, Notes cVarchéologie, I, p. 76, 77.
5
66 INTRODUCTION
Cependant cette solution n'était pas encore trouvée lors de
la conquête d'Espagne. 11 fallut aux constructeurs byzantins, et
plus tard aux constructeurs arabes, se livrer de leur côté à des
expériences et des recherches, ou suivre pas à pas les artistes
orientaux dans leurs acquisitions successives.
La première apparition d'encorbellements à stalactites qu'on
ait pu jusqu'ici observer en Occident semble être ceux des
palais siciliens de la Zisa et de la Cuba, qui ne remontent
guère qu'au xif siècle K Là, ce procédé, qui devait être, entre
les mains des artistes du xiif et du xiv*" siècle, si fécond en
ressources décoratives, s'exprime déjà très perfectionné. Un
simple rapprochement de l'exemple que nous en offre le palais
de la Cuba- avec les angles de la coupole placée en avant du
mihrâb, à la Grande Mosquée de Tlemcen {/ig. 19), permettra,
croyons-nous, de reconnaître dans l'encorbellement maghribin
une ébauche maladroite, il est vrai, mais d'autant plus curieuse
du pendentif à stalactites.
Cet encorbellement, dont la parenté avec les niches angu-
laires de Cordoue est évidente, ne remplit encore qu'imparfaite-
ment le but poursuivi. Comme à Cordoue, des portions hori-
zontales sans ornement s'avancent en porte-à-faux au-dessus de
la corniche du plan carré; mais deux petites trompes, flanquant
des pians incurvés y remplacent la niche polyédrique de la
mosquée espagnole. On saurait difficilement imaginer un
encorbellement formé par la superposition d'éléments semblables
à cette niche, tandis que les éléments qui s'indiquent dans la
1. Ed. Doutté signale au-dessus du tambour, précédant le mihrâb, une
coupole à pendentifs (nid d'abeilles) dans la mosquée d'Ibn-Toumert, à Tin-
Mal (xir siècle) ; ce serait donc une des plus anciennes d"Occident.
2. Cf. Girault de Prangey, Essai sur Varchitecture des Arabes^ Pl. 12 et 13.
FiG. 0. — Vue perspective d'une voûte à stalactites.
68 INTRODUCTION
mosquée maghribine pouvaient, en se multipliant, couvrir des
coupoles entières.
Les décorateurs tlemceniens n'en firent d'ailleurs pas un si
constant usage que les artistes d'Andalousie. Ceux-ci en gar-
nirent des coupoles, des voûtes, des douelles, en composèrent
des impostes et des chapiteaux ^ Le grand porche de Sîdi Bou-
Médine, plusieurs niches de mihrâhs, les consoles du balcon
deMansourah, quelques pans coupés d'habitations particulières,
telles sont les applications qu'on en trouve à Tlemcen.
Ces pendentifs sont assez habilement tracés, comme on pourra
s'en rendre compte par les figures 5, 29, 38. Il est curieux de
remarquer que l'élément essentiel en est souvent une réduction
de la demi-voùte d'arête, qui, nous l'avons vu, sert à établir la
plupart des coupoles tlemceniennes. Cette trompe, répétée et
alternant avec des consoles rectangulaires, constitue le
groupement le plus généralement adopté. On n'y voit jamais
intervenir la stalactite proprement dite : le parallélipi-
pède rattaché seulement par son sommet à la paroi et pendant
au centre d'un groupe de coupolettes rayonnantes.
La mouluration. — Une des parties les plus essentielles
du décor en relief est la mouluration. Les Arabes n'en firent
jamais un très grand usage; elle fut toujours chez eux très
limitée et très simple. En Egypte, cependant, on rencontre le
tore, le quart de rond, le cavet, le talon, le talon renversé,
la doucine et le listel. Dans le Magrib, l'arsenal des moulures
est extrêmement réduit. On peut dire qu'à Tlemcen la seule
moulure employée est, avec la plate-bande et le listel, le cavet
1. Sur le tracé des stalactites consulter 0. Jones, V Alhambra ; et Bourgoin,
Précis de Vart Arabe, passim.
INTRODUCTION 69
nu OU décoré d'inscriptions, parfois accosté, dans sa partie
avançante, d'un grain d'orge plus ou moins profond.
Les colonnes. — C'est dans les colonnes que se révèle sur-
tout cette pauvreté de la mouluration ; elle est, dans les monu-
ments tlemceniens particulièrement sensible. Il semble bien
que la plupart d'entre elles n'ait jamais eu de base. Le plus
souvent la colonne repose sans intermédiaire sur le sol ; parfois
un empattement lui sert de support; mais les exemples
qu'on en peut observer sont d'origine douteuse et corres-
pondent mal avec le fût qui les surmonte. De plus ces fûts, tou-
jours cylindriques, ne portent jamais cette succession de gorges
et de boudins qui précède l'astragale dans les colonnettes
de l'Alhambra, ni ces bagues sculptées que présentent les co-
lonnes aghlebites ou fatimites de Cairouan^. L'astragale fait
partie du chapiteau et est d'une extrême simplicité.
Le chapiteau tlemcenien. — Ses origines. — Dérivé de
cette décomposition du chapiteau corinthien qui fut le chapi-
teau byzantin, le chapiteau moresque ne fut d'abord qu'une
copie grossière de celui-ci. Il semble bien en effet que les
artistes musulmans se décidèrent seulement à en sculpter eux-
mêmes lorsque la « carrière » que leur offraient les édifices de
leurs prédécesseurs se fut à peu près épuisée. La partie pri-
mitive de la mosquée de Cordoue ne comporte guère que des
chapiteaux de provenances étrangères d'une incroyable diver-
sité de forme et d'exécution. Les huit nefs orientales, pos-
térieures de plus d'un siècle au premier périmètre, contiennent
des chapiteaux de deux types distincts régulièrement alternés,
qui semblent bien avoir été exécutés sur place pour l'emploi
1. Cf. Saladin, la Mosquée de Sidi Okba, fig. 36, 38, 46.
10 INTRODUCTION
qu'ils remplissent encore aujourd'hui, mais qui restent comme
des contrefaçons assez maladroites de types empruntés aux co-
lonnades voisines.
Tous deux ont adopté ce caractère de bloc épannelé, de « pré-
paration » de metteur au point en vue d'une exécution plus com-
plète, qui se rencontre déjà dans les sculptures ornementales
de basse époque. Dans l'un, trois rangs de feuilles d'acanthe,
droites, enveloppent complètement la corbeille primitive; de
gros disques d'angle, souvenirs des fines volutes corinthiennes,
s'échappent entre les feuilles supérieures. Un tasseau qua-
(Irangulaire, s'avançant directement sous le tailloir, marque
seul la place du fleuron, qui s'étalait au dessus dans les
modèles grecs et romains, et qui, dans le type A {fig. 6)^, est
orné d'une dernière feuille d'acanthe.
Dans l'autre, dont la formule se rattache aux typesB'^ et C^,
deux rangs de feuilles seulement; les volutes forment toujours
les angles, mais l'espace compris entre elles est occupé par
un lourd quart de rond sans ornements, élargissement byzan-
tin du rebord de la corbeille.
Ce deuxième type, que Ton peut étudier à la Grande Mos-
quée de Tlemcen [fig. 17), se simplifia encore avant de donner
naissance à une formule originale. Le type D^, qui est une
1. Ce chapiteau byzantin fait partie de la première nef occidentale de la
mosquée de Gordoue, maintenant occupée par des chapelles.
2. Ce chapiteau byzantin fait également partie de la première travée occi-
dentale de la mosquée de Gordoue.
3. Ge chapiteau, qu'il faut très certainement considérer comme une œuvre
arabe, est un de ceux qui supportent la chapelle Villa- Viciosa. 11 offre cette
particularité que toute la partie engagée sous la chapelle n'est pas achevée et
qu'il présente à la fois les deux caractères de cette époque : la sculpture très
maigre et Tépannelage.
4. Ge chapiteau d'onyx, de dimensions très réduites, est au musée de Tlem-
cen. Toute la partie postérieure était engagée.
FiG. 6. — Origines du chapiteau Tieincenien.
72 INTRODUCTION
œuvre arabe, ne porte plus qu'un rang de feuilles soudées entre
elles, formant couronne au bas de la corbeille. Dans l'exemple
E^, des fentes médianes partant de l'astragale ont transformé
l'ancienne couronne d'acanthe en un méandre continu s'incur-
vant à son sommet.
Dès lors ce grand méandre vertical devient l'élément essen-
tiel du chapiteau moresque. Il peut, comme à la Cour des lions,
se briser et former entrelacs; il reste toujours reconnaissable.
Dans les parties hautes de Sainte-Marie-la-Blanche à Tolède,
il forme à lui seul tout le chapiteau. Dans les types que nous
rencontrerons à Tlemcen, un renflement médian, s'épaississant
sous la courbe du sommet comme une nervure principale (Voir
tjpe C fig. 17), vient préciser clairement son origine.
Un autre ornement des plus persistants dérive de ces bou-
quets de feuilles, présentées de profil, divisées en deux, accos-
tant, d'une part, l'axe du chapiteau corinthien et se collant,
d'autre part, sous les volutes angulaires, dont l'exemple A
donne une représentation schématique. Ces bouquets deviennent
avecl'interprétation arabe des palmes décoratives qui s'échappent
du méandre inférieur. Le type F- nous les montre déjà gar-
nissant de leur longue portion le glacis qui joint le haut et le
bas de la corbeille, de leur portion courte formant, par un accou-
plement, un fleuron médian, motif très courant des décors
arabes. Les chapiteaux de l'Alhambra et les chapiteaux tlem-
ceniens présentent presque tous de curieuses variations sur ce
thème initial.
1. Ce chapiteau d'onyx est au musée de Tlemcen. La manière dont il était
engagé semblerait indiquer qu'il soutenait un arc de mirhâb.
2. Ce chapiteau d'onyx est au musée de Tlemcen ; les fonds en sont peints
et les faibles modelés soulignés avec une couleur noire.
INTRODUCTION 73
Une modification importante de proportion et de forme diffé-
rencie le chapiteau moresque du type primitif. Avec le xiif siècle,
le galbe tronconique de la corbeille, de la a cloche », suivant
l'expression anglaise, a complètement disparu. Le chapiteau
arabe est maintenant formé de deux parties bien distinctes,
superposées : l'une inférieure, cjdindrique, l'autre supérieure,
portion de cube à peu près deux fois plus large que haute. Notons
que le chapiteau tlemcenien est presque toujours inscrit dans
un cube parfait.
La corbeille corinthienne ne se trahit plus que par une survi-
vance du rebord supérieur. C'est un turban, sorte de tore
large et aplati qui, assez rare en Espagne, se rencontre fré-
quemment à Tlemcen, surtout dans les chapiteaux mériiiides, et
est le plus souvent couvert d'inscriptions ^ Notons que les
sculpteurs maghribins se sont généralement peu souciés que les
tronçons de ces turbans se raccordent entre eux pour former un
cercle complet.
Des enroulements s'échappant du turban ou passant au des-
sus, comme dans le chapiteau ionique, rappellent les volutes
angulaires.
Ainsi, lorsque l'art du praticien se fut perfectionné, que les
califes n'eurent plus l)esoin de recourir à la main-d'œuvre chré-
tienne, au lieu de retourner vers une imitation plus précise
des modèles anciens, ou d'en donner, comme le firent les sculp-
teurs gothiques français, une interprétation naturaliste, les
décorateurs arabes, dans un esprit tout différent, conservèrent
la formule, mais en lui donnant une signification purement orne-
1. Ces inscriptions, souvent historiques, sont presque invariablement en
caractères cursifs. On en pourra cependant voir une au musée de Tlemcen,
c[ui porte une sentence pieuse et est en caractères coufiques.
74 INTRODUCTION
mentale, sans paraître se souvenir jamais des objets réels qu'ils
déformaient inconsciemment.
La décoration bas-relief extérieure et intérieure. — La déco-
ration des chapiteaux, parfois très riche, est presque toujoiu^s
méplate, elle habille la forme sans la défoncer. Il est facile d'y
noter l'éloignement persistant des artistes arabes pour tous les
modelés profonds, soit que la vigueur de l'éclairage leur ait fait
craindre les ombres fortes qui tachent violemment les surfaces
et détruisent l'harmonie de l'ensemble, soit plutôt que les pres-
criptions religieuses qui leur interdisaient la sculpture des corps
humains aient orienté leurs goûts et leurs recherches vers
d'autres ressources décoratives.
Cette prédominance de ce qu'on a appelé Vesprit de décou-
page sur Yesjjrit de modelé se manifeste le phis clairemeut
dans le décor de brique, qui constitue avec ses filets et ses entre-
lacs la garniture logique des extérieurs^, le décor de pierre
sculptée, tel qu'onle rencontre à Mansourah, et dans le décor de
plâtre.
Issu de traditions byzantines dont les traces sont encore
visibles en Égypte et en Syrie, le revêtement de plâtre, naqch
hadîda^ fut rarement employé par les artistes égyptiens ;
quelques mosquées (mosquée d'Hassan, mosquée de Kalaoun) en
présentent cependant d'intéressants spécimens. Il était réservé
à l'école andalouse et magribine d'en faire la matière d'une
décoration prodigieusement riche et ingénieuse. Cairouan-,
1. Sur le gaufrage des façades par les reliefs de brique dans quelques vil-
lages tunisiens, cf. Gagnât et Saladin, Voyage en Tunisie, dans le Tour du
Monde, 1886, II, 202.
2. Saladin signale aux douelles de Bàb-Lalla-Rejana des ornements sculptés
très analogues au Naqch hadîda et qui dateraient de 1284. Il n'en donne
malheureusement pas de croquis (la Mosquée de Sidi-Okba, p. 82).
INTRODUCTIOxN 75
Tunis, où l'art des gy psoplastes est encore cultivé à l'heure
actuelle, l'Andalousie surtout, où la décoration de stuc a joué
un rôle considérable, le Maroc, où l'on connaît des portes à
Marrakech et à Mékinez, Fâs dont la mosquée Qarawîyin passe
pour un des chefs-d'œuvre s de Tart moresque, Tlemcen
enfin, comme nous le verrons plus loin, montrent les res-
sources infinies de cette matière plastique par excellence, qui,
fort heureusement, a pu, malgré sa fragilité, traverser des
siècles et parvenir jusqu'à nous.
Ce revêtement, parfois très légèrement modelé, présente
plusieurs niveaux et fait intervenir des défoncements profonds,
qui en soulignent fortement la composition. Cependant il n'ac-
cuse presque jamais une saillie sensible sur le nu du mur. Nous
en excepterons néanmoins un motif curieux des écoinçons de
mihrâbs. C'est un bouton de forme variable, sorte de cone
arrondi, parfois spiralé, et qu'une coquille ornementale rem-
place au minaret de Mansourah. L'origine évidente s'en retrouve
à la mosquée de Cordoue, dans les reliefs du même genre que
présentent les portails latéraux.
Le décor à faible relief extérieur et intérieur se complète
par le décor méplat polychrome, dont le premier n'est souvent
que le support et Tencadrement.
Polychromie. — Céramique. — Nous avons étudié plus
haut cette marqueterie en terre èmaillèe dite mosaïque de
faïence^ au point de vue de la technique de sa fabrication; il
convient d'examiner sommairement les traditions auxquelles on
peut la rattacher, et le rôle que lui firent jouer les décorateurs
maghribins.
Il est assez difficile de préciser quelle en est l'origine véri-
table. Une hypothèse assez bien établie rattache l'emploi
76 INTRODUCTION
architectural de la mosaïque de faïence à rinfluence byzantine.
Cet emploi dériverait, non de l'industrie céramique, mais de la
mosaïque de pierres et de | aies colorés. On sait le goût que
montrèrent les Romains pour les pavages composés de petits
fragments cubiques de marbre ou de tout autre matière suffîsa-
ment résistante ; des panneaux ainsi formés servirent aussi au
revêtement des murs et des plafonds. Le portique de Saint-
Laurent, près de Rome, d'autres encore en présentent de cu-
rieux spécimens. Ce genre de décor était une sorte de spé-
cialité des artistes byzantins; les ncms (Vopifs alexantlrinum^
iVopifs (jTœciim^ (jrœcamcum^ par lesquels on le désignait,
est, à cet égard, significatif. Les ouvriers grecs en expédiaient
des fragments tout préparés, ou se transportaient eux-mêmes
dans les différentes contrées pour l'exécuter sur place. Lorsque
les Musulmans envahirent pour la première fois la Palestine,
ils trouvèrent l'église de Bétliléem ornée de ce qu'ils appellent
fdfm. Ce mot, diminutif de fanfam^ est une adaptation du
grec 'Vri9(0!7^ (constructions en petits cailloux)^ L'empereur de
Byzance aurait fourni à El-Walid une certaine quantité de
fsîfsa pour la construction de la mosquée de Damas-, et en
Occident, Tenduit qui couvre encore le cadre du mihrâb à la
mosquée de Cordoue aurait été envoyé de Constantinople à
Abd-er-Rhamân III par l'empereur Romain \W .
Cette décoration multicolore du mihrâb et de la coupole de
Cordoue pourrait bien avoir eu pour succédané naturel un nou-
1. Cf. Fraœiike], Aramàische FremdwÔrter. p. 60. Ce nom est complètement
inconnu dans le Maghrib; mais Ibn-Khaldoun cite la fasfasa à côté des zelij
et les fragments de marbre et nacre, comme la matière dont on orne les mu-
railles [Prolégomènes, II, 233 ; — traduction. H, 276.)
2. Cf. Ibn-Batoutah, Voyages, 1, p. 199.
3. Cf. Jdrîsi (traduct. Jaubert), II, p. 60.
INTRODUCTION 77
veau genre de décor plus simple comme technique, la mosaïque
de découpure, et se perpétuer, sans grande modification,
dans le procédé des qirdti^ dont nous parlerons tout à
l'heure.
Une seconde hypothèse attribuerait l'emploi du décor de
faïence à des influences orientales continues.
Il semble bien qu'il faille, en Orient, rattacher à de très
anciennes traditions l'usage des revêtements céramiques, et
plus spécialement des combinaisons qu'engendre la terre
émaillée. Nous trouvons la trace d'une technique assez voisine
des mosaïques de faïence, en Egypte, à l'époque de Ramsès III,
dans le palais de Tell el-Yahoudi^ On connait, d'autre part,
les belles façades de briques émaillées que nous a laissées la
Perse antique-. Pour ce qui est de la Perse musulmane,
Ary Renan, empruntant les observations faites sur place par
Dieulafoy, retrace ainsi les phases qu'y traversa cette fabri-
cation :
(( ... D'abord il n'y eut qu'un dessin de briques sur champ, sans
émail; — sous les Seldjoucides, apparaissent des rehauts de
bleu turquoise appliqués sur les tranches des briques ; — à
partir de 1350, la palette s'enrichit, les couleurs se multiplient,
on intercale dans les frises des briques carrées sur lesquelles
sont ménagées, en relief, des lettres émaillées afin de simu-
ler, sans grande dépense, le travail exécuté jusqu'alors en
mosaïque... Bientôt on néglige la brique crue, on fait abus de
1. « Le noyau de la bâtisse était en calcaire et en albâtre ; mais les tableaux,
au lieu d'être sculptés comme à l'ordinaire, étaient en une sorte de mosaïque
où la pierre découpée et la terre vernissée se combinaient à parties pres-
qu'égales. » (Maspéro, Arcliéologie égyptienne, p. 236).
2. Cf. Dieulafoy, l'Acropole de Suze; leur examen technique apud Th. Dock,
la Faïence, p. 20.
78 INTRODUCTION
briques émaillées et, par économie, on substitue les carreaux
à la mosaïque^ ».
Tels furent les divers âges du revêtement céramique dans
les mosquées persanes. Il en fut sensiblement de même dans
les pays musulmans occidentaux, et on aurait tort de croire
avec Ary Renan que « l'Espagne, le Maghrib et le Maroc aient
utilisé concurremment, presque simultanément, la mosaïque
et le carreau de faïence, la décadence de l'invention arrivant
en même temps que l'invention elle-même ». Il est facile, au
contraire, d'observer en Occident un développement parallèle,
de retrouver les premières combinaisons de la brique non
émaillée, incrustant la pierre calcaire creusée à cet effet, aux
portails latéraux de la mosquée de Cordoue, ou émergeant du
mortier et de la maçonnerie dans l'inscription liminaire de
l'église del Cristo de la Luz, d'en suivre le progrès logique
avec les grands disques noirs de la Giralda, isolés au milieu
de la pierre rose, le plein épanouissement avec les marque-
teries multicolores des lambris espagnols et des portails Tlem-
ceniens, enfin la décadence, c'est-à-dire le carreau et les
contrefaçons évidentes du décor mosaïque, commençant par la
juxtaposition des émaux sur une même plaque et aboutissant
au carreau de faïence, tel que nous les pourrons étudier dans
les pavements de Sîdi Bou-Médine.
Une discussion complète de ces origines sortirait du cadre
de cette étude ; contentons-nous de remarquer ici que la
mosaïque de faïence apparaît d'abord nettement dans le
Maghrib comme un mode de décor extérieur^ par fragments
1. Ary Renan, Gazette des Beaux-Arts, 1893, t. I, p. 191-92; — d'après
J. Dieulafoy, la Perse.
INTRODUCTION
réduits, étroitement relié au gaufrage de brique dont nous
avons parlé plus haut (cf. siiprà^ p. 74).
Avec le xiif siècle, l'emploi dut s'en généraliser rapidement ^
L'industrie céramique prit vers cette époque un développement
énorme. L'Andalousie comptait de nombreuses fabriques qui
expédiaient leurs produits jusqu'en Orient. Bien des questions
encore se posent relativement aux débuts de cette industrie.
Les procédés d'émaillage, d'ailleurs fort simples, furent-ils trans-
mis, par une voie inconnue, des artistes de la Perse-? Doit-on
les attribuer, ainsi que la technique des faïences à reilets, à
des ouvriers emmenés en captivité par les galères des cheva-
liers de Rhodes et qui, de Lindos, auraient propagé leur indus-
trie dans la péninsule ibérique, à Valence, à Malaga, à Manisès?
L'Égypte, où le décor de faïence joue à la même époque un cer-
tain rôle dans l'ornementation des monuments, eut-elle quelque
influence sur le développement de la céramique andalouse? Ce
sont autant de points obscurs dans la question générale si inté-
ressante et si mal connue encore des rapports de TOrient et
de l'Occident musulmans au moyen âge. D'autre part, les
mêmes ateliers menèrent-ils de front deux genres différents de
fabrication? Produisirent-ils parallèlement les plaques poly-
chromes, les vases, les plats à reflets et les fragments unico-
lores où se découpaient les pièces de mosaïque 3? Le petit
1. Le Qartàs signale le début du xiv*' siècle (règne du Mérinide Slîmân ben,
Abdallah) comme l'époque où Ton commença à employer les revêtements
de faïence dans la construction des demeures particulières {Boudh-el-Qar/âs,
traduction Beaumier, p. 557).
2. Ibn-Batoutah visitant Mechhed-Ali est frappé de l'analogie du qacliâni.
avec le zelîdj maghribin (Cf. Ibn-Batoutah, Voyages, I, p. 415), or le qachâni
est bien connu ; ce mot désigne des tuiles et carreaux de faïence émaillée de
diverses couleurs fabriquées à Qàchàn, en Perse (Cf. Dozy, Dictionnaire, II,
p. 295-296; — sur les faïenceries de Qàchàn, Mercier, Deuxième Voyage, p. 210).
3. La présence, remarquée par nous, de morceaux revêtus d'un lustre
80 INTRODUCTION
nombre des textes, la perpétuelle confusion qui existe entre la
faïence à émail stannifëre et à décors peints et la terre couverte
dans la masse d\m seul émail opaque ou translucide, ne per-
mettent aucune affirmation à ce sujet.
Nous présenterons ici quelques observations surles dénomiua-
tions qu'on attribue àTlemcen aux différentes variétés de la céra-
mique monumentale. La plaque de faïence à décor polychrome,
plus rarement monochrome sans décor, est appelée zelîj.
C'est une adaptation de Tespagnol «rz^/eyo probablement dérivé
lui-même du moi aztil^ bleu Ce dernier nom indique assez le
rôle joué dans le décorprimilif par la couleur bleue, si commode
à employer et si résistante à la cuisson. Zelîj ne s'applique en
principe qu'à la tuile carrée d'assez grandes dimensions (0,20 côté)
recouverte d'un enduit de couleur. Toutefois, comme aujourd'hui
encore, le mosaïste marocain taille sa mosaïque dans de larges
tuiles monochromes, il arrive que le nom de zelij est abusive-
ment donné à la mosaïque elle-même. Une première sorte de
mosaïque très simple est composée de petits carrés de faïence
de différentes couleurs (0™, 025 de côté). On en fabrique aujour-
d'hui encore àTétouan ; l'un de nous en a rapporté de cette ville
de jolis échantillons. Ce sont en quelque sorte des zelij mono-
chromes et réduits ; on leur donne le nom de qirdti-. Disposés
côte à côte, ils forment des panneaux oii alternent le blanc, le
métallique dans les lambris mosaïques de rAlcazar de Sévillc, permettrait de
le supposer.
1. Zelîj est marocain; à Tlemcen, on dit plutôt zellaij ; ~ Simonet, Glosa-
rtodevoces ibericas, propose, plutôt que azul, le mot bas-latin asarotum, mo-
saïque (p. 623).
2. Ap. Dozy, Dtclioirnoire, II, p. 330, carreaux de terre cuite rouge; l'expli-
cation étymologique de ce mot nous paraît douteuse; on ne saurait guère
songer à qîrât, carat, ce qui donnerait à qirâtl le sens de morceau du poids
d'un carat ; la racine qaral signifie, au reste, couper en menus morceaux.
INTRODUCTION 81
brun, le vert, ou des bandeaux qui cernent les surfaces par
des filets d'un seul ton, formés de petits rectangles allongés.
Ces véritables damiers de qîrâti peuvent être les premiers spé-
cimens apparus de la mosaïque de faïence magliribine. Mais il
faut noter qu'ils ornent seuls le minaret d'un des oratoires
tlemceniens relativement les plus récents, la mosquée de
Sîdi Brâhîm. Le décor formé par cette juxtaposition de petits
morceaux de céramique se complique ; il donne des croix, des
polygones étoilés, des disques et des ovales. Puis, enfin, à la
belle époque de l'architecture tlemceniene, il aborde les déli-
cats méandres de l'entrelacs curviligne, les dessins précis de
l'entrelacs géométrique. La mosaïque de faïence, traitée alors
d'après les procédés d'ajustage décrits précédemment, est
distinguée — mais non absolument; alors encore, on l'appelle
qirâti — sous le nom particulier de qortobi^ « la cordouane », ce
qui indique clairement qu'on lui attribue une origine anda-
louse ' .
D'autre part, il est remarquable que, contrairement à ce
qu'on observe en Orient, la couleur bleue ^ au nom espagnol de
laquelle se rattacherait le terme même de zelîj^ ne se trouve pas,
au Maghrib du moins, dans les plus anciens revêtements de
1. Le passage suivant de Léon l'Africain, relatif à une médersa mérinide de
Marrakech, nous semble donner la description d'une ornementation com-
prenant simultanément, le qirâli^ le qorlohi et le zelij : « Ce lieu est enrichi
de belles mosaïques ; et où il n'y a pas de mosaïques, le pan des murailles est
revêtu par dedans de certaines pierres cuites en losanges enlaillées^ avec feuil-
lages subtils et autres ouvrages diversifiés, mesmement la salle où l'on soûlait
lire et les allées toutes couvertes, étant le niveau de ce qui reste découvert
tout pavé à carreaux émaillés qui s'appellent ezzuleira, comme l'on en use
encore dans les Espagnes» (Léon l'Africain, Descriptionde l'Afrique, I, p. 200,
201). Le même auteur, dans sa description des maisons de Fâs, distingue la
mosaïque qui orne les murs, et « certaine brique à l'antique diaprée et variée
de couleur en forme de vases de majolique qui pare les cours (I. p. 66. 61. 72;.
6
82 INTRODUCTION
mosaïque. Les vieux minarets d'Agadir et de Tlemcen n en com-
portent pas. Les façades mérinides elles-mêmes, qui marquent
le plus complet épanouissement de cet art que TOccident ait
peut-être connu, ne se servent de l'émail bleu qu'avec la plus
^ grande parcimonie. Ce n'est que plus tard qu'il joue dans les
lambrissages et les parements un rôle important, sans toute-
i fois tenir la place du brun de manganèse, du blanc, du vert de
I cuivre, et du jaune de fer, qui complètent avec lui la palette du
céramiste arabe.
Sa résistance, presque inattaquable aux intempéries,
faisait de la mosaïque de faïence le revêtement tout
désigné des extérieurs. Aussi est-ce sur les portails et sur les
minarets, où elle forme des écoinçons, des cadres, des frises,
qu'à Tlemcen on la rencontre surtout, soit employée par frag-
ments isolés ou par groupes réduits s'incrustant dans un
appareil de brique, dans un enduit, voire mênie dans la pierre
taillée à cet effet, formant des points brillants dans la surface
mate (jui les entoure, soit en filets d'un seul ton soulignant les
lignes d'architecture, soit enfin en panneaux complets compo-
sés d'entrelacs, de dessins géométriques ou d'inscriptions se
détachant le i»lus souvent sur fond blanc.
L'école aral)e d'Occident ne compte pas, croyons-nous, de
plus beaux et de plus complets spécimens de ce genre de décor
comme garniture extérieure que les monuments tlemceniens.
en particulier les œuvres mérinides. La gamme des tons est
\ réduite; mais les émaux sont d'une belle pâte, plus belle,
moins creuse, nous a-t-il paru, que celle des monuments espa-
gnols. Le dessin des cartons est parfaitement approprié à la
matière. L'ornement n'y est plus seulement géométrique, car
l'entrelacs curviligne y remi)lit des façades entières.
INTRODUCTION g3
Il y avait là une difficulté d'exécution exigeant des ouvriers
habiles et soigneux. La commodité du décor géométrique à
répétition résulte en effet du nombre très restreint des calibres
donnés à l'ouvrier, qui n'a qu'à tailler mécaniquement les frag-
jnents de terre émaillée, sans avoir à suivre nue combinaison
d'ensemble 1.
Dans les garnitures intérieures, la mosaïque est plus rare à
Tlemcen et semble avoir fait assez tardivement son apparition.
Nous noterons cependant quelques exemples de ces lambris à
décor géométrique qui sont si fréquents en Andalousie. On
verra les fragments de deux d'entre eux au Musée de la ville.
Ils proviennent l'un du Méchouar, l'autre de la Médersa Tach-
finija, un troisième se trouve à la Qoubba de SîdiBrâhim. —
Rarement aussi on s'en est servi comme pavage. Le palais de
Mansourah, le petit palais d'El-Eubbâd, le Méchouar et la
Médersa Tachfinîja en présentaient cependant des spécimens
fort intéressants.
Il va sans dire que cette décoration est presque invariable-
ment méplate. On connaît cependant les revêtements de mou-
lures et de stalactites dans les monuments égyptiens, ceux des
colonnes engagées de l'Alhambra (salle du Jugement); nous en
noterons un emploi très heureux comme enveloppes de petits
chapiteaux au minaret de Sîdi bel-Hassen.
La céramique est également représentée à Tlemcen par des
carreaux de pavement à estampages et par des carreaux à
décor multicolore sur émail stannifère. Beaucoup d'entre eux
sont d'époque récente; quelques-uns semblent d'une fabrication
assez archaïque. Nous les étudierons en même temps que les édi-
1. 11 est des revêtements composés à l'aide dïine seule forme, par exemple
aux haiiis de l'Alhambra; cf. aussi infrà^ Minarel de la Mosqiée du Méchouaiu
84 INTRODUCTION
fices auxquels ils appartiennent (Cf. Qoubba de SiDi Bou-Médine,
MOSQUÉE DU MÉCHOUAR, QoUBBA ET MoSQUÉE DE SÎDI BraHÎm).
Peinture. — La céramique ne fut pas la seule à compléter
par les colorations vives le cliarme du décor extérieur et inté-
rieur. Des fragments qu'on peut observer sur le minaret de
Sidi Bou-Médine et au musée de la Ville montrent des traits de
couleur brun rouge peints sur mi enduit crémeux, couleur
maigre d'un aspect analogue à certains décors de poteries
antiques et qui semble d'une très grande solidité. Mais c'est
surtout à l'intérieur que lapolycliromie jouait un rôle important :
les plafonds de bois, les portes étaient décorés de motifs peints ;
le revêtement de plâtre était soit rehaussé, soit complètement
couvert de tons simples qui ont presqu'entièrement disparut Le
rouge, le bleu, le vert olive-, tels furent vraisemblablement les
couleurs qui em^ichissaient le décor blanc ; on les retrouve encore
dans les fonds-'.
Il faut peut-être v ajouter l'or, qui y jouait son rôle ainsi
qu'à l'Alhambra ; une tradition encore existante semble y auto-
riser. Mais, dans ce cas, comme en plusieurs autres, l'archéo-
logue prudent doit se tenir en garde contre l'imagination musul-
mane et le mirage des temps disparus.
« Tlemcen a perdu sa couleur », dit Arj Renan ''^ Cela est
possible. La ville n'a cependant pas eu autant à souffrir que
Tunis et Cairouan de la propreté arabe et du passage pério-
1. Un texte qualifie le mihrâb de la Grande Mosquée de mUirâb vert (Cf.
Bostân., notre manuscrit, p. 88, 1. 3).
2. Sur cette décoration polychrome des murs, justement qualifiée par
A. Renan «tapis verticaux, tentures inamovibles >>, et les tentures véritables
{haï/ii}) qui en sont vraisemblablement l'origine, cf. la Mosquée de Sidi-
Okba, p. 24, et la citation d'En-Nowaïri.
o. On en retrouve aussi dans des chapiteaux de marbre.
4. Gazelle des Beaux-Ai ls^ année 1893, t. 1, p. 183.
INTRODUCTION 85
diqiie à la chaux. 11 est, d'autre part, vraisemblable que ses
salles de prière ne connurent jamais les somptueuses parures
des monuments andalous : Técaillage discret de la croûte cal-
caire, l'examen des quelques parties laissées intactes ne nous
ont pas permis une telle supposition.
Quoi qu'il en soit, on peut dire que les intérieurs maghribins
avec leur pavage, leurs lambris de céramique ou leur garniture *~
de nattes aux colorations chaudes, leurs panneaux de plâtre
rehaussés de quelques tonalités franches et claires, enfin leur
plafond de cèdre brodé de motifs délicats, devaient constituer
des ensembles polychromes puissants et harmonieux, dont les
restes que nous contemplons ne nous peuvent donner qu'une
faible idée.
Nous étudierons maintenant les éléments décoratifs, les
formes linéaires qui entrèrent dans la composition des orne-
ments gravés et méplats. Nous nous efforcerons de déterminer
les thèmes primitifs qu'empruntèrent les artistes arabes, et
d'indiquer, en nous aidant de quelques croquis, le genre de varia-
tions qu'ils exécutèrent sur ces thèmes. Les éléments peuvent
être groupés en trois familles : l'écriture, la géométrie ou^
entrelacs rectihgne et l'entrelacs curvihgne.
V Ecriture. — Dans la difficile étude qu'il reste à faire de
l'histoire de l'écriture arabe, il faudra soigneusement distinguer
la paléographie des manuscrits de Tépigraphie des monuments
et des monnaies. Chacune d'elles a évolué à part. Tandis que les
plus anciens documents tracés sur papyrus nous montrent un ca-
ractère franchement arrondi ' , les plus anciens documents gravés
dans le métal ou sur la pierre, nous offrent un caractère rigide,
1, Cf. Silvestre de Sacy, dans Mémoires de VAcadc7nie des Inscriptions et
86 Introduction:
Yolontiers carré, qui, comme on l'a remarqué, semble indiquer
]a recherche d'un type monumental d'écriture, distinct du type
manuscrite Cette écriture monumentale et monétaire, d'aspect
rigide, à laquelle on a donné le nom impropre d'ailleurs d'écriture
coiifique^ se fixe en Orient vers l'époque de l'Omeyyade Abd-
el-Mâîik (705)''-. Elle règne jusque vers le milieu du ix^ siècle.
En Egypte, les insciiptions du miqyâs de Rôda [fuj. 7), en
Espagne des inscriptions de la mosquée de Cordoue, du cloître
de Tarragone, de la façade del Cristo de la Luz de Tolède, en
Tunisie des inscriptions du rempart de Sousse et du cimetière
de Bâb-es-Selm de Cairouan appartiennent à cette période ;
mais l'épigraphie tlemcenienne ne fournit aucun spécimen de
coufique primitif ; peut-être le Maroc en revèlera-t-il un jour.
Certaines des inscriptions précitées indiquent déjà, il faut le
remarquer, une tendance ornementale qui, très sobre encore,
se manifeste cependant par la forme donnée, l'importance ar-
bitrairement attribuée à certaines lettres : arrondissement du
Noim final, croisement du Lam-Alif^ etc.
Durant les siècles qui suivent, cette tendance s'accentue
singulièrement. L'épigraphie, qui dans l'architecture arabe-
byzantine était pour ainsi dire isolée du reste de l'ornemen-
tation, à mesure que le style arabe se dégage de l'influence
grecque, se lie plus volontiers à l'arabesque qui l'entoure,
Belles-Lettres^ IX, X, 1832); — et les plus récents travaux de Karabacek,
Palœographische Ergebnisse aus den arabischen Papyrus Erzherzog Bainer.
1. Cf. Van Berchem, Notes d'archéologie, 1, p. 113.
2. Cf. Clermont-Ganneau, Journal asiatique, 8*^ série, t. IV, p. il2. —Becueil
cVarchéologie orientale, p. 201, pl. XI.
3. Cf. Van Berchem, Matériaux pour un Corpus, pl. XIV; — Notes d'archéo-
logie, 1, p. 114; II, p. 9; — Basset et Houdas, Épigraphie tunisienne, pl. 1
et II, p. 16 et 23.
4. Cf. van Berchem, Notes darchéologie, I, p. 115; — Matériaux pour un
Corpus, p. 8.
INTRODUCTION
87
V
13
AV/ilà.1 J*. 5rc)4 ii!<U/iai,en. .^^frxx.'Ux. ■{/■ip^ JQ
é
FiG. 7. — Spécimens d'écriture monumentale.
88 INTRODUCTION
elle tend à devenir arabesqne elle-même, elle emprunte au
décor floral ses motifs et sa tournure. La tête du Kaf se divise
en feuille double, le Ain rappelle parfois le fleuron qui marque
le départ des palmes, la fin des groupes de caractères s'allonge
et s'arrondit en ligatures et en départs de rinceaux. C'est la
nouvelle variété de coufîque connue sous le nom assez impropre
de qarmatique^ et pour lequel on a proposé la dénomination
meilleure de caractère angulaire fleuri. Il apparaît pour la pre-
mière fois en Tunisie en 341 ; puis, transporté peut-être parles
Fatimites en Egypte, il remplit toute leur épigraphie. En Tuni-
sie, il prend au reste, au siècle de Thégire (xi^ siècle de
l'ère chrétienne) une allure d'une extraordinaire fantaisie. Si
l'on compare l'inscription funéraire de la Seiyidet el-Jâmi de Cai-
rouan à l'inscription almoravide de Nedromali qui date de la
même époque 2, oii aux inscriptions du mihrâb de la Grande
Mosquée de Tlemcen qui lui sont postérieures de plus d'un
siècle, on trouve le carmatique tunisien singulièrement touffu;
et d'ailleurs, dans son efflorescence exbubérante, il demeure
inférieur aux types maghribins occidentaux, plus sobres, d'un
développement plus classique et plus discipliné.
L'épigraphie tlemcenienne offre des spécimens de qarmatique
sur bois, sur pierre, et enfin sur plâtre. Ces derniers sont de
beaucoup les plus nombreux. Comme de juste, ils offrent géné-
ralement des types plus raffinés, et plus délicatement fleuris
que les premiers'^. La facilité d'emploi de la matière doit en
être la cause. A deux exceptions près, que nous signalerons
plus loin, ce ne sont pas des inscriptions historiques. Le cou-
1. Cf. Houdas et Basset, Épigraphie tunisienne, pl. III, p. 24, 25.
2. Cf. Houdas et Basset, Épigraphie tunisienne, pl. V, p. 27 ; — Basset,
Nedromah et les Traras, p. 22, 23, et Pl.
3. Cf. Van Berchem, Notes d'archéologie, p. 119.
INTRODUCTION 89
tique fleuri tlemcenien n'offre que (les inscriptions pour ainsi
dire ornementales, versets du Coran, sentences pieuses, etc.
La Grande Mosquée qui appartient à la première moitié du
xiif siècle présente trois variétés curieuses d'inscriptions qar-
matiques sur plâtre. L'une se découpe sur un fond dépouillé de
tout ornement. La seconde dont on trouvera les caractères
reproduits ici est sobrement accompagnée de quelques rin-
ceaux. Ses lettres y sont assez déformées ; cependant elles
conservent encore les figures primitives ; la coupe en biseau
qui termine les lettres semble une influence de l'écriture ma-
nuscrite, tracée au qalam. La troisième de ces inscriptions qui
forme le cadre du mihrâb présente une disposition caractéris-
tique : les deux cinquièmes de la bande qu'elle occupe sont
réservés à la partie inférieure, la plus expressive de la lettre,
et le fond n'y porte aucun décor ; les autres sont garnis
d'entrelacs foisonnants, et les hampes des lettres longues qui
y montent indiquent des tendances purement ornementales. Le
sommet de ces hampes remplace le plus souvent le biseau pri-
mitif par une palme double qui s'inscrit presque dans la même
figure géométrique.
Le xiii^ siècle nous montre un nouveau processus de l'épi-
graphie monumentale tlemcenienne. Comme dans les palais
andalous, de petits groupes de caractères coufiques, reprodui-
sant des sentences de quelques mots deviennent un élément
favori de l'ornementation murale. Avec cet emploi nouveau, le
qarmatique joue un rôle important dans les revêtements de
plâtre. Ce n'est pas que la longue bande de coufique fleuri
disparaisse alors des monuments tlemceniens. On la retrouve
à sa place d'honneur, encadrant le cintre des mihrâbs dans les
mosquées de cette époque. Bien mieux, l'une des seules inscrip-
90 INTRODUCTION
tiens coufîqnes tlemceniennes ayant nn caractère historique
date de la fin du xiif siècle. Elle s'étale dans deux bandeaux
de plâtre, précieusement fouillés, aux deux côtés du mihrâb de
la mosquée de Bel-Hassen. Mais il est visible que le but cherché
par l'artiste dans les inscriptions coufiques de cet âge est
moins d'édifier et d'instruire, que de plaire aux yeux. Le souci
ornemental tient alors le premier rang. L'inscription, avec ses
déformations conventionnelles et le décor floral qui l'enveloppe
de toute part, devient souvent une sorte de logogriphe savant,
indéchifi*rable pour la grande majorité des fidèles. L'arabesque
qui Tavoisine et probablement aussi la décoration calligra-
pliique des manuscrits de Tépoque sont les sources des nou-
velles formes. Les mosquées de Sîdi Bel-Hassen et d'OuJâd El-
Imâm présentent des exemples admirables de ce coufique
Henri, du même style que celui qui règne à TAlhambra et à
l'Alcazar de Séville. Les caractères les plus fréquents en sontla
stylisation lancéolée des anciens biseaux, l'allongement arbi-
traire des grandes lettres dont les hampes vont rejoindre le
bord supérieur, se brisent et forment en se juxtaposant des
bordures quasi-régulières suivant le cadre du panneau, enfin
l'entrelacs à angle droit ou diagonal analogue à celui de la let-
trine byzantine ^ .
Les artistes mérinides ne font qu'exécuter de nouvelles
variations sur ce thème. On rencontre assez fréquemment dans
leurs monuments une forme de cintre dentelé reposant sur deux
Lam ou deux Alif choisis régulièrement dans la phrase. Elle
semble une représentation schématique de l'arc en fer à
cheval, ou même de la qoubba à toit plat. Sîdi'l-Halwi et
1. On en trouvera d'importants fragments dans la partie de cette étude
consacrée à la Mosquée Bel-Hassen,
INTRODUCTION 91
Maiifeourali nous foui iiisseiit en outre, de cette époque, de beaux
spécimens de coufîquc sur pierre et sur bois, robustes et moins
tourmentés que le type des inscriptions de plâtre^.
Il est intéressant de noter que, de môme que l'élément flo-
ral s'était fortement coml)iné avec le trait coufîque, de même
le trait scriptural donna naissance à quelques formes qui
prirent place dans l'arabesque. Elles sont dépourvues de toute
signification, n'accompagnent plus aucun caractère ; mais on ne
saurait en chercher l'origine en dehors de l'ornementation
épigraphique des monuments ou calligraphique des manuscrits-.
Parallèlement au caractère coufique, les décorateurs tlem-
ceniens se servirent du caractère cursif arrondi. En Egypte
son adoption comme type habituel des inscriptions monumen-
tales ayant un caractère historique est liée au triomphe des
Ayyoubites sur les Fatimites A partir du vi" siècle de l'Hégire,
le coufique fleuri ne retrace plus que des sentences pieuses,
des versets coraniques ; il est purement ornemental. En Occident,
le caractère arrondi se montre, à la même époque, dans les ins-
criptions monumentales avec une rare perfection ; ainsi la bande
dédicatoire qui court sur le tambour de la coupole du mîhrâb
à la Grande Mosquée de Tlemcen, datée de 530 de THégire,
1. De cette époque date le seul exemple que présentent les monuments
tlemceniens de cette curieuse variété de coufique appelée coufique quadran-
f/ulaire ; nous en parlerons en décrivant le monument auquel il appartient.
Cf. infrà Mosquée de Sîdi bou-Médine, le Minaret.
2. Non seulement l'élément coufique imprégna toute la décoration arabe
d'Occident, mais son influence eut des prolongements inattendus dans
l'architecture gothique. Saladin {Confé)'ence faite à l'Union syndicale des
architectes français, p. 16) parle des portes de la cathédrale du Puy et de celles
de la Voulte-Ctiilhac, « où se trouvent des ornements presque scrupuleusement
copiés sur les inscriptions coufiques».
3. Cf. Van Berchem, Notes d'archéologie, I, p. H7, — Matériaux pour
un Corpus, IV.
92
INTRODUCTION
est d'une helle écriture arrondie^ [fig. 8). L'inscription sur
bois de la maqçoura de cette même mosquée datée de 533 offre
un type curieux, intermédiaire entre Je carré et l'arrondi^.
Mais sur des inscriptions funéraires du début du vu*" siècle , le carac-
tère arrondi s'affirme ayecdes formes très élégantes^; et aux
siècles suivantstoutes les inscriptions historiques abd-el-wâdites
et mérinides appartiennent à ce type : hahoiis de Sîdi Bel-Hassen,
d'Oulâd-el-Imâm, de Bou-Médine, inscriptions dédicatoires de
Mansourah, de Sîdi Bou-Médine, de Sidi'l-Halwi, de la biblio-
thèque d'Abou-Hammou à la Grande Mosquée^. — Le seul type en
usage fut, sans grande variation de style, ce qu'on a appelé le
type andalous ; c'est celui des monuments sévillans et grena-
FiG. 8. — Fragment de Tinscription dédicatoire de la Grande Mosquée.
dins, celui de la fameuse inscription de l'Alhambra : « Ldghdlib
illd 'lldh ». Le neskhi oriental ne se montre jamais à TIemcen;
il apparut par contre à Alger àl'époque turque. Quant àla vieille
écriture cursive barbaresque, elle ne devint jamais, à propre-
1. A la même époque, le caractère arrondi apparaît sur les monnaies d'Abd-
El-Moumin l'Almohade, — Cf. Codera y Zaidin, Tratado de numismâtica arà-
hico-Espanola, pl. XXII.
2. Publiée par Tun de nous {Bulletin du Comité historique de VAfrique
du Nord^ 1902, p. 548, 541) ; on trouvera un fac-similé de quelques mots de
cette inscription fig. 24.
3. Par exemple, dans Tépitaphe d^Abou-Abdallah-Mohammed-ben-Jafar-
ben-Samoun (f 610), publiée par lun de nous {Bulletin du Comité archéolo-
gique, 1902, p. 538).
4. Cf. Brosselard, les Inscriptions arabes de TIemcen {Bévue africaine^
décembre 1858, p. 90).
INTRODUCTION 93
ment parler, une écriture monumentale ; mais elle se rencontre
d'assez bonne heure dans l epigraphie funéraire et y règne
définitivement à partir du xv" siècle. — Les inscriptions cur-
sives jouent un rôle très important dans les monuments tlem-
ceniens. De dimensions exirê moment variables, parfois elles
forment, autour des champs d'arabesques ou même des larges
bandes coufiques, de longues bordures de versets coraniques ;
parfois, elle occupent en courtes sentences pieuses des disques
ou des poh^gones au centre des panneaux. Le fond est ra-
rement garni d'un rinceau continu. Plus souvent des fleurons
détachés, des vergettes, de petits ornements en forme de V sont
chargés de combler les vides.
L'élément géométrique. — Ses origines. — Les questions
relatives aux origines de rélément géométrique sont encore
entourées de beaucoup d'obscurité. Les décors persans de
l'école partlie^, quelques fragments de monuments coptes'-,
quelques sculptures Syriennes"', les pavements mosaïques
des vieilles églises de Rome et de Salonique, les broderies et
les dentelles primitives arabes telles sont les différentes
sources qu'ont tour à tour proposées les archéologues. Quoi qu'il
en soit, il semble bien qu'aucun peuple n'ait, avant les Arabes,
fait de ce genre de décor la formule initiale de tout un style.
Tous les arts se sont plus ou moins servis de l'ornement géo-
métrique : le carré, le quadrillage, le cercle, ont de tout temps
revêtu des surfaces ou composé des bordures ; il est possible
même que, dans les premiers monuments arabes, il ait joué un
1. Cf. Dieulafoy, rArt antique de la Perse, t.. Y, p. 30-153.
2. Cf. Monu/nenf.s coptes du Musée de Boulaq, pl. III, XXVI, XLIX
LXXVII, LXXXill.
3. Cf. de Vogué, Syrie Centrale, p. 89. Pl. 43.
4. Cf. Saladin, Conférence faite à l'Union syndicale des Architectes.
94 INTRODUCTION
rôle accessoire à côté de l'élément floral et de Télément épi-
graphique ; mais il apjpartenait à l'art musulman définitivement
constitué d'en faire sa formule préférée et comaie sa caracté-
ristique.
u Élégance et complexité par des involutions géométriques
plus ou moins distinctes ou mêlées, et construites avec symé-
trie. Des figures abstraites, la flexion linéaire et une sorte de
croissance organique : en d'autres termes, des thèmes purement
géométriques que la graphique traduit par des épures, et que
la technicpie met en œuvre en y enfermant la matière, tel est
le fonds essentiel de Tart arabe ^. »
Cependant, si les tendances naturellement abstraites de leur
esprit, leur amour de la comphcation mathématique, leur éloi-
gnement rehgieux pour toute représentation de corps animés
poussèrent les Arabes à cultiver ce genre d'inspiration, les
exigences de la matière emplovée entrèrent au début pour une
part notable dans son adoption. La menuiserie, la charpente à
petits l)ois, l'assemblage des briques et des fragments décou-
pés dans la terre émaillée, le découpage des claires-voies dans
les tables de pierres ou les revêtements de stuc, telles durent
être les premiers problèmes dont la résolution sollicita l'emploi
du décor géométri(pie.
L'entrelacs rectiligne. — Ses applications. — C'est dans le
réseau des claires-voies qu'il apparaît d'abord, en Occident, à
la Grande Mosquée de Cordoue. Au minbar de Sîdi Okba
(vers 894) qui appartient à la même période, nous le trouvons
également garnissant les rectangles ajourés-. Dans ces deux
1. J. Bourgoin, /es Éléments deVArt arabe^ Paris, 1879, Avant-Vvopos.
2. Cf. Saladin, Mosquée de Sidi Okba, pl. XXVI et XXVII, les Panneaux,
21, 2.3, 31, 32, 33, .3.j. 38, 41, 42.
INTRODUCTION 9o
monuments, il revêt nettement le caractère d'entrelacs recti-
ligne, qu'il ne perdit jamais complètement : l'artiste, qui s'est
servi d'un large ruban légèrement modelé, voire même strié en
manière de cordelettes, le fait passer alternativement en des-
sus et en dessous des différentes portions de lui-même qu'il
croise. Cet enchevêtrement régulier ne fut pas toujours con-
servé dans le décor de plâtre; on ne considéra souvent le trait
que comme un moyen de limiter les surfaces ; mais il suljsista
toujours dans la mosaïque de faïence, où la bande blanche des-
sinait les traits de l'épure.
L'époque de transition n'en fait pas encore un usage très
constant. A la Grande Mos(piée de Tlemcen, les meneaux, qui
maintenaient probablement jadis les fragments de verres colo-
rés, sont encore les seules parties du monument où la conil)i-
naison géométri(pie s'étale bien franchement ; partout ailleurs
le décor floral joue le principal rôle. Dans les palais de Sicile,
une plus grande place lui est réservée. La figure du polygone
étoilé formé par le croisement de deux carrés (seule figure
géométrique (pii se rencontre sur les parois de la Grande
Mosquée maghribine) y donne lieu à des combinaisons fort
simples, mais où se manifeste nettement la tendance arabe ^
11 était réservé au xiii" et au xiv" siècle de donner à ce
genre d'ornement un développement extraordinaire. A Tlemcen,
les plafonds de bois, les caissons de plàcre, les revêtements de
bronze des portes, les claires-voies et surtout les mosaïques de
faïence permettent à l'imagination mathémati(jue des décora-
teurs de se donner libre carrière.
La formule la plus fréquemment employée est, sur plan carré,
1. fiirault (Je Prnn^cy, Essai Aur Vavchilecluve des Arabes, IM. 1"2. N° 5.
96 INTRODUCTION
la rosace rayonnant autour d'une étoile à seize et vingt-quatre
pointes. L'étoile à huit, à dix-huit et à nombre de pointes im-
pair ne se rencontre pas. Celle à douze et à vingt pointes
apparaît assez tardivement. L'étoile primitive à huit pointes et
les combinaisons qu'elle engendre se retrouvent dans presque
toutes les frises de plâtre ^
Le revêtement de plâtre des trumeaux et des murs se servit
d'ailleurs très peu de rornement géométrique proprement dit ;
le diagramme le plus communément en usage est une juxtapo-
sition de losanges curvilignes ou de motifs se raccordant en
sautoir, qui n'est point à proprement parler une combinaison
géométrique et dont nous essaierons plus loin de rechercher
l'origine.
La mosaïque de faïence eut, en revanche, comme nous l'avons
dit, souvent recours au décor géométrique. Il composa depuis la
combinaison d'une ou de deux formes jusqu'à la grande rosace
de construction savante. Il convient d'ailleurs de noter que le
décor ainsi formé conserve son caractère original en restant
« infini ». Rien ne limite l'extension des lignes et la « cristal-
lisation » des motifs. Le panneau qu'il compose n'a pas,
comme certains panneaux de l'Alhambra, un axe et des arrêts
nécessaires. Seuls les besoins de l'architecture et les grandes
lignes d'une composition d'ensemble très voulue imposent des
bornes au groupement polygonal.
L entrelacs curviligne. — Nous l'avons vu, le décor géomé-
\. C'est une combinaison analogue à celle que l'on remarque au minbarde
Sîdi Okba (Saladin, loc. cit., pl. XXVII) dans le panneau triangulaire corres-
pondant au numéro 75 du schéma. Le décor de ce panneau tranche nette-
ment avec le décor byzantin des autres ; c'est probablement celui-là que
désigne l'auteur comme comportant «le caractère de l'ornementation arabe
proprement dite», et rajouté lors de la restauration du minbar.
INTRODUCTION 97
trique semble dériver de l'entrelacs rectiligne. Par là, il se rat-
tache au genre de décor que l'on désigne parfois plus par-
ticulièrement du terme vague ^'arabesque : nous voulons
parler de toute cette famille d'ornements dont l'entrelacs cur-
viligne est le point de départ, mais dans lequel l'involution
linéaire s'enrichit et se complique, le plus souvent, de formes
accessoires, épigraphiques ou florales, qui en défigurent complè-
tement l'épure primitive^. Parmi ces ornements, nous distin-
guerons d'après les formes qui les ont engendrées, et pour en
faciliter l'étude, deux groupes distincts : l'un que nous appelle-
rons entrelacs architectural^ l'autre entrelacs floral.
V entrelacs architectural . — L'origine du premier groupe
est la ligne découpée en lobes ou en festons : soit composée de
portions de circonférences semblables, se juxtaposant les unes
aux autres, soit de successions de courbes et de raccordements
rectilignes, formant des groupes régulièrement répétés. Ces
deux genres de lignes trouvent leur première expression dans
les formes architecturales. Celui-là, dans l'arcade lobée, telle
qu'on la rencontre à Cordoue [fig. 9, A), celui-ci dérive natu-
rellement de l'emploi de la stalactite. La section d'un encor-
bellement de coupolettes par un plan [fig . 9, E) donne ce con-
tour à festons ou à lambrequins que nous venons de décrire.
Tous deux eurent une curieuse descendance dans le décor
extérieur et intérieur des monuments du Maghrib et d'Anda-
lousie.
Décor extérieur. — L'arc festonné, nous l'avons montré
plus haut, fut abandonné d'assez bonne heure, dans le Maghrib
1. Cette étroite parenté est nettement mise en lumière par le minbar dé
Sidi Okba où les combinaisons angulaires, les entrelacs curvilignes purement
géométriques et les entrelacs curvilignes à prolongement floraux se trouvent
réunis (Voir, par exemple, pl. XXXII, les Panneaux, 61, 62, 63, 64).
7
98 INTRODUCTION
du moins. Le xiif siècle ne l'employa plus comme cintrage,
mais il continua à tenir une place fort honorable dans les
faibles reliefs du décor de brique. C'est lui que nous retrou-
vons comme première bordure de bon nombre d'arcades méri-
nides. Il se répète, s'enrichit d'un double ou triple entrelacs et
sert de cloison aux fragments déterre vernissée (C) Déplus,
il est, avec la découpure à lambrequins, le point de départ des
décors les plus caractéristiques des extérieurs arabes : l'arca-
ture et le réseau. En effet, si les architectes byzantins, qui
élevèrent les charpentes de Cordoue sur deux étages d'arceaux
entrecroisés, n'eurent pas, à proprement parler, d'imitateurs,
c'est vraisemblablement à eux que les décorateurs arabes
doivent le décor ingénieux et logique dont ils revêtirent tous
les minarets d'Occident. Cet entrecroisement reparaît dans les
galeries d'arcades aveugles (B) dont la Puerta del Sol de To-
lède, la Giralda et la Kotoubîya de Marrâkech offrent les plus
anciens exemples. L'élément ordinaire en est l'arc lobé. Il
reparaît aussi, agrandi et multiplié, dans le réseau des grandes
surfaces rectangulaires. L'élément en est alors la ligne fes-
tonnée ou à lambrequins. Partant d'un arc inférieur, qui en
rappelle clairement l'origine, ils donnent naissance à une
superposition de losanges mi-curvilignes mi-rectilignes (F). Les
minarets mérinides ont donné de cette formule de très ingé-
nieuses applications. Comme on le voit, ces losanges offrent
l'avantage d'être juxtaposables, la moitié de la figure présen-
tant en creux le contour que l'autre moitié présente en plein.
1. Ce n'est là qu'une variation somptueuse sur le motif habituel des
façades arabes du Caire : le galon pourtournant Tarchivolte, suivant le cadre
rectangulaire du tympan et se nouant aux axes des arceaux. Sur l'origine
vraisemblable de ce décor, Cf. de Vogiié. Syrie Centrale, p. 134 et
Pl. 128.
100 INTRODUCTION ^ . _
Le plus souvent l'intérieur en est meublé par la retombée des
arcs supérieurs et par un fleuron terminal des arcs inférieurs.
Constamment employé dans les minarets, ce réseau ne se
rencontre guère dans les autres revêtements extérieurs. Nous
en trouverons cependant un exemple à laMédersa de SîdiBou-
Médine et une interprétation en mosaïque de faïence au portail
de la mosquée (^^. 46).
Décor intéi'ieur. — Ces deux thèmes, transportés dans la
décoration intérieure, se traduisirent dans le plâtre par des
ornements d'échelle plus réduite et d'un caractère plus com-
pliqué. L'arc lobé constitua, comme aux portails de brique, la
première garniture des grands arceaux des nefs, voire même
de la circonférence inférieure des coupoles. Parfois repoussé
tout au bord des cintres, il les découpa en petites dents régu-
lières qui donnèrent naissance au gaufrage des douelles (D) ou
au côtelage des coupoles (D'). L'Alhambra et le petit palais
d'El-Eubbâd présentent des spécimens de ce découpage. Quant
à la succession de lambrequins et au réseau qu'il engendrait
dans le décor extérieur, nous croyons en retrouver un souvenir
dans le décor régulier à losanges curvilignes, qui constitue un
des remplissages les plus constamment usités dans les revête-
ments de plâtre.
Il semble bien, en effet, qu'il apparaisse peu déformé dans
les panneaux ajourés qui garnissent les tympans de l'Alhambra
et de l'Alcazar. On en pourra voir ici (G) une interprétation très
simple remarquée dans la salle du Jugement. C'est un trait
gravé sans décor accessoire, qui reproduit visiblement le trait
initial des grands réseaux. A Tlemcen, nous en trouverons de
nombreuses app]ications. Quoique très enrichi et affectant
les formes les plus diverses^ il est cependant assez reconnais-
INTRODUCTION 101
gable; il alterne dans les écoinçons avec l'entrelacs floral ; il
revêt les grandes surfaces des murs.
Dans ce nouvel emploi, il se mélange intimement avec la
flore. Nous avons noté, en parlant des réseaux de brique, les
fleurons couronnant la soudure des lambrequins. Les vieux
minarets qui subsistent à Sé ville, la Giralda, le clocher de
San Marcos, s'ornent de ramifications végétales découpées
dans la terre cuite. Cette assimilation des deux familles de
décor, déjà visible dans le revêtement extérieur, devint plus
complète dans les compositions de plâtre. Non seulement, en
effet, les fleurons et les palmes y meublent les losanges super-
posés, mais ces losanges deviennent eux-mêmes ornements
floraux, leurs courbes ne sont plus que le diagramme de cons-
truction que les longues feuifles détachées de leur tige viennent
revêtir (H). Nous verrons tout à l'heure comment cet entrelacs
architectural, converti en palme, se déforme en même temps
que la palme elle-même au contact de l'écriture.
Entrelacs floral. — Nous étudierons maintenant le deuxième
groupe : l'ornement floral proprement dit.
Dans tout décor floral arabe, il convient d'examiner deux
parties distinctes de la composition : d'une part, l'épure de
construction et, de l'autre, le motif qu'elle supporte, l'entrelacs
curviligne et l'élément végétal, la tige et la feuille.
On le sait, la décoration musulmane est l'art le moins
naturaliste qui soit. Les prescriptions religieuses, qui
interdisaient la représentation humaine, laissaient aux ar-
tistes arabes libre carrière relativement à l'imitation des
plantes. Or ils ne s'avisèrent jamais de copier aucune des
formes végétales qui les entouraient ; leur seul but fut
de garnir les surfaces de combinaisons savantes, prétex-
102 INTRODUCTION
tant la répétition des formes peu variées de la flore ornemen-
tale.
La disposition byzantine que présentent les claveaux en
mosaïque du mirhâb de Cordoue, une tige médiane portant
des rameaux opposés, convenait mal à cet emploi ; les exemples
d'un tel point de départ rigide suivant l'axe sont fort rares
dans les mosquées Tlemceniennes ^ En revanche, le rinceau,
également en usage dans les décors byzantins, eut, en s'im-
plantant dans l'art arabe, des applications très nombreuses et
très diverses, soit que, d'un seul jet, il formât la nappe des
écoinçons, soit qu'en plusieurs tronçons s'enchevêtrant les
uns aux autres il meublât des surfaces régulières.
On trouvera un certain nombre de diagrammes joints à ceci
[fig. 10). Tous sont empruntés à l'analyse d'ornements repro-
duits dans la suite de cette étude. Ce sont la spire simple (A),
la spire à deux enroulements contraires (Bet C), le rinceau (D)
et les combinaisons auxquelles il donne lieu : l'entrelacs formé
par deux rinceaux courant suivant une même direction (E)
par deux rinceaux courant dans deux directions opposées (F),
la direction étant donnée par la disposition des branches
secondaires et leur inclinaison sur la tige principale. Notons
que, lorsque cette tige se montre dans tout son développe-
ment, elle porte un bouquet terminal à ses deux extrémités,
ce qui achève de lui enlever tout caractère naturaliste. 11 faut
donc les considérer comme de libres fantaisies ornementales,
tenant autant de la géométrie que de la flore. Comme telles,
elles sont d'une composition sinon claire, du moins ingénieuse
et logique. Les points d'attache ne sont généralement pas
1. Voir cependant un exemple isolé de rameaux souples partant d'une tige
médiane rigide {fig. 26).
INTRODUCTION 103
dissimulés ; les rapprochements sont souvent marqués par des
ligatures décoratives qui suppriment les parallélismes désa-
FiG. 10. — L'entrelacs curviligne floral. — Diagrammes de construction.
gréables ; les croisements de tiges sont aussi très clairement
104
INTRODUCTION
exprimés ; dans certains ornements, ils s'encadrent dans l'en-
roulement des palmes ou dans les fleurons d'8Lxe{fig. 33, 48,72).
Restait à adapter sur ce support flexible le motif végétal
proprement dit. Ce fut encore l'art byzantin qui fournit ce
second élément. Une seule plante, croyons-nous, constitua
presque exclusivement la flore des décors arabes, et par ses
curieuses déformations engendra la garniture des entrelacs
curvilignes : ce fut la feuille ornementale par excellence de
toute l'antiquité classique, l'acanthe, plus spécialement
Tacanthe épineuse, employée de tout temps par les Grecs et
qui fut, à partir du v"" siècle, d'un usage constant dans les
édifices romains K
On ne doit point s'étonner de voir une telle palme s'adapter
à une tige si peu faite pour elle et dont la tournure mince et
souple rappelait si mal le port naturel de la plante à laquelle
elle appartenait 2. Les décors byzantins présentent déjà des
exemples d'acanthe ou de tronçons d'acanthe portés par des
tiges flexibles formant rinceau (fig. 11) 3. On le sait d'ailleurs,
les sculptures des chapiteaux de la décadence en font une
feuifle extrêmement longue et amaigrie (fig. 12 A)^. Le limbe
y est presque réduit à la seule épaisseur des nervures. Les
groupes de digitations ainsi obtenus sont, dans les sculptures
de Cordoue, séparés entre eux par des intailles plus larges
1. Cf. Saladin, Mosquée de Sidi-Okha, p. 66.
2. Notons que Facanlhe, sans grande déformation, compose aussi des bor-
dures de palmes parallèlement disposées, se suivant sans être rattachées à
une tige; on en trouvera un exemple dans le cadre des fragments de vous-
sures reproduit ici [fig. 15). Elle conserva très longtemps ce rôle : les cintres
de Sidi Bou-Médine en présentent encore.
3. Nous devons la communication de ce rinceau à M. Gabriel Millet. Il pro-
vient de la basilique de Mistra, qu'il a récemment étudiée.
4. Cette feuille est empruntée à un chapiteau de Sainte-Sophie de Constan-
tinople.
INTRODUCTION 105
et arrondies, qui représentent l'œillet intermédiaire de la feuille
primitive (B). Ces intailles ne furent plus bientôt que des trous,
alternant aA'ec des stries profondes. A la Grande Mosquée
de Tlemcen, c'est cet aspect qu'elles revêtent ; la feuille a de
plus complètement modifié sa silhouette générale. En effet, si
l'on y trouve un exemple d'acanthe peu déformée {fig. 19) et
présentée de face, la palme la plus généralement employée est
présentée de profil, divisée en deux parties d'inégale grandeur
(C) ou formant un seul faisceau et s'échappant alors d'un
bourgeon inférieur semblable à deux cotylédons ajourés (C).
Cependant c'est toujours la même feuille avec ses stries
régulières et ses représentations schématiques d'œillets. A
Sainte - Marie -
la-Blanche de
Tolède, elle
remplit son rôle
classique en
formant les
crosses des Fig. H. — Rinceau byzantin,
chapiteaux oc-
togones (D), dont la parenté avec les chapiteaux théodosiens
n'est point douteuse.
Cette feuille eut le sort de presque tous les emprunts faiis
aux décors byzantins (C/. supra ^ Chapiteaux)^ elle alla, s'écar-
tant toujours de plus en plus de la nature, se faisant de plus en
plus conventionnelle et ornementale. A rAlhambra,on remarque
des feuilles où nervure principale, nervures secondaires,
œillets intermédiaires se retrouvent, mais complètement défi-
gurés par une libre interprétation décorative (E). A Tlemcen,
au xiv" siècle, les œillets disparaissent, il n'y a plus que des
FiG. 12. —
L'entrelacs curviligne floral. —
Spécimens de palmes.
INTRODUCTION 107
nervures (F), et la palme, ainsi simplifiée, réduite, et généra-
lement isolée de sa tige, sert de remplissage. Elle forme alors
avec ses traits gravés sur un fond souvent repercé une valeur
forte au milieu des méplats qui l'avoisinent.
Cependant cette acanthe, si conventionnelle qu'elle puisse
paraître, devait se déformer encore. On s'habitua à ne plus
^ considérer dans la palme que la figure géométrique dans
laquelle elle s'inscrivait. De très bonne heure, parallèlement
à la feuille sillonnée d'intailles, les décorateurs arabes em-
ployèrent une feuille lisse qui n'était qu'une simplification de
la première. Les deux variétés de feuilles gravées que nous
signalions à la Grande Mosquée fournissent deux types diffé-
rents facilement reconnaissables. La palme divisée en deux
parties engendre une palme plate, un peu plus longue et plus
souple, mais de même galbe et remplissant le même rôle (G)
La palme présentant un seul faisceau de nervures donne nais-
sance à une sorte de triangle isocèle, s'adaptant à la tige par
le milieu de son petit coté (G'). Le bourgeon inférieur primitif
s y révèle encore par une petite intaille angulaire et un trou
simulant l'œillet.
Ces deux feuilles s'enroulent librement suivant les besoins
du décorateur; mais il est bien rare que la courbe n'enveloppe
pas logiquement le bord interne de la feuille, c'est-à-dire, le
côté qui, dans le prototype byzantin, était suivi par la nervure
médiane.
Parfois ces palmes étaient garnies de décors fantaisistes qui
1. Nous n'ignorons pas le rapprochement que l'on a voulu établir entre ces
palmes et la feuille de lotus. Il n'est pas impossible que l'ornement égyptien
ait influé sur la tournure donnée à la palme double ; mais la parenté de celle-ci
avec la feuille d'acanthe nous semble trop évidente pour que nous adoptions
complètement cotte opinion reçue.
108 INTRODUCTION
en changeaient complètement Taspect. Sainte-Marie-la-Blanche
en montre déjà des exemples ; nous en signalerons de fort
jolies interprétations, à la mosquée de Sîdi Bel-Hassen
[ficj. 32 D, F). Certaines même, dans ce dernier édifice, pré-
sentent des recoupements qui en modifient d'une manière assez
sensible la forme initiale [même fig. E).
Avec la période mérinide, ces curieuses variétés sont
presque complètement abandonnées. La feuille longue et plate
subsiste seule et constitue l'élément floral essentiel; la fe aille
large, courte et gravée étant, comme nous Tavons vu, réservée
pour les remplissages. C'est elle dont le galbe flexible décore
les panneaux entiers ; elle termine la tige grêle des rinceaux ;
elle forme les motifs d'axe. En effet il n'y a pas, à proprement
parler de fleuron dans toute la flore magliribine Le fleuron
n'est que le rapprochement de deux palmes doubles affron-
tées (H). Les deux pétioles étant parfois réunis par une liga-
ture, il en résulte une forme assez analogue à la fleur-de-ljs.
Isolée de son support, elle circonscrit les losanges curvihgnes
des grandes surfaces. Quatre ou huit palmes doubles sont néces-
saires à cet emploi. La pointe de la longue portion s'appuyant
sous la courte portion de palme d'au-dessus, leur réunion
engendre les festons successifs dont nous avons essayé de
déterminer l'origine (^^. 9, H).
Cependant, avec le milieu du xiv'^ siècle, cet élément essentiel
des décors arabes s'abâtardit et se défigure encore. Le limbe
s'amincit et devient de plus en plus semblable au trait scriptu-
1. Nous noterons à la mosquée de Sîdi Bel-Hassen [fig. 32 A, G) un motif
d'axe curieux, sorte de représentation schématique du calice byzantin,
d'où s'échappent les rinceaux dans le panneau A. Le pied de raquette,
qui supporte parfois les deux palmes affrontées {fig. 58 B), n'est, à son tour,
qu'une déformation du pied de ce calice.
INTRODUCTION 109
ral qui l'environne. Toute rornementation d'ailleurs subit cette
dégénérescence. On peut dire qu'elle est surtout caractérisée
par l'appauvrissement des surfaces en relief, d'où résulte le
développement plus considérable des fonds ; V amincissement
des pleins déterminant V élargissement des vides. Nous en
constaterons de très manifestes exemples à la mosquée de
Sîdi Bou-Médine et plus encore à la qoubba de Sîdi Brâliîm.
CcHte dégénérescence fut très rapide : cinquante ans à peine
séparent ce dernier édifice de la mosquée de Sîdi Bel-Hassen,
qui marque peut-être l'efflorescence complète du style arabe
occidental. Ce fut encore assez pour laisser d'excellentes
œuvres, témoignant d'une imagination pleine de ressources,
donnant l'illusion de la richesse et de l'originalité, à l'aide de
quelques formules très simples empruntées à un art étranger.
Nous avons essayé de le montrer : en fait, tous les élé-
ments mis en œuvre et transformés par les artistes maghri-
bins se trouvent en germe, sinon clairement exprimés, à
Cordoue, dans la grande mosquée d'Occident. D'autre part, cette
analyse, nous le sentons, est incomplète et trop systématique.
Toute recherche relative à la civilisation du Maghrib doit tenir
compte des échanges et des rapports constants qui l'unissaient
avec l'Orient. L'étude des monuments d'Egypte pourrait don-
ner lieu à quelques rapprochements intéressants. Nous ne la
croyons cependant pas indispensable. L'art d'Andalousie et
celui du Maghrib semblent avoir constitué un groupe à part et
s'être simultanément développés.
S'il nous a semblé évident que la comparaison des monuments
de Cordoue, Tolède, Séville et Grenade devait à chaque ins-
tant éclairer une étude des monuments tlemceniens, il ne nous
paraît pas moins certain que la connaissance de ces derniers :
110 INTRODUCTION
peut, en plus d'un point, servir à mieux comprendre les édifices
d'Andalousie. La plupart, en effet, offrent l'avantage d'être
datés d'une manière certaine et d'avoir été peu remaniés.
Alors qu'il est très difficile de démêler dans les palais espa-
gnols l'apport des générations successives, chacune des mos-
quées maghribines représente pour ainsi dire une étape de
l'art moresque, une date de son perfectionnement ou de sa dégé-
nérescence. Elles deviennent donc des documents archéolo-
giques de premier ordre, utilisables non seulement pour l'étude
des édifices andalous, mais encore d(i ceux de Sicile et de
ceux que les explorations futures nous révéleront dans les
villes marocaines.
Ce ne sont point que des documents archéologiques. Tous
ceux pour qui les choses d'art ne sont pas indifférentes et
vaines seront séduits par la grâce attique de leurs proportions
et l'élégance un peu mièvre de leur parure ornementale. On l'a
dit avant nous et mieux que nous, la Grande Mosquée, Bel-
Hassen, Mansourah, Sîdi Bou-Médine ne sont pas des frères
indignes de l'Alhambra et de l'Alcazar. Mais .nous croyons
devoir insister sur le charme et l'intérêt que les monuments
maghribins empruntent à se trouver ainsi présentés dans leur
vrai cadre, au milieu d'une civilisation toute semblable à celle
qui les vit éclore. Les palais de Sé ville et de Grenade, que des
restaurations tant soit peu indiscrètes ont rendus souvent plus
riches qu'harmonieux, apparaissent comme de somptueuses
curiosités, banalisées par le tourisme, incomprises du monde
qui a continué de vivre autour d'elles. Les mosquées de Tlem-
cen ont presque toutes pour cadre les petites rues arabes
toutes grouillantes de leur foule blanche.
INTRODUCTION 111
Ce cadre, nous le savons, va disparaissant chaque jour ; le
souci artistique du Gouvernement ne peut protéger des quartiers
entiers qui valent surtout par leur ensemble, et dont la con-
servation ne s'impose pas. D'autre part, une tendance fâcheuse
pousse les habitants français à débarrasser leur ville des seules
choses qui y attirent encore des visiteurs et à faire de la cité
royale des Beni-Zeiyân la rivale d'une sous-préfecture quel-
conque de la mère-patrie. C'est là, croyons-nous, un mauvais
calcul, en même temps qu'une œuvre indigne de la civilisation
que nous représentons. Mais il semble bien qu'il faille prendre
son parti des vandalismes inutiles; Tlemcen arabe, comme le
vieil Alger, s'amoindrira de plus en plus et succombera sous la
pioche et le cordeau des vainqueurs.
Elle restera cependant, longtemps encore, un pays d'élection
pour les pèlerins d'art. A la ville musulmane dépecée survi-
vront, nous l'espérons du moins, d'autres merveilles qui ne
sauraient être cataloguées dans cette étude ; nous voulons par-
ler de ces productions naturelles de la terre et du ciel
maghribins, de ces aspects nobles et charmants qui nous ont
nous-mêmes séduits, et qu'il nous semble préférable de laisser
aux antres le plaisir de découvrir à leur tour.
ENCEINTE DE TLEMCEN. - LE GRAND BASSIN
LE MÉCHOUAR. — AGADIR
Ce qui reste aujourd'hui à étudier des anciens ouvrages dé-
fensifs de Tlemcen se compose : l*" d'une enceinte principale
dont il n'est pas trop malaisé de restituer le tracé ; 2" d'avant-
murs, d'ouvrages avancés dont il est fort difficile de faire une
étude exacte. Avec les guerres dont, au xii% au xiii% au
xiv'' siècles, Tlemcen fut le théâtre et souvent l'enjeu, l'appa-
reil de défense de la place s'agrandit, et dut singulièrement
se compliquer. Les textes mentionnent fréquemment qu'elle
reçut des fortifications nouvelles, mais sans se montrer expli-
cites sur l'importance et l'utilité de ces ouvrages. En fait,
aujourd'hui, les abords de la place sont parsemés de vieux
murs, de tours [bordj) écroulées. L'esprit populaire en a été
frappé et c'est un dicton courant que « Tlemcen avait sept
murailles, sept enceintes et que ses habitants ne dormaient ni
jour ni nuit^». En présence de ces ruines de pisé, de cons-
1. JNoLis l'avons souvent entendu citer; Walsin-Esterhazy je donne comme
provenant «dune chronique arabe» (?) (Cf. Ve la Domination turque dans ran-
cienne régence (V Alger, p. 105). Le fondateur delà dynastie abd-el-wàdite aurait
lui-même conseillé à son fils de fortifier sa capitale et de se fier à la valeur
de ses murs, plutôt que de se risquer en rase campagne (Cf. Histoire des Ber-
bères, 111, p. 369j.
8
FiG, 13. — Plan de Tlcnicen.
l'enceinte î)E tlemcën lis
tructioli et (raspect uniformes, il nous est presque impossible
d'établir le })lan général du système de défense de la i)laee,
et d'attribuer à chacun des maiires qui sy succédèrent la part
qui lui revient dans la fortification tlemcenienne.
Nous avons dit })lus haut que le plateau d'Agadir fut le siège
de la Tlemcen primitive, et nous avons rapporté la sommaire
description laissée par El-Yaqofi])i et Ihn-Haouqal de la
muraille qui Tentourait Le premier la déclare en pierre, le
second en brique cuite. Cette singulière divergence ne doit pas
tro]) sur})rendre. Poiumious, il est douteux qu'elle fut en brique,
comme le veut Ibn-Haouqal. 11 est possible qu'elle fut en pierre,
à l'image des murs romains qu'elle remplaçait; mais, si
quelque hypothèse est légitime en l'espèce, nous croirions vo-
lontiers qu'elle était, de même que la plupart des ouvrages mili-
litaires d'Espagne et du Maghrib, faite de pisé très dur, et
entièrement revêtue d'un enduit de chaux qui empêchait d'en
connaître la véritable composition. Seuls, les portes et quelques
points importants, pouvaient être bâtis en brique ou en pierre
de grand appareil empruntée aux vieilles constructions romaines.
Au x." siècle, El-Bekri, en nous donnant la liste des portes,
permet de déterminer à peu près le périmètre oriental d'Agadir.
La ville avait cinq entrées : trois au Midi, Bâb-el-Hammâm,
Bàb-M'^ahb, Bâb-El-Khoukha, une à TOuest Bàb-Abî-Qoira,
une à l'Est Bâb-El-Aqba. Nous ne savons rien de trois d'entre
elles. Retenons simplement que l'une portait le nom du vieux
chef (>jfrite Abon-(v)orra, peut-être parce qu'elle avait été
construite par lui ; qu'une^autre s'appelait Bâb-El-Khoukha, ce
qui signifie « la poterne - », et renvoyons à ce que nous avons
1. Cf. suprà, p. lo.
2. Cf. Dozy, Siipplémcjif du.r die/ loiindires^ I. [i. 411 ; M. lloud.is iidis Lcrrt,
116
LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
dit plus haut de Bâb-Wahb, et de Bâb-El-Aqha » la porte de
la Montée ^ ». Cette montée, avec la muraille qui la couronne
encore, fut la limite extrême de Tlemcen vers l'Est, et la
ville, en se déplaçant, s'en éloigna toujours davantage. Il est
remarquable, d'autre part, qu'aucune ouverture ne fut percée
dans l'enceinte Nord de la ville. C'est que, de ce côté, le pla-
teau d'Agadir offrait un escarpement qui en rendait l'accès
difficile.
Nous avons dit plus haut dans quelles conditions se créa la
ville nouvelle de Tagrârt ~. Désormais le périmètre de Tlemcen
était au moins doublé. Aussi voyons-nous ses maîtres succes-
sifs se préoccuper de la mettre en état de défense. Les destruc-
tions partielles, dont la ville eut à souffrir au cours des
guerres du xif siècle, occasionnèrent de nouveaux travaux,
un renforcement de ses ouvrages militaires ■\
Au début de la dynastie abd-el-wâdite, la ville avait
vraisemblablement atteint les limites occidentale et septentrio-
nale qu'elle ne devait pas dépasser. Nous savons en effet que
Yarmorâsen construisit les ouvrages défensifs de Bdb-Kechchmft
qui occupait à peu près remplacement actuel de la Porte de
Fez ; que, d'autre part, passant ses troupes en revue auprès de
Bdb-el-Qennddin (encore debout au Nord-Ouest de la ville) ^, il
d'autre part, qu'à Cairouan, Bàb-El-Rhoiikha est un passage fort étroit, acces-
sible à un seul homme de front, et pratic|ué dans l'épaisseur des murs de la
ville, suivant un tracé sinueux reproduisant la figure d'un Z; qu'il se rappelle
avoir passé par un chemin analogue à travers les remparts de l'ancien Alger,
à l'entrée actuelle de la rue de la Lyre; ces poternes, ajoute-t-il, sont généra-
lement placées entre deux portes de la ville, gloignées l'une de l'autre; c'est un
raccoiu'ci pour les piétons seuls. Cf. infrà^ p. 12 'i, note 1.
1 Cf. supra, p. li.
2. Cf. suprà, p. 14 et 15.
o. Cf. Complément de Hiisloire Beni-Zeiynn^ p. 9.
4. llisloire des Berbères^ 111, p. 3o3.
l'enceinte de tlemcen
117
fut yictime d\me tentative d'assassinat de la part de la milice
chrétienne. A TOrient, Tlemcen conservait toujours la premier-^
enceinte d'Agadir.
Cinquante ans après, Yahja-ben-Khaldoun nous donne le
nom de cinq portes de la ville : Bâb-el-Jiâd au Midi, Bâb-el-
Aqba au Levant, Bâb-el-Hahvi et Bâb-el-Qermâdîn au Nord,
Bâb-Kechchout au Couchante Nous indiquerons leur situation
respective en étudiant le pourtour do l'enceinte. Il convient
de noter qu'à peu près vers le même temps Abou'1-Feda parle
de treize portes 2. Peut-être est-ce qu'il fait entrer dans le
décompte les portes intérieures qui établissaient communica-
tion entre Tagrârt et Agadir, et aussi des poternes, qui devaient
percer un périmètre de murs aussi considérable ^.
Quoi qu'il en soit, le témoignage de Yahya-ben-Khaldoun,
qui vécut de longues années à Tlemcen, doit être sans aucun
doute préféré ; il nous montre une seule enceinte entourant deux
quartiers qui, par leur réunion, forment une ville unique ^
A partir de cette époque, il est vraisemblable que cette
1. Cf. Bai'gès, Complément: de V histoire des Beni-Zeiyân, p. 516.
2. Cf. Abou'l-Feda (traduct. Reinaud), p. 189; — Tlemcen, ancienne capi-
tale, etc , p. 198.
3. De fait, les textes citent fréquemment d'autres portes ; d'abord Bàb-Zîr,
qui existait encore à l'entrée à Tlemcen des troupes françaises, et était percée
dans le rempart oriental de Tlemcen, donnant une sortie vers Agadir; puis
Bàb-el-Bonoud, Bàb-es-Çarf, Bàb-Ilàn, qui pouvaient être des poternes ou des
portes de quartiers (Cf. Histoire des Beni-Zeiyàn, LXX, LXXl). Bàb-Ali, égale-
ment citée par Tenesi pour l'époque de Yarmoràsen (Cf. Histoire des Beni-
Zeii/dn, p. 13) doit vraisemblablement être identifiée avec la porte de Sidi'l-
Halwi ; elie prit le nom de ce personnage, après qu'il eut été enterré auprès d'elle
(Cf. Tlemcen, ancienne capitale, p. 418); les textes lui donnent encore le nom
de Bâb-ez-Zàwiya. Bàb-el-Iladîd qui, dans le dernier état des remparts arabes,
était une des grandes portes de Tlemcen, est déjà citée par des textes contem-
porains de Yahya-ben-Khaldoun, [Complément de V Histoire des Beni-Zeii/ân,
p. 5.51. Revue africaine, août 1859, p. 415). — Léon l'Africain donne encore cinq
portes à Tlemcen, qui, à son époque, n'était plus que Tagrârt (Cf. suprà, p. 8).
4. Comp. El-Abderi, a/j. Revue africaine et coloniale, avril 1860, p. 288.
118 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
vaste superficie ne fît que décroître. Il était difficile de pourvoir
d'un nombre suffisant de défenseurs l'énorme périmètre des
murailles : Ibn-Khaldoun raconte que déjà Yarmorâsen,
ayant attendu sous Tlemcen l'armée d'Abou-Zakâria, et se
voyant repoussé par le corps des archers, pensa trouver le
salut en se réfugiant dans la ville, mais que, n'ayant pas assez
de monde pour garnir les remparts, il ne put empêcher Ten-
nemi d'y prendre lui-même position ; il fut alors forcé de sor-
tir par la porte de la Montée, et, la trouée faite, de s'enfuir
vers le déserta Cependant l'examen direct des lieux montre
que rexcellente position stratégique d'Agadir devait faire hési-
ter les sultans à abandonner le périmètre oriental primitif, alors
même que le quartier qu'il défendait était peu à peu déserté 2.
Dominant au Sud la vallée peu large, mais assez profonde, de
l'Oued Mctchkâna, suivant à l'Est et au Nord la crête du pla-
teau, les remparts d'Agadir avec leurs tours et leurs travaux
avancés opposaient aux engins du xiii" siècle une sérieuse
résistance. Il nous faut maintenant étudier ce système défen-
sif d'après les vestiges qui en sont demeurés à Tlemcen.
De même que l'architecture religieuse, l'architecture mili-
taire des Arabes d'Occident paraît avoir des origines byzantines.
Dans la fortification byzantine, une première enceinte, composée
de tours carrées et barlongues et de courtines reliant les tours
constituait le Tzlyoç. Un avant-mur, séparé de la courtine d'un
quart de la hauteur de cette dernière, portait le nom de
T.po-dyiçim. A cette double enceinte s'en ajoutait une autre,
formée par un fossé, xa^pcç, et parle talus des terres rejetées
1. Cf. Histoire des Berbères, III, p. 343.
2. Rappelons qu'au témoignage du Qartâs les Almoravides chassés de
Tagràrt purent encore se maintenir quatre ans dans Agadir (Cf; Roudh-el-Qar-
I îs, p. 267),
l'enceinte de TLEMCEN 119
ou y^n\^ir/p\hy.. Les tours étaient barlongues, faisant un faible
relief sur la courtine, ou carrées et placées dans les positions
importantes de la défense, aux angles des places, anprès
des portes. Ces maîtresses tours s'appelaient o^z-j^y}.
Cette disposition habituelle des citadelles byzantines influença
fortement la vieille architecture militaire arabe du Xord de la
Syrie. L'enceinte fathnide du Caire construite par Bedr El-
Djamali est encore toute byzantine d'allure-; et il semble bien
que le système de fortification des Templiers, à l'époque des
croisades, ait emprunté beaucoup d'éléments à cette vieille
école En Occident, les villes d'Espagne, Cordoue, Grenade,
Séville, Almunecar, celles du Maghrib, Tlemcen et Mansourali
permettent d'étudier des systèmes de défense très analogues.
Ces ouvrages sont presque exclusivement en pisé soigneuse-
ment battu, formant de grandes assises, que séparent parfois
des lits de sable ou de chaux. Rarement la base, faite de
moellons, présente un fruit, assez faible d'ailleurs ; on en
trouve cependant des exemples dans l'enceinte Nord-Est de
Cordoue, et aux tours de Bâb-el-Qermàdin, à Tlemcen. 11 ne
semble pas qu'en Occident les musulmans se soient servi de
mâchicoulis ; les matériaux dont ils disposaient en rendaient au
reste la construction difficile. Dans l'enceinte principale corres-
pondant auT£r/oç, les courtines et les tours portaient un chemin
de ronde pris sur l'épaisseur des murs et un crénelage très
simple. Les merlons devaient avoir le plus souvent un cou-
ronnement en glacis établi sur une assise de briques, ainsi qu'en
1. (If. sur rarchitecture iiiilitaire byzantine, Texier, Archilectufe byzantine^
p. 57.
2. Cf. Van Berchem, Notes d^arc/iéologie, I, p. 61.
3. Cf. Uey, Étude sur les monuments de Varc.h.iteelure militaire des Croisén,
introd,, p, 44,
4 20 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
présentent encore les remparts des villes marocaines ;
quant aux créneaux proprement dits (c'est-à-dire les vides
compris entre les merlons), ils portent, à Mansourah et à
Séville, une proéminence médiane, laissant deux petites échan-
crures entre elles et les merlons ^ A Tlemcen, il ne paraît
pas que les courtines aient renfermé, à Tintérieur, de réduits,
chambres de tir ou dégagements, sous les chemins de ronde,
comme on en rencontre dans l'enceinte fatimide du Caire.
— Les tours, qui ont un faible commandement sur les
courtines, sont, à de très rares exceptions près, carrées
ou barlongues 2. Ces dernières n'eurent peut-être, au début
que l'importance de contreforts consolidant les murs, ainsi
qu'on en peut juger, à Grenade, dans la vieille enceinte de
rAlbaycin. Nous étudierons, à propos de Mansourah, quelle
était la disposition intérieure de celles qui faisaient partie de
l'enceinte. Pour Tlemcen, nous devons signaler plus spécia-
lement les tours isolées, qui, à l'exemple des tours de guet
romaines et grecques, protégeaient un point faible ou surveil-
laient la campagne voisine.
Le T.poTeiy^içixa byzantin se retrouve nettement indiqué dans
les fortifications d'Andalousie. C'est un avant-mur éloigné de
3 à 4*^,50 du mur principal, ayant environ le tiers de la hau-
teur de ce dernier, muni comme lui d'un chemin de ronde et
d'un crénelage, et suivant assez exactement le contour de la
courtine et des tours flanquantes. Ces dispositions que
l'on observe dans l'enceinte Sud-Est de Cordoue, dans l'en-
ceinte Nord de Séville, avaient pour but d'opposer à Tassié-
1. A Séville, les merlons sont en outre percés de trois en trois, à la base,
d'une meurtrière.
2. Gomp. Van Berchem, Notes (rarckéologie, I, p. 56, 57, 66.
l'enceinte de TLEMCEN 121
géant une iiremière ligne de défense, de retarder Tattaque
directe des murs par les machines de guerre et les tentatives
d'assaut. Sa faible élévation n'en faisait pas une position bien
redoutable pour les assiégés, quand l'ennemi s'en était rendu
maître. Il fortifiait donc d'une manière efficace l'enceinte
d'une ville dont l'assiette était peu au-dessus de la campagne
avoisinante.
Tel n'était pas le cas à Tlemcen ; ses maîtres avaient fait
suivre à l'enceinte, au moins à l'Orient et au Nord, toutes les
sinuosités d'un plateau escarpé. L'avant-mur devenait alors
d'un établissement difficile et n'off'rait plus que de médiocres
avantages. Nous pensons qu'il existait cependant. Déjà El-
Yaqoûbi parle d'une double enceinte entourant Agadir ^; et
nous croyons, d'autre part, qu'on peut reconnaître dans les
ruines d'ouvrages avancés qui sèment les abords de la place
les vestiges d'un succédané du r.^z-dyyzxm byzantin. Seule-
ment les dispositions primitives de cet avant-mur avaient
été beaucoup modifiées. Reporté au pied de l'escarpement,
éloigné parfois d'une centaine de mètres du mur principal, de
hauteur presque égale, ayant son chenjin de ronde et ses
tours de flanquement, il constitua une première enceinte qui,
le plus souvent, utilisa comme fossé un vallonnement naturel.
Cette préoccupation d'occuper les escarpements pour
empêcher l'ennemi d'y prendre position, et d'établir ses
machines de guerre et ses contrevallations, poussa même
peut-être les Tlemceniens à donner sur certains points à
leur ville deux enceintes avancées, écartées entre elles de
près de 100 mètres, et présentant à l'assiégeant un front
1. Cf. El-Yaqoûbi (édit. de Goeje), texte p. 17; traduction p. 116, 117.
d22 LES MONT'MENTS ARABES DE TLEMCEN
extrêmement étendu. Mais, à cet égard, Texamen des ruines
qui jalonnent le voisinage immédiat de ïlemcen ne peut prê-
ter, nous le répétons, qu'à des hypothèses. Ces deux lignes
d'ouvrages avancés coopérèrent-elles, à une même époque, à
la défense de la ville? L'une, au contraire, remplaça-t-elle
l'autre, ruinée et ahandonnée? C'est ce que l'on ne saurait déci-
der catégoriquement.
Quoi qu'il en soit, il semble certain que la construction des
avant-murs ne fut jamais motivée par un accroissement de la
ville proprement dite : l'agglomération demeura, à de très rares
exceptions près, en deçà de la première enceinte; c'est immé-
diatement en dehors de cette enceinte que sont placés les
tombeaux de saints protecteurs des portes, que nous étudierons
plus tard, et ces tombeaux furent vraiseml)lablement les seuls
édifices élevés dans cette sorte de zone militaire s'étendant
entre le périmètre réel de Tlemcen et la courtine des ouvrages
avancés.
Nous avons parlé d'Agadir et de l'enceinte orientale. L'oued
Metchkâna lui servait de fossé sur une partie de son parcours.
Elle s'en éloignait non loin de Bàl)-El-Aql)a pour couronner le
plateau supérieur. L'oued, en cet endroit, devenait plutôt un
danger qu'une défense naturelle L Des ennemis pouvaient,
protégés par l'escarpement, s'approcher des murs, et, suivant
la vallée, tenter un coup de main sur la ville. Pour prévenir
1. Nous sommes redevables de cette ot^servation à M. Lemaire, capitiine
du génie à Tlemcen. qui, pour toute cette partie de notre étude, nous a fourni
d'utiles renseignements. — L'occupation sur une grande longueur du ravin
de l'oued Metchkâna, paraît avoir été le principal souci des maîtres de
Tlemcen, pour ce ([ui concerne la fortification de l'Est et du Sud-Est de la
place ; les remparts dominaient son cours sur près de 2 kilomètres, et, comme
on le verra, deux pointes avancées l'accompagnent encore au Sud et au Nord
Est, là où l'enceinte le quittait.
t/eNTEINTE ])E TJ.EMCEX 123
ces éventualités, des tours de guet asse^ rapprochées Tune de
l'autre et réunies entre elles par une courtine, puis plus écar-
tées et isolées dans la campagne, commandent le cours de
l'oued, et, postes avancés, surveillent toute la plaine de la
Safsaf et les hauteurs qui l'entourent.
Lapc-rte de la Montée (Bàb-el-Aqha), qui semble avoir joué un
rcMe important dans l'histoire militaire deTlemcen, était encore
debout dans les premiers temps de l'occupation française. Son
soubassement, fait de pierres de grand appareil empruntées à
des murs antiques, était couronné d'une arcade de brique en fer
achevai brisé. Deux tours ayant également un soubassementde
pierre la flanquaient à droite et à gauche ^
L'enceinte se continuait au Nord, en couronnant le bord du
I)lateau, renforcée par l'avant-mur sensiblement parallèle au
premier. Vers le milieu d'Agadir, une galerie voûtée se détachait
per})endiculairement de l'enceinte supérieure, c'est-à-dire dans
une direction Sud-Nord. Elle était percée, à l'Est, d'une porte
encore visible h laquelle une rampe en pente douce permettait
d'arriver. Cette galerie formait ainsi un passage coudé donnant
vraisemblablement accès dans la ville. La voûte, continuée jus-
qu'àl'extrémité de la galerie, portait sans doute une plate-forme
qui surveillait le chemin d'arrivée et le pied des murs. L'enceinte
supérieure était elle-même, à la hauteur de cette galerie, sur-
montée d'une tour assez élevée, qui permettait d'inspecter les
abords. Un important fragment de cette tour subsiste encore:
1. D ans les derniers temps, cette porte était plus généralement appelée
Bàb Sidi'd-Dàoudi, d'après le nom du vieux saint Tlemcenien dont elle avoisi-
naitle tombeau (cf. sa description, ap. Bargès, Tloncen, ancienne capitale, etc.,
p. 167); il en existe des photographies dans les collections des Monuments
historiques et de l'École des Beaux-Arts. De Lorral en donne un dessin exécuté
d'après une photographie {Tovr du Monde, 1875, p. 314);
124 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
on rappelle aujourdlnii CJiotujdr bdh-er-Roivdh (le fragment de
bâb-er-Rowâli) ^
Le mnr avancé, dont on retrouve çà et là des traces dans les
jardins du bas Agadir, devait, en s'écartantun peu du mur prin-
cipal, traverser le chemin de Sîdi'l-Hahvi et passer tangentiel-
lement an village en le laissant à l'intérieur. Trois vestiges de
tours marquent ce périmètre extérieur, éloigné d'nne centaine
de mètres de l'enceinte véritable.
Avant d'arriver à l'angle Sud-Ouest de la ville, on trouvait
l'endroit appelé El-Monia, oii avait en lieu l'attentat contre Yar-
morâsen, mentionné plus haut, et l'entrée appelée Bâb-El-Qer-
mâdîn. Des vestiges importants de cette porte subsistent encore
ils se composent d'nn pan de mur médian de 12°", 50 percé d'une
ouverture assez étroite, et flanqué à l'Est et à l'Ouest de deux
tours carrées de 6 mètres de côté. Deux nouvelles tours irrégu-
lières, laissant deux passages entre elles et le corps central,
continuent, des deux côtés, l'enceinte. En arrière de ce premier
mnr et assvmétriquement posées, se trouvent deux hantes tours
rondes et pleines. Deux murs, partant des tours, remontent vers
la ville : celui de droite allait joindre l'angle d'un bâtiment
transversal voûté, corps de garde ou casemate, barrant
le fond du couloir. Le passage n'était libre qu'à l'extrémité du
mur de gauche. Enfin un dernier mur, dont un angle seul sub-
siste, encadrait le "bâtiment transversal. Les murs, les bordj
sont en pisé, et leur base est en moellon. Notons en passant
que, dans le pisé, l'on rencontre de nombreux fragments depote-
1. Nous croyons bien avoir là un exemple très reconnaissable de poterne
{Khoukha, cî.suprà, p. 115, note 2); l'accès en était coudé, suivant un principe
qui s'est conservé jusqu'à nos jours, dans la construction des entrées de
demeures arabes, et qui a inspiré, en Égypte et en Syrie, la disposition de la
bâchoura (cf. Van Berchem, Notes cV archéologie^ I, p. 42, 43 note).
l'enceinte de tlemcen
125
rie; leur présence, rapprochée du nom même de Bàb-el-Qerniâ-
dîn, qui signifie « porte des tuiliers » semblerait indiquer que ce
lieu était antérieurement occupé par une industrie céramique^.
Quel était le véritable but de cet enseml)le de travaux? De quel
danger, de quels retards embarrassait-il la marche d'un assié-
geant faisant irruption dans la ville? Quel chemin le constructeur
entendait-il lui imposer? Si l'on en croit les souvenirs de vieux
Tlemceniens, la petite porte médiane et le passage Ouest n'exis-
taient pas. Seul le passage Est était ouvert, directement protégé
par la tour ronde qui lui faisait face. On peut supposer que la
seule route possible était alors le couloir compris entre les deux
tours et les murs qui leur font suite. L'apparence d'un chemin de
ronde subsistant au sommet des murs et extérieur à ce passage
rend probable cette interprétation. Quoi qu'il en soit, la porte
El-Qermâdîn devait constituer pour Tépoque un ensemble de
fortifications très sérieuses, autant pour protéger la ville contre
un coup de force que pour faciliter une sortie des assiégés.
Sur le front occidental, la double enceinte se continuait. Le
mur principal suivait assez exactement le rempart actuel,
d'abord extérieurement, puis intérieurement, laissant le Grand
Bassin en dehors, et était percée peu après par la porte Kech-
chout-.
\. A côté de Bâh-el-Qermâdhi, qui est la leçon la plus courante dans les
mss. de la Baghyat-er- liomvnd que nous avons consultés, on trouve encore
Bâh el-Qennddi, ou Bah El-maqermadin (cf. Histoire des Berbères, 111, p. 353) ;
ËL-qermadir ap., Piesse et Canal, 80; de Lorral fappelle «la forteresse de
Toubiana»; il a vraisemblablement pris le mot «Tobbàna», nom générique
du bastion umni d'artillerie, (jui lui était fourni par un informateur, pour le
nom même de l'ouvrage dont nous nous occupons ici (cf. Tour du Monde, 1875,
p. 336). — Cette porte, située en dehors de l'angle Nord-Ouest des murs nctuels,
est prise, dans notre photograpliie, de la route qui mène au cimetière
israélite.
2. On trouve dans les textes les leçons «Kechchout, (jecbchout et Kech-
chouta» ; la première est la plus fréquente, et c'est celle que nous avons
126 LËS MONUMENTS ARABES DE TLEMCËN
Le Sahrîdj-el-Kebv\ bassin rectangulaire aj'ant 200 mètres
do long sur 100 de large et 3 mètres de profondeur, est resté
pour les archéologues une énigme difficilement explicable.
Azéma de Montgravier y voit un ouvrage des Romains'.
D'autres Tattribuent avec plus de raison à Abou-Tâchfîn et
fixent la date de sa construction entre les années 718 et 737.
L'al)bé Bargès imagine que ce fut uniquement là nue fantaisie
de sultan désirant se procurer des réjouissances mondaines et
s'offrir aux portes de Tlemcen le spectacle de coûteuses nau-
machies '. Cette explication, qu'il convient d'ailleurs de rappro-
cher de l'attribution analogue faite par Almegro Cardenas au
grand étang de l'Alcazar Genil, nous semble assez difficile-
ment acceptable-'^. Nous inchnons plutôt à penser que cet
énorme bassin, de même que les réservoirs plus petits que
l'on rencontre à l'Est aux abords de la ville-', au Nord et au
Sud disséminés dans la campagne, de même que le Sahrîdj de
Marrakech, son ancêtre d'un siècle, fut creusé et revêtu de
pisé pour assurer à la culture de la banheue une abondante
entendue de la bouche même de vieux TIemceniens. Le nom de cette porte est
expliqué populairement par une curieuse légende de sacrifice de construction ;
Fun de nous la donnera ailleurs. C'est par BAb-Kechchout que les Mérinides
entrèrent à Tlemcen, en 1337. « Le passage, dit Ibn-Khaldoun, qui donne entrée
dans la ville du côté du couchant, et qui avait une porte à chaque extrémité,
s'emplit de cadavres à tel point qu'à peine pouvait-un passer sous la voùle»
(Histoire des Berbères^ lY, 222; 111, 412). C'est auprès d'elle encore que fut mis
à mort le sultan Abou-Abdallah Mohammed, en 1430 (cf. Complément de
rhistoire des Beni-Zeii/àn, p. 288). Sur notre plan, elle est désignée par son
dernier nom de Bàb-Sîdi-Boudjemà.
1. Excursion archéolorjiqiie d'Oranà Tlemcen^ p. 14.
2. Cf. Tlemcen, ancienne capitale, etc., p. 350, 3.^6 ; c'était déjà rexi)lication
qu'en donnait la tradition populaire à l'époque où Shaw visita Tlemcen
[Voyage dans la Régence d'Alger^ traduction Mac-Carthy, p. 243).
3. Cf. Inscripciones arabes de Granada^^. 180, nota.
4. Généralement appelé «Sahrîdj er-Rebeut » {cL Tlemcen , anciennîe capi-
tale, p. l.o3).
L*ENCEINTE DE TI.EMCEN 12*
provision d'eau. On sait le soin que les Arabes ont apporté
aux travaux d'irrigation : la campagne tlenicenienne est tout
entière sillonnée d'aqueducs, de conduits, parsemée deciternes,
plus ou moins profondes; il y avait là non une vaine recherche
de luxe, mais une exigence vitale, et le maître d'une agglo-
mération aussi considérable que Tlemcen ne devait rien ména-
ger pour y satisfaire.
Ce réservoir était alimenté par des sources de Lalla-Setti.
Les restes d'un véritable cliâteau d'eau se rencontrent à la
hauteur du Grand Bassin, en dessus de la route actuelle de
Maghnia. Suivant une tradition assez répandue, Aroudj, étant
entré en vainqueur dans Tlemcen, aurait fait nover dans le
Sahridj les derniers mend)res de la famille souveraine des
Benî-Zeiyâni.
L'enceinte avancée, traversant la route d'Hennaya, enfermait
l'ancien cimetière juif, et, courant parallèlfMnent au mur prin-
cipal, laissait h l'intérieur le grand bassin. Des ruines iujpor-
tantes, incorporées en partie aujourd'hui à des habitations
européennes, sem])lent avoir constitué, à 150 mètres environ de
cette seconde enceinte, un troisième périmètre muni de tours
assez élevées. Elle douane du (*ôté de Mansourah une dépres-
sion naturelle, peut-être ancien lit d'un oued desséché. C'est
vraisemblablement à ce groupe d'ouvrages qu'il faut rattacher
le château-fort d'Imâma, qu'Otsmân le Mérinide détruisit, en 681)
de l'hégire, sans pouvoir atteindre à l'enceinte principale de
Tlemcen
Le };oint le plus faible de la place était sans doute le front
1. Cï. Tlemcen, ancienne capitale, etc., p. 357 ; — Brosselard, Tombeaux des
émirs Deni-Zeii/dn, p. 127, 128.
2. Cf. Histoire des Berbères, LV, p. 130 in. princ; — Itnâma. est à environ
l'iOO mètres au Xord-Ouest de Tlemcen.
128
LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
Sud. Là, la ville, abandonnant à l'Est l'oued Metchkâna, se trou-
vait dominée par la crête de Lalla-Setti. C'était là pour l'as-
siégeant une position de choix ; c'était de la brèche voisine
d'Es-Sakhratein qu'Abd-el-Moumin s'était précipité sur l'armée
almoravide; et bien souvent les Tlemceniens durent voir, sur
la côte qui descend d'El-Qala à Mansourah, prendre position les
troupes marocaines. De sérieux travaux de défense étaient
nécessaires pour conjurer le danger. L'extension du périmètre
des murs et l'édification de la citadelle de Tlemcen firent de
cette face une des mieux défendues de l'enceinte.
A l'extrémité orientale, une pointe de l'avant-nuir accompa-
gnait vers le Sud le cours de l'oued Metchkâna; sur la côte,
un horclj dominait la ville, et pouvait servir à surveiller
les mouvements de l'ennemi ^ Enfin un avant-mur, précédé
d'un fossé creusé de main d'homme, quittait l'oued Metchkâna
à la hauteur du cimetière chrétien et courait vers l'Ouest jus-
qu'à la hauteur de l'angle Sud-Ouest du rempart actuel. Un
bonlj important le limitait à son extrémité occidentale. Cette
première ligne de défense s'opposait aux assiégeants, à cent
mètres environ de l'enceinte principale, et devait considéra-
1. H a été réparé par e génie militaire en 1842. Outre qu'elle occupe une
position importante, cette tour protège les moulins échelonnés sur la côte
d'El-Qala; elle permit d'assurer aux premiers temps de l'occupation française
l'approvisionnement en farine de la ville. Les rapports du génie militaire la
désignent généralement sous le nom de tour des Moulins (communication de
M. le capitaine Lemaire). La côte d'El-Qala paraît de tout temps avoir été
considérée comme un point stratégique important. Son nom est peut-être
l'abréviation de celui de « qala d'Ibn-Jàhil », cité par El-Bekri : «Au sud de
Tlemcen se trouve la qala d'Ibn-Jàbil, fortifiée, riche en eau et en fruits, et
cnuligiie à la montagne de Terni.» (Édition de Slane, p. 77). Mais il faut se
garder de suivre Bargès lorsqu'il veut placer à El-Qala la citadelle de Temzez-
dekt où l'Almoliade Es-Said assiégea Yarmoràsen [Tlemcen^ ancienne capitale,
p. 171, note 2). Temzezdeckt est, suivant Ibn-Khaldoun, située dans la montagne
au Sud d'Oujda [Histoire des Berbères, 111, p. 34<S) ; elle est décrite par Léon
rAfricain et Marmol (Léon l'Africain, 111, p. 8; — Marmol, II, 322).
l'enceinte de TLEMCEN 129
blement resserrer leur champ craction. Un épisode, raconté par
Ibn-Khaldonn, précise cette disposition : « Le sultan mérinide
Abou'l-Hasen avait coutume de faire chaque matin une inspec-
tion personnelle de ses postes d'attaque. Il s'avançait à cheval,
et à quelque distance de son escorte. Abou-Tâchfîn résolut de
s'emparer de la personne de son ennemi et plaça à cet effet
des hommes en embuscade. Quand le sultan fut arrivé à
l'endroit situé entre la ville et la montagne, les hommes de
Tembuscade furent sur le point de le saisir ; même leurs meil-
leurs coureurs allaient Tatteindre, quand on s'aperçut au camp
mérinide de ce qui se passait. Aussitôt tout le monde monta à
cheval; on s'élança an secours du prince par bandes et séparé-
ment. Ses fils Abou-Abd-er-Rahmân et Abou-Mâlik, les plus
intrépides cavaliers, se mirent en selle et accoururent avec le
reste des mérinides. De toute part, ces guerriers se précipi-
tèrent en avant commodes faucons sur leur proie. Les troupes
abd-el-wâdites sorties de Tlemcen prirent la fuite et tom-
bèrent par mégarde dans un fossé où une foule de monde fut
écrasée. Plus de guerriers y succombèrent que dans le conflit
qu'ils voulaient éviter ^ »
Bien en arrière de cet avant-mur se dressait l'enceinte
même delà ville. Vers son centre, appuyé comme le castellum
des cités romaines à une partie de l'enceinte principale, et
pénétrant dans l'intérieur de Tlemcen, se trouvait le quadri-
latère du Méchotiar-. Nous dirons plus loin (Grande Mosquée)
1. Histoire des Berbères, IV, p. 222; 111, p. 411.
2. «Méchouar», qui signifiait à l'origine «salle du conseil», désignait dti
Andalousie et dans le Maghrib un palais-ciladelle (Cf. Dozy, Supplément aux
Dictionnaires arabes, I, p. 800). Dans le sens de salle du conseil, le mot ne
paraît pas inconnu aux dialectes orientaux (Cf. Van Berchem, Matériaux
pour un corpus, p. 585, note 3).
9
130 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
dans quelles circonstances Yarmorâsen en jeta les premiers
fondements. Ses successeurs y apportèrent de nombreux
embellissements. La ceinture de hautes murailles, qui l'entoure
aujourd'hui encore, fut, au témoignage d'El-Tenesi, l'œuvre
d'Abou'l-Abbâs Ahmed i. Mais on n'en doit pas conclure
qu'avant ce prince la résidence royale de Tlemcen fut dépourvue
de fortifications. Dès 717, elle pouvait être, ainsi que le raconte
Ibn-Khaldoun, en même temps qu'un palais, une sorte de pri-
son ; Abou-Hammou P'' y retint près de lui des otages pris aux
rebelles de Médéah Au xvi^ siècle, Léon l'Africain le vit
encore très florissant : « Du côté du midi est assis le palais
royal ceint de hautes murailles en manière de forteresse, et
par dedans embelli de plusieurs édifices et bâtiments avec
beaux jardins et fontaines. 11 a deux portes, dont l'une regarde
vers la campagne, et l'autre — là où demeure le capitaine du
château — du côté de la cité-^. » Marmol en fait une descrip-
tion identique et donne, en outre, les noms des deux portes,
la première se serait appelée Bâb Gied, et la seconde Bâb
Gâdir'*. — Avec la domination turque, le Méchouar subit
une profonde décadence. Les pavillons qui ornaient Tintérieur
furent à peu près détruits lors de la révolte des Tlemceniens
contre le bey Hasan, en 1670 ^ Seule la haute enceinte subsista,
\. Cf. suprà, p. 26.
2. Cf. Histoire des Berbères, III, p. 397.
3. Cf. Léon TAfricain, 111, p. 25. — Tout le chapitre xvi de Tlemcen, capi-
tale^ etc., est consacré à la description du Méchouar et à Ténumération des
merveilles qu'il contenait.
4. Cf. Marmol, 111, 330; ces noms nous paraissent impossibles à identifier,
ou plutôt nous croirions volontiers à une confusion de Marmol avec deux
portes de l'enceinte : Bàb-el-Jiàd et Bàb-Agàdir (la porte de la Montée portait
parfois ce dernier nom).
5. Cf. Tlemcen, ancienne capitale, p. 385.
l'enceinte de TLEMCEN 131
dégradée, mais capable d'abriter encore efficacement les
maîtres de la citadelle. En cas de danger, toute la population
qouloughli, d'origine turque, pouvait y trouver asile, et en
même temps coopérer à sa défense. C'est ce qui arriva encore
en 1832, quand le sultan du Maroc voulu s'emparer de Tlemcen,
et, en 1886, lorsqu'Abd-el-Kader se fut rendu maître du reste
de la ville. Des maisons particulières occupaient toute la
partie Nord du rectangle ; le palais, les jardins et la mosquée
étaient situés dans les parties Sud et Est. En 1842, le génie
militaire trouva l'intérieur du Méchouar encombré de ruines ;
il déblaya, abattit des masures, rasa ce qui restait de l'ancien
palais, et construisit à la place des bâtiments destinés à divers
services de l'armée. Il conserva l'emplacement des deux portes,
mais en élargit l'accès^ ; il restaura sérieusement l'enceinte,
fort endommagée. Aujourd'hui, crénelée à l'européenne, percée
de meurtrières, munie d'échauguettes, elle n'offre plus grand
chose d'intéressant à l'archéologue, qui étudie la fortification
arabe du Maghrib.
Vers le Sud-Est, l'enceinte principale prolongeant le mur
extérieur du Méchouar, allait rejoindre l'enceinte avancée au
lieu qu'on appelle aujourd'hui Bît-er-Rîch. Elle a laissé, comme
vestiges, trois tours en pisé situées à l'intérieur de la ville, à
40 mètres environ des nouveaux remparts (Voir Pl. 11), et
des fragments de courtine dans les jardins qui s étendent entre
la muraille actuelle, la route de Bel-Abbès, et le chemin de
Sîdi Bou-Médine. D'après nos conjectures, c'est à Bît-er-Rîch
1. Dans leur dernier état, celle qui donne sur la ville portait le nom Bàb-el-
Méchouar, et celle qui donne sur la campagne de Bàb-et-Tsouitsa ; la tour
actuelle qui surmonte la première fut bâtie par le génie militaire, en 1843;
elle ne date pas de l'époque arabe, comme le veut de Lorral {Tlemcen^ p. 362).
132 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
que devait être située anciennement une des portes méridio-
nales de la ville, Bâb-el-Jiâd^ Un groupe de tours et une
épaisse muraille dont il reste d'importants fragments défendait
là un pont jeté sur l'oued Metchkâna. D'autre part une tour
placée à quelques mètres de l'oued Metchkâna, et à 100 mètres
environ des nouveaux remparts (elle portait dans son der-
nier état le nom de Bordj-Qchâqech), faisait partie de l'en-
ceinte avancée. Un chemin couvert, aujourd'hui à ciel ouvert,
mais encore voûté au moment de l'entrée, à Tlemcen, des
troupes françaises, mettait en communication cette tour avec
l'enceinte principale située en arrière.
De Bit-er-Rîch, Tenceinte traversait la route actuelle de Bel-
Aljbès. Elle passait par des terrains maintenant occupés par la
gare; des fragments importants, incorporés dans les habitations
européennes voisines, le long de l'oued Metchkâna, en sont
encore visibles. Elle fermait Agâdir, en allant rejoindre le péri-
mètre oriental au-dessous du cimetière de Sîdi-Yaqoub. C'est là
que, selon nos conjectures, était située l'ancienne porte de Wahb.
L'enceinte Sud-Est d'Agâdir était-elle double? les vestiges sub-
sistant ne permettent pas de l'affirmer. Le voisinage immédiat
de l'escarpement de l'oued Metchkâna rendait d'ailleurs difficile
1. Cf. Une explication du nom de Bit-er-Rîch. ap. de Lorral, Tour du Monde,
1875, p. 32. Elle ne nous a pas été confirmée personnellement; mais elle
parait fort plausible, de ce fait que des rites sacrificiels analogues à ceux
décrits par de Lorral se célèbrent encore couramment dans certains sanc-
tuaires tlemceniens. D'autre part, des textes nous parlent des cimetières
d'Ain- Wànzouta et d'El-Merdj en dehors et à côté de Bâb-el-Jiâd [Bostân,
notre manusc , ps. 70, 170, 248, 471); or ces cimetières sont bien connus
aujourd'hui encore; ils sont situés à 150 mètres environ au Sud-Est de Bît-er-
Rich. 11 semble, d'après la description qu'en donne Mohamed-ben-Yousef-el-
Qaisi dans une pièce de vers en l'honneur de Tlemcen, qu'on aboutissait à
Bàb-el-Jiàd par des rues tortueuses {Complément de VHistoire des Beni-Zei-
!/('in, p. 548.
l'enceinte de TLEMCEN 133
l'établissement d'un avant-mur. Cepeudant les traces de deux
enceintes sont encore visibles à Sîdi Yaqoub : l'une, en avant,
contourne le plateau de ce cimetière en suivant l'oued ; l'autre,
à l'Ouest, en arrière, parsème de ses débris une petite crête,
aujourd'hui couverte de jardins.
Au début de la dynastie Abd-el-Wâdite, Agadir était encore
fort peuplée ^ Elle déclina rapidement dans la suite, au fur et à
mesure que Tagrârt augmentait. A l'époque des derniers zeiyâ-
nides, les textes nous en parlent comme d'un quartier solitaire,
et à peu près abandonné-. Dévastée encore au cours des guerres
sanglantes qui précédèrent l'occupation des Turcs, Agadir cessa
d'être habitée. Sous la domination des successeurs d'Aroudj,
ses habitants rentrèrent dans Tagrârt ou se retirèrent au
Maroc. Peu à peu les cultures maraîchères remplirent les
intervalles des ruines. Seule la mosquée avec son minaret, et
une partie de l'enceinte orientale et septentrionale subsista;
mais on cessa d'y réparer les brèches que le temps y ouvrait
chaque jour. La Tagrârt primitive devint tout Tlemcen'^
Au moment de l'entrée à Tlemcen des troupes françaises,
l'enceinte occupait sensiblement remplacement que couvre
aujourd'hui le rempart en pierres de taille, commencé parle génie
militaire en 1852^. Les avant-murs, les ouvrages extérieurs
1. Rappelons que Yarmoràsen Jugea utile d'élever un minaret à sa mosquée
(Cf. suprà^ p. 19).
2. «Le chîkh Sîdi Lahsen (f 1453) alla s'établir dans le quartier solitaire
d'Agadir ;> [Complément de V Histoire des Beni-Zeiyân, p. 323); au xvir siècle,
l'auteur du Bostàn, parlant d'un personnage enterré auprès de Bàb-Zîr, qui
faisait communiquer Tlemcen avec Agadir, dit : « Sa tombe est à l'intérieur de
Tlemcen, c'est-à-dire « de la Yille» {B os tan, notre manuscrit, p. 476); c'est
donc qu'Agadir n'est plus qu'une banlieue.
3. Cf. Tlemcen, ancienne capitale, e^c.,p. 179, 180; Ez-Ziàni, ap. Complément
de riiisloire des Beni-Zeiyân, p. 537.
4. Nous avons personnellement consulté de vieux Tlemceniens ; en outre,
134 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
étaient à peu de chose près aussi ruinés qu'ils le sont mainte-
nant, et nul n y prêtait plus attention. A l'Est, un mur isolait
la ville du quartier ruiné d'Agadir; à quelques 50 mètres
de lui, une ligne de décombres courait parallèlement; peut-
être représentait-elle les restes de l'enceinte occidentale pri-
mitive d'Agadir^, celle où, avant la fondation de Tagrârt,
s'ouvrait la porte d'Abî-Qorra. Sur la face septentrionale,
trois portes s'ouvraient; la première, Bâb-Sîdi'1-Halwi, ou
Bâb-ez-Zàwiya dominait le petit village de Sîdi'l-Halwi ; une
autre plus petite, Bâb-Sour-el-Hammâm était située un peu au
couchant de la porte du Nord actuelle ; enfin, Bâb-el-Qermâdîn,
dont nous avons parlé plus haut, occupait Tangle Nord-Ouest
de la cité ; des casernes de yolddch ravoisinaient. Sur la face
occidentale, on trouvait deux portes : l'une Bâb-es-Sâqa, était
placée à droite de la porte d'Oran actuelle; l'autre était la
vieille Bâb-Kechchout ; elle portait aussi le nom de Bâb-Sidi-
Boudjemâ ou encore le nom pittoresque de Bcâb-el-Jorlîla,
porte de la Balançoire ; dernier lui venait des cadavres
de malfaiteurs, qui, victimes de la justice sommaire des
gouverneurs turcs, s'y balançaient souvent. Deux saillants
la flanquaient, où étaient installées des batteries turques (tob-
bâna). Sur la face méridionale, on rencontrait successivement
le bordj Zafrani (nous en avons fait la tour Safranet!) et le
bordj Sîdi Bou-Izâr; ils sont encore debout; puis Bâb-el-Hâdid,
un peu à gauche de la porte actuelle des Carrières. Enfin, une
petite poterne ombragée d'un mûrier, et qui en recevait le
nom de Bâb-et-Tsouîtsa (porte du Mûrier) donnait un accès
M. le capitaine Lemaire nous a communiqué divers renseignements puisés par
lui dans les archives du génie.
1. Gomp. Tlemcen, ancienne capitale, etc.,i>. 153.
l'enceinte de TLEMCEN 135
étroit et tortueux dans le Méchouar^. La face orientale était
percée de quatre portes : Bâb-Taqarqârêt, était située à l'angle
Sud-Est de l'enceinte actuelle, à 100 mètres de l'oued Metclikâna ;
et en face du bordj el-Qcliaqech ; Bâb-el-Jiàd reportée bien
au Nord-Est de son emplacement primitif, s'ouvrait un peu à
gauche de la porte actuelle de Sîdi Bou-Médine - ; enfin, suc-
cessivement, Bâb-er-Rebeut (entre les portes actuelles de
Sîdi Bou-Médine et de l'Abattoir), Bâb-es-Souîqa (sur l'empla-
cement de la porte de l'Abattoir) et Bâb-Zîr (à la hauteur du
village de Sîdi Lahsen) donnaient accès dans la ville à travers
la longue ligne du rempart oriental.
1. Cf. suprà, 131.
2. Le quartier qui avoisine la porte actuelle de Sidi Bou-Médine porte
encore le nom de Houma Bâb-el-Jiâd, on trouvera un dessin représentant
Bàb-el-Jiàd dans son dernier état ap. Piesse et Canal, Tlemcen, p. 14.
Il
MINARET D AGÂDIR
Nous avons dit plus haut dans quelles conditions Idrîs
édifia la mosquée d'Agadir, El-Jâmi El-Atîq (la vieille mos-
quée), comme on l'appelle parfois. Son fils Idrîs II y retravailla,
et la dota d'une chaire. Suivant le Qaftâs^ un voyageur du
xi° siècle de l'hégire aurait encore vu au sommet du miiihar
d'Agâdir un morceau de bois où étaient gravés ces mots :
(( Construit par les ordres de l'imam Idrîs-ben-Idrîs-ben- Abdal-
lah dans le mois de Moharrem 199 » Quant au minaret, il fut,
selon El-Tenesi, Tœuvre de Yarmorâsen. Il paraîtra extraor-
dinaire que, pendant quatre siècles, cette mosquée cathédrale
d'une ville importante fût demeurée sans minaret ; au surplus
le terme « band^), construire, qu'emploie El-Tenesi 2, a une
signification extrêmement lâche. Il peut s'apphquer aune réé-
dification, aussi bien qu'à une fondation ; et peut-être que la
1. Cf. Roudli-el-Qartâs^ p. 60.
2. Ed-dourr wal-Iqyân (manuscrit de la Médersa de Tlemcen), fol. 60.
Pl. III
Fontemoing;, EJifeur, Paris
i^hototypie lienhaïul
MINARET D'AGADIR
MINARET d' AGADIR 137
base du minaret, faite de pierres de grand appareil empruntées
à des constructions romaines, nous offre les derniers vestiges
d'un minaret primitif, antérieur à Yarmorûsen, et partielle-
ment reconstruit par lui.
La Jâmi El-Atîq suivit le sort d'Agâdir. Elle cessa d'être
fréquentée au fur et à mesure que le vieux, quartier qui l'en-
tourait était déserté. On y disait encore la prière du vendredi
au xv*' siècle, sous le règne d'Abou'l-Abbâs Ahmed ^ Même le
Bostân mentionne le savant Ali-ben-Yaliya Es-Salaksini, qui
mourut en 1564, comme ayant été imâm de la mosquée d'Aga-
dir ; ce personnage y faisait en outre des cours très fréquentés-.
Mais, avec la domination turque, Agadir fat définitivement
ruiné, et sa mosquée n'eut vraisemblablement plus de fidèles.
Peut-être continua-t-on encore, au xvii^ siècle, d'y réciter le
Coran ; c'est une pratique pieuse qui persiste dans les mos-
quées après qu'on n'y célèbre plus le culte A l'entrée des
troupes françaises à Tlemcen, la Jâmi El-Atîq ne présentait
plus qu'un amas de décombres qu'on fit disparaître. Le mina-
ret seul subsiste encore.
Ce minaret est situé dans un champ, à 15 mètres envi-
ron d'un chemin qui descend de la porte actuelle de l'Abattoir
à la vieille route de Safsaf. D'après les renseignements que
nous avons recueilHs, il était, comme les minarets de la Grande
Mosquée de Tlemcen, de Sîdi Bou-Médine et de Sîdi'l-Halwi,
1. Cf. Complément de l'Histoire des Benî-Zeiydn.
2. Bostdn, notre manuscrit, p. 296-299 ; .Xli-ben-Yali va était, à re qu'indique
le texte, à la fois moueddin et imàm à, la mosquée, ce qui stmblc indiquer,
que ce sanctuaire n'avait plus aucune importance.
3. Cf. Habous de la mosquée de Chikh Senousi, ap. Revue africaine, sep-
tembre 1861, p. 332, 1. 13.
4. 11 en est encore ainsi dans certaines mosquées ruinées de Bou-Médine;
comp. Doutté, ap. Journal asiatique., janvier 1902, p. 161 ; in fine.
138 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
situé au Nord de la mosquée. Sa base, jusqu'à une hauteur de
6 mètres, est formée de belles pierres, empruntées à des
constructions ou à des tombeaux romains. Plusieurs portent
des inscriptions latines K Au-dessus de ce soubassement s'érige
une tour de brique dont les cotés sont ornés de faibles défon-
cements, garnis d'arcatures et de réseaux, et percés de fe-
nêtres étroites éclairant Tescalier. Le décor varie peu sur les
quatre faces. On rencontre d'abord, en partant du bas, un
petit rectangle garni, soit d'une arcade festonnée portant sur
deux pilastres de brique, soit de deux arcades lobées repo-
sant sur une colonnette médiane monolithe et couronnée d'un
chapiteau à crosses simplement épannelées. Des colonnettes
semblables soutiennent les arcs lobés des grands réseaux
supérieurs, composés de diagonales lobées sans ornements, ou
à lambrequins et décorés régulièrement de fleurons en terre
cuite inscrustés d'émail vert. Une bande de briques forme cein-
ture et précède la galerie supérieure. Celle-ci est formée de
cinq arcades lobées portant sur des colonnes sans chapiteaux.
Des merlons à redans couronnent la plate-forme. L'édicule
terminal porte un arc à feston, et un petit réseau. Des ins-
crustations de plaques vertes et un cadre à décor étoilé en
complètent le revêtement.
Un escalier de cent vingt-trois marches, portant sur un
noyau central, permet l'accès à la plate-forme. Les rampes en
sont couvertes, dans les trois premières volées, par des dalles
1. Cf. Sup. p. 10, note 3. — Tlemcen, ancienne capitale, p. 15îi et suiv. ; nous
ne saurions, bien entendu, souscrire à l'amusante remarque de Bargès, qui
loue Farchitecte musulman «d'avoir fait preuve d'intelligence en plaçant dans
le mur des inscriptions latines, de manière à pouvoir être lues » (p. 163). — Voir
Gagnât et Saladin ap. Voyage en Tunisie, Tour du Monde 1885 II, p. 318, un
exemple analogue.
MINARET d'aGÀDIR 139
romaines et dans le reste de l'escalier, par des voûtes d'arêtes
en brique.
Ce minaret, classique de plan et de composition, et de pro-
portions très élégantes, était très probablement revêtu en
entier d'un enduit à la chaux.
]l[
GRANDE MOSQUÉE
Uno inscription cursive qui se déroule sur la corniche du
tambour de la coupole, à la Grande Mosquée de Tlemcen, nous
fournit la date la plus ancienne qu'on puisse assigner à la
construction de cet édifice. Cette inscription est ainsi conçue :
(( Au nom du Dieu clément et miséricordieux. Que Dieu bénisse
Mohammed, sa famille et leur donne le salut ! L'ordre d'exécuter
cet ouvrage 1 est émané de TEmir très illustre... Que Dieu
fortifie son pouvoir, augmente l'aide qu'il lui prête, et perpétue
son règne ! Ceci a été achevé sous la direction du juriscon-
sulte très illustre et cadi très généreux Abou'l-Hasen-Ali-Ben-
Abd-er-Ralimân-ben-Ali que Dieu fasse durer sa gloire. L'ou-
vrage a été achevé en Djoumâda second de l'année 530 ~. » —
1. Mimmâ amara bi Amalihi ; — cf. sur cette formule, de Saulcy np. Jour-
nal asiatique, avril 1839, p. 3n et suiv. ; — Van Berchem, ^otes cV archéologie,
T, p. 19, note 2.
2. Publiée et traduite par Brosselard [les Inscriptions arabes de Tlemcen
[Revue africaine, décembre 1858)] et Bargès [Tlemcen, ancienne capitale, etc.,
p. 435, 430). Après vérification, nous adoptons la lecture de Brosselard, et
notre traduction ne diffère que très peu de la sienne ; on trouvera reproduit le
fac-similé de la date de cette inscription (p. 92, fg. 8;. D'autre part, Brosse-
lard [Hev.Afric, déc. 1858, p. 85) confond la Grande Mosquée de Tlemcen
(Tagràrt) avec celle d'Agadir, quand il attribue sa fondation première k Idris-
ben-Abdallah.
LA GRANDE MOSQUEE J41
D'autre part, une inscription gravée sur le pourtour de la porte
en bois de Tancienne maqçoura^ nous donne la date de Rama-
dhân533^ Ces deux dates, correspondant aux années 1135 et
1138 de l'ère chrétienne, nous reportent au règne d'Ali-ben
Yousef, l'avant-dernier desAlmoravides (1106-1142). Ce prince,
grand guerrier et bon administrateur, affermit en Espagne la
domination musulmane. C'est sous son règne qu'apparut le
mahdi almohade Ibn-Toumert, dont le successeur Abd-el-Mou-
min devait consommer la ruine des Almora\^ides.
« Une particularité qui frappe tout d'abord à la lecture de
cette inscription commémorative, a dit Brosselard, c'est que
le nom du prince fondateur, qui s'y trouvait originairement
mentionné, a disparu sous le ciseau^. » Il en est bien ainsi :
entre les mots « le très illustre » (El-Adjall) et « que Dieu
fortifie... » (Ayj'ada'llâh) se remarque une lacune d'environ
50 centimètres. Bargès a présumé, avec beaucoup de sagacité,
que le mutilateur devait être l'almohade Abd-el-Moumin, qui
s'empara de Tlemcen en 537, après en avoir chassé Tâchfîn-
ben-Ali. Il aurait cherché à faire disparaître de la Grande Mos-
quée de Tlemcen, le souvenir desAlmoravides exécrés '\ Peut-
1. Publiée par l'un de nous [Bulletin archéologique de V Afrique du Nord^
p. 548-551) ; on trouvera le fac-similé d'un fragment de cette inscription,
la date de 533 et « la mosquée cathédrale de Tlemcen » fi g. 24.
2. Prise de la place d'Alger, notre photographie d'ensemble montre la petite
qoubba octogonale de Sidi Merzouq, six pignons des nefs de la salle de
prière, à droite le pavillon couvrant la coupole qui précède le mihràb, en
arrière-plan, le sommet du minaret.
3. Revue africaine^ décembre 1858, p. 87.
4. Tlemcen^ ancienne capitale etc., 436 ; mais il nous est impossible de le
suivre quand, après réflexion, « il se souvient d'avoir lu lui-même sur place »,
dans la lacune, les mots rajoutés El-amdjad maoulâna Abd-el-Moumin (le
très louable notre seigneur Abd-el-Moumin.) Nous avons sous les yeux une
photographie agrandie de l'inscription de la Grande Mosquée, et il ne nous
est permis de rien démêler dans la partie mutilée de l'inscription. — Cf. des
142 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
être obéissait-il aussi non seulement à la haine, mais à des
scrupules religieux, hostiles à la pompe toute mondaine des
inscriptions commémoratives Parla s'expliquerait ce fait sin-
gulier, qu'effaçant le nom d'Ali-ben-Yousef, il ait laissé intacte
la date de 530, qui nous permet de restituer le mérite de la
construction de la Grande Mosquée à son véritable auteur. —
Il est possible que, d'autre part, Abd-el-Moumin lui-même ait
travaillé à la mosquée-cathédrale de Tlemcen. Le Qartâs pré-
tend qu'il la bâtit, et le terme vague de hanydn (construction),
dont il se sert, s'applique également à une fondation, à une
restauration, à un agrandissement Mais rien ne vient cor-
roborer ce renseignement douteux. Dans tous les cas, il
paraît certain que le vaste édifice, richement décoré à l'inté-
rieur, attendit soixante-dix ans encore avant d'avoir un minaret.
Ce fut Yarmorâsen-ben-Zeiyân, le fondateur de la dynastie
abd-el-wâdite, qui, au dire de Tenesi et de Yahya ben-Khal-
doun, éleva le minaret de la Grande Mosquée 3. De fait, l'ana-
logie de style de cette tour avec celle du minaret d'Agadir, que
les historiens attribuent au même prince, permet bien de croiie
à une origine commune. D'après une tradition célèbre, l'illustre
sultan zeiyânide aurait refusé d'y faire inscrire son nom, et
aurait répondu aux conseilleurs la phrase berbère : « Issenets
Rebbi », «Dieu le saura ^M). On dit encore que Yarmorâsen,
s' apercevant que sa nouvelle construction avait vue sur les
exemples de mutilations d'inscriptions analogues ap. Van Berchem, Matériaux
pour un Corpus, p. 163 et suiv., p. 314, 315.
1. Cf. Doutté, Mission au Maroc {Journal asiatique, ia.n\ier 1902, p. 161).
2. Cf. Roudh-el-Qartâs, p. 269 ; Tlemcen, ancienne capitale, etc., p. 437.
3. Cf. Histoire des Benî-Zeiyân, p. 22; — Complément, p. 9.
4. Cf. Histoire des Benî-Zeiyân, XXXVII ; — dans Tenesi, la réponse de
Yarmorâsen est rapportée en arabe (Ed-Dourr wal-lqyân, manuscrit de la
Médersa de Tlemcen, î" 59 verso).
LA GRANDE MOSQUEE l43
dépendances du Qaçr-el-qadîm voisin, abandonna définitivement
cette résidence royale, et alla jeter dans la partie méridionale
de la ville, les fondations d'un nouveau palais, le Méchouar*.
Plus tard, d'autres dépendances vinrent au cours des règnes
successifs s'ajouter à l'édifice principal : une bibliothèque pla-
cée à droite du mihrâb, construite par Abou-Hammou II en 760
(1359 après J.-C.)^, une autre bibliothèque, datant du règne
de Moulai Abou-Zeiyân (1394-1399) et qui se trouvait à la
partie antérieure du monument 3. Enfin des tombeaux vénérés
avoisinent le sanctuaire : l'un, à l'angle Sud- Ouest, est une
qoubba à dôme polygonal, qui recouvre les restes de Moham-
med-ben-Merzouq, d'Abou'1-Hasen-ben-En-Nejjârîya, et peut-
être de Yarmorâsen lui-même ; c'est le seul débris de ce qui
fut jadis comme la nécropole des Beni-Zeiyân^. A l'Est de la
Grande Mosquée, se trouve la chambre sépulcrale de Sîdi
Ahmed Bel-Hasen El-Ghomâri, à laquelle est adjoint un hospice
indigène^.
Plan. — Le plan de la Grande Mosquée est simple et clas-
sique. La cour (çahn) est un carré d'à peu près 20 mètres de
côté (Pl. V)^', flanqué à l'Est et à l'Ouest de portiques couverts
1. Cf. Brosselard, Tombeaux des émirs Benî-Zeiyàn, p. 53.
2. Cette bibliothèque, qui existait encore il y a cinquante ans (Cf. Tlemcen^
ancienne capitale^ etc., p. 431, 432; Brosselard, ap. Revue africaine,
décembre 1858, p. 90), a disparu dans les remaniements que le service des
Monuments historiques a fait subir à la Grande Mosquée. L'inscription sur
bois qui surmontait sa porte (Cf. Brosselard, loc. cit.) est encore en place.
3. Cf. Histoire des Benî-Zeiydn, p. 98.
4. Cf. Brosselard, Tombeaux des émirs Benl-Zeiydn, p. 54, 137 et suiv. ; —
Tlemcen, ancienne capitale, p. 430, 431.
5. Cf. infrà, p. 160-161.
6. Notre photographie présente, au premier plan, le bassin aux ablutions;
au fond, quatre des arcades qui s'ouvrent sur la salle de prière, montrant
l'emploi simultané de quatre genres différents de découpure. A droite, à la
base de la grande arcade qui précède la nef médiane, on remarque l'échan-
144 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
à trois et quatre nefs. Au Nord, un portique transversal à
quatre travées enveloppe le minaret. Nous avons peine à croire
que cette disposition soit originelle, et que les deux galeries
qui flanquent la tour du côté de la façade principale aient fait
partie de Tancien plan. La proportion ordinaire des mosquées,
observée dans la mosquée de Cordoue, qui fait de la première
arcade de la salle de prière le milieu de l'ensemble, suivant
Taxe, l'habitude de placer le minaret en bordure ou même
saillant sur la face principale, la présence d'un mur isolant les
deux galeries indi-
quent suffisamment
oii s'arrêtait primi-
tivement la Grande
Mosquée.
Il convient de
remarquer aussi, en
même temps que'
l'absence d'ouver-
tures, la déforma-
tion imposée au
plan naturel sur la
face occidentale de
cette partie, défor-
mation qui entraîna
sans doute le changement d'axe pour la cour tout entière, et même
le léger gauchissement de l'arcature qui la borde à l'Ouest ^
Il semble bien qu'une telle disposition résulte du voisinage d'un
FiG. 14. — Plan de la Grande Mosquée.
crure prolongeant le niveau du çahn pour indiquer la qibla aux fidèles pla-
cés dans cette partie de la Mosquée.
1. Une irrégularité analogue se remarque à la Mosquée de Sîdi Okba.
LA GRANDE MOSQUEE 145
édifice important, difficilement attaquable, antérieur à la mos-
quée, auquel celle-ci dut s'accoler, tout en en respectant Tor-
donnance. Ce pan coupé indique vraisemblablement la place et
l'orientation du Qarr el-qadîm^ dont la mosquée d'Ali ben-
Yousef ne fut d'abord qu'une sorte de dépendance.
La salle de prière est formée de treize nefs perpendiculaires
au mur du mihràb et portées par six rangs de piliers, la plupart
soutenant des arcs plein cintre en fer achevai; quelques-uns,
dans la partie orientale portent des arcs brisés. Les nefs ont
toutes 3'^,20 de largeur ; seule la nef médiane a 4°", 60. L'inté-
rienr de la salle, qui forme un rectangle assez exactement deux
fois plus, large que profond, présente un total de 60 pieds
droits et de deux colonnes.
Deux coupoles situées dans le grand axe, l'une précédant
le mihràb, la seconde au centre de la salle, derrière le sedda,
ont nécessité l'emploi d'arcades transversales établissant un
tambour inférieur.
Pour la coupole du mihràb, cette arcade se limite à la
nef médiane, sans se continuer par une travée complète
parallèle au mur du fond. De plus, un rapprochement pro-
gressif des saillants supportant les arcs de la grande nef fait
que, de 4°", 60, sa largeur du côté du çahn, elle est réduite,
en arrivant à la qibla, à 3"\50, distance de la dernière ran-
-^ée de pieds droits au mur du fond ; il en résulte que la
forme T, visible à Sîdi Okba et dans les mosquées mérinides,
n'existe pas à la Grande Mosquée
Deux des arcs transversaux, ainsi que la travée entière qui,
partageant la salle de prière de l'Est à l'Ouest, interrompt les
1. Cf. supra, p. 41.
lu
I4è LES MONUMENfS ARABES DE TLEMcEN
combles des nefs, et supporte un cliéiieau de briques, sont
découpés suivant de grauds festons circulaires. Trois grandes
portes donnent, en plus de Feutrée de la face antérieure, accès
dans la Mosquée par le côté oriental i. Deux petites portes à
droite et à gauche du mihràb font communiquer avec la salle
de prêche ; deux autres portes plus écartées permettent d'entrer
par le mur du fond 2.
Les coupoles et le mihrdb{F\. VI). — La coupole centrale est
creusée de larges cannelures rayonnantes. Celle qui précède
le mihràb est polygonale. Le point de départ des pans qui la
forment est une suite d'arcades trilobées (celles des angles
formant trompes et décorées de stalactites embryonnaires).
Des cintres étroits, se croisant plusieurs fois au sommet,
séparent les pans entièrement ajourés. Le tandaour carré sur
lequel elle est établie a pour corniche un large cavet où court
en caractères andalous l'inscription dédicatoire dont nous
avons plus haut donné la traduction.
Une fenêtre en plein cintre vient au dessous, garnie par une
claire voie à décor géométrique. Elle interrompt nue fausse
galerie formée d'arceaux trilobés posant sur des pilastres à
chapiteau trapézoïde. Sous la galerie lobée règne une bordure
qui enveloppe tout le cadre du mihràb. Une frise vient ensuite
où des acanthes vues de profil alternent avec des acanthes
vues de face, puis une bande de caractères coufiques dessine
le rectangle intérieur oîi s'inscrit l'arc du miliràb.
1. Une quatrième porte, à l'extrémité Nord-Ouest, donnait autrefois accès
dans la partie de rédifice actuellement occupée par la Mahahma du cadi.
L'installation de ce prétoire à cet emplacement, pris sur le portique Nord de
la mosquée, est toute récente,
2. GçUe ({ui est située à gauctie du mihràb (en lui faisant face) porte exté-
tieurcment une inscription moderne peinte sur bois, publiée par Brossela^d
[Hevue (ifr'tcà/ne, décendH-e 1858, p. 92).
Pl. VI
LA GRANDE MOSQUEE 147
C'est un plein cintre en fer à cheval poi'tant sur deux colon-
nettes engagées. Des représentations de voussoirs sculptés
alternent avec des portions lisses d'une largeur à peu } rès
égale à celle des voussoirs [flg . 15). Deux arcs de cercle les
limitent : le cercle enveloppant, déformé à sa partie inférieure,
est découpé en larges festons. Ces voussoirs layonnent autour
d'un centre unique placé sur la corde qui soutend Tare d'ou-
verture, au sommet du tailloir des colonnettes.
Deux panneaux rectangulaires décorent la cimaise ; ils sont
bordés par des inscriptions coufiques, et garnis, comme les
quatre écoinçons qui cantonnent Tare du mihrâb, d'un décor
FiG. 15. — Voussoirs sculptés du mihràb.
floral foisonnant. Si l'on en croit le Bostân, tout le mihràb
était primitivement peint en vert (Cf. ^uprà, p. 84).
La coupole du mihrâb est intaillée de grosses cannelures;
elle repose sur un polyèdre à huit pans. Cinq d'entre eux
forment la niche ; ils sont interniuipus à la hauteur de la
naissance de l'arc par une inscription coufîque (flg. 21); trois
fenêtres en plein cintre, garnies d'entrelacs floraux ajourés,
décorent les pans du fond [fig. 2?).
148 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
Charpentes. — Comme Tétait primitivement la mosquée de
Cordoue, la Grande Mosquée de Tlemcen est couverte par des
charpentes apparentes. Les fermes, d'un modèle extrêmement
simple et très inspiré des fermes romaines à entraits, y sont
fort rapprochées les unes des autres; de légères sculptures
décorent les blochets et les consolettes qui les soutiennent.
Fio. 10. — Vue perspective des charpentes de la nef centrale.
Notre croquis [fig. 16), emprunté à la collection des Monu-
ments historiques, reproduit les fermes de la nef médiane; dans
les autres nefs, les chevrons reparaissent au-dessous de la
panne basse.
Le style. — Le style du décor est encore fortement impré-
gné de Tinfluence byzantine, et l'on peut dire que chaque élé-
LA GRANDE MOSQUEE 449
ment du revêtement de plâtre révèle une imitation voisine
encore du décor mosaïque et sculpte de la mosquée de Cordoue
ou la communauté des origines.
Chapiteaux. — Nous avons essayé déjà d'indiquer la lente
formation du chapiteau arabe de Grenade et de Mansourah. La
place des chapiteaux de la Grande Mosquée [fig. 17 et 18) est
facile à déterminer dans le tableau dressé plus haut [fig. 6).
Très analogue à ceux des nefs orientales de Cordoue, les deux
spécimens de Tlem-
cen, qui portent
encore la double
couronne d'acanthe,
montrent déjà le
grand développement
pris par le rebord
supérieur de la cor-
beille prêt à devenir
le turban à inscrip-
tion. Un seul détail
les différencie des
chapiteaux de Cor-
doue : c'est le pa-
rallélipipède attaché
aux deux disques
angulaires du pre-
mier (fig. 17) et dont les volutes du second (fig. 18) portent
une interprétation significative ^
Fig. 17. — Grand chapiteau.
1. Il y a un autre chapiteau à la Grande Mosquée, placé dans la portion
Nord-Ouest des portiques de la cour. 11 est d'un modèle très archaïque. De
galbe tronconique, il est revêtu presque complètement de feuilles lisses
iSO I.ES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
Lp ^tf/Ie (1(1 (h'cor fie plâtre. — La division des coupoles
en larges cannelures rayonnantes s'observe à Cordoue, dans
les niches angulaires, au croisement supérieur des cintres (la
grande coquille monolithe en donne pent-être ou l'idée ini-
tiale, ou une ingéniense déformation i).
La Grande Mosquée présente un très intéressant exemple de
ces conpoles sur nervures [fig. 19) dont les origines et les rap-
ports avec la croisée d'ogive française demeurent encore si
obscurs-. C'est vraisemblablement une ossature de ])ois qui
soutient ces cintres
et les vingt-quatre
pans ajourés qui les
réunissent. Un pa-
villon carré la sur-
monte.
Nous avons parlé
plus haut'^ des en-
corbellements qui
soutiennent les
angles de cette
coupole. Ébauches
maladroites encore ,
parce qu'elles ne suppriment pas complètement les grandes
portions vides en i)orte-à-faux sur le tambour inférieur,
elles constituent, croyons-nous, un document de premier ordre
FiG. 18.
Petit chapiteau du mihràb et détail d'une volute
imbriquées. Nous en observerons un assez semblable dans une des petites
mosquées de Tlemcen (cf. Mosquée de Bàb-Zir).
1. Sur les coupoles en forme de coquille en Orient : Van Berchem, Noies
çf archéologie, II, p. 21.
2. Cf. Choisy, Hisfoire de V Architecture, t. II, p. 98, 99: — supra, p. 57.
3. Cf. supra. Encorbellement à stalacliles, p. 66.
FiG. 19. -- Vue perspective d'un pan de la coupole.
A départ d'une nervure (vue deprofilj.
152 T>ES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
pour qui veut étudier Thistoire de la stalactite dans rarchitec-
ture arabe occidentale. — La fausse galerie à arcades trilobées
qui couronne le mihrâb se retrouve presque identique à Cordoue
mais ici les chapiteaux simplifiés adoptent nettement la forme
trapézoïde des impostes byzantins.
La frise d'acanthe [fuj . 20), qui règne en dessous de la petite
fenêtre, présente cette particularité que cinq feuilles vues de
face y alternent avec dix groupes de feuilles vues de profil, et
que les feuilles de face présentent à leur sommet incurvé un
relief sensible sur tout le reste de la décoration. Un rappro-
chement avec la frise sculptée du mihrâb de Cordoue^, elle-
FiG. 20. — Frise d'acanthe au-dessus du mihrâb.
même déformation probable de la corniche à modillons, indi-
quera l'origine de ces rehefs et de cette alternance. Un second
rapprochement avec une bordure du soubassement du même
mihrâb - montrera un emploi analogue des feuillages formant
voûte au-dessus des feuilles affrontées.
Comme à Cordoue, un décor floral remplit les claveaux [fig. 15)
1. Girault de Prangey, Essai S2ir ^architecture des Mo7'es {?\. 4, n° 10).
2. Ibid., fig. n" 6 et 13.
LA GRANDE MOSQUEE 153
rayonnant autour d'un point pris à la naissance de Tare. Mais
il n'y a plus ici de rameaux s'échappant d'une tige médiane ; la
plante se courbe selon un rinceau plus purement ornemental,
qui est encore loin cependant de l'entrelacs axé de Sidi Bel-
Hassen et de Sîdi Bou-Médine.
Les plaques de la cimaise ne sont qu'une réduction des
grands panneaux de marbre qui, à Cordoue, descendent jus-
qu'au sol de la mosquée^.
Élément épigraphiqifc . — L'épigraphie occupe une place
importante dans la décoration de la Grande Mosquée. Nous
avons déjà décrit (p. 89) les inscriptions coufîques qu'on
y rencontrait : l'une à petits caractères, assez archaïque,
mais manifestant cependant par des fioritures terminales des
tendances décoratives; l'autre, que nous reproduisons ici en
entier (fig. 21), s'accompagne d'un rinceau très maigre ; la troi-
sième enfin qui, laissant toute sa clarté à la base des lettres,
détache sa partie supérieure sur un ornement floral toufi'u. Une
seule inscription cursive, mais la plus importante au point de
vue historique, court sur la corniche du tambour (p. 92, fig. 8).
L'élément géométrique. — Le rôle réservé à la géométrie
est encore très restreint. La claire-voie médiane présente seule
un décor purement géométrique que nous rencontrerons à Sîdi
Bel-Hassen, l'axe étant, dans son nouvel emploi, dévié de 30''
[fig. 31). Il convient également de noter l'étoile à huit pointes.
Elle décore les angles du cadre coufique et entre dans la com-
position d'une bordure plus mince, où elle alterne avec un poly-
gone curviligne à six pointes. Ces deux figures se retrouvent,
à peine déformées et garnies de remplissages analogues au
\. Sur l'origine présumée de ces lambris, cf. Dieulafoy, VArt antique de
la Perse, t. V, p. 102-103 et 153.
LA GKANDF MOSQUEE d55
palais (le laCnba^ ; niais, dans le nionumeni srcilien, elles entrent
dans un décor à répétitions plus savant et plus purement
arabe.
P)ien qu'encore limité comme surface et timide comme
forme, le décor géométrique joint au décor lierai et au décor
graphique, s'annonce comme devant jouer, dans le décor
FiG. 22. — FragQient du décor garnissant une des fenêU^es
(Intérieur du mihràb).
méplat des plâtres, le rôle des ornements en relief qui sur-
chargeaient les moulures de k décadence romaine : denti-
cules, oves, rais de cœur, perles et pirouettes. Rien de tout
1. Cf. Girault de Prangey, Essai sur VarcJiilecture, Pl. 12, n" 3, 4 et 5.
d56 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
cela à la Grande Mosquée, mais des inscriptions coufiques et
ciirsives, deux longs rubans se croisant régulièrement, des cha-
pelets de fleurettes et de boutons aplatis, des palmes étalées
parallèlement [fig. 15) ou ces successions de crosses lisses dont
nos décorateurs romans ont fait un si constant usage [fig. 19).
V élément floral. — Le décor floral a pris à la Grande Mos-
quée de Tlemcen la place la plus importante. Disons tout de
suite que la flore de Cordoue y apparaît extrêmement appau-
vrie et aj^antfait un pas de plus vers l'interprétation purement
ornementale. La feuille d'acanthe, presque seule, en fait tous
les frais, divisée en deux portions inégales ou s'échappant en
une seule palme d'un Ijourgcon initial, parfois revêtant une
forme de fleuron imbriqué, qui, nous le verrons (/?^. 15, 20, 68),
remplit toujours le même rôle que la palme à nervures. Le
modelé s'est très simphfié; il n'est plus formé que de stries
profondes et des trous circulaires de la basse époque byzantine.
Quelques pastilles trouées en leur centre s'appliquant sur les
tiges grêles, quelques fleurettes vues de face, à quatre ou huit
pétales, parfois séparées par des représentations schématiques
d'étamines, complètent la flore. La feuille lisse ne se manifeste
encore que par quelques rameaux courant dans l'inscription
cursive de dédicace, par la tournure donnée aux bordures à
crosses dont nous parlions plus haut, peut-être aussi par les
décors gravés des arcs lobés de la grande nef.
Ameublement. — L'ameublement de la Grande Mosquée se
compose des pièces nécessaires pour assurer les besoins du
culte d'une mosquée-cathédrale. Il est fort pauvre; le minbar,
le sedda, placé dans la nef médiane, en avant de la coupole du
cintre, le koursi du moderrès n'ont aucune valeur artistique.
Les lampes sont de date récente ; seul un grand lustre, appendu
LA GtlANDE MOSQUEE 157
à la coupole centrale, mérite quelque attention. C'est, suivant
la tradition, un des nombreux présents que le sultan Yarmo-
râsen fit à sa mosquée de prédilection, celle où il aimait à
venir prier et discuter sur des sujets édifiants avec les savants
docteurs de son temps. C'est une couronne de lumière de
8 mètres de circonférence, en bois de cèdre, revêtue de lames
de cuivre repercées. Trois autres cercles plus petits, étagés et
rejoints par des pièces de bois inclinées, forment une sorte de
cône aplati. Un cylindre en cuivre massif orné de trois boules
porte à son sommet des anneaux pour le suspendre. Sa forme
archaïque et la tradition qui le concerne en font un objet fort
intéressant
< JSS'jnm-
FiG. 23. — Décor de la couronne de enivre (Minaret).
De ce lustre il convient de rapprocher une couronne de
cuivre [fig. 23)'^ gravé et repercé qui surmontait, il y a
quelques années encore, le minaret d'Yarmorâsen et qui
1. Comp. au lustre de Cairouan, au lustre mérinide de la mosquée de Taza
[Roiidh-el-Qartas, ^. 570), et au lustre primitif de la Qarawîyîn (W., p. 85).
Signalons aussi un lustre conservé à la mosquée de Nédromali, de forme plus
compliquée et de date vraisemblablement plus récente.
2. Arrachée par des ouvriers qui posaient des fds électriques, elle fut
pieusement recueillie par Sî Mohammed ben-Kalfate qui en a fait don
au Musée de la ville.
158 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
est peut-être ancienne. Elle est d'une facture fruste, assez sem-
blable à celle du lustre. Le fait qu'elle porte la sentence
cursive : « El-tjoiumi wal-iqbdl (( Le bonheur et le succès »,
qui nous apparaît comme répigraphe a passe-partout » des in-
dustries d'art espagnoles (Cf. inf.^ p. 315 et ss.), nous induirait à
penser qu'elle sortait de quelqu'atelier d'Andalousie. Ce ne
serait d'ailleurs pas le seul travail de cuivre de cette origine.
(Cf. Mosquée de Sîdi Bou-Mèdine, p. 258 et ss.). Legrandlustre
en proviendrait-il également? On ne peut sur ces points de
détail se permettre que des conjectures.
Les clôtures qui ferment la salle de prière sont d'un âge dif-
FiG. 24. — Inscription de la Maqçoura.
ficile à déterminer. Elles sont assez bien construites et habile-
ment décorées de panneaux à claire- voie ^
La mosquée avait une maqçoura. C'est elle que désigne vrai-
semblablement ce passage de l'abbé Barges : « Le sanctuaire
(il désigne ainsi le mihrâb) est séparé du reste du temple par
une balustrade en bois que nous franchissons pour visiter les
1. Sur des ciaires-voies analogues à Sîdi Okba. cf. Saladin, la Mosquée de
Sicii-Okha (p. 55), où ce travail est comparé à celui des moucharabiés du Caire.
La GËANbE MOSQUÉE lo9
autres parties du monument. » Cette clôture servit peut-être
de maqçoura à Tépoque turque ; mais il est assez probable
qu'elle en remplaçait une autre plus élevée et plus riche. Cette
maqçoura primitive a été retrouvée dans une autre partie de
la mosquée et se trouve maintenant au musée de la ville. C'est
une clôture de bois à trois pans, faite de claires-voies et de
panneaux à petits cadres assez habilement emmanchés et dont
les dispositions contrariées offrent les combinaisons caracté-
ristiques de la menuiserie arabe. Une arcade en fer à cheval,
reproduisant assez bien, dans ses proportions, l'ouverture du
mihràb, servait de porte à cette enceinte ; une inscription for-
mant un ruban pourtournant le cintre, lui assigne la date de
533 de l'hégire, trois ans après Tédification de la coupole
{fig. 24). Un cadre surélevé entoure la partie supérieure de
cette porte; il est également composé de i)etits panneaux et
surmonté de nierions à redans découpés et sculptés.
Le minaret. — Bien qu'il ait un siècle et demi de moins
que la mosquée, le minaret n'en est pas moins un des plus
anciens du Maghrib. C'est le plus élevé de la ville et il a sa
place marquée à plusieurs pages de l'histoire. Sa fondation
par Yarmoràsen donne lieu à la curieuse légende rapportée
plus haut. En 789 (1387 J.-C), Abou-Hannnou étant rentré
dans sa ville dévastée par Abou'l-Abbâs, son fils Abou-
Tachfîn y accourt, s'installe en maitre dans le palais du sultan.
Celui-ci se réfugie dans le minaret de la Grande Mosquée
Ayant appris où se cachait son père, le fils révolté va Vy
chercher lui-même et, versantdes larmes, se réconcilie avec lui.
1. Sur remploi ])Ossible des minarets comiue réduits fortifiés, cf. Saladin,
Mosquée de ^idi-Okba, p. 87 ; — et aussi Van Berchem, Notes d^irchéqlc^ie^
K P- 34,
160 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
Ce minaret est décoré sur ses quatre faces d'un grand pan-
neau rectangulaire garni d'un réseau de briques. Ce réseau, orné
de fleurons marqués d'un émail vert, repose sur une arcade en
fera cheval que portent deux colonnettes monolithes semblables
à celles d'Agadir. Une galerie d'arcades lobées règne au des-
sus. Le campanile est décoré d'un défoncement avec réseau
incrusté de terre émaillée verte. Le cadre porte une garniture
de mosaïque très simple blanche et verte.
Cent trente marches donnent accès à la plate-forme supé-
rieure. Les volées d'escalier qui tournent autour du noyau
central sont couvertes par des voûtes d'arête.
D'autres dépendances augmentent encore la superficie de la
Grande Mosquée. Les anciennes latrines s'étendaient au Nord
et occupaient une partie de l'espace aujourd'hui ouvert par la
rue de la Paix; une belle cuve rectangulaire de marbre onyx
en a été transportée au musée de la ville. Le terre-plein com-
pris entre le mur Nord de la mosquée et ces latrines était
occupé par divers bassins d'ablutions; il était en partie recou-
vert de voûtes reposant sur des arcades. Les latrines actuelles,
qui datent de quelques années, sont situées au Nord-Ouest de
la Grande Mosquée.
A la partie Est, se trouve un hôpital musulmanjoint au tombeau
du Soufi vénéré Ahmed Bel-Hasen El-Ghomâri (f d466).
(( Elles se répandent au loin, les vertus de ce sanctuaire,
pareilles au rayon de l'aurore ou à l'éclat des astres, qui guident
les pas du voyageur. Si quelque mallieur te frappe, cherches-en
le remède auprès de ce soleil de noblesse et de science, Ahmed ^ »
1, Cf. Brosselard, Revue africaine, décembre 1858, p. 93, 94; — Tlemcen,
ancienne capilale, p. 440 — le Bostchi (notre manuscrit, p. 58 et suiv.)
consacre à ce saint personnage une longue notice ; il fut enterré, dit-il,
dans une cellule qu'il habitait, auprès de la Grande Mosquée.
LA GRANDE MOSQUEE i61
Ainsi parle le distique inscrit sur le linteau de la porte
orientale.
En face du tombeau, quatre grands vases sont disposés
contre le mur orientai extérieur de la Grande Mosquée, en-
foncés dans un niassif de maçonnerie et couronnés d'une mar-
gelle. Le gardien du tombeau les remplit chaque jour de Teau
d'un puits voisin de la chambre sépulcrale du saint. Elles
offrent au passant une boisson bénie.
Des arceaux rejoignent le marabout au mur de la mosquée.
Ils sont percés, aux angles supérieurs, d'ajours géométriques,
motifs fréquents dans les maisons arabes. Une treille reliant les
arceaux fait à ce passage une voûte légère et mouvante, sous
laquelle flotte presque toujours le parfum du djâoui, Tencens
arabe que l'on brûle au tombeau. Et sans cesse des femmes,
des mendiants, des infirmes, viennent chercher dans cet endroit
reposant, en même temps que des consolations morales, un
abri contre la chaleur du jour.
II
IV
BAINS DES TEINTURIERS
HAMMÂM ES-SEBBÂGHÎN
Bien qu'aucun document historique ne vienne déterminer
l'âge de ce petit monument, le stjle très archaïque des disposi-
tions architecturales et des fragments de sculpture qu'on y
observe permet, crojons-nous, de le rattacher à la première
période de l'art tlemcenien.
Située dans le quartier Nord-Est de la ville, au bord d'une
ruelle étroite et tortueuse qui réunit la rue de Mascara à la
rue Khaldoun, il conserve toujours son ancienne destination,
et voit chaque jour, comme au temps des Beni-Zeiyân, de
nombreux habitués venir s'étendre en devisant sur les cou-
chettes de sa salle de repos. Aux salutaires effets du « médecin
mueti » s'ajoutent, suivant la croyance populaire, d'inappré-
ciables bénédictions célestes. Le pieux Sîdi Bel-Hasen El-
Ghomâri le fréquentait. On montre encore la place où il
1. EL-Tabib el-ahkam^ c'est par cette périphrase qu'à Tlemcen on désigne
couramment le bain maure.
LES MONUMENTS ARABES DE! TLEMCEN 163
s'assej'ait d'ordinaire ; et ce saint personnage est devenu
comme un génie protecteur du monuments
Aujourd'hui, il nous apparaît mutilé, ayant reçu des aména-
gements sensiblement différents de sa disposition primitive.
Cependant il n'est pas impossible de reconstituer approxima-
tivement le plan général de l'édifice, au moment de son
entière splendeur. Du côté Nord, un vestibule A précède
l'établissement; c'est une salle voûtée, munie de banquettes,
et dont toute une partie a été consacrée à l'installation
sans doute récente de latrines. De ce vestibule, on pénètre
dans une salle carrée B, de 5 mètres de côté. Suivant la for-
mule habituelle, une coupole couvre cette salle. Elle est éta-
blie sur des colonnes monolithes, et est flanquée de quatre
galeries voûtées. Deux de ces galeries sont relevées de 0°',68
au-dessus du pavé central, et deux marches y donnent accès.
Cette salle, dont une double vasque rafraîchit l'atmosphère, cor-
respond hVapodyterium des Latins 2. C'est là que l'on quitte ses
vêtements et que l'on vient, après le bain, se reposer et
s'étendre sur des matelas disposés à cet effet dans les galeries
surélevées. A l'Alhambra, cet apodyterium est revêtu d'une
décoration exubérante : quatre colonnes y supportent une tri-
bune, peut-être réservée à des musiciens, et des alcôves pro-
1. Sur Sîdi Bel-Hasen El-Ghomâri, cf. suprà, p. IGO, note 1. Ce bain
est aujourd'hui fréquemment désigné sous le nom de Hamniâm sîdi Bel-Hasen.
— D'autres légendes ont cours sur cet établissement. Les femmes prétendent
quun jiîin s'y montre dans la piscine d'eau froide sous la forme d'une cou-
leuvre inoffensive (Cf., sur la fréquentation des bains maures parles Jinn, le
curieux passage d'Ali-Bey El-Abbàsi, Voijnrjes en Asie et en Afrique, Paris,
1814, I, p. 126; — sur la croyance aux jinyï serpents, Goldziher, Mo/mwmec/a-
nische Studien, II, p. 343.)
2. Sur les dispositions générales des thermes romains d'xVfrique, cf. Gsell,
les Monuments antiques de V Algérie, 1, chap, viii.
164 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
fondes, garnies de mosaïques de faïence s'enfoncent à
quelque hauteur du sol, sur deux faces de la salle i.
1. Cf. la description des bains de l'Alliambra, ajo. Girault de Prangey,
p. 158 et ss.; — Owen Jones, VAlhambra, Pl. XXVI.
BAINS DES TEINTURIERS
165
Vétuve, le caldariumduX\i\(\uQ. Cette porte est double ; elle con-
serve la température de Tétuve et Tisole de la chambre de repos.
L'étuve, la plus longue salle de l'édifice, porte, comme une
des salles intermédiaires de Grenade, une colonnade à chaque
extrémité et se trouve ainsi divisée en trois parties d'inégale
grandeur : la première C, au Nord, a 2°", 50 environ de lon-
gueur; sur sa muraille occidentale, elle montre la trace encore
visible d'une porte, aujourd'hui bouchée, dont nous verrons
tout à l'heure la destination primitive; sa muraille orientale
est percée d'un cabinet assez profond ^ La deuxième par-
tie C, centrale, la plus grande des trois, présente en g, péné-
trant dans la muraille Est, un vaste réservoir d'eau chaude. L'eau
y est amenée par un conduit courant dans la muraille, au fur et
à mesure qu'elle s'élève de la chaudière, placée en y sous le
dallage de l'étuve-. En outre, des trous percés dans la muraille
à quelques centimètres au-dessus du conduit, laissent péné-
trer dans la salle la vapeur d'eau qui s'en échappe. Cette par-
tie centrale de la salle est ainsi de beaucoup la plus chaude.
Enfin, une troisième partie Q\ de dimensions plus réduites que
C, est à moitié occupée par une cuve carrée w, où une cana-
lisation amène de l'eau froide 3. C'est dans cette salle que le
1. Ce cabinet porte le nom maintenant généralisé de maqçoura (cf. suprà,
p. 44 note 3) ; il est réservé à ceux qui veulent procéder à des soins de toilette
intime, ou encore à ceux qui craignent la trop grande chaleur du centre de
l'étuve; ce sont des renfoncements semblables que Laugier de Tassy, dans son
amusante description d'un bain maure d'Alger, qualifie de «cabinets d'une
chaleur modérée, où l'on frotte et lave les personnes en particulier » {Histoire
du Royaume d'Alger, p. 189).
2. Cette place de la chaudière est la même à l'Alharabra et dans tous les
bains maures tlemceniens ; de même Léon l'Africain parle de l'étuve des bains
de Fàs en ces termes : « De là, on passe dans une autre aisance, là où l'on
sue très bien, qui est le lieu où est la chaudière emmuraillée. » {Description
de V Afrique, II, p. 80.)
3. Pour prendre des bains froids, comme on l'a prétendu des piscines de
166 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
Kayyâ^^ masseur arabe, masse, frotte au gant de crin et arrose
d'eau chaude le corps du baigneur.
Trois autres salles plus petites complètent le bâtiment, pièces
accessoires, fréquentes dans les bains maures, et qui n'ont pas
une destination bien précise ; essentiellement ce sont des
chambres de repos mais la simplicité des mœurs arabes
les transforme généralement en dépôts de matériel. L'une
est placée en D au Nord de Vapodyterium entre le vestibule et
l'étuve; une autre est au Midi, en E. Une troisième, au Nord-
Ouest, en F, présente une disposition curieuse : une entrée sur
plan carré précède un cabinet barlong, qui, sur une face, porte
deux colonnes engagées, sur l'autre deux niches rectangu-
laires assez profondes qui peuvent servir de resserres-.
Une chose frappe tout d'abord lorsqu'on examine l'actuelle
disposition de ce bain maure. C'est l'absence complète de la
salle intermédiaire entre Y apodyterium et l'étuve, de la
chambre tiède, succédanée du tepidarium romain, qui était
cependant un élément invariable du hammam maghribin
TAlhambra (?) Il est remarquable que deux marches donnent accès au bord
de cette cuve, comme à Valveus des anciens bains de Pompeï (Cf. Daremberg
etSaglio, Dictionnaire des Anliquilés, t. 1, p. 656.)
1. « Et il y a certaines logettes haussées de cinq ou six marches, Ifi où sont
les lieux réputés pour se dépouiller et étuver ses vêtements. » (Léon l'Africain,
Description de V Afrique, loc. cit.)
2. Aujourd'hui ces niches sont sans emploi; suivant la tradition, elles
auraient été destinées à ceux qui, pour quelque raison, ne voulaient pas faire
connaître leur présence dans le bain (!). En fait, c'étaient très probablement de
simples vestiaires, pour les clients distingués auxquels on réservait l'accès
particulier du cabinet F.
3. Elle existe <à l'Aihambra ; Laugierde Tassy et Léon l'Africain, dans leurs
descriptions, parlent, l'un d'une « chambre intermédiaire d'une chaleur
modérée»; l'autre, d'une chambre où l'on entre en sortant de la chambre
froide, et un peu plus chaude que la première. A Tlemcen, la chambre tiède
n'est plus en usage dans aucun hammam. Chose curieuse, dans un bain assez
moderne, situé rue de Lamoricière, la chambre tiède existe parfaitement entre
BAINS DES TEINTURIERS 167
Nous croyons qu'à l'origine cette chambre tiède existait dans
le Hammâm es-sebbdg hi a. Vexcimeii attentif des voussures, la
présence, dans le mur Ouest de la partie C/ de Tétuve, d'une
trace de porte nous a convaincu que le bain avait primitive-
ment la disposition suivante : le vestibule A et la petite
chambre D qui lui est contiguë formaient une seule et môme
salle, et cette salle était le tepidariiim : on pénétrait à^Vapo-
dyteriinn dans le tepidariiim par la porte c ou parla portes;
puis du tepidarium dans 1 etuve par la porte 0, aujourd'hui
murée. D'autre part, l'entrée même du bain se trouvait vrai-
semblablement située au fond de la chambre E, qu'aujourd'hui
des maisons de construction récente avoisinent à l'extérieur ;
cette chambre jouait ainsi le rôle de vestibule. Le bain avait
encore d'autres dépendances. Sur la ruelle, en G, une salle basse
et non voûtée sert aujourd'hui encore de dépôt de combustible;
au dessus, des chambres de premier étage [macriyd) auraient
constitué les logements du personnel dn bain ; d'autre part,
du mur extérieur, en x et partent des amorces de voûtes,
encore parfaitement visibles, et dont les berceaux devaient
couvrir, en avant du vestibule actuel, une autre salle (conte-
nant peut-être des latrines). Enfin des chapiteaux, maintenant
sans emploi, conservés dans Vapodyterium^ indiquent que le
Hammâm es-sebbâghui connut jadis des proportions plus éten-
dues, des dépendances plus nombreuses et une splendeur plus
grande.
Toutes les salles qui composent cet édifice étaient éclairées
par des trous régulièrement ménagés dans les voûtes et où
Vapodyterhim et l'étuve; mais elle ne reçoit pas sa destination primitive, et
sert simplement de passage et de lieu de débarras; les latrines lui sont
contiguës ; cf. aussi infm. Bains de Sîdi Bou-Médine, p. 281,
168 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
s'adaptaient des conduits en poterie grossière, comme on en
peut encore observer à TAlhambra, sortes de tubes émaillés
de vert dont la section forme un polygone étoile. Les voûtes
en berceau portaient presque toutes des garnis de plâtre.
Dans la grande salle carrée {apodyterium), une portion
cylindrique pénètre perpendiculairement le milieu des côtés.
La coupole ^ qui occupe le centre est portée par douze colonnes
trapues groupées trois par trois au centre du carré. Ces
groupes ont pour but de substituer au plan carré un plan poly-
gonal composé de huit arceaux en fer à cheval outrepassé,
sur lesquels repose la coupole. La colonne d'angle, de même
hauteur que les autres, porte deux petits arcs en plein cintre
surhaussé qui la réunissent aux colonnes du polygone intérieur, et
permettent d'établir la demi-voûte d'arête habituelle au qouhhas
tlemceniennes. Un troisième arc, enjambant la galerie du pour-
tour, en supporte les berceaux. Seize arceaux convergents
constituent les grandes cannelures de la coupole, qui, comme le
reste de l'édifice, était réguUèrement criblée de jours en étoile.
Au dehors, les voûtes s'accusent, comme à l'Alhambra, non par
des toits, mais par des dômes informes revêtus d'une épaisse
croûte de mortier et de plâtre .
La disposition de la salle carrée est très analogue à
celle des vieux bains de Palma de Majorque, qui devait jouer
exactement le même rôle-. Dans le monument baléare, cepen-
dant, les douze colonnes établissent immédiatement le plan
1. Notre photographie, prise clans Vapodylerium^ montre au premier plan
la vasque et le bassin de pierre, plus loin trois colonnes d'angle et la demi-
voûte d'arête sur laquelle est établie la coupole ; au fond, à gauche, les nattes
et couvertures disposées pour le repos des baigneurs (les jours qui éclairent
cette partie n'existaient pas primitivement); à droite, longeant le comptoir du
patron de bains, le couloir menant au vestibule actuel A.
2. Cf. Giraultde Prangey, Essaisur Varchitecture des Arabes^ p. 58 et Pl. II.
Pi. VII
BAINS DES TEINTURIERS d69
circulaire, sans qu'il y ait transition par un plan polygonal
intermédiaire.
Les chapiteaux de pierre sont d'un style très archaïque.
Sculptés dans un cuhe de 0*^,32 de côté, ils s'adaptent sans
ressaut et sans astragale au fût des colonnes monolithes.
Bien que la couronne d'acanthes épannelées qui les entoure
ne porte pas de fente inférieure, la disposition de leurs volutes
angulaires les rattache au type secondaire Ces volutes ne
sont pas parallèles à la diagonale. Elles se séparent en deux
pour garnir les quatre faces, qui tendent à devenir indépen-
dantes les unes des autres. Les impostes qui les surmontent
et qui leur sont à peu près égales comme hauteur, semblent
moins faites pour les couronner que pour ménager l'encorbel-
lement des arcs. Elles sont taillées et divisées suivant le plan
de ces arcs et rappellent les dispositions adoptées pour celles
des nefs de Cordoue.
1. Introduction, fig. 6.
V
MOSQUÉE DE SÎDI BEL-HASSEN
MUSÉE
Cette mosquée occupe une place d'honneur dans la série des
monuments tlemcenien s ; elle a, de plus, le grand avantage
d'être datée avec précision par deux inscriptions qu'elle ren-
ferme. La première est gravée en beaux caractères andalous
sur une plaque d'onyx vert, encastrée dans la paroi Ouest de sa
muraille. Elle a été publiée et traduite par Brosselard^. Elle
contient le texte des habous de la mosquée, et indique en outre
que l'édifice a été construit en 696 (1296 de l'ère chrétienne),
pour l'émir Abou-Amer Ibrahim, fils du sultan Abou-Yahya
Yarmorâsen ben-Zeiyân, après son décès. L'autre, qui s'étale
en coufique fort orné sur deux panneaux déplâtre sculpté, aux
deux côtés du mihrdh [fig . 30), reproduit exactement le même
1. Cette mosquée, après avoir servi d'école arabe française, a été récemment
convertie en salle du musée. Les belles mosaïques de faïence à décor géomé-
trique qu'on peut voir, dans notre photographie, appliquées contre les murs,
proviennent du palais du Méchouar. — Une vue extérieure de Fédifice alors
qu'il était aménagé en école, des vues intérieures et un plan assez peu exact
ont été publiés avec une notice par Raguenet {Petits édifices historiques,
août lR9o).
2. Cf. Les Inscriptions araires de Tlemcen {Revue africaine, février 1859),
p. 162 et suiv.
MOSQUÉE DE SÎDI BET.-HASSEN 171
renseignement. Cette mosquée date donc des débuts de la
dynastie abd el-wâdite, exactement du règne du sultan Abou-Saîd
Otsmân (1283-1303) ^ L'émir Abou-Amer, fils de Yarmorâsen,
dont ces inscriptions contiennent le nom, est un personnage
historiquement très bien connu. Ibn-Khaldoun nous renseigne
sur son rôle politique, et ajoute que, dans diverses entreprises
il acquit de grandes richesses-. A notre avis, la curieuse for-
mule « bâtie pour Témir Abou-Amer r^p/Y\s^ son déch », indique
clairement que Tédifice fut élevé, conformément à une dispo-
tion testamentaire du prince, et pour lui assurer dans l'autre
vie les mérites attachés à la fondation d'une mosquée.
Cependant cette mosquée ne porte pas son nom. C'est que
dans l'orthodoxe capitale des Benî-Zeiyân, les siècles ont
presque constamment donné le pas à la gloire rehgieuse des
savants et des saints sur la gloire pohtique des monarques et
des émirs De fréquentes substitutions de noms pour les édi-
fices en sont résultées. Quant au personnage vénéré dont
aujourd'hui l'oratoire bâti pour l'émir Abou-Amer porte le nom,
il n'est pas connu avec certitude. Les textes sont naturelle-
ment muets sur ces changements de dénominations, opérés
parla piété populaire, et dont l'évolution a dù être fort lente.
Brosselard présume qu'il s'agit d'Abou'l-Hasan (Bel-Hassen)
Ben-Yakhlef et-Tenesi, qui fleurit sous le règne d'Abou-Saîd
Otsmân^; nous nous rallions à cette opinion très plausible.
Le plan. — Le plan général, très simple, s'indique â l'exté-
\. i=!erait-ce la mosquée « située en face de Bâb el-Bonoud » dont Yahiya ben-
Khaldoun mentionne la construction précisément en \29C:,? {<"omplémenf, p. 34,
in pr/nc).
2. Cf. Histoire des Berbères, HT, p. 366, 368. 399, 400.
3. Gomp. Brosselard, Tombeaux des émirs Beni-Zeiyrhi , p. 13.
4. Bévue africaine, février 1859, p. 166; — sur ce personnage : lUstoire des
Beni-Zeiyân, p. 25; — le Bostân (notre manuscrit, p. 129).
172 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
rieur par trois toits de tuile parallèles, accostés à l'angle Sud-
Est par le minaret. A Tintérieur, deux rangées de colonnes
d'onyx, réunies entre elles par des arcades en fer à cheval,
divisent en trois nefs la salle de prière.
Bien qu'elle ne comporte pas les dépendances habituelles de
ce genre d'édifice, la cour^, le bassin, les portiques, nous avons
peine à croire que le plan primitif en fut très différent du plan
actuel. Ses proportions mêmes semblent peu conciliables avec
les dispositions ordinaires des mosquées maghribines. De plus
l'acte de habous parle de six boutiques placées contre le mur Nord
et dont la porte donne du même côté. Un tel voisinage laisse
peu do place pour une porte centrale dans l'axe des nefs. —
Selon toute apparence, il faut y voir, plutôt qu'un temple des-
tiné à recevoir les fidèles d'un quartier commerçant, un petit
oratoire luxueux (adjoint peut-être à quelque établissement
préexistant-).
Les arcades, au nombre de six et les quatre murs de ce petit
monument étaient entièrement revêtus d'une décoration sculptée
somptueuse et délicate, maintenant bien attaquée par le temps,
victime de la négligence des beys et, il faut bien le dire, du
vandahsme des premiers occupants français, qui le choisirent
comme magasin à fourrages
Le mihrâb. — Le mihrâb, dont l'ouverture n'est à la base
1. Une courette fort simple et contenant des latrines et des bassins à ablu-
tions existait autrefois àTOuestde l'édifice, àTemplacement aujourd'hui occupé
par les arrière-salles du musée.
2. Bargès, qui ne la visita pas intérieurement, propose de Tidentifier avec
l'oratoire de la Médersa Yaqoubîya {Tlemcen^ ancienne capitale, p. 387), mais
nous savons aujourd'hui que l'oratoire de la Médersa Yaqoubîya était la mos-
quée de Sîdi-Brâhîm.
3. Cf. Brosselard, Revue africaine, février 1259, p. 162. — Dans son article
sur Tlemcen, paru en 1893, Ary Renan réclamait la restauration entière de
«ce petit écrin, la mosquée de Belhacen», et sa transformation en musée.
Pl. VIII
A. Fontemoing, Editeur, Paris . l'hototypie Berthaud
MIHRÂB DE LA MOSQUÉE DE SIDI EELHASSEN
MOSQUÉE DE SÎDI BEL-HASSEN 1*3
que de est une merveille de fantaisie et de goût, La
petite voûte à stalactites de la niche repose sur de minces
colonnettes, engagées aux angles du plan polygonal. Les colon-
nettes s'appuient sur la corniche qui règne à la naissance de
l'arc d'ouverture. Cet arc est un fer à cheval plein cintre que
soutiennent deux colonnes d'onyx engagées. Un admirable
encadrement Tentoure qui, revêtant le mur à partir de 1™,60
du sol, se compose de la manière sui-
vante :
Une première bordure circulaire si-
mulant des claveaux est inscrite entre
l'arc d'ouverture et un second arc de
cercle plus grand dont le centre est
placé au-dessus du premier. Le centre
d'appareillage des claveaux n'est plus
ici placé à la naissance de Tare, mais
au milieu de la ligne des centres. Une
deuxième bordure en forme de cavet
portant une inscription cursive encadre
le cintre dans un rectangle large et
forme avec lui quatre écoinçons iné-
gaux. Ces écoinçons sont garnis d'ara-
besques ; les deux plus grands (ceux
de la partie supérieure) sont ornés à
leur centre de deux boutons spiralés,
rappelant certains coquillages. Une
troisième bordure se compose de
bandes d'inscriptions confiquesi enlacées d'arabesques et de
carrés à décor géométrique marquant les angles. Trois fenêtres
FiG. 2G.
Décor flanquant les
fenêtres du mihrâb.
1. Les trois derniers versets delà sourate VII, habituels sur les mihrâbs.
l'74 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
en plein cintre garnies de combinaisons géométriqnes repercées
à jour forment un deuxième étage, qui se relie au premier par
deux nouvelles bordures étroites et garnies d'inscriptions cur-
sives.
Les mura. — Le décor des arcs de la colonnade a presque
entièrement disparu. De fausses arcades dentelées assez bien
conservées décorent les murs ; les écoinçons en sont revêtus
de motifs à répétition inscrits dans des losanges [fig. 27), ou
d'arabesques à feuilles lisses et larges. De petites fenêtres en
plein cintre les surmontent, garnies de combinaisons géomé-
FiG. 27. — Décor de murs.
triques; un décor régulier remplit les vides [fig. 33 C); des
inscriptions cursives forment bordure. Une frise géométrique
court tout autour de la salle.
Le plafond. — Un plafond de cèdre, dont il ne subsiste que
quelques mètres, garnissait la cliarpenterie des nefs. Il est
d'un travail ingénieux et logique. Nous étudierons à Sîdi'l-
MOSQUÉE DE SÎDI BEL-HASSEN 115
Halwi un spécimen plus complet de ce mode de décoration.
Le style. — La composition des panneaux, celle du mihrâb
surtout, suit, comme on le voit, la formule généralement adop-
tée, et que la Grande Mosquée présente déjà. Cette composi-
tion est, comme le plan même du monument, élégante de pro-
portion et clairement distribuée. Quant aux éléments qui rem-
plissent les surfaces, ils témoignent d'un art savant et subtil,
presque complètement libéré de toute influence byzantine,
d'une invention pleine de souplesse et de ressource. Cet ora-
toire des Beni-Zeiyân, l'un des plus anciens monuments de
Tlemcen et l'ancêtre de presque toutes les parties subsistantes
de l'Alcazar et de l'Alhambra, porte la trace d'une culture
artistique qui ne sera guère dépassée. Non seulement il mérite
d'être étudié en lui-même, comme l'une des plus séduisantes
créations de l'art musulman, mais il offre encore à l'archéo-
logue un exemple important, sans remaniement, et de date
certaine, des détails de la belle époque moresque. C'est
d'ailleurs de tous les monuments de Tlemcen celui qui se rap-
proche le plus des palais espagnols : le décor épigraphique et
la flore établissent leur évidente parenté ^
L'arabesque y est foisonnante à l'excès, et plus peut-être
que dans aucun autre monument du Maghrib et de l'Andalou-
sie. La garniture des larges bandes de la cimaise y est formée
de trois niveaux différents de motifs épigraphiques ou de
palmes; mais ces trois guipures se superposent sans se mélan-
ger ; chacune d'elles conserve d'un bout à l'autre son caractère
propre, son épaisseur et son modelé, et l'inscription coufîque
qui en est le prétexte reste au dessus nette et lisible.
1. Cf. suprà, Introduction (p. 37), ce qui a été dit des ouvriers demandés
en Espagne.
176 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
Les chapiteaux. — Les chapiteaux de stuc, plus larges que
ceux que Ton rencontre généralement à l'Alhambra, ne sont
pourtant pas sans analogie avec eux, avec ceux surtout de
la cour de TAlberca et de la salle qui la flanque à l'Ouest. — Ils
sont de deux modèles différents : le premier [fig. 28), décoré
de Finvariable méandre inférieur et d'enroulements de palmes
Fig. 28. — Grand chapiteau supportant les arceaux des nefs
lisses entourant une coquille centrale, supporte les grands
arceaux de la nef; le second, plus petit, où les feuilles ciselées
de nervures et d'ornements entourent, outre la coquille cen-
trale, un court fragment de bandeau, surmonte les colonnes
MOSQUÉE DE SÎDI BEL-HASSEN 117
engagées du mihrâb. Tous deux sont d'un style touffu et infé-
rieur, comme composition, à ceux que produira l'école méri-
FiG. 2t), — Coupole du mihràb.
nide, voire même aux robustes créations qui les ont précédées.
La proportion est saus élégance, l'ordonnance confuse, les
12
178 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
éléments y ont des valeurs égales et monotones, et le principe
de leurs combinaisons, malgré des reliefs assez habilement
ménagés, y est difficilement lisible. Ce principe n'est qu'un
développement du thème primitif : rencontre et combinaison
de deux gerbes de rinceaux, l'une s'échappant de la palme
enveloppante des angles, l'autre s'écartant simplement du
centre, ou jaillissant du bandeau, dont nous avons essayé plus
haut de déterminer l'origine, La coquille qui en décore l'axe,
que nous retrouvons plusieurs fois employée dans le décor de
plâtre, qui réapparaît même dans quelques décors mérinides,
est parmi les motifs les plus usités des ornements espagnols.
La coupole. — La coupole à stalactites part d'un plan octo-
gonal pour arriver à une coupolette supérieure à seize canne-
lures. Elle a beaucoup de ressemblance avec celle des monu-
ments de Grenade et de Séville, mais ne fait cependant pas
intervenir, comme la plupart de ces dernières, le rectangle
recourbé. L'étude en sera facile, grâce au relevé géométral que
nous donnons d'après Duthoit ifig. 29) et à la vue perspective
d'un des angles d'après notre croquis [fig. 5).
Elément épigraphique. — On trouvera également jointe à
cette étude la reproduction de fragments épigraphiques [fig. 30).
Le coufiquey est d'un style très ornemental, voisin des exemples
que l'on rencontre à l'Alhambra et à l'Alcazar. Les formules
de bénédiction y sont employées comme motifs décoratifs avec
une ingéniosité qui ne sera jamais de^passée. Parfois elles
forment des ornements de centre et se mêlent à l'entrelacs floral
(écoinçonsj [fig. 21^ 33 B) parfois elles .servent en se répétant
de bordures découpées (arcades près du mihrâb); parfois elles
sont le point de départ de réseaux divisant les surfaces (cla-
veaux, bordures des fenêtres au dessus du ndhrâb).
(Les deux premières lignes sont empruntées au cadre de uiihrâb, les deux dernières
à l'inscription dédicatoire de la cimaise,)
180 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
Élément géométrique. — La géométrie joue un rôle assez
important dans le décor. Les frises, les angles de-bordure, où
l'on rencontre le vieux polygone étoilé à huit pointes et les com-
binaisons qu'il engendre, mais où apparaissent aussi les rosaces
à seize pointes, les petites fenêtres supérieures surtout
{fig.Si et 32), soit complètement ajourées, soit simulées par
des tables de plâtre décorées de réseaux en relief et oii les
surfaces peintes al-
ternent avec les noirs
des défoncements, les
fins quadrillages re-
percés remplaçant le
croisement régulier
des rubans de la
Grande Mosquée à
l'en tour des pan-
neaux, tels senties ju-
dicieux emplois de la
combinaison géomé-
trique, auxquels vient
s'ajouter le décor
mosaïque du minaret.
FiG. 31. — Garniture de fenêtre Elément floral. —
Le décor lierai est
celui par qui la parenté de notre petite mosquée avec les monu-
ments andalous se décèle de la manière la plus frappante.
L'élément invariablement employé n'est encore ici que la
1. Le même dessin géométrique se rencontre déjà dans une claustra de la
Grande Mosquée au-dessus du mihrâb. L'axe vertical en est alors la ligne
poiutillée indiquée dans la figure.
MOSQUÉE DE SÎDI BEL-HASSEN 181
palme simple ou double; mais, au lieu de se présenter, découpée
par des nervures comme à la Grande Mosquée, ou lisse comme
dans les monuments mérinides, elle est souvent ornée de rem-
plissages variés, de divisions, sans rapport avec ses divisions
naturelles, et dont les décors espagnols offrent à chaque pas
des exemples.
Nous présentons ici [fiq. 33) trois spécimens de ces palmes à
ornements. C'est
d'abord (F) une palme
divisée par des re-
coupements depalmes
secondaires s'échap-
pant le plus souvent
de la nervure princi-
pale ; une autre (D)
porte une succession
régulière de petites
dents en triangle qui,
suivant généralement
le bord extérieur,
indiquent le souvenir
des découpures de la
feuille. Une troisième
(E) qui se rencontre
déjà à Sainte-Marie-
la-Blanche de Tolède,
est revêtue de rinceaux dont Télément principal semble
être le trèfle à trois ou quatre feuilles arrondies (un examen
un peu attentif de la flore de Cordoue en montrerait,
croyons-nous, l'origine). Une quatrième palme assez souvent
FiG. 32.
Garniture de fenêtre.
Fio. 33. — A, décor'd'un trumeau; B,[motif coufique d'un''écoinçon; C, motif
garaissant les murs ; DEF, exemple de palmes.
MOSQUÉE DE SÎDI HEI^-IIASSEX
employée n'est qu'une interprétation ornementale de la feuille
de la Grande Mosquée. Cette dernière feuille, déformation
évidente de l'acanthe byzantine, se rencontre aussi, mais très
réduite et servant toujours de remplissage [figf. 27). Quant à
la feuille lisse, sans occuper la place que lui réservent les dé-
corateurs mérinides, elle joue cependant un rôle fort hono-
rable à côté des feuilles à décor mentionnées plus haut
{fig. 26,27,33).
Le minaret, — Le minaret est d'une hauteur médiocre, mais
d'unejolie proportion . Comme
son ancêtre de la Grande
Mosquée, il ne se décore que
d'un grand réseau d'arcades
à festons soutenues par deux
pilastres embryonnaires et
deux colonnettes engagées,
d'une galerie supérieure for-
mée de trois arcades lobées
semblablement posées sur
des colonnettes. Le décor
céramique en trois tons
(vert, brun, blanc) est formé
de combinaisons très simples
Fio. 34. — Chapiteau en mosaïque
de faïence (au tiers de rexécution).
qui semblent caractéristiques
des minarets de cette époque et dont la base est le damier à
losanges. On y trouve aussi des fragments incrustés dans le
réseau de brique. Enfin les éléments les plus curieux de cette
décoration sont les seize petits chapiteaux qui soutiennent les
arcs [fig. 34); ils sont revêtus de mosaïque de faïence, mode-
lant et dessinant l'astragale, le méandre, les volutes et même
184
LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
la ligature médiane ; ils constituent un décor logique d'un char-
mant effet et l'un des seuls exemples de céramique habillant
des reliefs que TOccident nous ait laissés
1. Nous devons la communication du dessin géométral que nous en don-
nons à Si Mohammed-Ben-Kalfate, qui a su rendre au petit minaret de Bel-
Hassen sa parure céramique, très endommagée par le temps.
MOSQUÉE D'OULAD EL-IMÀM
VI
MOSQUÉE D'0ULAD-EL-I1V[AM<
La mosquée d'Oulâd-El-Imâm n'est datée par aucune ins-
cription. Mais nous n'en connaissons pas moins Fépoque approxi-
mative de sa construction première. Des textes nous ren-
seignent à cet égard. Elle fut édifiée par Abou-Hammou P%
comme annexe du premier collège tlemcenien dont Fhistoire
ait gardé le souvenir [El-Mêdersa el-qadîmdy^ , on peut, selon
toute probabilité, placer sa construction aux environs de
l'année 710. Elle aurait été spécialement fondée, pour deux
frères, professeurs, nommés l'un Abou-Zeid Abd-er-Rahmân et
l'autre Abou-Mousa Isa. Ces deux personnages, originaires
de Brekch, auprès de Tenès, s'étant fixés à Tlemcen, y
devinrent les conseillers écoutés des princes abd-el-wâdites.
Yahya-ben-Khaldoun nous apprend « qu'Abou-Hammou leur fit
l'accueil le plus distingué et leur fit construire, près de Bâb-
Kechchout, en dedans des remparts de la ville, le collège qui
1. Notre photographie montre l'élégant minaret du quartier Qouloughli ; à
droite, les trois pignons indiquent les trois nefs qui composent à elles seules
le modeste oratoire.
2. Cf. Tlemcen^ ancienne capitale^ p. 326 et suiv.
186 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
porte leur nom^ » Cette dénomination de médersa Oulâd
el-Imdm (collège des fils de riniâm), donnée à l'établissement
concurremment avec celle de médersa qadima (vieux collège),
s'explique par ce fait que le père des deux savants était
imâm de Brekch, leur ville natale. Aboud-Zeid mourut en
1342, et Abou-Mousa en 1347, sous la domination mérinide.
Ils avaient su s'attirer la considération et la faveur des nou-
veaux maîtres de Tlemcen. La tradition veut qu'ils aient été
enterrés à l'intérieur du collège qui porte leur nom 2.
Brosselard a cru retrouver des tables de habous de la mos-
quée et de la médersa d'Oulâd-El-Imam^ ; mais il semble bien
qu'il se soit trompé. Les inscriptions auxquelles nous faisons
allusion sont, à notre avis, des tables de la médersa Yaqoubîja,
et non de la médersa d'Oulâd-El-Imâm. Nous exposerons, en
étudiant la mosquée de Sîdi Brahîm, les raisons sur lesquelles
nous fondons cette opinion personnelle, en contradiction avec
celle de notre devancier.
La médersa d'Oulâd-El-Imâm a complètement disparu
aujourd'hui. Elle devait occuper le terrain situé au bord et à
rOuest de la mosquée. Cette dernière seule à survécu; elle est
fort délabrée, mais vaut mieux cependant que ce qu'en ont
dit ceux qui l'ont étudiée avant nous. Postérieure d'une quin-
zaine d'années à la mosquée de Sidi Bel-Hassen, la mosquée
d'Oulâd-El-Imâm se rattache à la même période de l'art
maghribin et témoigne, dans sa ruine actuelle, d'une inspira-
tion analogue, pleine de science et de goût.
1. Cf. Complément de VUïstoire des Beni-Zeiyân, p. 58 ; on y trouve une
biographie des deux personnages en question; — cf. aussi Histoire des Ber-
bères, m, 386, 412 ; IV, 223; — et Boston (notre manuscrit, p. 321 et suiv.).
2. Cf. Complément de VRistoire des Beni-Zeiyân, p. 65.
3. Cf. les Inscriptions arabes de Tlemcen {Bévue africaine, février 1859,
p. 169 et suiv.).
MOSQUÉE D'0ULy\D-EL-IMÂM 187
Comme à Sîdi Bel-Hassen il n'y eut vraisemblablement
jamais ici ni çahn, ni porte monumentale adjoints à la salle de
prière, et le plan a dû peu varier. Cependant des remaniements
importants, dont nous indiquerons plus loin les signes presque
indiscutables, ont pu en modifier, à une époque voisine de sa
fondation les dispositions premières. La seule entrée est sur le
flanc Nord delà salle. Cette disposition est toute récente; Bar-
gès vit encore la porte donnant sur Tenclos qui avoisine la
mosquée au Couchant, en face du mihrâb^ Quatre arceaux en
plein cintre s'appujant sur le mur du mihrâb, sur le mur opposé
et sur deux pieds droits médians divisent la salle en trois nefs
irrégulières et dépourvues de tout caractère artistique. Une
colonne d'onyx dont telle ne fut point sans doute la destination
primitive est engagée dans l'angle Nord-Ouest près de la porte
qui s'ouvre sur Tescalier du minaret. Seul le décor très ruiné
du mihrâb et le haut du mur opposé trahissent l'ancienne splen-
deur de ce petit édifice.
Le mihrâb, que trois petites fenêtres en plein cintre sur-
montent, suivant la classique disposition, montre les restes
d'un encadrement dont la composition de plâtre, très fine, très
riche et très serrée rappelle la belle création d'Abou-Saîd
Otsmân. L'intérieur de la niche, couverte d'une coupole à sta-
lactites se terminant par une coupolette à seize cannelures, est
établie sur l'habituel plan octogonal. Mais elle présente cette
particularité que deux arcatures à colonnettes s'y superposent
pour porter l'encorbellement: celle d'en haut, qui disparait pour
le spectateur placé dans les nefs, bordée de découpages ana-
logues à ceux de Sidi Bel-Hassen, celle d'en bas bordée par la
1. Cf. la description sommaire qu'il donne de ce petit monument dans
Tlemcen, ancienne capitale de ce nom, p. 327.
188 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
disposition de palmes dont Sîdi Bou-Médine nous offrira un
exemple.
De l'examen de cette superposition, de la présence
d'un cintre de maçonnerie inemployé, supérieur au cintre actuel,
il résulte que toute une partie du mihrâb a été abaissée à
une époque quelconque. Si on observe, d'autre part, que le
niveau tout entier de la mosquée est en contre bas des ter-
rains avoisinants, on s'explique cet abaissement du mihrâb.
Mais comment expliquer le besoin lui-même d'agrandir un
tel monument en hauteur et l'idée d'en descendre le niveau
plutôt que d'en surélever les combles? Seul le respect pour
l'œuvre d'un âge disparu, joint au désir d'augmenter la magni-
ficence d'une fondation pieuse, nous semblent pouvoir motiver
une telle accommodation. Comme on le sait, en effet, les mos-
quées de cette époque ne comportent qu'une décoration de char-
pentes et de plâtre dans les parties hautes ; en abaissant le
sol, on laissait cette décoration intacte.
Restait cependant le mihrâb, dont cet abaissement entraî-
nait un grave changement de proportion. Comment faire pour
lui conserver l'harmonieux rapport de ses dimensions pre-
mières, sans attaquer un cadre dont on ne savait plus créer
l'équivalent, qui restait comme une œuvre inimitable de vieux
artistes disparus? La forte cohésion des plâtres arabes en don-
nait le moyen. Ce cadre, détaché pièce par pièce du mur auquel
il adhérait, et un nouveau cintre semblable au premier, établi à
la même distance du sol, c'est-à-dire 0°',82 en dessous de
Tancien niveau, on réappliqua la bordure circulaire à claveaux
les écoinçons, le cavet à inscription cursive, les trois bandes
1. Voir pour la composition de ce cadre la Pl. VIII et la description typique
qui la commente, p. 173.
MOSQUÉE d'oULÂD-EL-IMÂM 189
d'inscriptions coufiques avec les carrés de leurs angles; puis, dans
le vide laissé entre le revêtement et la garniture des fenêtres
supérieures, on établit un panneau nouveau de 0°',82 de haut,
décoré tant bien que mal suivant le goût du jour. Cette déco-
ration [fig. 35) n'est d'ailleurs point d'un mauvais style ; elle est
formée d'entrelacs lloraux analogues à ceux des petits cintres du
portail de Sîdi Bou-Médine ou de certains revêtements de
l'Alhambra; mais ce rapprochement avec les fermes et délicats
FiG. 35. — Décor du panneau intercalé (Cadre du mihràb).
ornements du petit mihrâb, tout ruiné qu'il se présente à nous,
ne lui est pas favorable : la ligne est un peu molle et Tenlace-
ment sans tenue ; de plus il est de ces garnitures à réi)étition
sans axe et sans arrêts que la bonne époque n'emploie que
pour les grandes surfaces et qui n'intervient jamais dans la
i90 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
composition d'un motif central, tel qu'un cadre de mihrâb.
La mosquée n'est postérieure que de (quatorze ans à celle de
Sîdi Bel-Hassen ; les mêmes caractères généraux s'y retrouvent :
l'écriture coufique y est sensiblement du même style ; le même
rôle y est donné aux monogrammes et aux sentences ; on y
retrouve la coquille, et la palme à rinceaux de feuilles arron-
dies y court semblablement dans l'inscription du cadre rectan-
gulaire.
A quelle époque faut-il attribuer la réfection du miliràb ? Le
style du rectangle et des arcades simulées dans la niche semble
appartenir, ainsi que nous l'avons vu, au milieu du xiv" siècle. Peut-
être faut-il attribuer les modifications que nous venons de signa-
ler au plus glorieux des zeiyânides, le restaurateur Abou-Ham-
niou II ; peut-être cependant faut-il en reculer la date jusqu'au
règne d'Abou'l-Abbàs Ahmed. A cet égard, les textes et la tra-
dition sont également muets. Quoi qu'il en soit de l'époque de
ces remaniements, on doit rendre justice aux artistes qui l'exécu-
tèrent, et reconnaitre que, tout en sachant encore eux-mêmes
fort bien tracer un entrelacs et modeler le plâtre, ils eurent
le respect d'une manifestation d'art plus parfaite, et se
gardèrent d'en détruire le charme par une indiscrète restaura-
tion.
Le minaret qui accompagne cette salle de prière est élégant
et pourvu d'une bonne décoration céramique en trois tons, vert,
brun et blanc. Le blanc est d'une très jolie tonalité verdâtre, qui
contribue beaucoup à l'harmonie générale. La base des combi-
naisons employées est, comme à Sîdi Bol-Hassen, le damier à
losanges. Un premier panneau est formé d'une arcade feston-
née portant des écoinçons de mosaïque verts et blancs. Un
second panneau de deux arcades lobées est entouré d'un cadre à
MOSQUÉE d'oULÂD-EL-IMÂM l9l
décor vert, blanc et brun; c'est le seul exemple que ùous con-
naissions de ce genre de décor. Une bande semblable à celle
de Sîdi Bel-Hassen forme ceinture à la base de la galerie supé-
rieure. Quatre nierions ornent les angles de la tour, que cou-
ronne un campanile très simple.
vu
EL-MANSOURAH
A environ 5 kilomètres Ouest de Tlemcen, la route de
Tlemcen à Maghnia traverse un très vaste ensemble de ruines,
périmètre de murailles, mosquée, qasbali. Ce sont les débris
de la ville mérinide de Mansourah. Cette cité éphémère —
elle vécut soixante ans à peine — eut son origine dans un
siège mémorable que Tlemcen soutint à la fin du xiif siècle et
au commencement du xiy\ Il nous paraît bon, avant d'en décrire
et d'en étudier les ruines, de rappeler brièvement son histoire.
En 698, le sultan mérinide Abou-Yaqoub, à la tète d'une
nombreuse armée, vint s'établir dans la grande plaine qui
s'étend entre Tlemcen et le col du Juif. Il dressa son camp à
l'endroit connu sous le nom de <( Rendez-vous d'Ibn-Çaïqal ^ ».
A plusieurs reprises déjà, en 689, en 695, en 697, il avait
menacé la capitale abd-el-wâdite. Les fortes murailles de la
ville lui avaient opposé une résistance insurmontable. Cette
fois, il résolut d'en venir à bout par la famine, la bloqua étroi-
tement, l'emprisonna dans un ensemble d'ouvrages de circon-
1. Cf. Complément de V Histoire des Beni-Zeiy an ^ p. 35; les exemplaires de
la Bacjhyal er-Rouwâd, que nous avons consultés, portent « le hameau d'ibn
Çaïqal ».
p:l-mansourah 193
vallations, et reçut la soumission de tout le pays environnant.
Tlemcen était réduite à ses propres ressources et ne pouvait
rien attendre du dehors : « Un esprit, un être invisible, dit
Ibn-Khaldoun, aurait eu delà peine à pénétrer dans la ville. »
Elle ne se rendait pas cependant, et le siège devait se pro-
longer huit ans. A Tapproche do l'hiver, le sultan mérinide se
fit bâtir une demeure royale dans son camp; en face, il jeta
les fondements d'une mosquée pour lui et son armée ; autour,
des habitations de soldats, de fonctionnaires royaux s'élevèrent,
et le tout fut défendu par une muraille. Cette ville improvisée
reçut le nom de El-Mahalla El-Mançoura^ « le camp victo-
rieux ». Deux ans après, son importance s'étant accrue, le
sultan la fît ceindre d'un vaste périmètre de murs, et la cité
mérinide, dressée en face de la vieille capitale abd-el-wâdite
assiégée, s'appela alors « Tlemcen-la-Neuve ». « Ce fut en
l'an 702, dit Ibn-Khaldoun, que le sultan fît bâtir l'enceinte
de murs, et qu'il forma ainsi une ville admirable, tant par son
étendue et sa nombreuse population que par l'activité de son
commerce et la solidité de ses fortications. Elle renfermait
des bains, des caravansérails, ainsi qu'une mosquée où l'on
célébrait la prière du vendredi, et dont le minaret était d'une
hauteur extraordinaire. Cette ville reçut de son fondateur le
nom de El-Mançoura. De jour en jour, elle vit sa prospérité
augmenter, ses marchés regorger de denrées et do négociants
venus de tous les pays. Aussi prit-elle bientôt le premier rang
parnn les villes du Maghrib i. » — Pendant ce temps la ville
investie souffrait de toutes les horreurs de la famine. Nous ne
nous étendrons pas sur les récits très détaillés que nous ont
1. Cf., sur toute cette partie de Ttiistoire de Tlemcen, Histoire des Ber-
bères, m, p. 141 et suiv.
13
194 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
laissés les auteurs arabes de cette période dramatique de
l'histoire tlemcenienne ^ Il suffira de dire que, quatre ans
plus tard, Tlemcen, à la dernière extrémité, ayant perdu
nombre de ses défenseurs, allait succomber, lorsque le poi-
gnard dïm assassin la sauva. Abou-Yaqoub fut tué à Man-
sourah par un de ses esclaves. Son petit-fils Abou-Tsâbit Omar,
impatient de s'assurer la possession du trône qui lui était con-
testée, se hâta de lever le siège et de regagner Fâs^. Avant
de partir, il conclut la paix avec le sultan abd-el-wâdite Abou-
Hammou ; une clause du traité réglait le sort de « Tlemcen-la-
Neuve ». Suivant Yahja ben-Khaldoun, elle demeurait, aux
portes de la capitale abd-el-wâdite, vassale des Mérinides ;
les souverains de Tlemcen devaient la respecter et laisser s'y
établir ceux qui le désireraient. Ce récit n'est pas en complet
accord avec ce que dit Abd-er-Rahmân ben-Khaldoun de l'aban-
don de Mansourah par les Mérinides ; cet auteur prétend que
Abou-Tsâbit Omar chargea un de ses vizirs de présider à
l'évacuation de la place, que les habitants la quittèrent succes-
sivement classe par classe, et qu'en se retirant le vizir laissa
Mansourah complètement vide '^.
Cette histoire de fondation de ville à remplacement d'un
camp, si étrange qu'elle paraisse, n'est pas un fait isolé dans
les annales des peuples musulmans. Dès les premiers âges de
1. On trouvera les principaux épisodes du siège de Tlemcen parfaitement
racontés ap. Brosselard, Revue africaine., juin 1859, p. 323 et suiv. ; — aussi
Toynbeaux des Emirs Beni-Zeiyân, p. 32, 33.
2. Une bataille entre Abou-Tsâbit Omar, et son concurrent Abou-Sâlim,
faillit même être livrée sous les murs de Mansourab. Le corps d'Abou-Yaqoub
aurait d'abord été enterré à Mansourah, puis plus tard transporté à Cbella
(Cf. Histoire des Berbères, IV, p. 169 et suiv.).
3. Cf. Bargès, Tlemcen, ancienne capitale, p. 256 ; Histoire des Berbères, IV,
p. 173.
EL-MANSOURAH d95
rislam, Fosiàt (le vieux Caire) n'aurait, suivant une tradition
constante, pas eu une autre origine. Tagrârt elle-même, l'an-
cêtre de la Tlemcen moderne, s'éleva à la place où les Almo-
ravides, assiégeant Agadir, avaient dressé leurs tentes. Deux
exemples fournis par l'histoire du Maghrib, au siècle même qui
vit naître Mansourah, doivent tout particulièrement être rap-
pelés ici. En 726, Ibn-Ali El-Kordi, général d'Abou-Tâchfin,
faisant le siège de Bougie, choisit un emplacement nommé
Soûq El-Khemîs, y rassembla des ouvriers, les fit aider par
ses propres soldats et, dans l'espace de quarante jours, acheva
la construction d'une nouvelle ville, qui reçut le nom de Tem-
zezdekt. En 733, le futur restaurateur de Mansourah, Abou'l-
Hasen le Mérinide, investissant Sidjilmessa, employa une
foule d'ouvriers à construire une ville sous les murs de la
place ^ Pour s'expHquer ces singulières fondations, il faut con-
sidérer que, d'une part, la composition des armées maghri-
bines, au moyen âge, en rendait l'entreprise utile, que,
de l'autre, la commodité des matériaux employés en faci-
litait l'exécution. Une armée mérinide ou abd-el-wâdite
peut en quelque sorte apparaître comme une réunion
de smalas. Dans beaucoup de contingents, les combat-
tants marchaient accompagnés de leurs familles. Une popu-
lation de marchands, de fournisseurs divers venait encore
s'adjoindre à cette foule disparate; et dans un siège qui devait
durer plusieurs années, l'on comprendra que la construction
d'abris fixes, à l'endroit où avait été dressé le camp, appa-
raissait comme une nécessité de premier ordre-. Ces abris,
véritables gourbis de plâtre, de terre prise sur place et battue
1. Cf. Histoire des Berbères, 111, p. 405; IV, p. 213.
2. Déjà, dans une expédition avortée contre Tlemcen, en 697 (1297), Yousef
196 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
en pisé, pouvaient couvrir, en des temps extraordinairement
courts, de vastes espaces, et leur groupement prenait l'aspect
d'une véritable ville improvisée. Au reste, ils disparaissaient
plus rapidement encore. Temzezdekt, dont le nom a été cité
plus haut, fut renversée en une heure par Abou-Yahya Abou-
Bakr. Mansourah elle-même, après l'évacuation d'Abou-Tsâbit
Omar en 706, fut si sérieusement ruinée par les Abd-el-
Wâdites que, sept ans après, le Mérinide Abou-Saîd, revenant
assiéger Tlemcen, n y établit pas tout d'abord son camp K Ary
Renan a très bien vu, selon nous, le caractère de la Mansourah
primitive, et l'a justement comparée à la première Cairouan :
« L'assiégeant eut tout juste le loisir de bâtir l'admirable péri-
mètre de murailles qui existe encore, d j élever une mosquée
et quelques palais. Le reste de l'espace dut être occupé par
un vaste camp, des marchés en plein air, des tentes, des abris
légers, qui étaient d'une construction rapide et dont la des-
truction avait lieu en un jour^. » Selon toute vraisemblance,
les choses durent bien se passer ainsi ; mais l'imagination popu-
laire ne se contenta pas de cette réalité trop modeste, et fît
de Mansourah une cité merveilleuse sortie en une nuit de terre
sur le geste d'un sultan orgueilleux-'''. A notre avis, Ibn-Khal-
doun lui-même, dans sa brillante description de Tlemcen-la-
Neuve, que nous avons donnée plus haut, s'est laissé fortement
le Mérinide commença à construire des logements pour ses troupes [Histoire
des Berbères, III, ST.'i).
1. Il l'établit au melab (hippodrome), situé beaucoup plus près de la ville,
non loin, selon les renseignements fournis par les textes, de l'endroit où
s'élève aujourd'hui la qoubba de Baba-Safîr.
2. Cf. Gazette des Beaux-Arts, 1091, I, p. 371.
3. Elle attribua au Mérinide le surnom de « sultan noir », donna aux chevaux
de son armée des fers d'or, cloués de clous d'argent. Cette légende du « sultan
noir » a été étudiée d'une façon complète par Basset, ap. Nedromali et les
Traras, p. 20i à 212.
EL-MANSOURAH 197
influencer par cette conception populaire. Nous ne croyons
pas que Abou-Yaqoub, le jour où il fit battre et mettre en
place le premier bloc de pisé pour son palais d'hivernage de
Mansourah, eut le dessein arrêté de construire une ville nou-
velle. Le récit des historiens permet de distinguer plusieurs
phases dans le développement, si rapide qu'il fut, de la cité
mérinide. Jusqu'en 702, elle n'est qu'un camp^ « le camp vic-
torieux », avec une mosquée et qnelques édifices importants
destinés à abriter le sultan et les chefs mérinides contre les
rigueurs de l'hiver tlemcenien. A cette époque, par la cons-
truction d'un mur d'enceinte considérable, elle devient une
ville et prend le nom de « Tlemcen-la-Neuve ». Cet accroisse-
ment subit d'importance du camp mérinide peut très bien être
expliqué par une cause économique : Tlemcen, siège d'un
immense trafic, point de départ et d'arrivée de nom])reuses
caravanes, est subitement fermée au négoce par un blocus
étroit. Il est tout naturel que, pendant les années que dura le
siège, Mansourah, heureusement située, libre d'accès, se soit
substituée, comme grand marché du Maghrib central, à la
vieille capitale abd-el-wâdite ; et cette soudaine prospérité
commerciale, mise à profit par un monarque ambitieux, trans-
forme le camp de la veille en une véritable cité.
La mosquée, dont le minaret ruiné domine la route de Maghnia,
le périmètre des murailles nous offrent-ils des monuments de la
Mansourah primitive ? Malgré Taffirmation catégorique des his-
toriens, le fait demeure au moins douteux. Tout d'abord, nous
savons que l'enceinte démantelée par les Abd-el-Wâdites fut
réparée trente ans plus tard, pendant ou après le second siège de
Tlemcen par Abou'l-Hasen. Quelle fut, au juste, l'importance
du démantèlement et, par suite, de la restauration? On ne sau-
19^ LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
rait guère le dire. D'autre part, il est remarquable qu'une ins-
cription gravée sur le cadre de pierre du portail du minaret,
si elle attribue la fondation de la mosquée à Abou-Yaqoub,
qualifie ce monarque de « défunt ' » ; et, par là même, elle
montre que la partie de l'édifice qui la porte fut, sinon cons-
truite, du moins sérieusement retravaillée à une époque posté-
rieure. Cette époque ne peut être que celle d'Abou'l-Hasen, le
conquérant de Tlemcen. Le fait que, dans sa courte existence,
Mansourah a été le camp de deux princes appartenant à la
même dynastie, qu'elle les a vus travailler tous deux à ses
édifices, a provoqué une confusion fort explicable dans les
récits de ceux qui ont retracé son curieux développement - ; et,
il n'est en somme pas facile de démêler, dans cet ensemble de
ruines, ce qui appartient à la fondation d' Abou-Yaqoub ou à la
restauration d'Abou'l-Hasen. Nous arrivons maintenant à la
deuxième période de l'histoire de Mansourah.
D'après les conventions passées entre Abou-Tsâbit Omar, et
l'Abd-el-wâdite Abou-Hammou, Mansourah devait être respec-
tée après le départ des Mérinides. Cette clause du traité ne
dut être observée que pendant quelques années. Aussitôt que
la bonne harmonie se rompit de nouveau entre les sultans de
Tlemcen et ceux de Fâs, Mansourah fut systématiquement
démolie par les premiers'^; les ouvrages de fortification, qui
pouvaient fournir un point d'appui redoutable à l'assaillant, au
cas d'un nouveau siège de Tlemcen, durent particulièrement
\. Cf. Brosselard, les Inscriptions arabes de Tlemcen, ap. Revue africaine,
juin 1859, p. 335, 336.
2. C'est ainsi que Shaw en attribue la construction première à Abou'l-Hasen
(traduction Mac Carthy, p. 244 ; — Cf. la discussion de Bargès, qui relève
Terreur de cet auteur ap. Tlemcen, ancienne capitale, p. 255).
3. Cî. Histoire des Berbères, ly, lis ; — Histoire des Beni-Zeiijân, p. 38.
EL-MANSOURAH 199
avoir à souffrir de la part des monarques abd-el-wâdites ; et de
fait, lorsque, en 735, Abou'l-Hasenpetit-fîlsd'Abou-Yaqoub vint
renouveler contre la capitale abd-el-wâdite l'entreprise de son
aïeul, son premier soin fut de relever ce qui avait été jeté à
terre des constructions de Mansourah^ monarque, entré en
vainqueur à Tlemcen, en 737, n'abandonna pas son camp pour
sa nouvelle conquête. Il fît de Mansourah la ville officielle, le
siège du gouvernement mérinide sur le Maghrib central et
revint personnellement s'y installer aussitôt après la prise de
la capitale abd-el-wâdite. Ce sultan semble même avoir eu une
vive prédilection pour la cité nouvelle fondée par son aïeul. Il
y résida presque continuellement jusqu'à ces entreprises mal-
heureuses en Ifriqîj-a, vers 748. A cet effet, il s'y fît construire
un palais, le palais de la Victoire, avec de vastes dépen-
dances, des jardins, des pièces d'eau. Le tout devait former
une véritable qasbah, oii un trésor considérable était amassé 2.
C'est à ce prince qu'il faut vraisemblablement attribuer la créa-
tion du quartier oriental de la ville, dont les restes offrent
encore un ensemble assez important de ruines. D'autre part
nous avons dit qu'il retravailla, selon toute vraisemblance, à la
grande mosquée.
Les somptueux ouvrages d'onyx, dalles, colonnes, chapiteaux,
bassins à ablutions, qui ont été retrouvés dans les ruines de
cet édifice, datent bien plutôt de son époque que de celle
d'Abou-Yaqoùb. Il fit de grands efforts pour donner à Man-
sourah le caractère d'une véritable cité et en môme temps
1. Tous les historiens arabes disent qu'AbouH-Hasen hnlit Mansourah, ce
qui semble indiquer une restauration complète de la ville (Cf. Histoire des
Berbères, IV, p. 221 ; Histoire des Deni-Zeiynn, p. 53 ; — Complément, p. 71).
2. Cf. Histoire des Berbères, IV, 213, in fine; — sur le palais de la Victoire,
Brosselard, Revue africaine, juin 1859, p. 337, 338.
200
LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
qu'il augmentait le nombre et Timportance de ses monuments,
il se préoccupait d'y attirer une population fixe^. De fait, Man-
sourah est parfaitement qualifiée de ville ^ dans des textes de
son époque 2. On caractériserait assez bien le développement de
Tlemcen-la-Neuve, dans sa très courte existence, en disant
qu'il fut spontané bien plus que voulu à l'époque d'Abou-
Yaqoub, et essentiellement voulu à l'époque d'Abou'i-Hasen.
Cette œuvre quasi artificielle, très propre à flatter les goûts
bâtisseurs du monarque qui l'avait entreprise, ne pouvait
guère au reste lui survivre. Déjà le successeur d'Abou'l-Hasen,
Abou-Inân Fâres, rappelé vers le Maghrib occidental par les
événements politiques, abandonna la résidence de Tlemcen-la-
Neuve. Le palais de la Victoire n'a plus d'hôte royal ; peut-
être même est-il, avant son complet achèvement, dépouillé de
quelques-unes de ses colonnes au profit des nouvelles construc-
tions d'Abou-Inân (cf. inf.^ p. 292 et ss.). La restauration des
Beni-Zeiyân devait consommer la ruine de Mansourah.
Les descendants de Yarmorâsen, en remontant sur le trône,
frappèrent la cité mérinide d'un arrêt de mort. Systématique-
ment, ils ruinèrent cette ville voisine rivale de leur capitale,
qui aurait perpétué le souvenir de l'abaissement de leur dynas-
tie. Le démantèlement des murs, la destruction du palais de
la Victoire, probablement aussi de la mosquée, fut en principe
1. «Le chîkh Sîdi Lahsen racontait que sa mère, d'origine raasmoudienne,
était venue s'établir dans la région de Tlemcen, à la suite du sultan Abou'l-
Hasen. Elle habitait la ville que ce sultan avait fait construire pendant le
siège, et qui portait le nom de INIansourab ; le chîkh ajoutait que, lorsqu'il se
promenait, enfant, avec sa mère dans les ruines de Mansourah, elle lui disait :
«C'est ici, mon fils, qu'était située la maison où nous demeurions à l'époque
où cette ville était encore habitée. » (Cf. Bostân, notre manuscrit, p. 170 ; —
Complément de l'Histoire des Beni-Zeiyân, p. 322.)
2. Par exemple, dans le babous de Sîdi Bou-Médine (Cf. Brosselard, les Ins-
criptions arabes de Tlemcen, ap. Revue africaine^ août 1859, p. 415).
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EL-MANSOURAH 201
l'œuvre de la main des hommes. Le temps ne fît que racliever
en amenant les restes de Tlemcen-la-Neuve au point de dégra-
dation oii nousles voyons aujourd'hui. La charrue fut passée snr
son sol. Dès l'époque de Tenesi, elle était redeveniie, sur une
grande partie de sa superficie, à l'état de champs cultivés L
En outre, Mansourah fut exploitée, aux âges postérieurs,
comme une véritable carrière de marbre taillé. La qoubba de
Sîdi Bou-Médine, la mosquée du Méchouar, la Grande Mos-
quée, probablement aussi la qoubba de Sîdi Brâhîm reçurent
leur part des dalles, des colonnes, des chapiteaux d'onyx de la
mosquée de Mansourah, et du palais de la Victoire. Il n'est pas
jusqu'à l'église catholique qui, de nos jours, ne se soit enrichie
des dépouilles de la cité mérinide : la cuve des fonts baptis-
maux a été taillée dans un bloc d'onyx vert provenant du
temple musulman fondé par Abou-Yaqoub.
A. — Enceinte de Mansourah. — Ruines de la Qasbah
V enceinte. — Une muraille de pisé entourait Mansourah -.
Elle avait 1°',50 d'épaisseur à sa base et se rétrécissait au
sommet pour former, à l'intérieur de la ville, un chemin de
ronde continu. Des créneaux la surmontaient. Comme l'enceinte
de Tlemcen, elle était flanquée sur tout son pourtour, d'après
1. Cf. Histoire des Beiii-Zeiydn, p. 53; Complément de rilistoive des Beni-
Zeiyân^ p. 33.
2. On trouvera des descriptions de Mansourah ap. Bargès, Tlemcen capi-
tale, p. 249 etsuiv. ; — Brosselard, les Inscriptions arabes de Tlemcen {Revue
africaine, juin 1859); — de Lorral, Tlemcen (Tour du Monde, 1875), p. 301 et
suiv. — Notre vue panoramique est prise de la route de Sebdou. On distingue au
second plan à droite les maisons du village français, à gauche la face pos-
térieure du minaret.
•202 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCKN
la coutume byzantine, d'environ quatre-vingts tours carrées ou
barlongues, ayant sur la courtine un assez faible commande-
ment. L'espace compris entre ces tours flanquantes était
assez variable. Comme la déclivité du terrain était très sen-
sible, des rampes, réunissant les tronçons du chemin de
ronde, rachetaient les différences de niveau ^
FiG. 36. — Construction d'une tour de flanquement.
Il n'y a pas trace de mur avancé ; il est difficile de
croire à l'existence d'un fossé faisant le tour de la ville;
1. Comp, une restauration de la citadelle byzantine de Haïdra, ap. Gagnât
etSaladin, Voyage en Tunisie {Tour du Monde, 1886, II, p. 229.)
EL-MANSOURx'^H â03
seule la face orientale semble utiliser un escarpement naturel.
Sur cette même face, qui regarde Tlemcen, nous avons noté
un arrière-mur très épais suivant l'enceinte principale, à
quelques mètres seulement en arrière, et s'en rapprochant
parfois. Peut-être est-ce là un vestige d'un mur primitif, rasé
après la première disparition des Mérinides.
Les tours barlongues, qui étaient les plus nombreuses, étaient
accolées à Textérieur du mur. Elles avaient 7 mètres de
façade et 3™, 75 de côté. Un certain nombre d'entre elles pré-
sentent la trace des dispositions intérieures suivantes [fig . 36).
Un mur médian, perpendiculaire à la courtine, s'élevant à une
hauteur variable, porte deux voûtes en berceau qui recouvrent
ainsi deux petites salles sensiblement carrées. Ce procédé, en
usage dans les bâtiments civils romains et auquel on a donné
le nom de construction cellulaire^ avait pour but, moins d'amé-
nager deux salles de rez-de-chaussée, que d'assurer la solidité
des tours et d'établir un étage supérieur capable de supporter
la lourde charge des combattants et des munitions. La plupart
d'entre elles ne laissent pas supposer l'existence de porte infé-
rieure donnant dans la ville. Le seul accès possible de la plate-
forme était le chemin de ronde des courtines. Peut-être, dans
certains cas, quelques marches seulement permettaient-elles
de monter de ce chemin de ronde à celui qui couronnait les
tours. Parfois aussi les tours ayant un commandement plus
sensible sur les courtines, et le premier étage étant établi
seulement aux deux tiers de la tour, avait-on recours à la
disposition que la vieille enceinte de Séville permet encore
d'observer. Dans une des tours flanquantes de cette enceinte,
un escaher de quelques marches, s'élevant du chemin de ronde
et suivi par le crénelage, donne accès dans une salle voûtée
204 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
par une porte cintrée, percée à la gorge de la tour (le mur y
étant en briques et plus mince que le mur extérieur) ; un esca-
lier accolé à la paroi intérieure monte de cette salle à la
terrasse du sommet. Une disposition analogue se devine
dans une tour de Tenceinte d'Agadir. Telle pouvait être celle
de bon nombre de tours flanquantes de Mansourah, que le che-
min de ronde y tint lieu ou non de terrasse supérieure.
Los tours carrées, de 7 mètres de côté et plus hautes que
les précédentes, sont en petit nombre. Ce senties tours placées
aux angles des murs : elles sont alors pénétrées par eux et pré-
sentent intérieurement les traces d'une salle basse voûtée et
parfois d'un escalier intérieur (tour E), établissant une commu-
nication entre le chemin de ronde et l'intérieur de la place.
Ce sont aussi quatre tours rapprochées par paires (deux se
trouvent vers le miheu de la face Sud, deux vers le milieu
de la face Nord). Elles nous semblent ainsi placées pour
accoster deux des portes de la ville. Les tours H et B pré-
sentent à Tintérieur des dispositions identiques. Une porte
basse subsistant à l'angle dans la tour B, et découpée sui-
vant un arc surbaissé, y donne accès. Une rampe étabUe sur
neuf portions de voûtes en berceau permettait d'arriver au
chemin de ronde. Cette rampe devait s'appuyer sur un noyau
central, qui a complètement disparu. Dans la tour C, d'exté-
rieur semblable, nous n'avons pu retrouver ces dispositions
intérieures. Mansourah avait donc deux portes, une au Nord et
Tautre au Sud. Elle en avait vraisemblablement deux autres à
l'Est et à l'Ouest, aux endroits même où passe actuellement la
route de Tlemcen à Maghnia. Un pan de tour carrée subsiste à
l'Ouest. A TEst, les vestiges de deux murs perpendiculaires,
intérieurs au mur d'enceinte et dont l'un porte à son sommet
EL-MANSOURAH 205
un départ de voûte en brique, semblent indiquer Texisience
J
FiG. 37. — Plan de Mansourah.
d'une entrée monumentale. Elle était flanquée de deux corps
206 LES MONUMEÎsTS ARABES DE TLEMCEN
de bâtiments rectangulaires protégeant un passage de 14 mètres
de long et d'une largeur difficilement appréciable. A quelques
mètres de cette entrée dans Tenceinte de la ville, on trouve
un pont en brique qui, datant des Mérinides, précise le point
où passait la route. Ce pont, très bien construit, porte un para-
pet de pisé ; sa voûte n'a pas moins de 35 mètres de longueur.
Le carrefour, qui s'étalait au dessus, était entièrement revêtu
d'un pavage horizontal portant sur un lit de pisé extrêmement
dur.
IJ intérieur de la ville. — Si nous remontons le cours du
ruisseau qui y passe et qui, descendant des hauteurs de Lalla
Setti, va couper la muraille Sud au tiers oriental de sa longueur,
nous avons sur notre droite un chemin qui conduit non loin de
la porte du Sud. Ce chemin, qui fut longtemps la route de
Sebdou, était muni d'un pavage irrégulier qui, encore visible sur
une bonne partie de son parcours, rappelle assez exactement
ment celui qu'on observe dans les grandes viJles marocaines
(Cf. Pl. XI). Il a près de 5 mètres de large; les pierres
sont de nature, de forme et de dimensions très variables. Un
canal de pisé, peut-être primitivement recouvert, le suit pen-
dant un certain temps. Des pans de mur également en pisé
subsistent, à gauche dominant la vallée du ruisseau, à droite
s'élevant dans les champs qui avoisinent le village actuel. Ils
indiquent l'existence d'un quartier oriental assez compact et
assez peuplé. Il est malheureusement difficile de préciser la
destination primitive des groupes de ruines qu'on y trouve.
A quelque distance adroite, une maison transformée en ferme
présente une cour intérieure flanquée, sur trois faces, de salles
s'ouvrant chacune par deux arcs trapus sans élégance, mais
sohdement étabhs. Une conduite d'eau, datant probablement de
Fl. XI
ontemoing, Editeur, Paris
Phototypie Berthaud
CHEMIN PAVÉ A MANSOURAH
EL-MANSOURAH 207
l'occupation mérinide, alimente encore une citerne octogonale
placée à l'extérieur des bâtiments, peut-être fontaine publique,
peut-être entourée par le prolongement d'un mur qu'on ren-
contre plus bas et destinée à l'usage exclusif des maîtres du
logis.
Au Nord de ce bâtiment, à l'angle Sud-Est du village actuel,
on rencontre un ensemble de ruines couvrant environ un demi-
hectare de terre. Des fouilles occasionnées par les travaux
agricoles et quelques recherches entreprises par Brosselard,
ont permis d'en déterminer sinon le plan, du moins la desti-
nation primitive. — Là s'élevait le palais de la Victoire, qu'Abou'l-
Hasen Ali fit construire en l'an 745, huit ans après la prise de
Tlemcen - .
Ainsi que la plupart des Qasbahs d'Espagne et du Maghrib,
la Qasbah des sultans mérinides, à la fois résidence royale et
citadelle, était placée sur une éminence naturelle, que des
terrassements avaient vraisemblablement surélevée et taillée
à pic du côté du Nord. Une tour en ruines s'avançant sur
l'escarpement paraît en défendre les abords.
Deux bassins rectangulaires devaient en orner les cours. Le
premier, près de Tescarpement septentrional, a été en partie
comblé, et il est difficile d'en connaître la superficie. Le second,
situé au Sud-Ouest du premier, mais dans une direction
parallèle, avait environ 9 mètres de large sur 35 mètres de
long. La surface creusée était donc sensiblement égale à celle
de l'Alberca de Grenade. Des tuyaux de poterie l'alimentaient.
Le fond en était revêtu de carreaux de faïence, que fit enlever,
il y a une dizaine d'années, le propriétaire actuel du terrain.
1. Cf. Brosselard, les Inscriptions arabes de Tlemcen, ap. Revue africaine^
juin 1859.
208 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
Sur sa face orientale cette piscine était sans doute bordée par
une galerie couverte ; neuf intailles destinées à recevoir des
colonnes s'y remarquent encore et des fûts d'onyx ont été
retrouvés non loin de là. Un mur de pisé court à quelque
distance au Sud. Il se continue vers l'Est par un quadrilatère,
salle hypostyle ou patio, dont tout un côté a disparu et qui est
placé dans l'axe même du premier bassin. Le mur Sud, qui a
18 mètres, porte la trace de quatre chapiteaux engagés. Un
escalier montait, croyons-nous, le long de la face Est, qui
est, en outre, percée d'une porte. Dans Taxe de cette salle et
du premier bassin, on remarque encore plusieurs espaces en-
clos de pisé. Une suite de murailles courant du Sud au Nord
semble former la limite orientale de cet ensemble de construc-
tions.
C'est dans ces ruines que fut découvert le chapiteau du
musée de la ville qui, semblable à un des chapiteaux de la
Qoubba de Sîdi Bou-Médine, porte comme lui l'inscription sui-
vante: « Louange à Dieu, maître de l'univers ! La vie à venir
est à ceux qui le craignent. — La construction de cette de-
meure fortunée, palais de la Victoire, a été ordonnée par le
serviteur de Dieu, Ali, émir des Musulmans, fils de notre maître
l'émir des Musulmans Abou-Saîd, fils de Yaqoub, fils d'Abd-el-
Haqq. Elle a été achevée en l'année sept cent quarante-cinq
(745). Dieu nous fasse connaître ce que cette année renferme
de bien »
Il est presque impossible de coordonner avec quelque certi-
tude ces renseignements, fournis par l'examen direct des lieux ;
d'autre part, des fouilles méthodiques semblent bien tardives.
1. Cf. Brosselard, Revue africaine, juin 1859, p. 337.
EL-MANSOURAH 209
Nous Favons vu, le défrichement du sol de la ville ménuide
était commencé avant même qu'un siècle fût passé sur les
monuments qui avaient fait sa gloire ^ Seules, quelques rues,
quelques travaux d'irrigation toujours utilisables, quelques
murs de palais plus malaisés à abattre, la mosquée enfin durent
être respectés par les nouveaux occupants. L'agglomération
des demeures particulières dut disparaître bien vite sans
laisser nulle trace.
Le quartier sud-oriental est celui où les ruines sont les plus
nombreuses et les plus importantes : il y avait sans doute là
un quartier officiel groupé autour du palais royal. En tenant
compte des habitudes arabes, on peut môme voir, dans ce terrain
retranché derrière le lit du ruisseau, l'emplacement choisi par
le sultan mérinide pour y dresser sa tente. Au Nord de la route
de Tlemcen, aucune ruine n'a subsisté, hormis celles d\ui
canal solidement construit en pisé, quelques fragments de
marbre ou de mosaïque s'y rencontrent encore sous la
charrue et la pioche. On aurait tort d'en conclure que cette
région était déserte ; elle fut peut-être spécialement réservée
aux marchands et aux artisans qui vinrent, à la suite des
armées conquérantes, s'établir dans Tlemcen-la-Neuve.
B. — Travaux d'investissement
A cette époque de l'histoire de Tlemcen, à la construction
des remparts de Mansourah, camp retranché des armées méri-
nides, se rattache un des problèmes les plus difficiles à éclaircir
de ces recherches archéologiques. Nous voulons parler des
1. Gonf. suprà, p. 20U-2()i.
14
210 LËS MONUMËNTS ARAËËS DE TLËMCEN
travaux d'investissement : postes avancés, fossés et murs de
contrevallation, grâce auxquels les sultans marocains purent,
à plusieurs reprises, isoler la capitale abd-el-wâdite, et venir
à bout de ses défenseurs. Alors que les textes sont unanimes
à relater leur existence, que certains mêmes nous ren-
seignent avec précision sur les dispositions adoptées et les
services qu'on en attendait, il est curieux de constater que
l'examen direct des lieux n'en révèle aucune trace et que, de
toutes les constructions stratégiques qui entourent Tlemcen,
deux ou trois seulement peuvent raisonnablement être attribués
aux assiégeants.
Les travaux d'investissement devaient former, pour les
Byzantins et pour les Arabes, une des parties essentielles de la
polyorcétique. A Tlemcen, il semble bien que, dès le premier
blocus, les sultans mérinides y aient eu recours. Ibn-Klialdoun
leur assigne un double but. Le premier est d'isoler la ville du
monde extérieur et d'empêcber les tribus alliées ou sujettes
d'y faire parvenir les ravitaillements et les renforts. Le second
n'apparaît que plus tard, lors du troisième siège dont Abou'l-
Hasen voulait précipiter l'issue. C'est d'opposer sur tout le
périmètre aux défenseurs des murailles des adversaires à poste
fixe qui les occupent et les retiennent, en même temps qu'ils
couvrent sur un i)oint précis une attaque plus vive tentée par
des troupes mobiles.
Dès le mois de Chabân de l'année 698 (1299), Abou-Yaqoub
entoure la ville d'un mur de contrevallation, bordé en dedans
d'un fossé très profond. Il établit des corps de garde aux
portes et aux autres ouvertures do cette enceinte ^
1. Cf. ITisfoire (les Berbères, IV, p. 141.
EL-MANSOUllAfl ^11
Il va sans dire que l'un des premiers soins des tlemceniens
après la disparition des troupes mérinides dut être de faire
disparaître ces ouvrages menaçants. Il est douteux, nous
l'avons vu, qu'ils aient rempli à l'égard de Mansourah les clauses
du traité qui les forçaient à la conserver. Semblable engage-
ment ne les liait pas vis-à-vis des constructions stratégiques
de leurs ennemis; il est donc plus douteux encore qu'ils les
aient laissé subsister, alors qu'ils réparaient leurs propres mu-
railles et raffermissaient à l'extérieur leur puissance morale
par des campagnes fructueuses et des alliances.
Vingt-liuit ans après, Abou'l-Hasen dut vraisemblablement
recommencer de nouveaux ouvrages. Ibn-Khaldoun nous donne
à diverses reprises des renseignements certains sur leurs disposi-
tions et leur but. Non seulement il nous dit que Tlemcen, fut
entouré d'une circonvallation et d'un fossé profond, « de sorte
qu'un esprit môme aurait eu delà peine ày entrer », non seulement
il ajoute qu' Abou'l-Hasen en faisait lui-même le tour chaque matin
pour réparer les brèches et surveiller les postes, mais encore il
précise que ce mur d'enceinte abritait des catapultes et autres
machines de guerre, qu'il était en avant flanqué de tours, dont
chacune avait en face d'elle une tour de la ville. « Du haut de
ces édifices, nous dit-il, les archers mérinides lancèrent des
traits sur les archers abd-el-wâdites et les obligèrent à s'oc-
cuper uniquement de leur propre sûreté, pendant que les
assiégeants bâtissaient d'autres tours plus rapprochées de la
ville et assez élevées pour en donjiner les remparts. De cette
manière ils poussèrent en avant jusqu'à ce que leurs dernièies
tours couronnèrent la contrescarpe de la place. Les coml'at-
tants se trouvèrent enfin tellement rapprochés qu'ils purent se
battre du haut de leurs tours à coups d'épée. On fît alors
212 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
avancer des catapultes, et on les tira sur la ville avec un effet
prodigieux^ ».
Nous ne rechercherons pas ici les difficultés presque insur-
montables que présentait, sur beaucoup de points du périmètre,
la manœuvre si soigneusement décrite par ce passage de l'his-
torien. Ces tours de la ville, que « dominaient » les tours assié-
geantes, faisaient sans doute partie de l'avant-mur qui règne
au bas des escarpements, ou en suit intérieurement la crête.
Ces derniers travaux, forcément hâtifs, durent être d'ailleurs
les premiers à disparaître, lors de la restauration zeiyânide.
Quant au grand mur muni de portes et de fossés qui envelop-
pait la ville dans un cercle plus large, il dut subir le même
sort. Jamais, en tout cas, nous n'avons cru pouvoir le recon-
naître dans une des doubles ou triples enceintes dont les tron-
çons subsistent encore. Non seulement, en effet, ces enceintes
dominent un fossé ou un vallonnement naturel extérieur à la
ville, mais encore toutes les tours qui les flanquent regardent
la campagne, et le chemin de ronde, lorsqu'il subsiste, suit
intérieurement le crénelage.
Les seuls ouvrages militaires qui se puissent attribuer aux
assiégeants sont, ou de rares tours isolées dans la campagne,
qui purent devenir par la suite pour les assiégés des postes
avancés utiles, ou des travaux ayant pour but moins l'investis-
sement de Tlemcen que la défense et Tembellissement de Man-
sourah, et que leur éloignement rendait peu dangereux.
Au nombre des premiers, il faut peut-être signaler quelques
tours en avant d'Agadir, une tour dans la plaine au Nord de
Tlemcen, non loin du chemin d'Aïn el-Hout, enfin et surtout
1. Histoire des Berbères, IV, p. 221, 222; cf. Complément de VHistoire des
Beni-Ze/ydn, p. 71.
EL-MANSOURAH 213
deux tours carrées dominant la ville au Sud sur un massif
rocheux taillé à pic; l'une, qui a 4°", 50 de côté, est élevée au
bord du plateau; l'autre, qui a 5 mètres, est placée un peu en
arrière ^ La position stratégique qu'elles occupent était une
des plus menaçantes pour les assiégés. Ce plateau, l'endroit
appelé Es-Sakhratein et les pentes de Lalla-Setti, devaient
être des postes de choix pour l'établissement des armées enne-
mies. C'était là qu'Abd-el-Moumin avait étabh son camp; avec
les guerres mérinides, la banlieue Sud-Ouest de la ville dut se
couvrir d'ouvrages militaires de toutes sortes.
C'est aussi dans cette région que se plaçaient deux enclos
dont les auteurs arabes ont conservé le souvenir et que, pour
mémoire, nous mentionnerons ici. Nous voulons parler du
Moçalla et du Mel'ab.
Le MeTab^ hippodrome, était situé au bas de la côte qui des-
cend de Lalla-Setti, à peu près à mi-chemin de Tlemcen et
de Mansourah. Une pièce de vers du poète Mohammed Ben-
Yousef-el-Qaïsi l'Andalou indique clairement cette position.
« En montant sur la hauteur voisine d'El-Fouwara, tu aper-
cevras à tes pieds la noble Tlemcen. Lorsque, dans la soirée,
le soleil s'incline vers TOccident, descends lentement vers le
Moçalla. Passe en revue du regard les nombreux cavaliers qui
sillonnent le vaste hippodrome, car, chaque après-dînée,
des bandes de chevaux courent sur cette large espla-
nade 2. »
C'est là qu'Abou-Saîd étabht son camp lorsqu'il vint mettre
1. Ce sont hordj El-Menâr et bordj Ez-Zâwiya (Cf. Brosselard, Revue afri-
caine, juin 1859, p. 339).
2. Cf. Complément de VHistoire des Beni-Zeiyân, p. 550-551 ; nous a\ons
modifié la traduction de Bargès d'après le manuscrit de la Bagliyat er-Rouwad
de la Médersa de Tlemcen.
214 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
le siège devant Tlemcen, en 714 ^ C'est également à la Qoub-
bat el-Mel'ab qu'Abou-lnân s'avança à la tête d'nn cortège
splendide ponr faire reconnaître an penple sa suzeraineté
Le Moçalla éiait plus rapproché de la ville nouvelle. Des
ruines importantes en sont parvenues jusqu'à nous. C'est un
quadrilatère de murs assez élevés, percés de portes. 11 y en a
deux à TEst, deux à TOuest. Au Nord, l'enceinte a dû être
entamée par un effondrement du terrain. 11 était également
muni de deux portes. Ces portes, très en ruines, indiquent la
trace d'une bonne décoration de briques et de mosaïque à
émail vert. Au Sud, dans l'axe du monument, est bâtie une
habitation moderne qui interrompt le mur. Elle marque pro-
bablement la place d'une arcade ou d'une abside quelconque
indiquant la qibla, l'orientation étant la même que celle de la
grande mosquée de Mansourah. Les moçalla sont, en effet, des
oratoires découverts à quelque distance des grandes agglomé-
rations, et oh les Musulmans, aux deux fêtes principales de
Tannée, se réunissent pour prier Ces lieux de prière
semblent construits de préférence dans les endroits élevés.
Tunis avait un vieux moçalla d'où l'on découvrait la plaine de
Sidjoun^.
Directement au-dessous du Moçalla, à gauche de la route
actuelle de Tlemcen à Maghnia, et à 500 mètres en avant de
l'enceinte de Mansourah, s'élève une belle porte en briques,
haute de 9 mètres et ayant 4°", 50 d'ouverture. Les deux cintres
\. Cf. Histoire des Berbères, IV, p. 190.
2. Ibid., p. 273.
3. Brosselard {Revue africaine, juin 1859, p. 338) considère les ruines du
Moçalla comme celle d'un ancien ouvrage militaire. La tradition et Texamen
de Tédifice et de son orientation indiquent nettement la destination que nous
lui attribuons ici.
4. Cf. Histoire des Berbères, IV, p. 277.
EL-MANSOURAH 21^
qui Teucadrent sont réunis entre eux par un plafonnage formé
de rondins. La courbe, en fer à cheval et légèrement brisée,
est formée de deux arcs de cercles seulement, sans déforma-
tion inférieure. Ces arcs, ])ien appareillés, reposent sur deux
corbeaux en pierre. Les faces ne seml)lent pas avoir comporté
d'autres ornements que les simples défoncements produits par
la disposition des briques, qui entourent chaque cintre d'écoin-
çons et de plates-bandes. Les parois en étaient d'ailleurs
revêtues de plâtre, comme tous les murs d'enceinte, et le
décor pouvait s'en compléter d'une double couronne de mer-
Ions, ainsi qu'en porte l'arcade qui précède Sîdil-Halwi.
Quel pouvait être le but de ce petit édifice? Certains archéo-
logues y ont vu un arc de triomphe élevé par les sultans méri-
nides ; d'autres, l'une des portes du premier mur de circon-
vallation dont Abou-Yaqoub enserra la ville abd-el-wâdite ^ .
Le nom de Porte de l'Armée (Bâb-el-Khemîs)-, qu'on lui donne,
est assez peu explicite. Nous avons peine à croire qu'elle fit
partie des travaux d'investissement, car le mur qui en partait,
et dont nous pouvons encore suivre la trace vers le Sud, après
avoir été presque rejoindre le Moçalla, loin de se rapprocher
de Tlemcen, fait un coude vers l'enceinte de Mansourah. Ce
mur est simple, sans chemin de ronde ni créneau, et mesure
à peine 5 mètres de haut. Ses proportions et son éloignement
n'en faisaient pas un engin bien redoutable pour la cité assié-
gée, ni bien sérieux pour la sécurité de la ville nouvelle.
Comme travail d'attaque ou de défense, il répond mal au soin
artistique que semble indiquer la porte qui l'interrompt. D'autre
part, la destination purement somptuaire qu'on a voulu assi-
1. Cf. Brosselard, loc. cit., -p. 338; — de Lorral, p. 307.
2 Cf. Doîy, Supplément aux diciionnaires arabes, 1, p. 404, 405.
216 LES MONrMENTS ARABES DE TLEMCEN
gner à cette porte nous paraît peu admissible, et nous renon-
çons à résoudre, quant à présent, ce problème archéolo-
gique .
C. — Mosquée de Mansourah
Des fouilles pratiquées à différentes reprises dans Fenceinte
de la mosquée amenèrent la découverte de grandes colonnes
cylindriques d'onyx, de chapiteaux sculptés d'un très beau
style, de larges vasques à ablutions ; elles permirent en
même temps de déterminer assez exactement quel aurait été
le plan primitif.
Une galerie simple longeant le mur de façade et deux gale-
ries à trois nefs flanquaient la cour intérieure, qui formait un
carré parfait. Les arcades qui entouraient la cour étaient por-
tées par des pieds droits, celles qui divisaient les nefs laté-
rales, par des colonnes. Treize nefs divisaient la salle de
prière ; huit rangées de colonnes parallèles au mur du mihrâb
la coupaient transversalement. Une coupole précédait le mih-
râb, et deux petites portes, placées l'une à sa droite, l'autre à
sa gauche, donnaient accès dans une salle des morts Deux
portes plus larges, flanquant le mihràb, faisaient communi-
quer le fond de la mosquée avec l'extérieur. Quatre portes
semblables s'ouvraient dans chacun des murs latéraux, enfin
deux autres se trouvaient sur la façade, à droite et à gauche
du minaret. Ces portes, dont il reste peu de chose, étaient, au
dire de l'abbé Bargès, toutes construites en pierre de taille et
1. Dans notre photographie, le grand mur de pisé indique le quadrilatère
de la salle des morts, enveloppant en son centre un petit mur de brique qui
dessine le mihrâb.
EL-MANSOURAH 217
solidement cimentées. Un petit canal fait encore extérieiu^e-
ment le tour de la mosqnée, à qnelqnes mètres des mnrs^
Le plan, comme on le voit, n'est pas sans analogie avec ceux
de la première mosquée de Cordoue et delà Grande Mosquée de
Tlemcen. La principale originalité de ce plan, c'est la position
médiane du minaret, qui porte à sa base Tentrée principale de
la mosquée. Ce minaret est en moellon siliceux de grand appa-
reil. La moitié intérieure s'est écroulée, l'autre subsiste, sou-
tenue par des contreforts à redans construits par l'administra-
tion française ~.
Quatre sj'stèmes de décoration se superposent ici, comme sur
la façade d'une cathédrale. Au bas, s'ouvre la porte monumen-
tale. L'encadrement en est formé de quatre défoncements suc-
cessifs : le premier inscrit l'ensemble de la composition dans
un rectangle large de 8 mètres. 11 est garni d'une bordure qui
porte en caractères andalous l'inscription dédicatoire, et de
deux écoinçons chargés d'arabesques, et ornés en leur centre
d'une coquille en relief. Le deuxième et le troisième sont deux
arcs dentelés. Le quatrième est une restauration moderne :
c'est un arc sans dentelures dont la retombée s'appuie sur deux
colonnes d'onyx. Ce portail, qui fait une base splendide à la
décoration du minaret, évoque par ses riches arceaux concen-
triques le souvenir des portails romans et de leurs voussures.
(Notons que les deux arceaux subsistants sont en plein cintre,
et que la forme du fer à cheval n'y est pas sensible, ce qui
augmente encore l'analogie-').
1. Cette description est faite d'après le plan relevé par Lefebvre, architecte
{Collection des Momunents hisloiiques) ; Bargès décrit aussi les ruines delà
mosquée de Mansourah ap. Tlemcen, ancienne capitale, p. 253, 254.
2. Ces travaux furent exécutés, en 1877, sur la proposition de Duthoit.
3. Il nous semble qu'une très grande analogie existe entre la composition
218 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
L'étage qui vient au dessus est garni dans toute sa longueur
d'un merveilleux balcon établi sur des stalactites malheureu-
sement privées des colonnettes engagées qui les supportaient,
et d'une arcade découpée en festons. Ceci est encore une par-
ticularité du monument mérinide-. Dans les exemples d'ailleurs
rares de minarets, que nous aient laissé Tart arabe occidental
de cette époque et des époques antérieures, le balcon sur pen-
dentifs n'existe pas : les fenêtres de la Giralda ne portent
point de balcon de création musulmane, la Kotoubîya de Marra-
kech présente au môme étage une fausse arcade festonnée
sans balcon. Pour en retrouver les origines, il faut examiner
les minarets circulaires ou octogonaux d'Egypte, tels que ceux
de la mosquée El-Beibarsîya ou de la mosquée El-Azhar.
Ce balcon était, à Mansourah, remplacé sur les autres faces
de la tour par deux défoncements étroits ornés de fenêtres à
arcades lobées surmontées d'un panneau réticulé : motif dont
on retrouve à la même place l'analogue dans la Giralda.
Plus haut, la décoration se continue par un grand panneau
réticulé reposant sur deux arcades ogivales non outrepassées,
rappelant ceux de la Giralda (dans le minaret espagnol, il y a
deux panneaux semblables l'un au-dessus de l'autre). Une
division médiane reposant sur un petit arc de décharge part
du bas et s'arrête aux trois quarts de ce panneau ; elle est percée
de fenêtres étroites.
(le ce portail et celle d'une porte de la qasbah de Marrakech donnée par La
Martinière dans la Grande Encyclopédie (article Maroc), mais la reproduction
en est malheureusement trop réduite pour que nous puissions rien affirmer à
cet égard. — M. Ed. Doutté a l'obligeance de nous communiquer une photo-
graphie de l'entrée principale de la qasbah de Marrakech. Son examen pré-
cise pour nous l'analogie de composition et de style qui existe entre ce beau
portail, celui de la mosquée de Mansourah et la Puerta del, Vino.
FiG. 38. — Fragment du balcon du Minaret.
Vue de face des stalactites et profil des consoles des extrémités.
220 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
L'étage supérieur est formé, comme au vieux minaret de la
mosquée de Cordoue ^, à la Girakla, à la Kotoubîj^a et en général
à tous les minarets occidentaux, d'une fausse galerie dont les
arcs brisés et les fines colonnettes rappellent les arcatures
gothiques qui décorent la façade des cathédrales.
La couronne de la tour est tombée. Il n'est rien resté des
créneaux de la plate-forme et de l'édifice terminal que surmon-
tait, suivant la tradition, des boules d'or pesant 700 dinars.
Cependant, telle qu'elle nous est parvenue, cette grande ruine,
qui mesure encore 40 mètres de haut, nous apparaît comme un
des plus magnifiques spécimens de l'art musulman.
L'aspect imposant de ses proportions, la claire ordonnance
de ses masses décoratives, un parti pris robuste et libre dans
la facture de ses détails, tout contribue à donner à ce monu-
ment une place à part dans la série des œuvres de l'art magh-
ribin. La belle pierre rose de grand appareil dont il est bâti
excluait d'ailleurs toute mièvrerie d'exécution. Il semble même
que l'emploi de cette matière ait fait sortir les artistes arabes
de leur habituelle timidité, et l'on est presque tenté, en voyant
le minaret de Mansourah, de rejeter sur la pauvreté des maté-
riaux qu'ils employèrent le plus souvent, le reproche que nous
leur faisions au début de cette étude, de ne point avoir conçu
l'aspect monumental et la vraie grandeur d'ensemble.
Nous avons indiqué, en en décrivant l'ordonnance, les ana-
logies qu'il présentait avec ses deux ancêtres du Maroc et
d'Andalousie. La proportion générale en est sensiblement la
même, la silhouette en a l'habituelle rectitude des monuments
arabes d'Occident, tout l'intérêt étant concentré sur le décor
1. Morales, Antigûedades de Espana, Cordoba, p. 54.
Pl. XIII
MINARET DE ¥IANSOURAH
Pl. XIV
PORTAIL DE LA MOSQUÉE DE MANSOURAH
EL-MANSOURAH 221
des surfaces; celui-ci nous semble d'une composition plus variée
et plus originale. Aux réseaux, aux arcatures, aux fenêtres qui
forment l'ornement classique des minarets viennent s'ajouter le
portail et le grand balcon qui joue ici le rôle d'auvent abritant
une entrée principale. L'arabesque qui enrichit cette base est
traitée de façon toute autre que les ornements du haut. Elle
est heureusement proportionnée à l'emploi qu'elle remplit et à
la distance de vision du spectateur.
Le décor floral, de même que le décor épigraphiqne qui
l'accompagne se découpe, méplat, sur un faible défoncement.
La couleur et le grain de la pierre, la facture, l'élément même
des arabesques, rappellent très exactement la Puerta del Vino
de Grenade, qui est sensiblement contemporaine de notre
monument.
Cet aspect a d'ailleurs été bien défiguré par le temps: les
quatre faces de la tour étaient, au moment de leur splendeur,
incrustées d'émaux dont il ne subsiste que quelques fragments.
Réservant les reliefs de la pierre rose pour garnir les grandes
surfaces, l'artiste arabe s'en était servi pour enchâsser dans
les bordures des plaques de faïence découpées qui rétablis-
saient le plan primitif. Il réalisait ainsi, sur une grande éten-
due, un travail analogue à celui de l'orfèvre français du
xif siècle exécutant un émail champlevé, la pierre jouant
sur le minaret le rôle du cuivre dans la plaque d'émail. Les
quelques morceaux qui en restent dans les réseaux latéraux et
dans les cintres du portail portent un ton vert et un brun de
manganèse très profond qui prend, sous certains aspects, de
beaux reflets bleuâtres.
Nous étudierons à Sidi'l-Hahvi des chapiteaux semblables
à ceux qui décoraient les nefs de la mosquée (Cf. infrà^ p. 294).
222 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
Les encorbellements du balcon sont divisés en sept groupes
retombant sur des colonnettes engagées. Les superpositions de
cinq étages de coupolettes y alternent avec des superpositions
de quatre. Desblochets, réunis entre eux et aux deux consoles
des extrémités, devaient supporter une plate-forme de bois.
L'élément fioral des sculptures méplates se réduit unique-
ment k la palme longue et lisse, généralement divisée en deux.
Le motif en relief qui marque le centre des écoinçons rappelle
beaucoup la }:almette romaine ; nous croyons cependant y
voir, ainsi que dans les coupolettes côtelées qui interviennent
dans les stalactites du balcon, une déformation de la coquille
telle qu'elle se présente à Cordoue ou à Sidi Bel-Hassen de
Tlemcen.
Le décor coufîque, dont on trouvera ici un fragment {/ig. 38),
présente, avec un entrelacs diagonal analogue à celui de Bel-
Hassen, la forme du cintre dentelé que l'on trouve déjà dans
la même mosquée et dont nous étudierons à Sîdi Bou-Médine
de très ingénieuses applications ^
L'escalier intérieur de pente très douce tournait autour
d'un noyau creux reposant sur le portail; partie de cet escalier
était encore debout il y a trente ans ; on n'avait donc pas fait
usage du plan incliné qui se retrouve dans les grands minarets
du Maghrib, la Kotoubiya de Marrâkecli et la Giralda de
Séville.
1. Barges [Tlemcen, ancienne cap/taie^ p. 253) dit (|ue Tinscription coufîque
dti portail reproduit la profession de foi uiusuluiane ; la seule inscription
coufîque que nous connaissions à la tour de Mansourali est, plusieurs fois
répétée, celle ([ue nous donnons ici. Nous la lisons: « El-hamdou Ullâh»,
« Louange à Dieu ».
VllI
SIDI BOU-MÉDINE
.4. — Le bourg d'El-Eubbàd
Le petit bourg d'El-Eiibbâd, situé sur le versaut Nord de la
montagne du Mefroiicli, à environ 2 kilomètres Sud-Ouest de
Tlemcen, est signalé par tous les textes comme une intéressante
annexe architecturale de cette ville. 11 contient en effet trois ou
quatre monuments fort importants ^ 11 est généralement appelé
par les Européens SîdiBou-Médine, du nom de l'illustre person-
nage (Sidi Bou-Médjen) qui y est enterré et lui vaut sa gloire
artistique; même parmi les indigènes, rappellation de Sidi
Bou-Médj en tend aujourd'hui à prévaloir sur celle plus ancienne
d'El-Eubbâd.
Dans les dialectes maghribins, u El-Eubbâd » est le pluriel
de « Abed », qui signifie « homme pieux ». Un ribdt ou cloître
musulman, situé non loin du village actuel, et mentionné par
les textes à une époque relativement ancienne, aurait porté le
nom de « ribât El-Eubbâd ~ » (le cloître des gens pieux), de là,
i. Dans notre vue d'ensemble, prise du bois d'oliviers que domine El-
Eubbàd el-Fouqi, on distingue, resserrés dans un groupe, en avant les ruines
du petit palais (D), plus haut, en allant de gauche à droite, la coupole des
latrines publiques (F), le pavillon de tuile couvrant la qoubba de Sidi Bou-
Médyen (lî), immédiatement au dessus, le portail et le minaret de la moscpée
(G), à droite, la Médersa (E) avec sa porte sombre et son cadre décoratif.
Dans le récit de la mort de Sîdi Rou-Médyen, la rdbta d'EUEubl)àd (Cf.
224
LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
par la suite, la dénomination abrégée d'El-Eubbâd, appliquée
à cette partie de la banlieue tlemcenienne. Telle est Tétj-
mologie généralement adoptée^ du nom d'El-Eubbàd, et il faut
reconnaître qu'elle est assez satisfaisante. Cependant nous ne
devons pas passer sous silence qu'au centre du village actuel
une petite qoul)ba carrée est désignée sous le nom de tombeau
de Sîdi'l-Eubbàd. Elle est située sur un tertre, ombragée par
un beau mûrier, et entourée de tombes fort anciennes, dispa-
raissant dans le sol. Elle ne renferme aucune inscription, et
nulle mention de Sîdil-Eubbâd ne se rencontre à notre con-
naissance dans les textes. Mais les gens de Sîdi Bou-Médine
racontent volontiers que Sîdil-Eubbâd est le premier venu
des « liommes de Dieu » dans leur pays si riche en saints à
tous les âges, qu'il était avant Sîdi Bou-Médyen, le maître
(maoulà) de la localité, et qu'il lui avait donné son nom. Nous
enregistrons cette croyance populaire, recueillie de la bouche
même de vieux Eubbâdois à simple titre de curiosité. En fait,
Sîdi'l-Eubbâd semble bien un de ces scuicti ignoti^ dont le
Maghrib est la terre bénie, et qui portent des désignations fort
vagues rappelant simplement leurs mérites religieux : « El-
Abed», le pieux, (( El-Imâm » l'imam, etc^. Correctement il
Bargès, Vie du célèbre Marabout Cidi Abou Médien, p. 63; — Brosselard,
Revue africaine, décembre 1859, p. 82; Bostân, notre manuscrit, p. 232) ; le
fondateur de la secte almohade, fit une retraite dans un oratoire (mesjid)
situé en dehors de ïlemcen et qu'on appelle El-Eubbâd (El-Marràkchi, p. 131);
c'est vraisemblablement du ribât d'El-Eubbàd qu'il est question ici (Cf. Bar-
ges, Tlemcen, ancienne capitale, p. 305-309).
1. Cf. Bargès (Tlemcen, ancienne capitale, p. 312; — Brosselard ap. Revue
africaine, août 1859, p. 401). 11 faut rapprocher ici le nom d'El-Eubbàd porté
par une localité de la banlieue de Fàs; Léon l'Africain la cite sous la forme
Hubbed et en dit : «et fut bâti par un hermite qui, par le populaire de Fez,
était estimé saint» [Description deV Afrique, IT, p. 192).
2. Cf. Basset, introduction de Nedromah elles Traras: — Doutté, les Mara-
bouts, p. 53 et suiv. ; — Goldziher, Moh. Studien, II, p. 353.
siDI BOU-MÉDINE 225
devrait peut-être s'appeler Sîdi'l-Abbâd, « Monseigneur le Très
Pieux ». La transformation de son nom en celui de Sîdi'l-Eubbâd
serait alors due à un phénomène d'étymologie populaire, et ins-
pirée précisément par le désir de faire de ce pieux inconnu le
patron éponyme de la localité.
Les textes du xiif siècle distinguent deux quartiers d'El-
Eubbâd, Eubbâd es-Sefli (inférieur) et Eubbâd el-Fouqi (supé-
rieur) ^ Le premier est aujourd'hui complètement ruiné. L'em-
placement, depuis plusieurs siècles déjà, en est occupé par
un cimetière parsemé de qoubbas, de débris de constructions-.
On y remarque notamment une ruine isolée, qui se dresse sur
le bord du chemin de Tlemcen à El-Eubbâd el-Fouqi. C'est
un minaret découronné de son édifice terminal et même de
l'arcature supérieure, qui devait précéder la plate-forme. Un
seul réseau de briques orne chacune de ses faces ; il est établi
sur deux arcades et composé de lambrequins à losanges extrê-
mement simples, sans fleurons ni ornements accessoires.
Quelques fragments de faïence vert clair indiquent la trace
d'un filet suivant intérieurement le cadre des panneaux. Une
petite porte s'ouvrant sur la face Sud et l'amorce d'un
mur, montrent que la mosquée dont il faisait partie pré-
sentait une disposition et une orientation semblable à celle
de la mosquée actuelle de Sîdi Bou-Médine. Au xiii'' siècle,
cette mosquée était encore debout, et entourée d'habitations
particulières. La table de hal)ous de la mosquée de Sîdi Bon-
1 . Par exemple le habous de la mosquée de Sîdi Bou-Médine {Revue afri-
caine, loc. cit., p. 414, 416 et 402.)
2. Notre photographie montre une des qoubbas de brique et les pierres funé-^
raires qui peuplent maintenant Eubbâd es-Sefli; au second plan, à droite, le
minaret qui en a conservé le nom, et les ruines de pisé qui faisaient sans
doute partie de la mosquée.
15
226 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
Médine (745 de l'hégire) mentionne « deux maisons sises au
Nord delà mosquée d'Eubbâd es-Sefli ^ ». Nous croyons que
ce quartier inférieur, aujourd'hui disparu, fut le noyau primitif
de la localité d'El-Eubbâd. 11 devait former un village peu
aggloméré, coupé de jardins, de vergers, assez semblable à ce
que nous offrent aujourd'hui les petits villages arabes d'Ou-
zidân et d'Aïn-el-hout, et s'étendânt sous cette forme jusqu'aux
environs de la source d'Ain Wânzouta, située à moitié route
à peu près de Tlemcen au village actuel d'Eubbâd el-Fouqi.
Tout auprès d'Aïn Wânzouta, à gauche du chemin, les subs-
tructions d'une petite mosquée sont encore parfaitement
visibles ; le mihrâb y est très reconnaissable. Quatre autres
oratoires d'Eubbâd es-Sefli peuvent encore être parfaitement
déterminés. Dans l'enceinte ruinée de l'un d'eux, s'élève la
qoubba du chîkh Senousi (Cf. infrà^ p. 340) ; un autre, dont
plusieurs arcades sont encore debout, est généralement désigné
comme la qoubba de Sidi Bou-Ishâq et Tayyâr (Cf. infrà^ p. 282).
Un autre était la mosquée d'Eubbâd es-Sefli dont le minaret,
encore subsistant, a été signalé plus haut. Les ruines du qua-
trième, enfin, sont situées non loin du tombeau de Sîdi Ali
Ben-Meguîm, sur un chemin qui descend à gauche de Sidi Bou-
Ishâq et-Tayyâr. Tous, hormis peut-être la mosquée d'Eubbâd
es-Sefli, avaient une même orientation Est-Sud-Est. Quant à
l'emplacement du vieux ribât d'El-Eubbâd, nous n'avons pu le
déterminer. Brosselard fait allusion à ses ruines 2, mais n'in-
dique nullement oii il les place. Des pans de murs, et même
de tours, apparaissent au Sud-Ouest du village actuel, et tout
près de lui, au sommet d'un plateau abrupt ; tout près encore
1. Cf. Revue Africaine, loc. cit., p. 414, 1. 15.
2. Revue africaine, loc. cit., p. 402.
SÎDI BOU-MÉDINE 227
de la Médersa, au cœur d'Eubbâd el-Fouqi, Farcature assez
élégante d'un portail monumental se montre, incorporée aujour-
d'hui dans une demeure particulière^; faut-il identifier une de
ces ruines avec le ribât qui donna au pays son nom? Nous ne
le prétendons pas, et la tradition est muette sur ce point.
D'autre part, les fortifications de Tlemcen, à l'époque où le
village d'Eubbâd es-Setli existait encore, s'avançaient vers le
Nord-Est à 200 mètres de la limite actuelle, jusqu'au Bit
er-rîch El-Eubbâd es-Sefli se trouvait ainsi un faubourg fort
peu éloigné de la ville.
El-Eubbcâd el-Fouqi, disposé en étages au flanc de la mon-
tagne, à l'Orient d'Eubbâd es-Sefli, subsiste seul aujourd'hui.
Son emplacement dut être primitivement occupé par un cime-
tière. « Nous vivons avec les morts dans nos maisons », disent
volontiers les Eubbâdois. De fait, les tombes se rencontrent
partout dans le village, parsèment les cours intérieures des
maisons, affleurent sous les pas au niveau des ruelles étroites.
Ce flanc de colline, avant de porter un village, devait servir
de nécropole, d'abord aux gens du ribdt El-Eubhdd ^ puis à la
foule nombreuse des bons musulmans qui, selon la coutume
aussi bien sonnite que chiite, venaient chercher pour leur som-
meil éternel la bénédiction attachée au voisinage des pieux
ascètes. La montagne d'El-Eubbâd, disent les textes, était
déjà, bien avant Sîdi Bou-Médyen, le lieu de sépulture des
walîs, des piliers de la foi^. Suivant ses biographes, ce
1. C'est elle qu'on voit nu premier pion de la vue de la mosquée donnée ap.
Gazette des Beaux- Arts, 1894, 1, p. 181.
2. Cf. suprà, p. 131.
3. Cf. Bostoji, notre manuscrit, p. 232 ; Sîdi Abd-es-Seicun et-Tounsi, qui
repose dans la qouhba de Sîdi Bou-Médyen, Sîdi Abdallah ben-Ali passent
pour avoir déjà été enterré, avant Sîdi Bou-Médyen, sur la colline d El-Eub-
228 LES MONUMENTS /ARABES DE TLEMCEN
dernier personnage, étant en route pour Tlemcen, aperçut
d'Aïn-Taqbalet la colline d'El-Eubbâd, et s'écria : « Qu'il ferait
bon dormir en cette terre bénie du sommeil éternel », et
c'est en accomplissement de ce vœu suprême que son corps fut
transporté et enterré à la place qu'il occupe aujourd'hui.
Ce fut précisément l'inhumation de Sîdi Rou-Médjen dans
cette terre bénie qui détermina, d'après nos conjectures, le
peuplement d'El-Eubbâd el-Fouqi. La coupole élevée sur le
tombeau du pôle, du Secotirs suprême^ dès le règne de l'Al-
mohade Mohammed-en-Nâcer (fin du xif siècle), devint très
vite le but de visites pieuses d'un bout à l'autre du Maghrib ;
et les alentours du tombeau se peuplèrent des habituelles
annexes qu'on rencontre auprès des lieux de pèlerinage. Il y
eut des zâwijas pour héberger les étrangers, des demeures
de serviteurs du saint, ou de dévots qui voulaient s'assurer les
grâces de son voisinage ^ Peu à peu, les maisons se pressèrent
au-dessus des tombes, et couvrirent en rangs serrés les pre-
mières pentes de la montagne ; toutefois, à Tépoque des Méri-
nides, l'emplacement sur lequel fut bâtie la grande mosquée
d'El-Eubbâd était encore, en partie au moins, un jardin 2. La
construction de cette mosquée et de la Médersa voisine accé-
léra encore l'accroissement d'El-Eubbâd el-Fouqi. Dotée d'édi-
fices considérables, cette localité devint le véritable centre de
population, au détriment d'El-Eubbâd es-Sefli qui, dans le cours
des âges, fut abandonné et tomba en ruines. Elle eut plusieurs
bâd (Cf. Reviœ africaine^ décembre 1259, p. 89; — Tlemcen^ ancienne capitale,
p. 273, 274).
1. Ceci est à rapprocher de l'origine de la localité égyptienne de Khànqâh,
dont le nom a à peu près la même signification que celui d'El-Eubbâd (Cf.
van Berchem, Matériaux pour un corpus, p. 377, 378).
2. Cf. Habous de la mosquée de Sîdi Bou-Médine, ap. Revue africaine,
août 1859, p. 410.
SIDI BOU-MÉDINE 229
mosquées, ruinées aujourcriiui; lune, notamment, était placée
sous le patronage de Sîdi'l-Haouwâri, le grand saint d'Oran;
l'autre, d'un saint local, Sidi I3râliim en-Naâr. L'abondance
de l'eau courante y facilita rétablissement de diverses indus-
tries ; elle était encore florissante au xvi'' siècle, et nous
croyons utile de rapporter ici la pittoresque description qu'en
fait Léon l'Africain : « Hubbed est une petite cité comme un
bourg, distante de Tlemcen environ un mille et demi du côté
du midi, édifiée en une montagne, bien peuplée et fort civile,
et garnie de plusieurs artisans, mêmement de teinturiers de
draps. Là se voit un temple et, au dedans, un sépulcre d'un
saint bien connu, pour lequel voir il faut descendre plusieurs
marches de degrés, et est fort vénéré par les habitants et
voisins de cette cité, lesquels y dressent leurs vœux, faisant
plusieurs aumônes en l'honneur d'iceluy, et l'appellent Sîdi
Bon-Médian. Il y a encore fort beau collège et hôpital pour
recevoir les étrangers, qui furent bâtis par aucuns rois de
Fez, de la maison de Mérin, comme il se peut voir encore
par certaines tables de marbre sur lesquelles leurs noms sont
gravés-. »
El-Eubbâd déclina avec Tlemcen sous la domination turque.
Il eut aussi à souffrir de la conquête française. Aujourd'hui, il
forme un petit bourg, fort aggloméré, entouré d'une ceinture
de beaux jardins. Beaucoup de ses maisons menacent ruine ;
d'autres sont tombées complètement et n'ont pas été relevées.
On n'y trouve plus guère, comme industrie, que quelques rares
métiers à tisser. Par contre, il voit toujours des pèlerins mon-
ter sa ruelle principale, qui conduit droit au tombeau de Sîdi
1. Descriptio7i de r Afrique, éd. Schefer, llï, p. 32 ; — cf. Marmol,
V Afrique, II, p. 355.
230 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
Boii-Médyen. Mais ils y séjournent peu, et redescendent géné-
ralement à Tlemcen passer la nuit. Le cimetière de cette
localité la domine à un étage supérieur de la montagne,
comme Eubbâd el-Fouqi au temps où il était champ des morts,
dominait Eubbâd es-Setli habité. Comme centre de population,
ce bourg dépérit visiblement, et il ne vit plus guère que du
souvenir de sa gloire passée; mais celle de ses monuments,
restaurés et entretenus par les soins du Comité des monuments
historiques, demeure entière. Il est temps de les étudier.
B. — QOUBBA DE SîDI BOU-MÉDINE
Ce fut certainement là le noyau primitif autour duquel
vinrent se grouper tous les monuments d'Eubbâd supérieur
(mosquée, palais, bains pubhcs et médersa). Élevé par Moham-
med en-Nâcer, un Almohade, dans les dernières années du
xif siècle, sur l'emplacement que Sîdi Bou-Médyen avait choisi
pour son sommeil éternel, ce tombeau se trouve être l'ancêtre
de tous les monuments de Tlemcen, la Grande Mosquée excep-
tée ; il est même antérieur d'une trentaine d'années aux pre-
mières constructions de l'Alhambra et devrait présenter un
spécimen du plus grand intérêt, caractérisant une période mal
connue. Malheureusement, ce qui est vrai des mosquées de
Tlemcen, cette unité de conception, cette homogénéité de
style, que les générations suivantes respectent, se souciant
peu de remanier un sanctuaire existant et préférant en élever
un autre qui attestera leur piété, n'est plus exact pour les
tombeaux. On ne déplace pas un lieu de pèlerinage, force est
SÎDI BOU-MÊDINE 231
au nouveau venu de marquer le culte qu'il lui rend en ampli-
fiant, en embellissant l'édifice primitif ^ Que pouvons-nous,
dans celui-ci, attribuer à son véritable fondateur? Que sub-
siste-t-il qui date de la fin du xif siècle? Peut-être le plan
général de la qoubba et de la cour qui la précède. L'escalier,
la petite nécropole avoisinante, sont vraisemblablement de
création plus récente-. Le tombeau d'un ami de Dieu devient
le centre d'un cimetière de prédilection pour les générations
suivantes. Son voisinage, comme « l'égout des toits » des églises
chrétiennes est une bénédiction pour les morts. Pour ce qui est
FiG. 39. ~ Plan de la qoubba de Sîdi Bou-Médine.
de l'ornementation, qui, sans modifier le plan initial, a complè-
tement changé l'aspect de l'édifice, elle appartient à des âges
très diff'érents. Yarmorâsen ben-Zeiyân y travailla; Abou'l-Hasen
Ali le Mérinide, en fondant la mosquée, y apporta de très impor-
1. Comp. pour les qoubbas vénérées du Caire, Van Berchem, Matériaux pour
un Corpus, p. 63 et 597.
2. Cependant déjà l'Almohade es-Saîd aurait été enterré auprès du « Secours
suprême» par ordre de son vainqueur Yarmorâsen {Histoire des Berbères, III,
p. 250) ; le Zeiyânide Abou'l-Abbâs Ahmed (f 866 de Thégire) y aurait
aussi son tombeau {Complément de V Histoire des Beni-Zeiyân, p. 349).
232 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
tants remaniements, enfin la domination turque y marqua beau-
coup plus récemment son empreinte. Un incendie l'ayant assez
gravement endommagé, il subit, à la fin du xviii'' siècle, d'im-
portantes restaurations. C'est même à ce point de vue un des
seuls monuments de Tlemcen où l'on puisse reconnaître la
trace de cette époque de décadence, qui couvrit Alger de ses
productions.
La qoubba proprement dite est, suivant le plan consacré en
Orient comme en Occident, une chambre carrée surmontée
d'une coupole ^ Des défoncements à arcade en fer à cheval
occupent les quatre murs intérieurs ; ils sont percés chacun dans
la partie supérieure par une petite fenêtre terminée en accolade,
et garnie de treillis géométriques en plâtre. Des fenêtres plus
petites s'ouvrent au dessus. Le mur occidental est percé d'une
porte également en arc brisé outrepassé. La coupole qui couvre
cette chambre est établie sur douze pans décorés de vingt-
quatre petites arcades plein cintre, d'où partent une combinai-
son de divisions géométriques aboutissant à une étoile de vingt-
quatre pointes. A l'extérieur, cette coupole s'indique par un toit
à quatre croupes couvert en tuiles vernissées vertes.
La décoration qui garnit le cadre de la porte du côté de la
cour est l'œuvre d'un artiste turc, comme l'atteste l'inscription
poétique suivante : a Louange à Dieu ! Celui qui a ordonné l'em-
beUissement de ce caveau béni, consacré à la sépulture du
Chîkh Sîdi Bou-Médyen (Puissions-nous avec la grâce de
Dieu nous le rendre favorable!) est le serviteur de Dieu le
1. On trouvera des descriptions de la qoubba de Sidi Bou-Médine ap. Bar-
gès, Tlemcen, ancienne capitale, ip. 269 et suiv. ; — Brosselard, Bévue africaine,
décembre 1859, p. 83 et suiv.; — de Lorral, Tlemcen, 327, 328; — Ary Renan,
Gazette des Beaux-Arts, 1893, 1, p. 178, 179.
234 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
seigneur Mohammed Bey. Que Dieu fortifie son pouvoir, lui
accorde son aide protectrice et lui donne le paradis pour
demeure éternelle ! Année mil deux cent huit. — Arrête ton
regard sur ces perles rares et précieuses que tu vois briller
autour d'un cou charmant. Celui qui en a formé le collier est
un jeune amoureux; son nom : El Hâchmi-ben-Çarmachîq ^ ».
Cette date correspond à l'année 1793 de l'ère chrétienne.
C'est probablement à Çarmachîq que l'on doit attribuer la
décoration intérieure; elle est de facture empâtée et mala-
droite, fortement inspirée des décors arabes, combinaison de
losanges festonnés analogues à ceux que nous rencontrerons tout
à l'heure à la Médersa, mais décorés en partie, suivant le goût
turc, d'élément floraux disposés sur une tige droite. La coupole
est garnie de polygones peints en (hfîérents tons (^fig. 40), les
plus grands décorés de motifs floraux ; les tons employés sont
le blanc, le rouge, le jaune, l'orangé, le bleu et le vert. Des
vitraux, les uns assez puissants, bleus, verts clairs, rouges, qui
semblent colorés dans la masse, d'autres d'un ton plus douteux,
orangés et vieux rouges, garnissaient les fenêtres. Un lambris-
sage en faïence revêt tout le bas ; il est composé de carreaux
de 0™,13, les uns à décor en deux tons, bleu sur blanc rosé,
les autres à décor polychrome où se rencontrent les bleus, le
violet de manganèse, le vert de cuivre et le jaune, caractéris-
tiques des fabrications italiennes ^. Un pavement de date
récente garnit toute la chambre sépulcrale, qui contient,
derrière une cloison de bois, entourés de tentures, d'étendards,
d'œufs d'autruches, de lustres, de cierges, de tableaux votifs
1. Cf. Brosselard, Revue africaine, décembre 1859, p. 87 et suivantes; —
sur Çarmachîq, cf. suprà, p. 39.
2. Ils datent sûrement de l'époque turque, et c'est bien à tort qu'Ary Renan
veut les faire remonter à l'époque de Yarmorâsen.
SÎDI BOU-MÉDINE 235
de toute nature, les deux catafalques de Sîdi Bou-Médjen TAn-
dalou et de Sîdi Abd-es-Selâm le Tunisien.
Un petit cloître carré, sorte d'atrium tétrastyle, précède le
tombeau. Les colonnes d'onyx en sont surmontées d'arcades
en fer à cheval plein cintre. Ces colonnes et leurs chapiteaux
[fig. 41 et 44) proviennent, ainsi que l'indique l'inscription
relevée sur le turban de deux d'entre eux, du palais de la Victoire ^
qu'Abou'l-Hasen avait fait élever àMansourah. Ils sont décorés,
suivant trois mo-
dèles différents, et
de dimensions va-
riables. Dans tous
on retrouve une por-
tion supérieure
carrée garnie de
reliefs faibles, et
enveloppée à sa
base de palmes di-
visées, qu'une liga-
ture médiane réunit
deux par deux, et
une portion cylin-
drique où courent les grands méandres infléchis au sommet.
Deux d'entre eux portent des bandeaux couverts d'inscriptions.
Les courbes de ces bandeaux sont aplaties et ne se continuent
pas sur les différentes faces pour former un cercle unique;
l. « La construction de cette demeure fortunée, palais de la Victoire, a été
ordonnée par le serviteur de Dieu, Ali, Emir des musulmans, fils de notre
maître TEmir des musulmans Abou-Saîd fils de Yaqoub, fils d'Abd-El-Haqq,
en 745 » (Cf. Revue africaine, juin 1859, p. 337).
Fio. 41. — Chapiteau d'onyx.
236 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
trois d'entre eux portent des enroulements de palmes rappe-
lant la volute. Le chapiteau de l'angle Sud-Est est une réduction
des grands chapiteaux de la mosquée de Mansourah [fig. 71).
Le pavement est composé d'éléments disparates, la plupart
de date assez récente, quelques-uns de modèles archaïques
curieux. Vers l'angle Nord-Est, on rencontre, très endommagés
par le frottement, de petit carreaux de 6 à 10 centimètres, à faible
relief, estampés et couverts d'un émail translucide vert ou d'une
ocre verdâtre [fitj. 42 et 43). Il nous semble difficile d'en
préciser exactement rorfgine, mais le style du décor floral
qui les garnit porte la marque incontestable de l'inspiration
turque. On en retrouve de semblables dans quelques parties
du çahn de la mosquée ^ et le musée de Tlemcen en possède
de nombreux spécimens.
Nous signalerons aussi, près du pilier Nord-Ouest un unique
fragment de grand carreau émaillé d'une fabrication très défec-
tueuse ; le décor géométrique, à bandes blanches limitant
des polygones diversement colorés, est formé d'émaux tout
semblables aux couvertes de la mosaïque. Des filets, simplement
laissés sans couverte, ont pour but d'empêcher le mélange des
émaux. Malgré l'imperfection ou plutôt à cause de Timperfec-
tion même de rexécution qui provient surtout de l'inégale
fusibilité des émaux employés, ce fragment nous semble fort
intéressant. 11 n'est pas le seul oii se puisse noter cette ten-
dance à remplacer la mosaïque des belles époques par le
carreau polychrome, d'un emploi plus facile. On trouvera au
Musée de Cluny des fragments d'origine espagnole d'une tech-
\. Ary Renan les signale ap. Gazette des Beaux-Arts, 1893, p. 179; il parle
aussi « d'engobes à émail ombrant dessinant de rapricieux méandres obtenus
en deux tons par de patientes réserves». Nous n'avons rien vu de semblable.
SÎDI BOU-MÉDINK
237
238 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
nique plus perfectionnée : Tun où le céramiste a employé un
procédé identique, un autre où un émail noir fixe forme cloi-
son entre les différents émaux. On en pourra également étudier
un au musée de Tlemcen où les couleurs sont enfermées dans
une très légère dépression préalablement creusée ou estampée
dans le carreau, la cloison de terre formant un trait clair
alentour. C'est là, comme on le voit, un procédé analogue à
celui des azulejos d'Andalousie. Eufîn l'on trouvera sur les
marches de l'escalier de la qoubba un décor polygonal peint
sur émail stannifère
cerné de traits au bleu
de cobalt. Tel est pro-
])ablement le dernier
stade de cette « contre-
façon » du décor géo-
métrique en mosaïque
de faïence ^
Près du puits sacré -,
dont la margelle d'onyx
s'est profondément in-
taillée au lent travail
de la chaîne, une arcade
FiG. 4i. — Chapiteau tronyx.
s'ouvre qui donne accès
à différents niveaux dans deux petits cimetières, l'un à
ciel ouvert, l'antre sorte de chambre pavée, et à un esca-
lier de huit marches qui monte à la cour extérieure
de la mosquée. Le plafond de bois qui le couvre, ainsi que
1. Cf., sur cette contrefaçon, Introduction, p. 78.
2. L'eau passe pour avoir des vertus miraculeuses. Cf., pour les sources
miraculeuses dans l'islam, Goldziher, Moh. Studien, p. 345 et suiv.
SÎDI BOU-MÉDINE 239
l'auvent donnant sur la cour, que lauvent extérieur
qui protège la porte sur la rue du village et la porte d'entrée
du sépulcre, sont revêtus de peintures d'un bon effet datant
vraisemblablement de l'occupation turque. On y trouve des
combinaisons géométriques décorant les panneaux ouïes caissons
centraux, des bordures et des arcades ornées de motifs floraux
[fig. 45) qui, retrouvés sur des pierres tombales appartenant
FiG. 4o. — Spécimens des décors peints.
aux dernières années du xviif siècle S permettent d'assigner
une date certaine à cette partie du monument. A la même
époque encore semblent appartenir les deux colonnettes de bois
peint, à chapiteaux corinthiens qui, aux deux côtés de la porte
extérieure du tombeau, supportent l'auvent.
1. Notamment sur celle du Caïd Slîmàn ben-Mohammed El-Kourdi (Cf. Bros-
sclard, Revue africaine, décembre 1859, p. 90).
240
LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
C. — Mosquée de Sîdi bou-Médine
Le porche. — Une grande arcade en fer à cheval, déformée
au sommet par une brisure non exprimée, forme le cadre somp-
tueux du porche monumental de la mosquée ^ Onze marches
permettent Taccès du niveau de ce porche et font à cette ar-
cade une base majestueuse. L'écartement des pieds droits est
de 3 mètres et la distance du sol de la cour au haut du
cintre dépasse 7 mètres. Un triple feston de briques divise
le cadre en deux parties : Tune, formée par une hirge bordure
circulaire pourtournant le cintre et prolongée au-dessous de sa
naissance, pendant plus d'un mètre; Tautre formée par deux
écoinçons. La garniture de ce cadre est faite d'arabesques en
mosaïque de faïence h quatre tons, blanc, brun, vert et jaune de
fer, et bordée par un filet vert. L'élément qui les compose est
lapalme double formant un entrelacs, régulièrement répété, sui-
vant un axe médian pour le tronçon vertical qui orne la partie
des pieds droits [fig. 46), suivant des axes rayonnant au centre
d'appareillage pour la bordure du cintre. Une bande courant
au-dessus de cet encadrement rectangulaire porte sur fond
blanc, en beaux caractères andalous, l'inscription suivante :
(( Louange au Dieu unique : l'érection de cette mosquée bénie a
été ordonnée par notre maître le sultan serviteur de Dieu, Ali,
fîls de notre seigneur le sultan Abou-Said Otsmân, fils de notre
maître le sultan Abou-Yousef Yaqoub, filsd'Abd~el-Haqq, — que
1. Notre vue est prise des terrasses qui rejoignent la maison de l'oukil au
tombeau du Saint
Pl. XVII
PORTAIL DE LA MOSQUÉE DE SIDI-BOU-MËDYEN
SIDI BOU-MÊDINE 241
Dieu le fortifie et lui accorde son secours — en l'année 739 »
(1339 de Fère chrétienne^).
Un décor géométri€|ue de briques incrustées de plaques
d'émail brun et de filets verts constitue, avec ses cinq
rosaces rayonnantes autour d'étoiles à huit pointes, une
frise robuste à ce portail. Un auvent de tuiles la couronne,
porté par une série
de consolettes gémi-
nées. La doiielle de
r arcade porte un
revêtement régulier
blanc jaune et brun.
Sur le cavet d'encor-
bellement se lit
l'inscription suivante :
(( Fondé par notre
maître Abou'l-Hasen
serviteur de Dieu,
Ali». La bande qui
la porte est formée
de six plaques de
terre cuite primiti-
vement vernissée au
FiG. 46. — Décor en mosaïque de faïence.
(Garniture des pieds-droits.)
brun de manganèse, que Ton a enlevé au burin dans les fonds,
de manière à détacher Tornement sur la terre rosée [fig > 47). Ce
procédé s'observe dans certains monuments d'Orient et duMaroc^.
1. Brosselard, les Inscriptions arabes de Tlenicen {Revue africaine, août 1859,
p. 403); à l'époque où Bargès visita Tlemcen, Tinscriplion commémorative
disparaissait encore sous un badigeon de chaux datant de Fépoque turque
(Cf. Tlemcen, ancienne capitale, p. 291).
2. A Tauris, dans un monument, Téniail bleu turquoise a ainsi été enlevé
16
âir2 LËS MONUMENTS AHABES DE TLEMCEN
Les degrés de l'escalier, en 1)riqiies posées de champ ^,
occupent aux deux tiers la baie profonde du porche. Une
petite porte s'ouvre dans chacun des murs latéraux; celle de
droite donne accès dans une chambre pouvant servir de dor-
toir à des pèlerins, celle
de gauche sur un escalier
qui monte à la salle d'école
coranique. Au fond s'ouvre
la porte de la mosquée
proprement dite.
La décoration de plâtre
ne commence qu'ai'", 70 du
sol ; c'est une des créations
les plus heureuses que nous
aient laissées les gjpso-
jdastes maghribins. Elle
se compose à droite et à
gauche de deux étages de
petits panneaux [fi(j. 48,
57) inscrits dans de fines
arcades; elle se continue
Décor céramique de la douelle (Porche). ll^ut par une grande
coupole à stalactites. Une
d)uble bordure la limite en bas et forme l'encadrement
des deux petites portes ; l'une de ces bordures, dont on trouvera
(J. Dieulaloy, la l'erse, ap. Tour du Monde, 1883, I, p. 30). Aii Louvre, on
peut voir un revêtement provenant du palais de Tanger, dont la bordure
est épralement en brun et se détache sur le fond de terre.
1. On peut voir un escalier semblable à la Puerta del Sol de Tolède, qui
présente de Uë^ ingénieux emplois de la brique.
Pl. XVIII
PORTAIL DE LA MOSQUÉL DE 61DI BOU-MÉDYEN
(Vu du ÇAHN)
SÎDI BOU-MÉDINE
245
Tin fragment reproduit ici (fig. 55), porte une inscription
coufîque d'un très beau style.
De massifs vantaux de cèdre revêtus de plaques de bronze
repercé séparent ce porche de la mosquée ^ Le tambour dans
lequel ils s'ouvrent porte comme frise une répétition en grands
caractères andalous de Tinscription dédicatoire du portail -
[fig. 56 A).
La mosquée: Plan^ di7nensions. — Deux nouveaux degrés
permettent d'accéder au sol de la mosquée proprement dite.
La cour, qui mesure 10"", 20 de longueur sur 1™,35 de large, est
entourée de portiques à une seule nef. Les deux galeries flan-
quant le tambour sont relevées de 1°',75 au-dessus du niveau
de la cour et portent de petites balustrades de bois ; on les dit
réservées aux femmes.
Cinq nefs divisent la salle de prière, large de 19 mètres et
profonde de 15, par des arcatures perpendiculaires au mur du
fond. Ces nefs ont une largeur de 3", 10; la nef principale a 3°", 50.
Les arcs sont portés, comme ceux des portiques de la cour,
par des pieds droits-^; une coupole précède le mihrâb. Une
1. Notre photographie présente au premier plan le pavage du çahn en
briques, à gauche un des battants de la porte de bronze [fig. 58), plus loin le
pavage de tuiles vernissées du porche, formant la dernière marche de l'esca-
lier, le beau décor de plâtre sculpté garnissant les murs et, encadrant la petite
porte latérale {fig. 48, 55;, le départ des stalactites delà voûte, la garniture en
mosaïque de faïence du cadre intérieur et de la douelle de l'arcade principale
[fig. 47), entîn l'arrière-plan montre, de l'autre côté de la cour, l'auvent abri-
tant l'entrée du tombeau, à droite, l angle de la qoubba.
2. Avec quelques variantes : « Ceci a été édifié par l'ordre de notre maître,
l'émir des musulmans, le serviteur de Dieu, Ali, fils de notre maître, émir des
musulmans qui a livré le bon combat dans le sentier de Dieu Abou-Saîd Ots-
mân, fils de notre maître le prince des musulmans, qui a livré le bon com-
bat...»; elle couvre trois des faces du tambour ; sur la quatrième, le plâtre est
tombé.
3. Les deux piliers de droite et de gauche de la nef centrale, en avant du
mihrâb, portent enchâssées les tables des habous de la mosquée, l'une datant
246 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
porte placée à droite donne accès dans la salle des morts.
Quatre fenêtres éclairent la nef transversale du fond, en plus
des ouvertures qui couronnent le mihrâb et font pour ainsi
dire partie de son cadre, deux s'ouvrent dans les murs latéraux,
deux autres dans le mur du fond de chaque côté du mihrâb.
Deux grandes portes latérales font communiquer la salle de
prière avec l'extérieur.
Les nefs sont, ainsi que la plupart des dépendances de
l'édifice, couvertes <le plafonds portant des revêtis de plâtre,
formant des caissons d'une grande variété de formes. Les
combles et les toits de tuiles qui les couvrent ont été relevés.
Fie. 50. — Fragment de plafond à caissons.
par l'Administration française, de 0"',75, pour isoler les plafonds,
qui étaient gravement endommagés par l'humidité. L'auvent
de tuiles sur maçonnerie qui fait le tour du çahfi marque la
place du toit primitif. Le sommet de ces plafonds est élevé de
de l'époque du fondateur, le Mérinide Abou'l-Hasen, l'autre du temps du
Zeiyânide Abou-Abdallah Et-Tsâbiti (commencement du xvr sièclei (Cf. Bros-
selard, Revue africaine^ août 1859, p. 410-419; — Hargès, Tlemcen, ancienne
capitale, p. 301 et suiv.).
ARCADES DE LA SALLE DE PP.IÈRE
(Mosquée de Sidi Bou-Médyen)
SÎDI BOU-MÉDINE 247
près de 7 mètres au-dessus du sol. Les arceaux, dont les pieds
droits ont 2™, 65 d'écartement, comptent 2°", 10 du sommet à
la naissance du cintre. L'encorbellement en forme de cavet a
G'", 20 de hauteur.
La salle de prière se trouve établie sur une tranchée prati-
quée dans la pente rocheuse de la colline ; un passage de
4 mètres environ demeure libre dans cette tranchée, à l'Est,
au Sud et à l'Ouest de la salle de prière, et permet de circuler
autour de l'édifice. Des côtés de l'Est et de l'Ouest, des arceaux
jetés sur ce passage jouaient le rôle de contreforts extérieurs,
et peut-être aussi permettaient Tétablissenient de treilles ; le
passage était ainsi transformé en un petit cloître à toit de
verdure, analogue à celui qu'on trouve à l'Orient delà Grande
Mosquée. A TOuest, à l'entrée de ce cloître, une voûte d'arête
reliant deux arceaux couvrait la sortie de la porto latérale
de la salle de '])rière ; une petite chambre, dépendance de la
mosquée, faisait face à la porte et était adossée à la masse
rocheuse qui sert de base à la Médersa. Une galerie couverte
faisait suite à cette chambre sur toute la longueur du passage,
et bordait le cloître de l'Ouest, en face de la mosquée. Des
portes en arcades largement ouvertes la faisaient directement
communiquer avec le cloître. Avec le temps, et par l'effet de la
négligence turque, les terres, les rochers éboulés avaient par-
tiellement obstrué ce passage ménagé autour de la salle de
prière. Les arcades des contreforts tombaient en ruine.
L'administration des Monuments historiques apporta, vers 1876,
de sérieux remaniements à ce cloître extérieur de la mosquée
de Bou-Médine. Il abattit les contreforts du côté oriental,
boucha du côté occidental les portes qui ouvraient la galerie
couverte, déblaya le chemin, et par des travaux de soutènement
248 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
empêcha de nouveaux éboulements de la paroi rocheuse qui
domino la tranchée. Le passage fut rétabli dans un état assez
analogue, à ces quelques modifications près, à ce qu'il avait dû
être primitivement. Les arcades extérieures deTOuest existent
donc seules aujourd'hui, ainsi que la voûte d'arête qui couvre,
de ce côté, la sortie de la porte latérale. L'écartement des
arcades y est de 3"',50 ^
Composition du décor. — Les arcs des nefs et du cloître,
dont la brisure n'est qu'une déformation supérieure, sont
enveloppés par un cercle plus grand, dentelé et soutenu par
deux colonnettes engagées [fig. 54). Les trumeaux portent
FiG. 51. — Frise de plâtre.
des motifs à répétition. Quant aux écoinçons, les garnitures
de rinceau, parées en leur centre de disques à inscriptions
cursives, y alternent avec un décor régulier toujours bâti sur le
thème du réseau formé par superposition de palmes.
Le mihrâb est composé suivant le plan déjà décrit ; on y
trouve le cintre à claveaux, les écoinçons, qui y portent un
1. Un dessin du cloître extérieur de Sîdi Bou-Médine (partie orientale dis-
parue?) figure ap. Piesse et Canal, Tlemcen, p. 17.
SÎDI BOU-MÉDINE 249
motif central en relief semblable à cehii de Sîdi Bel-Hassen, les
inscriptions coufîques du cadre et de la cimaise et les trois
fenêtres à claires-voies géométriques. La niche porte la coupole
à stalactites sur les arceaux habituels. La coupole qui précède
le mihrâb est ajourée et garnie de vitraux colorés, jaunes,
bleus, verts et rouges. Elle se relie au plan carré non par
rencorbellement ordinaire, mais par un plan horizontal jeté sur
l'angle et décoré d'un défoncement profond. La fragihté de
cette coupole a dû d'ailleurs nécessiter des réparations fré-
FiG. 52. — Frise de plâtre.
quentes ; le stylo des reperçages semble de très basse époque
et apparenté au style turc des revêtements de la qoubba.
Ajoutons enfin que les murs de la mosquée sont entièrement
garnis à partir de l'",60, d'un décor régulier très simple et
analogue à un des motifs de Sidi Bel-Hassen, et que des frises
géométriques de deux types différents courent au haut de
tous les panneaux (fig. 51 et 52).
Chapiteaux. — Les deux seules colonnes d'onvx de la
mosquée, qui portent l'arc du mihrâb, sont munies de chapiteaux
d'une grande élégance de forme et d'exécution très habile. Ils
250 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEX
offrent cette différence avec les chapiteaux de la même époque
que les reliefs en sont plus forts, les profils plus souples et
plus hardis, la silhouette générale plus nettement accusée. Ils
comportent d'ailleurs les éléments essentiels des types primitifs;
Fin. 53. — Chapiteau du mihràb.
on y retrouve l'astragale spiralée, le méandre à crochet, les
palmes et les volutes d'angle, le turban et le tasseau qua-
drangulaire supérieur. Le tailloir, très large, se relie directe-
Pl. XX
A. Fontemoing, Editeur, Paris Phototypie Bei
MIHRÂB DE LA MOSQUÉE DE SlDI BOU-MÉDYEN
SÎDI ]K)U-MÉDINE 251
ment au reste du chapiteau ; comme lui, il est recouvert de fins
décors en relief rehaussés de couleur. La courbe des crochets,
l'importance et la disposition des volutes, dont Taxe est per-
pendiculaire aux diagonales du tailloir, rattachent bien plutôt
ces chapiteaux mérinides aux vieux types du xif siècle qu'à
ceux des édifices de Mansourah. Ils se distinguent encore
plus nettement des chai)iteaux de TAlhambrapar le galbe géné-
ral, la proportion de leurs différentes parties et la compré-
hension du modelé. C'est donc là une des créations les plus
originales et les plus heureuses de Tart arabe occidental. Le
style des ornements superficiels les rattache, d'ailleurs, d'une
manière étroite au décor du reste de la mosquée et l'inscription
du turban leur assigne une date indiscutable. <( Ce monument,
dit le chapiteau de droite, est l'œuvre qu'a commandé de faire
notre maître l'émir des musulmans Abou'l-Hasen, fils de notre
maître l'émir des musulmans Abou-Yaqoub. » Et le chapiteau
de gauche ajoute : « Ce qu'il a ambitionné, c'est de se rendre
agréable au Dieu tout-puissant, et il espère en sa récompense
magnifique. Que Dieu, à cause de cette œuvre, daigne lui
réserver ses grâces les plus efficaces et lui donner la place la
plus haute ^. »
Il convient de mentionner également ici les petits chapiteaux
de plâtre des colonnettes engagées qui font partie du décor des
cintres [fig. 54). Ils présentent une simplification curieuse et
assez fréquemment employée du chapiteau moresque. Ils se
composent d'un méandre inférieur très long et de deux palmes
doubles enveloppant une feuille simple. Leur comparaison avec
un chapiteau beaucoup plus grand (B) du Tocadorde la Reine à
1. Cf. Brosselard, Revue africaine, 1859. p. 403,
252 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
TAlhambra, fera connaître les dispositions qu'ils schématisent.
On pourra aussi en rapprocher un ornement de plâtre (A) qui,
dans les monuments mérinides, remplit des panneaux entiers et
dont on chercherait en
'l^y ^^^^ Tanalogue dans
tous les autres décors
floraux.
Les stalactites. — La
mosquée de Sîdi Bou-
Médine présente, avec
la voûte de son porche,
Texemple le plus hnpor-
tant qui soit à Tlemcen
de la coupole en ruche
d'abeilles. Préparée par
rencorbellement de
quelques coupolettes qui
s'isolent de la masse
supérieure par une frise
méplate, elle présente
les dispositions ordi-
naires de ces genres de
décor. Elle fait inter-
venir le rectangle dé-
coré ; mais on n'y trouve
pas la stalactite propre-
ment dite, rattachée par
son sommet seulement
FiG.
— Décor des cintres.
à la construction générale. Elle a eu fort à souffrir des passages
à la chaux qui ont empâté la ciselure de ses arêtes et ont fait
SiDI BOU-MÉDINE 253
disparaître en partie le décor gravé, peut-être peint, qni l'en-
richissait. Cependant elle met encore dans Tombre chande de
la baie la voûte somptueuse de ses facettes où se jouent les
reflets du pavé.
Décor épigraphique. — L'élément épigraphique tient une
place très importante dans le décor de plâtre. Non seulement
récriture cursive forme de longues et minces bordures à Fen-
tour de presque tous les panneaux^, mais encore elle s'étale
en de plus grandes proportions [ftg. 56, A) et avec un carac-
tère plus décoratif sur le tambour d'entrée, oii elle reproduit
Tinscription dédicatoire. Un rinceau très élégant court au-
dessous des lettres du type andalous, dont la tournure rappelle
avec beaucoup de bonheur la liberté du qalam.
Le coufîque fleuri y est représenté par plusieurs exemples
intéressants, au décor du mihrâb, et sur les murs latéraux du
portail où il se môle intimement au décor floral, formant de
larges bandes de 0™, 27 de haut. Ce dernier spécimen est un des
plus beaux décors épigraphiques que nous aient laissés les artistes
mérinides. Nous en donnons un fragment ici {fi(j. 55). Il se
compose de deux lignes superposées : la ligne d'en haut, en
petits caractères, répète deux fois la formule : « Louange à
Dieu » ; la ligne du bas, en caractères plus grands et plus sobres,
complète par la mention «pour ses bienfaits», une seule fois
1. Elle reproduit une formule fort simple et extrêmement fréquente sur les
monuments d'Andalousie : El-moulkoud-duîmou lillah El-izzoïil-qàimoa
l'dlûk : «I/empire durable est à Dieu, la gloire stable est à Dieu» (Amador de
los Rios, Inscr/pciones de Setulla^ p. 135, 2i(), 243, etc. ; — Almagro Cardcnas,
Inscripciones de Granada, 10, 149, 173, etc. ; le mur oriental de la mosquée
de la Pécberie, à Alger, est aussi orné d'une inscription analogue : « L'empire
durable est à Dieu ; l'opulence stable est à Dieu», non comprise par l'auteur
du Corpus des inscriptions arabes de l'Algérie, I. 54). A Tlemcen, elle figure
sur tous les monuments mérinides.
LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
siDI BOU-MÉDINE 255
exprimée ; et ces deux lignes sont disposées de telle sorte que
la ligne d'en haut sert à celle du bas de couronnement régu-
lier. Cette variété de coufirjue apparaît déjà à Sîdi Bel-Hassen
en de courts fragments. L'Alhambra en présente quelques
exemples importants (cour de l'Alberca, frise de la cour des
Lions, etc.); enfin, nous devons signaler l'analogie de ce motif
décoratif de Bou-Médine avec un de ceux du patio de las Don-
cellas à TAlcazar de Séville, qui reproduit dans la même dis-
position une eulogie à peu près identique ^ Les artistes méri-
nides firent de ces groupements scripturaux de très ingénieuses
applications en des décors étendus. Ce genre de coufique, que
nous appellerions volontiers coufique architectural^ se distingue
du coufique à entrelacs de Sîdi Bel-Hassen et d'Oulâd el-Imâm
par l'introduction de formes rappelant Farcade dentelée et les
toits à deux versants. On remarquera aussi le fleuron médian
surmontant les Lams ou les Alifs et qui résulte de la soudure
de palmes aff*rontées telles qu'elles se présentent à Sîdi Bel-
Hassen [fig. 30).
Décor géométrique . — Le revêtement de plâtre ne réserve
pas une grande place à la géométrie : les claires-voies et les
frises, auxquelles viennent s'ajouter les plafonds et leurs cais-
sons, tels sont les seuls emplois qu'on en observe. Nous ver-
rons tout à l'heure que le décor de bronze et la céramique y
trouvent au contraire d'abondantes fornmles décoratives.
Décor floral. — La mosquée de Sîdi Bou-Médine marque un
nouvel appauvrissement de la llore ornementale arabe. Il n'y
a plus ici de palmes décorées, comme dans les édifices de la
fin du xnf siècle. On peut dire que la feuille lisse, divisée en
1. Cf. Amador de los Rios, hiscripciones arabes de Sevillà, n" 71, p. 150,
avec une planche reproduisant le cartouche dé l'inscription.
256
LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
FiG. 56. — Décors de plâtre.
A. Frise du tambour d entrée. — B. Motif garnissant les murs. — C. Décor
de trumeau. — D. Petite bordure (cadre du mihrâb).
SIDI BOU-MEDINR 257
deux lobes inégaux ou sans découpage et marquée parfois d'un
sillon angulaire qui en désigne l'origine, est devenue l'unique
élément des entrelacs curvilignes. Elle est le plus souvent
assujettie à une tige très longue et très souple, et tend, en
s'amaigrissant, à s'assimiler au trait de l'écriture ornementale.
L'exemple ci-joint [fig. 57) mettra en lumière ces rappro-
chements curieux et les
échanges qu'ils occa-
sionnent. Parfois une liga-
ture réunit deux feuilles,
parfois un troisième lobe
inférieur, se détachant de
la base de la feuille,
donne lieu à une soudure
médiane. Les figures 48
et 56 donnent un exemple
de cette soudure et de la
réunion qui l'a engendrée.
A côté de la feuille
lisse, il faut mentionner la
feuille courte à nervures,
toujours détachée de son
pied, et servant invariable-
ment de remplissage
[fig. 51, 52). Cependant, Fig. 57. — Décor en plâtre (Porche),
si le nombre des éléments
floraux est extrêmement restreint, si les formes ini-
tiales qui décorent les surfaces se réduisent à deux ou trois, il
convient d'admirer d'autant plus les ressources de l'imagination
décorative, qui a su varier les combinaisons au point d'écarter
17
â58 LES MONtlMEKlrs ÀRABES DE ÏLEMCÈM
toute monotonie de cette répétition incessante. Tel semble être
en effet le but des gypsoplastes maghribins, et nous signalerons
à ce propos un ingénieux procédé employé par eux pour intro-
duire la variété dans les multiples reproductions dn même motif.
On peut l'observer aux rosaces (^^. 55), qui, dans le porche,
marquent l'angle des tronçons coufiques déjà décrits. Ce pro-
cédé, analogue à celui qu'employèrent les miniaturistes dans le
coloriage des manuscrits, consiste à varier un même dessin
plusieurs fois répété, par le reperçage, dans un exemplaire, de
certaines parties que l'on a réservées dans un autre, ce qui
déplace les noirs et change complètement l'effet de l'ornement.
Les portes de bronze [fig. 58). — Suivant l'abbé Bargès, les
portes de bronze avaient été, jusqu'à 2 mètres du sol, dépouillées
de leurs revêtements par des soldats français. Une habile restau-
ration leur a rendu leur splendide aspect primitif . Des tringles,
se croisant suivant de grandes rosaces à quatorze pointes, se
détachent sur des plaques repercées d'entrelacs floraux. De
petits fragments soudés servent au treillis formé par ces
entrelacs, de transparents colorés. La jolie légende qui
veut que ces portes, promises au sultan mérinide comme
rançon d'un captif chrétien, et confiées au flot, soient venues
par cette voie d'Espagne jusqu'au rivage maghribin, bien
qu'elle ne porte naturellement pas le caractère d'une grande
authenticité, semble attribuer à ce travail une origine étran-
gère. Il est curieux, en effet, de constater qu'à part le
grand lustre et la couronne de la Grande Mosquée, à part
quelques pentures, quelques marteaux de porte de faible dimen-
sion, quelques clous assez adroitement ciselés, on ne retrouve
à Tlemcen aucun spécimen de cet art qui exige une longue
pratique et une grande habileté technique. Si, d'autre part, on
Fk;. 58. — Portes de bronze.
Schéma de la combinaison géométrique ; B, Décor des tringles; G, Heurtoir;
D etD', types de clous; E F G II, spécimens de remplissages.
260 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
examine un travail espagnol analogue, la Puerta del Pardon de
la cathédrale de Cordoue par exemple, on trouve ses vantaux
revêtus d'une combinaison simple de parallélogrammes à six
côtés, décorés de motifs estampés dans le bronze. Ces motifs
sont de styles fort hétérogènes ; on y rencontre des entrelacs
arabes, un écusson chrétien, des imitations de sentences cou-
fiques, enfin l'inscription espagnole : « Se reedificaronaho . »
Cette indication épigraphique, venant à Tappui de ce que dit
Maqqari des vieilles portes de la mosquée de Cordoue ^ établit
peut-être l'existence antérieure d'une œuvre se rapprochant des
portes actuelles comme composition, sinon semblable comme
exécution, dont les portes de Sîdi Bou-Médine nous donnent une
idée assez exacte, et dans laquelle l'estampage pouvait bien être
remplacé par le reperçage et la ciselure. Le rapprochement
des heurtoirs qui les décorent avec ceux de la mosquée magh-
ribine (fig. 58 C) indique une inspiration très proche parente,
et probablement une origine commune. On sait, d'ailleurs, par
les poignées d'épées, les casques et les boucliers moresques,
le degré de perfection auquel les artistes d'Espagne étaient
parvenus dans Tart de ciseler et de graver les métaux. Il se
peut que les panneaux qui nous occupent ne soient qu'une
belle œuvre de plus sortie de leurs mains et que la légende
n'ait pas complètement menti.
Quoi qu'il en soit, la disposition géométrique chère aux
artistes de Tlemcen, le style des remplissages, qui présentent
une grande analogie avec le décor de plâtre avoisinant, et la
parfaite convenance des proportions avec le reste de Fédifice
1. « Elles sont toutes recouvertes de cuivre jaune merveilleusement tra-
vaillé » (^y/«/ec/e5 de r histoire d'Espagne, i, 361, in fine)\ — Cf. Morales,
Antigûedades de Espana, au chapitre Cùrdoba, p. 54 et suiv.
SÎDI BOU-MÉDINE 261
semblent indiquer que, si le travail ne fut pas exécuté sur place,
il le fut du moins d'après un carton soigneusement établi par
le décorateur maghribini.
Le minaret. — S'élevant au dessus de l'ensemble des
FiG. 59. — Angle de corniche au pavillon de la coupole.
pavillons qui couvrent les nefs, le porche et les coupoles
[fig. 59), le minaret, par Félégance de ses proportions, la
variété introduite dans les classiques dispositions de ses gar-
nitures, enfin la richesse du revêtement céramique qui en
décore le sommet, nous apparaît comme, un des plus jolis
spécimens subsistants de ce genre d'édifice.
La composition en est très simple. Toute la base étant engagée
1. Le revêtement de portes en bronze se rencontre, au reste, dans d'autres
édifices mérinides (Cf. Léon l'Africain, éd. Schefer, 11, p. 15, in priricipio).
262 LES MONUMEÎ^TS ARABES DE TLEMCEN
dans les dépendances de la mosquée (chambre des pèlerins),
la décoration ne commence qu'au tiers de sa hauteur totale
avec une arcade festonnée. Elle se continue par un réseau
FiG. 60. — A et B. Spécimens de réseaux garnissant les pans du minaret. —
G. Inscription en couficiue quadrangulaire.
d'arcs entrecroisés. Ces deux formes consacrées de tous les
minarets d'Espagne et du Maglirib affectent, sur les différentes
faces, de curieuses modifications [fig . 60 A B). L'arc inférieur
SiDI BOU-MÉDINE 263
qui enveloppe les fenêtres donnant jour à l'escalier présente,
au Nord, une intéressante disposition d'arcades lobées rayon-
nantes, dont on retrouve l'analogue à la Kotoubîj^a de Mar-
rakech. Le réseau, que des fragments de céramique incrustés
dans la maçonnerie parsemaient de fleurons brillants, cloison-
nait un champ revêtu d'enduit où couraient des ornements
peints en brun rouge. Quelques morceaux, visibles à la base,
permettent de supposer quelle pouvait être l'élégance sobre
d'un panneau ainsi décoré.
Il convient de signaler, sur le mur de la mosquée envelop-
pant la base de la tour, un ornement carré [fig. 60 C)
composé de morceaux de terre émaillée verte incrustés dans
la brique. C'est le seul exemple tlemcenien et probablement
un des rares exemples occidentaux de ce genre de décoration
épigraphique si fréquent en Orient appelé confique quadr an-
gulaire^. Nous le lisons : Bibarakati Mohammed « Par la
bénédiction de Mohammed ».
Une frise en mosaïque de faïence composée, pour chaque
côté, de quatre rosaces [fuj. 61) ou plutôt de trois rosaces
entières accostées de deux demi-rosaces se continuant sur
les autres faces, remplace au sommet la fausse galerie habi-
tuelle des minarets espagnols et maghribins. L'entrelacs des
filets blancs limitant les surfaces où le noir domine, mais où
se rencontre aussi le vert et le jaune de fer, forme une étoile
à vingt-quatre pointes, entourée de lignes brisées qui l'ins-
crivent dans un carré.
Il nous semble difficile de déterminer le point de départ d'une
telle substitution. Peut-être la connaissance plus complète des
1. Cf. Bulletin de VInslilut égyptien, 1881, p. 100; 1890, p. 61 ; — Van
Berchem, Matériaux pour un a Corpus», p. 139, et pl. XXX, n° 2.
264 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
monuments du Maroc nous révèlera-t-elle la conception voisine
qui donna l'idée de ce décor, ou même les premiers essais
qu'on en fit^ L'histoire des emplois de la céramique comme
FiG. 61. — Grande rosace en mosaïque de faïence.
revêtement extérieur présente encore bien des lacunes. Le
grand portail de Sîdi Bou-Médine montre bien que les artistes
1. Sur la reproduction d une porte de Chella (époque mérinide), qui figure
dans la Grande Encyclopédie à Farticle Maroc, nous croyons discerner un
cadre fait de grandes rosaces semblables à celles de Sîdi Bou-Médine.
SÎDI BOU-MÉDINE 265
mérillides étaient en possession d'une technique très perfec-
tionnée quand ils arrivèrent à Tlemcen. Cette virtuosité les
entraîna sans doute à remplacer, sur le minaret, un élément
consacré, classique, par un élément nouveau, moins solide et
moins logique que le premier. L'événement a prouvé, en effet,
qu'un revêtement ainsi exposé aux intempéries et non main-
tenu sur les côtés par des cloisons ou des rebords saillants
devait se désagréger peu à peu et se détacher du mur qui le
portait. Peut-être le minaret qui nous occupe fut-il l'occasion
d'une tentative. Mansourah ne comporte point de décor sem-
blable ; nous le retrouverons au minaret de Sîdi'l-Hahvi, mais
déjà sensiblement modifié comme composition.
Une rangée de merlons couronne le corps principal de la
tour ; ils portaient eux-mêmes un décor de mosaïque bien atta-
qué par le temps. Enfin, l'édifice terminal présente, dans l'en-
cadrement de son petit arc dentelé, un joli revêtement céra-
mique d'entrelacs floraux en deux tons : brun sur blanc.
Trois boules de cuivre, dont la plus grosse est dorée et
mesure i'^^'oO de circonférence, surmontent ce campanile. La
taille imposante de ces boules et l'aspect brillant de l'une d'elles
ont donné lieu à diverses légendes, sur leur origine, leur
valeur et leur miraculeuse intangibilité, qui leur attirent le
respect des âmes simples, tout en les protégeant contre l'au-
dace improbable des malfaiteurs.
266
LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
D. — Petit palais d'El-Eubbâd
Placées en contre-bas de la qoubba, formant pour ainsi dire
le degré inférieur de cette superposition d'édifices qui gra-
vissent la pente du Mefrouch, se trouvent les ruines d'un petit
monument civil que l'on désigne, dans le pays, sous le nom de
« Dâr es-Soltân», maison du Sultan. Cette construction date
vraisemblablement de la même époque que la mosquée et la
Médersa ; c'est sans doute là un des embellissements que les
princes mérinides apportèrent à leur pèlerinage préféré ; mais
il nous semble assez difficile de préciser quelle put en être la
destination primitive ^
Il se compose d'un corps de logis occidental formé d'un
patio A muni d'un bassin rectangulaire et bordé, au Nord et au
Sud, par deux portiques couverts donnant accès chacun dans
trois chambres : deux petites à droite et à gauche, une grande
très allongée au fond. Deux autres chambres s'ouvrent à l'Est
et à l'Ouest du patio ^ divisées, ainsi que la grande chambre
Sud, par des arcatures qui ménagent, aux deux bouts de la
pièce, des sortes d'alcôves ou de retraits, fréquents dans les
habitations arabes. La partie méridionale est munie de latrines
et de lavabos ; des conduits, pratiqués dans l'épaisseur des
murs et sous le pavement des salles, y amènent l'eau-.
1. Il n'est fait dans les textes aucune mention de cet édifice; il était
inconnu, enfoui sous une couche de terre et de décombres, jusqu'à ce que des
fouilles faites, en 1885, 1886, par le Service des Monuments historiques en
révélassent l'existence.
2. Notre photographie montre le grand patio occidental A; au premier plan,
le bassin rectangulaire, à droite une des salles latérales avec son départ de
SÎDI BOU-MÉDINE
267
268 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
Un couloir communiquant avec le patio donne accès, à
gauche, sur un escalier B qui descend à deux petites chambres
voûtées ayant toutes deux 1™,70 sur 2°", 10? à une troisième
dont l'accès est impossible. Ces petites salles étaient vraisembla-
blement affectées à l'installation de bains de vapeur; on y voit
encore des conduits pour les fumigations. Le couloir fait aussi
communiquer le patio A avec un second corps de logis très
endommagé et ayant nécessité des travaux de soutènement.
Il se compose d'une cour centrale C entourée de quatre ou cinq
salles. Un escalier flanquant la salle placée au Sud permettait
de monter à une chambre supérieure.
Un troisième corps de logis fait suite à ce corps central;
nous y trouvons un nouveau patio I) plus petit que le premier,
flanqué de trois côtés par des portiques couverts, du côté de la
plaine, par une grande chambie.
Le départ d'une voûte flanquant cette dernière salle indique
que là ne s'arrêtait pas le palais, mais qu'un nouveau corps de
logis le prolongeait vers l'Orient.
Tel qu'il nous est parvenu, ce monument présente plus d'une
dizaine de chambres, dont quelques-unes ont près de 12 mètres
de long et dont pas une ne dépasse 3 mètres en largeur.
Presque partout subsistent les traces d'une ornementation
somptueuse. On rencontre des pavements de mosaïque de
faïence à décor géométrique dans plusieurs endroits du grand
patio. Les salles, dont la construction fait intervenir à la fois
le pisé et les assises de briques, sont couvertes par des voûtes
en berceau. Elles semblent avoir été entièrement revêtues
berceau et des restes de sa décoration de plâtre ; au fond, précédant l'entrée
de la grande chambre adossée à la colline, la galerie couverte avec ses arcs
en plein cintre et ses piles carrées.
SÎDI BOU-MÉDINE 269
d'arabesques de plâtre d'un style très fourni et très élégant.
L'échelle en est beaucoup plus réduite que celle des décors de
la mosquée et de la Médersa, et bien appropriée à l'intérieur
d'un petit édifice privé. Un entrelacs foisonnant et axé suivant
la bissectrice de l'angle supérieur garnit les écoinçons des
arceaux. Les motifs épigraphiques ou géométriques ordinaires
forment les frises ; les grandes surfaces des murs et des pla-
fonds portent les habituels losanges à palmes superposées.
L'inscription cursive qui court en bordure reproduit Teulogie
constanmient répétée dans les monuments mérinides : « L'empire
durable est à Dieu, la gloire stal)le est à Dieu^ » Les arcades
sont bordées par des motifs réguliers gaufrant les douelles
(le plis horizontaux. Ce genre de décor, qui ne se rencontre
presque jamais à Tlemcen, est fréquent dans les palais espa-
gnols ; l'Alhambra en présente de très analogues. La forme des
arcs en plein cintre, non outrepassé, accentue cette ressem-
blance.
L'emploi de cette courbure, le décor très riche des arcades,
l'existence de pavements mosaïques, l'affectation évidemment
civile de ce i etit palais lui font une place à part dans la série
des monuments tlemceniens. Faut-il y voir la résidence spéciale
d'un sultan mérinide, sorte de maison des champs oii il venait
se reposer des tracas du Gouvernement, en même temps qu'il
y pouvait plus à loisir vaquer au soin de sa dévotion? Ne
faut-il pas y voir plutôt un petit palais destiné aux princes
étrangers, sorte de zâwiya pour les pèlerins de distinction ?
L'état de délabrement de l'édifice d'une part, le silence des
textes de l'autre, ne permet ici que des conjectures.
I. Cf. saprà, p. 253, note.
Le^ Monuments aëabës de tleMceN
E. — MÉDERSA DE SiDI BOU-MÊDINE
La Madrasa^ école de droit, d'exégèse coranique et de théo-
logie semble bien, en Orient, une création propre delà dynas-
tie ayyoubide. L'évolution politique de cette institution et
révolution archéologique, connexe, du genre d'édifice qu'elle a
fait apparaître, ont été clairement esquissées par Yan Berchemi.
C'est sensiblement à la même époque que se montre, dans
l'Afrique du Nord, la Médersa, qui porte le même nom (déformé
par l'accentuation particulière des dialectes maghribins) et
répond au même but. La fin de la période almohade, le début
des dynasties mérinides et abd-el-wâdites voient se multiplier
les fondations de ces sortes de collèges ~. Ce n'est pas à dire
qu'il faille décidément considérer la Médersa maghribine
comme une imitation de la Madrasa égyptienne.
Le collège maghribin de droit et de théologie peut avoir
son prototype dans l'école annexée à la zdwiya. Une histoire
un peu exacte de l'évolution de ce dernier mot reste à faire.
La zdwiya^ dans le Maghrib, apparaît comme une institution
sui generis^ tenant à la fois, comme on l'a dit, de l'université
et du monastère mais qu'il ne faudrait pas assimiler au
1. Cf. Van Bercheni, Matériaux pour un corpus, p. 253 et siiiv. ; ce ne
sont que des emprunts à un travail général sur l'évolution de la madrasa que
Tauteur annonce pour l'avenir.
2. Cf., sur les collèges abd-cl-vvàdites, le chapitre xiv de Tlemcen, capitale
etc.; — sur les médersas mérinides, Kitàb El-Istiqça, II, p. 21, 30, 54;
— aussi l'édition Schefer de Léon l'Africain, II, p. 72,73, 438 et 439;— sur la
médersa de Grenade, Almagro Cardenas, Inscripciones de Granada, p. 205 et
suiv.
3. Cf. Daumas, la Kabylie, p. 60; — aussi Devoulx, Édifices religieux de
Cancien Alger, p. 10 et suiv.
SlDÎ BOU-MEDINÉ â7l
Khdngdh^ à la Tekkié^ au couvent de derviches de l'Orient,
produit du mysticisme persan. Les textes la placent fréquem-
ment sur le même rang que le ribdt^ qui lui, nous reporte,
quant à son origine, jusqu'aux premiers siècles de l'islam ^
Zdwiya et ribdt sont, dans le Maghrib, devenus à peu près syno-
nymes, et le premier terme a fini par supplanter entièrement
le second, au point de subsister seul aujourd'hui-. La zdwiya
est un lieu de réunion de dévots qui veulent vivre à l'écart du
monde, parfois un endroit de pèlerinage; on y prie, on y récite
le Coran, on y fait des cours; des étrangers de passage et des
étudiants qui y font séjour trouvent également à s'y loger. Ce
sont là autant de manifestations parallèles de la vie rehgieuse
de l'islam. La mêdersa qui fleurit sous les monarques de Fâs
et de Tlemcen, successeurs des Almohades tombés, n'est
peut-être qu'une « officialisation » de cette école de zdwiya;
dans les nouveaux collèges, dont la vanité ou la piété des sul-
tans maghribins accroîtra d'année en année le nombre, les
étudiants, soumis à une règle, vivant en comnum comme les
gens de zdwiya, ne seront plus entretenus par la charité
privée, mais toucheront sur les revenus royaux, sur ceux des
biens que la munificence royale à immobilisés au profit de
l'étabhssement, leur provision de farine, d'huile, de charbon, etc.
C'est le chef de l'État qui accordera l'admission dans le
collège fondé par lui^ et à une époque où les rouages adminis-
tratifs des empires maghribins se compliquent, c'est parmi les
1. Sur l'évolution du mot ribàt dans le Maghrib, cf. Doutté, les Marabouts^
p. 29 et suiv.
2. Gomp. révolution des termes désignant des édifices religieux en Égypte,
ap. Van Berchem, Matériaux pour un Corpus^ I, 124, note 1.
3. C'est ce qui ressort de l'histoire de l'admission de Ben-Zekri à la médersa
de Sîdi Bou-Médine, rapportée ap. Complément de Uiistoire des Benl-Zeiyân.,
p. 361.
272 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
anciens étudiants des médersas, les faqih nourris de fortes
études musulmanes, que les princes choisiront leurs cadis, leurs
vizirs, leurs conseillers écoutés'.
Au point de vue architectural, c'est encore à \d.zâwiya et au
ribât que fait songer la disposition de l'édifice de la médersa.
Le plan cruciforme qui caractérise essentiellement la madrasa
égyptienne parait ici tout à fait inconnu 2 : une cour carrée, une
grande salle au fond, à la fois pour les cours et la prière, sur
les côtés des cellules pour les pèlerins et les étudiants, telle
est la disposition classique des zdwiya^ telle est déjà celle
de l'antique ribât de Sousse'^; telle est enfin celle de la
Médersa niérinide do Sîdi Bou-Médine, qui reste, jusqu'au
jour oii une étude exacte aura été faite des grandes médersas
marocaines, un spécimen unique et par suite fort important
des collèges maghribins du moyen âge ^.
1. D'autre part, cette création ne paraît pas avoir été envisagée avec bien-
veillance par tous : un auteur du viii'' siècle de l'hégire se plaint que la cons-
truction des médersas ait fait disparaître la science {Boslân, notre manuscrit,
p. 324).
2. Cf., sur révolution architecturale de Tédifice de la madrasa égyplienne,
Van Berchem, Matériaux pour un Corpus, p. 533 et suiv. ; — l'emploi du
plan cruciforme, inspiré, en Egypte, par le désir de permettre dans un même
édifice renseignement de la jurisprudence suivant les quatre écoles ortho-
doxes, n'a pas sa raison d'être dans le Maghrib, où l'école mâlikite a seule
des adeptes au moyen âge.
3. Cf., sur le ribât de Sousse, Houdas et Basset, Épigraphie tunisienne^
p. 12 et suiv.; — dans l'intérêt de l'archéologie maghribine, il serait à
souhaiter qu'une étude exacte de cet important monument fût vite entre-
prise.
4. Le plan de la médersa de Bou-Médine doit aussi être rapproché de celui
de la mosquée : la salie du fond correspond à la salle de prière, la cour car-
rée au çahn, les rangées de cellules des deux côtés aux cloîtres latéraux
intérieurs; la salle du fond est au reste pourvue d'un mihrâb, comme une
salle de prière; en Egypte, la madrasa, très différente dans son principe de la
mosquée, l'influence peu à peu et arrive à se confondre avec elle ; dans le
Maghrib, il se peut que la mosquée ait, dès l'origine, fait sentir son influence
sur le plan de la Médersa.
SiDI BOU-MÉDINE
274 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
Cette médersa de Sîdi Bou-Médiiie est postérieure de huit
années à la mosquée ; elle fut, comme ce dernier monument,
l'œuvre d'Aboul-Hasen le Mérinide, et participa aux mêmes
libéralités, dont la liste est soigneusement dressée sur la table
de habous mentionnée précédemment Elle eut des professeurs
célèbres, le Kliatîb ibn Merzouq, le chîkh Senousi ; elle abrita
enfin pendant quelque temps dans ses murs le grand Abd-er-
Rahmân Ibn-Khaldoun^.
Située sur une éminence, à TOuest de la salle de prière de
la mosquée, et séparée de cette salle par le passage étroit du
cloître extérieur, elle est le dernier étage de cette superposi-
tion de monuments qui, commençant au petit palais, s'échelonne
sur le flanc de la colline. Un grand escalier de quinze marches
y donne accès. Sur la terrasse à laquelle on parvient, s'ouvre
une porte monumentale garnie d'un décor en faïence élégant
et robuste [fig. 6i). Le grand cadre qui l'entoure est composé
par une répétition de losanges festonnés analogues à ceux des
minarets. Des plaques vernissées brun et vert s y incrustent
dans un réseau de briques. Deux écoinçons à décor géométrique
en mosaïque sont limités par ce cadre et par un double feston
enveloppant le fer à cheval de l'entrée ^.
L'atrium dans lequel on pénètre est bordé sur ses quatre
faces par une galerie couverte établissant une circulation au
premier étage. Seize cellules s'ouvrent sur ce portique et sur
une arrière-cour qui flanque à l'Est le bâtiment du fond. Douze
autres s'ouvrent sur la galerie du premier étage, auquel on
1. Cf. Revue africaine, août 1859, p. 410 et suiv.; — Léon rAfricain, III,
p. 32. — Histoire des Berbères, I, p. 48.
2. Cf. Prolégo)nènes, I, LVI.
3. Elle paraît analogue à une porte de Mequinez, dont une reproduction
figure dans la Grande Encyclopédie, à l'article Maroc.
XXII
PORTAIL DE LA MÉDERSA DE SIDI BOU-MÉDYEN
SÎDI BOU-MEDINE 275
accède par un escalier placé à gauche de la porte d'entrée.
Ces cellules, demeures des tolbas étudiant à la Médersa, sont
disposées sur un plan presque invariable. Elles ont 2°", 85 de
largeur et 2 mètres de profondeur. La porte cintrée en fer à
cheval brisé a O"",?? d'ouverture ; une petite fenêtre percée
au-dessus de cette porte éclaire l'in-
térieur. Une niche cintrée, large de
0",37, est creusée à hauteur d'appui
pour la lampe et les livres de l'étudiant.
Un couloir couvert par de petites
voûtes barlongues se trouve à droite
de l'entrée. 11 fait communiquer la
cour principale avec la petite cour
des latrines. Ces latrines sont d'une
proportion élégante et d'une distri-
bution logique. Une arcade centrale
abrite un bassin ; huit logettes
s'ouvrent autour, séparées entre
elles par des murs de refend, ne
montant pas jusqu'au haut. Un
canal d'adduction non couvert creusé
dans le mur du fond les alimente
d'eau vive. Le plafond est formé par
des voûtes d'arête.
Au fond de la cour principale,
ornée de vasques rectangulaires
s'élève le bâtiment essentiel de la médersa, à la fois
salle de cours et de prière. Il est carré et couvert d'une grande
coupole de bois s'indiquant à l'extérieur par l'habituel toit de
tuiles vertes. Un mihrâb s'ouvre dans le mur du fond. Six
FiG. 64. — Fragment
du cadre du portail.
276 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
fenêtres hautes éclairent cette salle. Elle était entièrement
revêtue d'une somptueuse décoration de plâtre dont seul un
deaii-pan de mur a subsisté.
Elle se compose d'une frise de plâtre à décor polygonal
Losange des garnitures. — A. Raccord avec le cadre supérieur.
encadré par des bandes d'inscriptions cursives, d'arcades et de
panneaux garnis d'arabesques. Cette ornementation offre natu-
rellement beaucoup d'analogie avec celle de la mosquée, qui
SÎDI BOU-MÉDINE 277
M est antérieure de huit années. Les motifs géoiiiétriques
d'angles reproduisent assez exactement les rosaces des portes
de bronze (fuj . 58); mais il semble que rinfluencc des monu-
ments andalous s'y fasse plus directement sentir par l'accen-
tuation donnée aux reliefs, la tournure de certains ornements
conventionnels et par les éléments de la flore. Le losange fes-
tonné que nous reproduisons ici [fig . 65) remplace la super-
position de palme des décors tlemceniens [ficj . 9, H) par un
profil de moulures qui rappelle le dé(^or des tympans ajourés
de l'Alhambra et de l'Alcazar. Le décor floral se sert de la
palme à œillets et à nervures, encore munie de sa tige. On y
rencontre aussi la palme à garniture de rinceaux de Sîdi Bel-
Hassen et des palais espagnols.
Une frise de bois court au-dessous de la coupole ; elle porte
sculpté en caractères andalous, un poème en l'honneur du
fondateur :
« Louange à Dieu maître de l'univers !
« Celui qui m'a fondée, afin de perpétuer dans mon sein la
religion de l'islam, est le prince des musulmans, Abou'l-Hasen,
dont les éminentes qualités sont au-dessus des louanges les
plus pompeuses que le souffle poétique peut inspirer ; — Imam
dont les mérites ne sauraient se décrire si l'on songe à tous
les actes qu'il a accomplis en vue de la religion ; — fils d'Abou-
Saîd, possesseur des dignités les plus hautes. Il a réjoui par
ma construction les yeux des hommes ; — son créateur Ta
nommé Ali, il l'a élevé, en effet, au rang suprême, et lui a
donné la science certaine de la foi; — il s'est servi de lui pour
manifester par des œuvres pieuses la grandeur de la religion,
et la rehgion sera son soutien. — Mois de Rabî second de
l'année sept cent quarante-sept.
278 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
« Puisse son bonheur durer toujours ! Son but a été d'ouvrir
un asile aux sciences. — Que Dieu exauce les désirs qu'il forme
pour lui complaire et qu'il lui soit à jamais en aide^ »
La coupole circulaire, dont le sommet est formé de plusieurs
défoncements successifs, rayonne autour d'une étoile à qua-
rante-huit pointes. Les baguettes cintrées qui la composent,
après avoir donné lieu à plusieurs combinaisons géométriques,
viennent reposer sur quatre portions horizontales également
garnies par des emmanchements de bois formant treilHs. Elle
paraît dater de l'époque turque.
Les gens de Bou-Médine déclarèrent à Bargès que la
Médersa toute entière était l'œuvre du bej Mohammed el-
Kebîr ; ce chef y fît peut-être exécuter quelques restaurations,
en même temps qu'il confiait à Çarmachîq la réfection de la
qoubba. Mais, au moment où les troupes françaises entrèrent
à Tlemcen, la Médersa était dans un état d'extrême délabre-
ment, et elle ne fut restaurée par le service des Monuments
historiques qu'à une date assez récente 2.
F. — Maison de l'oukîl
Suivant une tradition que nous avons recueillie de la bouche
de vieux Eubbâdois, la maison actuelle de loukîl de Sîdi Bou-
Médine, attenante à la partie Nord-Ouest de la mosquée, aurait
été, jusqu'à la fin du xviii' siècle unezâwiya pour les pèlerins,
1. Cf. Revue africaine, août 1859, p. 408, 409.
2. Cf. Bargès, Tlemcen, ancienne capitale, p. 310; — de Lorral, Tlemcen"»
p. 328.
SÎDI BOU-MÉDINE 279
et aurait connu une disposition intérieure toute différente ^ ;
c'est le bey Mohammed el-Kebîr qui aurait substitué aux
petites cellules, qui occupent d'ordinaire les côtés de la cour
des zâwiya, les grandes pièces composant aujourd'hui le
logement de Touldl du tombeau. Le service des Monuments
historiques y a beaucoup retravaillé à des dates récentes, et
aujourd'hui cet édifice n'offre plus le caractère que d'une
simple mais assez élégante demeure arabe.
La porte donne sur la cour qui sépare la mosquée du tombeau.
Un vestibule suivi de couloirs formant coude protège le logis.
L'atrium, muni d'un petit bassin octogonal, est abrité par une
treille. Des portiques le bordent de trois côtés, établissant une
circulation au-dessus. Les chambres donnent sur ces portiques.
Elles sont, comme tous les appartements tlemceniens, peu pro-
fondes et très longues, dépassant à peine 2 mètres dans un
sens et atteignant plus de 10 mètres dans l'autre. Les extré-
mités reçoivent les caisses, les couvertures, les coussins qui
constituent la partie la plus importante du mobilier arabe.
C'est dans la partie médiane, la plus voisine de la porte, que se
trouvent les défoncements ménageant dans l'épaisseur du mur
des banquettes, des retraits, des niches pour les bougies, les
livres, les objets d'un usage journalier. Le plafond de ces
chambres devait se composer, suivant la coutume, de rondins
très rapprochés portant sur les deux longs murs.
Il n'y a pas de logement au premier étage, mais une circu-
1. La zâwiya d'El-Eubbàd est citée par les textes (Cf. Histoire des Ber-
bères, IV, 2"Î2) ; c'est vraisemblablement cet édifice que désigne Marmol
comme «un hôpital pour recevoir les étrangers» (Léon l'Africain, III, p. 32;
— Marmol, V Afrique^ II, p. 355). Bargès s'enquit de cet établissement et ne
put obtenir aucun renseignement de ses guides {Tlemcen, ancienne capitale,
p. 311).
280 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
lation déjà mentionnée, et des terrasses à différents niveanx
couvrant les chambres, le passage d'entrée, et allant, en con-
tournant la conr, rejoindre la coupole dn tombeau.
De Tautre côté du couloir voûté, qui, de Textérieur, donne
passage dans la cour séparant la mosquée du tombeau, l'on
trouve aujourd'hui une cour avec quelques bâtiments en ruines.
C'étaient, d'après les renseignements recueillis par nous, des
logements annexes de la zâwiya; en outre un escaher, partant
de cette cour donne accès à deux petites maçrîya qui sur-
montent le passage voûté. Elles servent encore de logement
aux rares pèlerins qui veulent passer la nuit auprès du saint, et
sont ainsi les derniers restes de la zâwiya d'El-Eubbâd.
G. — Latrines et bains publics
A l'Orient de la mosquée et séparés d'elle par une ruelle
assez large, se trouvent, des latrines et des bains publics. Ce
sont les lieux de purification rituelle, annexes naturelles du
sanctuaire, et ils datent vraisemblablement de la même époque.
Les latrines, qui occupent la partie Nord de ce paté de con-
structions, ont leur entrée au milieu du mur Ouest, sur la ruelle.
Elles ont 10°", 50 de long sur 8 mètres de large. A l'intérieur,
un carré central de 4°',50 est surmonté d'une coupole. Des
demi-voûtes d'arête faisant, comme d'ordinaire, passer du carré à
l'octogone, permettent l'étabhssement de ce dôme circulaire. Le
pourtour est occupé, contre le mur Est, par de longs bassins
d'ablution, alimentés d'eau courante, contre les murs Nord et
Sud et des deux côtés de la porte par des logettes cabinets
SÎDI BOU-MÉDINE 281
d'aisance, suivant Thabituelle disposition des édifices de ce
genre. Les plafonds et la coupole sont percés de jours et ornés
de frustes caissons géométriques, rosaces et polygones étoiles.
Les bains publics ont également leur entrée sur la ruelle.
Elle donne par un court passage coudé dans une salle couverte
d'un dôme. Cette salle, le classique apodyterhim^ a 6 mètres
de long sur 8 de large et se trouve contiguë au mur Sud des
latrines. Elle est extrêmement simple, et nul relief n'orne sa
coupole percée de jours. Par une large porte ouverte au Sud-
Est de Vapodyterhim^ on pénètre dans une première salle,
=1
FiG. GG, — Plan des latrines publiques.
puis de là dans une seconde, parallèle à la première et située à
l'Est, et enfin dans une troisième parallèle aux deux premières.
Ces trois salles ont une même longueur de 8 mètres. La troi-
sième seule a conservé son affectation primitive d'étuve. Les
deux premières, munies de bassins et de piscines, ne servent
plus que de débarras. Mais elles étaient assurément destinées,
la première à jouer le rôle de frigidarhim, et la deuxième celui
de tepidarium. Des voûtes en berceau, traversées par des
tubes en poteries couvrent ces trois salles parallèles.
282
LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
H. — Marabout de sîdi bou-ishaq et-tayyAr
Les ruines énigmatiques de ce petit monument occupent un
tertre près d'une source, à gauche et aux trois quarts de la
route qui, à travers d'anciens cimetières, conduit à Sîdi
Bou-Médine. On peut les considérer comme une annexe de
ce village. Elles remonient vraisemblablement au début
du xiv° siècle et Tédifice dont elles sont les restes dut
faire partie d'Eubbâd es-Sefli. Ces ruines se composent d'abord
de quatre arcades en briques, groupées de manière à former
un quadrilatère. Une cinquième arcade s'appuyant au pilier
Sud-Est du quadrilatère,
^^^^ i indique l'existence anté-
e d'un second quadri-
Source ■
latère prolongeant à l'Est
le premier; des substructions
de murs dessinent encore
le carré sur les trois autres
faces. D'autre part, une
amorce d'arcade parfaite-
ment visible au milieu de
la face Ouest du pilier Sud-
Ouest fait supposer qu'un troisième quadrilatère prolongeait
vers l'Ouest le monument. Enfin, à l'extrémité Est de la
cinquième arcade, maintenant isolée, un mur de 3 mètres part
transversalement dans la direction du Sud. Un pignon
presque intact le surmonte, et une porte basse le perce;
FiG. 67. — Plan du marabout de
Sîdi Bou-Ishâq et-Tayyâr.
SÎDI BOTJ-MÉDINE 283
Tarcade brisée de cette porte est décorée sur la face exté-
rieure par une succession de très jolies découpures à festons
et à lambrequins indiquant une bonne époque de Tart mo-
resque; les arcades du monument, qui ont l'orientation Est-
Ouest, sont brisées ; celles qui ont l'orientation Sud-Nord sont
en plein cintre.
L'eau d'une fontaine, adjacente aux ruines des substructions
qui dessinent le quadrilatère oriental, s'écoule dans des bassins
de pierre grossièrement creusés.
Quelle put être la destination primitive de ce petit édifice,
qui passe, d'après la tradition, pour contenir les restes de Sîdi-
Bou-Ishâq et-Tajyâr ^ Fut-il tombeau ou oratoire? La présence
de pierres tumulaires dans le quadrilatère, qu'une coupole
pouvait recouvrir semblerait s'accorder avec cette tradition.
Mais le niveau assez élevé qu'occupent aujourd'hui les chdhed
dont nous parlons ne permet pas de supposer qu'ils soient ceux
du saint en l'honneur de qui fut élevé le monument. On peut
affirmer, dans tous les cas, qu'il y eut là une de ses superpo-
sitions de sépultures dont les exemples sont si fréquents.
Mais, l'importance des dépendances pourrait faire voir dans
ces ruines les restes d'un petit oratoire-; les tombes, aujour-
1. Le Bostân (notre manuscrit, p. 112), dit de ce personnage « Ibrâhîm le
secours suprême, c'est-à-dire Abou-Ishâq et-Tayyâr, est un des plus grands
saints. 11 mourut avant la fm du \iv siècle de THégire. Son tombeau à El-
Eubbàd est fort visité et bien connu par ce fait que les vœux formés auprès
de lui sont exaucés. » Le nom (ÏEt-Tayyâr « le volant » aurait été donné à ce
personnage parce qu'il avait la faculté surnaturelle de voler en l'air (Cf. Gold-
zitier, Mo/iam. Studien, II, p. 294). D'autre part, Brosselard {Revue africaine,
août 1859, p. 413, note 2), le confond mal à propos avec Abou-lshàq-Ibràhîm-
et-Tenesi mort sous le règne d'Abou-Saîd Otsmân et sur lequel on peut con-
sulter Histoire des Beni-Zeiyân (p. 23 et suiv.).
2. Le Bostân cite une mosquée de Sîdi't-ïayyâr mais sans autre indication
(uotre manuscrit, p. 189).
284 LES MONUMENTS? ARABES DE TLEMCEN
d'hui. apparentes, occuperaient le sol d\me ancienne. mosquée K
Les substructions du mur oriental du deuxième quadrilatère
offrent une échancrure fort visible ; ne marquerait-elle pas rem-
placement d'un ancien mihrâb, orienté à TEst-Sud-Est comme
ceux des anciennes chapelles d'Eubbcâd es-Sefli? D'autre part,
Duthoit dit que Tare oriental (il désigne vraisemblablement par
là la petite porte basse du mur transversal à pignon) faisait
communiquer la salle couverte avec une cour. La position de
la fontaine, affectée primitivement aux ablations, se trouverait
ainsi expliquée.
Mentionnons, enfin, la présence, dans un champ situé à
quelques mètres au Sud-Est de cet édifice, de ruines en pisé
qui nous révèlent l'existence à cette place d'un bâtiment assez
considérable.
Des fouilles seules, en amenant la découverte de débris ou
d'inscriptions, pourraient fixer définitivement sur le plan et
l'emploi primitif de ce petit monument.
1. Comp. Doutté, ap. Journal asiatique, 1902, p. 180.
MOSQUÉE DE SIDI' LHALWI
(Côté Sud)
Pl. XXIV
MOSQUÉE DE SIDI' LHALWI
(Côté Nord)
IX
MOSQUÉE DE SIDI L-HALW!
La légende du saint tlenicenien Sîdi'l-Halwi a été ra-
contée par Brosselard dans un récit plein de pittoresque et
de vie^. Nous ne le reproduirons pas ici. Aujourd'hui la tombe
du walî s'élève à 100 mètres à peine de l'angle Sud-Est de
l'enceinte de la ville ; c'est un modeste édicule carré ; recou-
vert d'un toit de tuiles et ombragé d'un gros caroubier. A ses
pieds, au bas de la colline, se dresse l'oratoire que les Méri-
nides élevèrent à la gloire du saint personnage, et autour se
groupe le petit village qui porte son nom. D'autre part, les
textes font fréquemment mention d'une zâwija et d'une mé-
dersa attenantes à la mosquée de Sîdi'l-Halwi-; mais ils sont
muets sur la date et sur l'auteur de ces fondations, dont rien
au reste ne subsiste plus aujourd'hui.
Postérieure d'environ quatorze ans à la mosquée de Sidi
Bou-Médine, placée comme elle sur une pente assez forte et
s'encastrant dans une tranchée creusée de main d'homme, la
1. Cf. Revue africaine^ février 1860, p. 161 et suiv. ; — cf. aussi Tlcmcen^
uncienne capitale^ p. 413 et suiv.
2. Boslân (notre manuscrit), p. 46, 64, 67, 68, 74, etc.; dans son dernier état,
la porte de la ville qui dominait le village de Sîdi'l-Halwi était fréquemment
dénommée Bàb-ez-Zà\viya»
286 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
mosquée de Sîdi'l-Halwi est élevée sur un plan analogue et
presque dans les mêmes proportions. Une sorte d'arc de
triomphe couronné de nierions marque l'entrée du terre-plein
qui s'étend devant la façade. Un perron extérieur de six
marches précède la porte principale placée dans le grand axe
du monument. Le minaret s'élève à l'angle de cette façade en
saillie sur le côté Ouest.
Le portail, s'il n'a pas le grand aspect décoratif du porche
de Sidi Bou-Médine, emprunte cependant un caractère d'élé-
gance classique à son sobre cadre de céramique, malheureuse-
ment bien endommagé aujourd'hui, ainsi qu'au bel auvent
sculpté qui le couronne encore. Il ne reste rien des faïences
qui décoraient le cintre. Il était sans doute revêtu, comme
celui de Sîdi Bou-Médine, d'arcades dentelées et d'écoinçons à
arabesques géométriques et florales L Les parties subsistantes
ne commencent qu'avec le cadre rectangulaire. Partant à la
hauteur de l'encorbellement de l'arc en fer à cheval, il est
formé d'entrelacs et de rosaces géométriques en mosaïques de
faïence, blanc, vert, brun, bleu et jaune. Une bande mince le
surmonte où court l'inscription dédicatoire en caractères anda-
loLis. La voici telle que l'a relevée Brosselard: «Louange à
Dieu unique ! Celui qui a fait élever cette mosquée bénie est
notre maître le Sultan... fils de notre maître le Sultan Abou'l-
Hasen AH, fils de notre maître le Sultan Abou... Otsmân, fils
de notre maître Abou-Yousef Yaqoub ben Abd-el-Haqq. Que
Dieu fortifie son bras victorieux. — Année sept cent cinquante-
quatre (754) "^. » Deux lacunes produites par l'écaillage des
1. Un projet de restauration de ce portail a été exposé au Salon de 1899, par
M. Rattier, architecte.
2. Cf. Revue africaine, août 1860, p. 322.
MOSQUÉE DE SÎDI'l-HALWI 287
émaux ne gênent heureusement pas Tarchéologue dans l'attri-
bution du monument. La date de fondation suffit pour Tattri-
buer au sultan mérinide Fâres (749-759 = 1348-1358).
Une frise plus large règne au-dessus formée de quatre rosaces
octogonales découpées dans l'émail noir et incrustées dans le
réseau de la maçonnerie. Elles sont semblables à celles de
FiG. 68. — Console de Fauvent et détails des palmes.
Sîdi Bou-Médine, mais s'en distinguent cependant par Tabsence
de filets verts. Une branche du cadre du bas vient rattacher
cette frise au reste de la composition. Deux saillants, par-
tant de fond et décorés aussi de rosaces, montent jusqu'aux
blochets sculptés qui soutiennent l'extrémité de l'auvent.
288 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
Celui-ci s'avance, en outre, sur treize consoles d'un travail
délicat, qui s'appuient elles-mêmes sur une bande ornée d'un
motif d'un faible relief et portant en son milieu une inscrip-
tion coufîque^ De semblables motifs se rencontrent dans les
monuments espagnols du même âge : la grande porte de
l'Alcazar, la porte extérieure de la mosquée à l'Alhambra, et
celle de la cour de l'Alberca en offrent des exemples ; mais
jamais, peut-être, l'imagination des artistes arabes n'avait tiré
meilleur parti de cette formule décorative.
Le çahn a 10™, 10 de long et 10°", 60 de large. Il est bordé
de nefs simples portées sur des pieds droits. La salle de prière,
qui a 13°", 68 sur 17°", 50, est divisée par cinq nefs ayant cha-
cune 3 mètres de large, à l'exception de la nef médiane, qui a
3°", 35. Les quatre travées d'arcades intérieures sont portées
par deux rangs de colonnes d'onyx, dont la hauteur, y compris
le chapiteau, est de 2 mètres. Une travée transversale coupe
les nefs, parallèlement au mur du mihràb. La disposition des
fenêtres du fond, celle de la chambre des morts, celle des
grandes portes latérales reproduisent l'ordonnance de Sidi Bou-
Médine. Les arcs sont des ogives en fer à cheval. Leur bri-
sure est plus sensible que celle des arcs de Sîdi Bou-Médine.
Celui qui ferme la nef médiane est très écrasé.
Toutes les nefs sont couvertes par des plafonds de bois à
assemblage apparent. La coupole, qui d'ordinaire précède le
mihràb, est remplacée par un plafond carré plus élevé que les
autres et s'accuse extérieurement par un toit de tuile à quatre
croupes ayant un assez fort commandement sur les toits des
1. La même qui rè^^ne à l'intérieur de la mosquée, tout autour du plafond
(Cf. infrà, fi(j. 74).
49
290 LES MONUMENTS AÎIABES DE TLEMCEN
nefs^ Le cadre du milirâb a perdu toute décoration. Les arca-
tures reposant sur les colonnes en sont dépourvues aussi; seuls
les cintres du cloître et les arcs transversaux qui s'appuient
sur les pieds droits portent un beau revêtement de bordures
circulaires, d'écoinçons et de frises. La voûte du mihrâb est à
stalactites; l'arc repose sur deux colonnes d'onyx, dont les
chapiteaux, copiés sur ceux qui, à Sîdi Bou-Médine, remplissent
le même emploi, portent un turban où Ton peut lire les deux
inscriptions suivantes : Chapiteau de droite : « Mosquée du tom-
beau, du chîkh aimé de Dieu, et l'élu de sa grâce El-Halwi,
que la miséricorde divine soit avec lui ! » Chapiteau de gauche :
« L'ordre d'édifier cette mosquée bénie est émané du serviteur
de Dieu, celui qui met sa confiance dans le Très-Haut, Fâres,
prince des croyants » Ils offrent ces particularités d'avoir été
privés de leurs volutes angulaires, soit par un vandalisme
inexplicable, soit par la chute accidentelle d'un pan de mur
voisin, et d'être de plus des chapiteaux dégagés et complets
dont les faces postérieures sont en partie enfoncées dans le
mur.
Les chapiteaux des nefs sont d'un modèle unique et d'un très
beau style. Les colonnes, d'un admirable onyx, translucide et
veiné, sont un peu courtes, mais soigneusement taillées, et les
chapiteaux s'y adaptent parfaitement. Sur les deux premières,
Brosselard, après avoir fait gratter le badigeon de plâtre qui
les recouvrait, put lire l'inscription suivante : « Fait par
Ahmed, fils de Mohammed El-Lamti dans le mois lA de l'année
1. Notre photographie (Pl. XXV), prise par derrière et au-dessus de lauiosquée,
montre la disposition des toits de ces nefs. Le pavillon précédant le mihrâb,
les deux toits en pyramide qui le flanquent, les toits des nefs, réunis au fond
parle toit de la première nef du çahn, enfin, à droite, le toit du portail.
2. Cf. Brosselard, Revue africaine, août 1860, p. 326.
FiG. 70. — Cadran solaire.
292 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
IVMZ » (onzièmo mois de raiinoe 747, d'après le coraput en
lettres usité dans le Maglirib^j. Mais il eut tort, à notre avis,
de conclure que cette mention s'appliquait aux colonnes elles-
mêmes. Sur Tune d'elles, en effet, nous avons remarqué un
cadran solaire dont les légendes sont exactement du même
caractère et do la même main que l'inscription dont nous par-
lons, et pour nous, il n'est pas douteux que la signature d'El-
Lamti s'applique, non à la colonne elle-même, mais au cadran
solaire ; l'ensendde constitue à nos yeux un curieux spécimen
de ce caractère carré qui se montre sur les instruments
d'astronomie jusqu'à une époque relativement récente, et qu'on
a assez justement dénonnné coufîque astronomique-. Nous en
donnons ici le fac-similé [fïg . 70). Brosselard remarque, en
outre, que la mosquée de Sidi'l-Halwi ne date que de 754,
que l'inscription en question lui est donc antérieure de sept
années, et il en conclut que les colonnes qui la portent devaient
primitivement avoir une affectation différente. Il rappelle que
c'est en 745 qu'Abou'l-Hasen fit commencer le palais de la
Victoire à Mansourali, et conclut que ces colonnes, primitive-
ment destinées à l'achèvement ou à l'agrandissement de ce
palais, et n'ayant pu y être employées, furent utilisées par le
fils d'Abou'l-Hasen pour l'embellissement de la mosquée qu'il
faisait bâtir Cette hypothèse nous parait fort plausible et,
1. Cf. Revue africaine, août 1860, p. 323, 324.
2. Cf., sur le coufîque astronomique (\\xe\Q\\ie[C)\s aussi appelé coufîque e/e,
Vo.n 'QevchQin, Notes d'arcJiéologie, 11, p. 16; — Matériaux pour un Corpus,
p. 179 et pl. V, n° 3 ; — Delpliin, l'Astronomie au Maroc, où Fauteur révèle
la présence du caractère carré sur des instruments d astronomie jusqu'à une
époque moderne; par contre, le cadran solaire de Cairouan, daté de 1258 de
l'hégire (1830), est en caractères arrondis (Cf. Hondas et Basset, Épigraphie
tunisienne, p. 23).
3. Cf. Bévue africaine, août 1360, p. 324.
MOSQUÉE DE SiDi'L-IIAL WI 293
dans le même sens, nous ajouterons quelques remarques :
d'abord que le cadran solaire se trouve actuellement placé
dans un endroit que le soleil n'éclaire jamais ; c'est donc que
les colonnes qui le portent ne sont pas là où elles devaient
primitivement être ; qu'en outre, un cadran solaire ne pouvant,
FiG. 71. — Chapiteau.
dans nn édifice, occuper qu'une place spécialement déterminée,
on doit penser que ces colonnes ne furent pas seulement des-
tinées à l'embellissement d'un portique en projet, mais
294 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
qu'elles y furent vraisemblablement mises en place et ne
furent enleA^ées que dans la suite.
Les chapiteaux de ces colonnes sont semblables à ceux
qu'on a retrouvés dans l'intérieur de la mosquée de Man-
sourah et à deux des spécimens du tombeau de Sîdi Bou-
Médine qui, nous l'avons vu, ont la même provenance.
Des décors légers y séparent les méandres ; le turban sans
inscription apparaît dans un triangle limité par la superposi-
tion de palmes doubles qui, dans le revêtement de plâtre,
constitue le losange si souvent employé; des palmes partant
de l'angle, comme dans l'exemple reproduit plus haut [fig. 54),
remplacent les volutes primitives. Ce faible relief est admira-
blement adapté à la forme et k la matière. Lorsqu'on leur
compare les chapiteaux de la mosquée de Sîdi Bel-Hassen, on
est tenté de juger le monument, qu'éleva un demi-siècle avant
Abou-Saîd Otsmân ben-Zeiyân, œuvre de décadence, et ces
indices d'un art plus robuste et plus pur, que les Mérinides
auraient apporté avec eux, nous font regretter davantage
l'ignorance où nous sommes des merveilles semblables que le
Maroc doit contenir.
Quand eut lieu l'érection de ces colonnes et l'abandon des
résidences de Mansourah? A côté de ce petit problème chro-
nologique s'en pose un autre dont la solution est peut-être
connexe à celle du premier. D'où vient qu'ici les arcades que
soutiennent les colonnes sont sans ornements, alors que le
décor très riche des autres parois, les assemblages des plafonds,
les chapiteaux du mihrâb, tout dénonce le soin qu'apporta le
sultan mérinide à l'édification de ce temple? Faut-il voir dans
ces colonnes un apport ultérieur à cette édification, apport qui
aurait nécessité une réfection totale des arcades? Ces surfaces
MOSQUÉE DE SÎDI'l-HALWI 295
ne durent-elles pas, soit pour un effet voulu, soit par suite
d'une interruption prématurée des travaux, se passer toujours
d'ornement? Le décor primitif tomba-t-il, ainsi que celui qui,
nous n'en doutons pas, encadrait le mihrâb, désagrégé par
l'humidité, victime de l'imprévoyance de l'édilité turque? Cette
dernière explication doit sans doute être préférée. De senib]al)les
dégradations ne sont pas rares. Nous en avons vu des exemples
à Sîdi Bel-Hassen et à la Médersa de Sîdi Bou-Médine; et, au
FiG. 72. — Décor de plâtre. Bordure de cintre.
reste, le mauvais état de conservation du portail de Sîdi'l-
Halwi montre que ce monument eut particulièrement à souffrir.
Le goût des intérieurs frustes est, d'autre part, peu conforme
aux habitudes arabes. Le sultan Fâres ne mourut, étranglé
des mains de son ministre, que cinq ans après Tédification
296 LES MOiNUMENTS ARABES DE TLEMCEN
de la mosquée. C'était plus qu'il n'en fallait pour achever les
travaux.
Enfin, l'hypothèse d'une restauration importante des
arcades laisserait supposer la réfection des plafonds qu'elles
supportaient. Or ces plafonds, par l'élégance de leur forme,
l'ingéniosité de leur composition, portent la marque indiscu-
table d'une très bonne époque d'art.
Il semble donc fort probable que colonnes et chapiteaux
furent incorporées à la mosquée de Sîdi'l-Halwi au jour même
de sa fondation. Il en résulte que Ton ne peut guère assigner
aux demeures royales de Mansourah qu'un maximum de sept
ans d'existence. Du
temps même des Mé-
rinides, elles furent
abandonnées, et les
fragments qui les
meublaient dispersés
dans des construc-
tions nouvelles. C'est
peut-être à cette
même époque que la
cour du tombeau de
Sîdi Bou-Médine en
reçut sa part.
Une planche sculptée
forme frise [fig. 74). L'inscription coufîque qui la décore est
ainsi conçue : FA-Ghibta el-Mottasila wall-Baraka el-Kâmila
ivas-Sadda: u La prospérité continue, la bénédiction parfaite et
la félicité. » Elle figure également au dessous des consoles
du portail, et des eulogies analogues sont fort communes
MOSQUÉE DE SÎDI'l-HALWI 297
dans les monuments andaloiis'. Le style en est forme, assez
proche de celui des inscriptions sur plâtre de Bou-Mckline,
mais plus fruste et plus large, comme il convient à une matière
moins délicate et plus rebelle que le plâtre, et à un ornement
destiné à être placé assez haut.
Des tirants, gravés de petits motifs simples, sont engagés
dans les murs parallèles au-dessous de cette frise. La charpente
primitive, composé ^ d'arbalétriers réunis par des entraits
retroussés, est revêtue d'un faux solivage composé d'entrecroi-
FiG. 74. — Fritse de bois à inscription.
sements apparents de baguettes plates en cèdre, se coupant à
angle droit ou diagonalement-, s'assemblant à mi-bois et à
tenonf^ et mortaises. Quelques baguettes tournées, quelques
plaques de bois enclavées dans ces assemblages ou en complé-
1. A i'Alhanibra, cf. Aluiegro Cardenas, p. r!3, 125, 1(19, etc.; A rAlcazar de
Séville, cf. Aiiiador de los Rios, 131, 147, 230.
2. Voir ap. Conslantin Ulide, naudenkmacler in Spanien uiid Poilugal^
Berlin, 1892, p. 27, un rapprochement curieux des treillis formés par ces
pièces de bois avec le treillis des huttes Kirgis étudiées par Dieulafoy.
FiG. 15. — A, B, garnitures des plafonds. — G, 'entrait.
FiG. 76. — A, B, garniture des plafonds. — C, arête. — D, spécimen d'emmanchement.
300 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
tant l'apparence, quelques motifs peints en blanc et noir sur
les planches qui forment le fond des caissons polygonaux, de
sobres gravures sur les pièces de bois complètent Tornemen-
tation. Ce genre de décor, d'une logique plus mensongère
que réelle, qui fait appel à des artifices de construction indignes
d'une menuiserie bien comprise, se trouve assez fréquemment
employé dans les édifices du Maglirib et de l'Espagne. Le
monument de Tolède connu sous le nom de Tailler del Moro,
quelques maisons de Grenade et du Maroc, la mosquée de Sîdi
Bel-Hassen en présentent des exemples ^ . Celui que nous étudions
ici en est un des plus ingénieux.
Le Minaret . — Le minaret accolé au mur occidental
rappelle beaucoup celui de Sîdi Bou-Médine. Comme la base en
est dégagée, la décoration de ses faces se prolonge plus bas
que le bord chi toit de la mosquée. Ses faces Nord et Sud
présentent un premier défoncement rectangulaire orné par
une double arcature à lambrequins et ménageant deux écoin-
çons à décor étoilé en mosaïque de faïence. Un second défon-
cement, reproduit sur les quatre faces, est occupé par une arcade
festonnée semblable à celle de Sîdi Bou-Médine. Elle est
encore accostée d'écoinçons à combinaison géométrique. Des
cadres céramiques entourent ces deux défoncements. Un grand
réseau à lambrequins décoré de fleurons règne au dessus. Enfin,
on voit encore, sur une des faces, les vestiges d'une frise ana-
logue à celle du minaret d'El-Eubbâd, mais qui s'en différencie
1. Léon l'Africain parle d'une médei'sa mérinide de P'às dont «le couvert
est fait en beau compartiment de menuiserie très excellente et bien ornée».
Description de V Afrique, 11, p. 74. — Aux xy% xvr et xvii" siècles le goût des
plafonds de menuiserie arabe était encore très marqué en Espagne. Citons k
ce propos un traité : « Compendio del arle de Carpinleria » public par Diego
Lopez Arenas, à Séville en 1G32.
MOSQCÉE DE SÎDi'l-HALWI 301
cependant en ce que les (juatre rosaces qui la composent, ne se
sectionnent pas aux angles et se déploient en entier sur toute
la largeur. L'édifice terminal, très ondonniiagé, portait aussi un
réseau de briques incrustées.
Latrines piibliqiies. — En face du minaret s ouvre la porte
de latrines publiques a])ritée par un joli auvent analogue à
celui de la mosquée et qui, quoique très abîmé, permet d'étu-
dier plus aisément les motifs sculptés.
On y retrouve la frise coufique reproduisant Tinscriptiou
de la mosquée. Directement sur cette frise portent les neufs
blochets faits de planches simples posées de clianq3 et les
blocliets extrêmes de trois planches jointives simulant une
poutre de fort équarrissage. La couverture de brique repose
directement sur ces blochets.
Le décor de bois qu'on y trouve, quoique mettant en anivre
les mêmes éléments que le décor de plâtre, leur donne une
interprétation un peu différente. Nous avons noté [fig. 68)
deux fleurons faisant partie de l'ornementation; l'un se compose
des palmes striées qui persistèrent dans les ])as-reliefs de bois,
l'autre garnit la même surface d'ind)ricalions également l)ien
appropriées à ce genre de technique. Ce dernier motif, dont
l'origine est déjà visible à la Grande Mos({uée de Tlemcen
(cf. p. 156), semble un équivalent décoratif du premier: il joue
toujours le même rôle.
Les dispositions intérieures sont sensiblement les mêmes
qu'à Sidi Bou-Médine, elles s'indi(iuent extérieurement par un
dôme à douze pans, percé de jours à cheval sur les angles,
s'élevant du milieu d'un monument rectangulaire. Ce dôme est
intérieurement orné de poljgoncb étoilés et de rosaces, mode-
lés dans le plâtre.
X
MOSQUÉE ET QOUBBA DE SÎDI BRÀHIM
Les édifices connus anjoui^riuii sous les noms de mosquée
et de qoubha de Sîdi Brâliîm nous offrent les derniers restes
d'une vaste fondation due au restaurateur de la dynastie
zeijânide, Abou-Hammou Mousa II. A un mausolée élevé en
l'honneur de ses oncles Abou-Saîd, Abou-Tsâbit et de son père
Abou-Yaqoub, ce prince annexa, suivant une pratique dont
l'Egypte offre de nombreux exemples^, une zàwiya, une mé-
dersa et un oratoire. Le tout, réuni dans une même enceinte,
entouré de jardins, était connu sous le nom de Médersa Yaqou-
bîya (du nom (F Abou-Yaqoub) et couvrait remplacement com-
pris entre les rues actuelles de Sîdi Brâhîm, Ximenës etHaedo^.
Des biens nombreux furent immobilisés au profit de l'établisse-
ment; des tables de marbre publiées par Brosselard, comme
1. Par exemple, les inadrasas-mausolées de Malik Achraf Inâl et de Malik
Achraf Qàit-Bey (Cf. Franx-Paclia, die Baukunst. des Islatr., p. 114; — Gayet,
rArt arabe^ p. 203 et suiv. ; — Van Berchem, Matériaux pour un Corpus, 394
et suiv. ; 431 et suiv.).
2. Cf. Bargès, Complément de riiisloire des Beni-Zeiyân, p. 159, 160; —
Tlemcen^ ancienne capitale, p. 334, 335 ; l'extrait de la Baghyat-er-Rouwàd cité
dans ce dernier ouvrage et où il est question «d'un oratoire avec un minaret
incrusté de faïence», n'a été retrouvé par nous dans aucun des manuscrits que
nous avons consultés.
MOSQUEE ET QOUBBA DE SÎDI BRAHÎM
303
concernant la médersa (rOnlàd-el-Imàm, nons fournissent sûre-
ment la liste des habons de la Médersa Yaqonbîja^ Dans la
suite, les abords de la mosquée et de la médersa devinrent un
cimetière royal; puis, à l'époque turque, la médersa tomba en
ruines; la mosquée et la qoubba subsistèrent seules et, par un
de ces changements de désignalions fréquents dans l'Afrique
du Nord, prirent le nom du saint Sidi Brâhim el-Maçmoudi qui,
quatre-vingts ans après la fondation, avait été enseveli dans
l'enceinte de la médersa Les ruines de la médersa n'ont été
déblayées qu'à une époque récente. Bargès, en 1846, vit
encore dans le voisinage de la mosquée un portail monumental
en briques, portant les trois premiers versets de la Soura «la
Victoire » Il ne songea pas, au reste, à identifier les restes
d'édifice qu'il avait sous les yeux avec la médersa Yaqou-
bîja
1. Revue africaine, février 1859, p. 169 et suiv. ; ces tables de marbre
datées de 763 et de 765 sont relatives à la zâwiya, à la médersa, à la mosquée
qui avoisinent le tombeau du père d'Abou-Hammou II; il n'y a donc pas de
doute possible ; en outre, dans un des manuscrits de la Baghyat-er-Rouwàd.
nous relevons le passage suivant, sûrement interpolé par un copiste, mais
qui n'en fournit pas moins d'intéressants renseignements : « En 763, Abou-
Hammou commença à construire la zàwiya et la médersa, connue sous le nom
de médersa Yaqoubîya, du nom de son père Abou-Yaqoub. Il immobilisa à
son profit de nombreux immeubles, comme il est mentionné sur deux tables
de marbre placées à la porte de la médersa; aujourd'hui on connaît cette fon-
dation sous le nom de tombeau du wali Sîdi Ibrahim El-Maçmoudi; elle est
le lieu de sépulture de nombreux saints, de savants et de sultans».
2. Cf. Tombeaux des Émirs Beui-Zeii/ân, p. 13 et suiv. ; Brosselard y raconte
comment, dans les fouilles qu'il pratiqua sur cet emplacement, il découvrit
les tombeaux d'une partie des Beni-Zeiyàn; sur la vie de Sidi Bràhîm El-
Maçmoudi (f 804 = 1401), cf. Comple'ment de V Histoire des Beni-Zeiydn, p. 259
et suiv. ; et Extrait de la Takmilet ed-Dibâdj, ap. Annales de la Sociélé archéo-
logique de Constantine, 1855.
3. Cf. Tlemcen, ancienne capitale, etc., p. 391.
4. Il voulait que la médersa Yaqoubîya eût été attenante à la mosquée de
Bel-Hassen (op. laud., p. 337).
LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
A. — Mosquée de Sîdi BrAhîm
Le plan de la mosquée est copié sur le plan classique des
monuments de la belle époque mérinide. Les dispositions archi-
tectoniques sont les mémos. La porte principale est au Nord;
deux autres portes latérales ouvrent la première travée de la
salle de prières, l'une à TEst, l'autre à l'Ouest. Elles n'ont rien
de monumental. L'arcature qui borde le çahn porte sur tout
son pourtour l'auvent établi sur des consolettes de maçonnerie.
La salle de prière est composée de cinq nefs formées par deux
rangées de pieds droits, soutenant des arcades brisées sans
aucun décor. Elle a 19 mètres de large sur 15 mètres de pro-
fondeur. Les nefs extrêmes de droite et de gauche sont cou-
vertes de voûtes d'arête.
Le mihrfd) est précédé d'une coupole, décoré de grandes
cannelures convergentes semblables à celles que présente la
Grande Mosquée. Trois fausses fenêtres le surmontent. La
petite coupole intérieure est à huit pans et sans ornements.
Le cadre du mihrâb, où l'on remarque le croissant turc, est
garni de plaques de faïence, à fond lustré variant de l'ocre
claire au rouge sombre, et à dessins lloraux bleus, jaunes,
blanc et vert. Le lustre du fond rappelle les produits de
Gubbio et de Pessaro ; on en trouve d'analogues à Alger sur
les monuments datant de l'époque turque. Le mihrâb est
flanqué de deux ouvertures, l'une à droite où s'enfonce le min-
bar, l'antre à gauche qui donnait entrée dans la salle de
MOSQUÉE ET QOUBBA DE SÎDI BRAHÎM 305
prêche maintenant disparue ^ Cette dernière est fermée par
une porte assez élégante dont le battant et le cadre sont gar-
nis de petits panneaux, de cordelières, de feuillages avec fleu-
rons dans le goût turc, de pentures de cuivre fort minces sur
transparents d'étoffe, enfin d'une inscription en caractères
maghribins. Celle-ci nous indique que les sculptures sur bois
furent exécutées dix-huit jours avant la fin du mois de Rejeb
1247 par Sâlim Bou-Djenân Ben-I^erfara. Le minbar, de facture
semblable, porte la date de Chabân 1247 et le nom de Moham-
med Ben-Hasen Ben-Ferfara. Cette date (1831-1832) nous
FiG. 77. — Carreaux de faïence à reflets métalliques.
reporte à la fin de l'époque turque. Le nom de Ben-Ferfara
était porté par deux artistes cousins, dont les vieux Tlemce-
niens ont gardé le souvenir et qui travaillèrent pour le compte
d'Abd-El-Kâder Les œuvres qu'ils nous ont laissées, d'une exé-
cution assez maladroite, se rattachent, à cinq siècles de distance,
1. Elle a été abattue lorsque le passage qui fait communiquer la rue Xime-
nès avec la rue de Sîdi Bràhîm derrière la mosquée a été élargi.
2. Cf. suprà^ Intr., p. 39 ; — et Tombeaux des Émirs Beni-Zeiydn, p. 50, note 1.
"20
306 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
à l'école qui sculpta la maqçoiira de la Grande Mosquée, l'au-
vent et la frise de Sîdi'l-Halwi. Le bois y est traité comme le
plâtre; le décor sans modelé sensible se découpe sur un fail)le
défoncement.
La mosquée de Sidi 13râliîm, primitivement simple oratoire
annexe d'une médersa, devint avec le temps mosquée-cathé-
drale ; elle était le lieu de réunion, pour la prière solennelle
du vendredi, des qouloughli, qui habitaient les quartiers voisins.
Elle a donc une sedda fort simple. Aujourd'hui encore, on y dit
la Khotba, et Wmy fait la prière en commun.
Dans le çahn, deux bassins servent aux ablutions : l'un porte
une vasque dont le pied est une colonnette d'onyx avec chapi-
teau d'un type assez archaïque ; Brosselard réussit à y déchif-
frer à la loupe le nom d'Abou-Hammou ; mais, depuis trente
ans, Feau a coulé dessus nuit et jour, et nous n'avons pu
aujourd'hui rien y lire K Diverses bases, divers chapiteaux épars
dans le çaJin proviennent apparemment des édifices disparus,
dont la mosquée n'était qu'une annexe.
Le minaret, placé à l'angle Nord-Ouest du monument et en
saillie, sur la face Ouest, est de hauteur moyenne, assez trapu,
de proportions peu élégantes. Son décor est fort simple. C'est
d'abord sur les quatre faces, au tiers environ de la hauteur, une
arcature à grands lobes encadrée dans un panneau de briques ;
une bande de faïence de 10 centimètres de largeur environ,
et formée de qlrdti - blancs, bruns, verts et jaunes disposés en
damier, surmonte ce premier étage de décoration. Un grand
l)anneaude treillis à lambrequins dont l'entrecroisement s'appuie
sur quatre colonneites vient au dessus; des fleurons de faïence
■ 1. Cf. Jo7nbeau.r des Émirs Beni-Ze'njân, p. 12,
2. en Suprà, Inlr-,p, 80-81.
MOSQUÉE ET QOUBBA DE SiDI BRÀHiM 307
verte incrustée dans la brique en relèvent la couleur générale.
Enfin l'étage supérieur est formé d'un panneau de quatre
arcades fort frustes, se détachant sur un fond de mosaïque en
damier de qirâti blanc, brun et jaune. Des nierions crénélent la
plate-forme. L'édifice terminal ne porte ancun ornement. L'en-
semble donne une impression de rudesse et d'inhabileté ; et
cette œuvre de décadence, si l'on ne connaissait sa date, pour-
rait passer pour une œuvre de début.
B. — QoT BBA DE SÎDI BrÀHÎM
Elle est située sur un petit tertre à quelques mètres à l'Ouest
de la mosquée. L'entrée, au Nord, donne snr une coiu' carrée
de 5°", 65 de côté; sur les quatre faces, des galeries couvertes
entourent cette cour, établies sur des arcs en fer à cheval
brisé qiu retombent sur quatre colonnes trapues de 1",15 de
hauteur et de 1"',55 de circonférence. Selon toute apparence,
ces colonnes, simples fûts cylindriques en onyx bien poli, pro-
viennent des ruines de Mansourah et ont été coupées en deux.
La qoubba qid fait suite est une chambre carrée de dimen-
sions identiques à celles de la cour. Le cadre de la porte a dû
recevoir, à une époque assez récente, un remaniement complet.
Le haut en est, du côté de la cour, inscrit dans un panneau
revêtu de faïence.
A l'intérieur, la chambre sépulcrale est, sur chacune de ses
faces, défoncée par une arcade en fer à cheval déformée au
sommet suivant une brisure à peine sensible. Des arabes({ues
garnissent les écoinçons qui flanquent ces arcades ; au centre
308 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
de chacun d'eux se trouve une coquille circulaire à cannelures
rayonnantes. Une inscription cursive borde les rectangles
d'encadrement et les panneaux qui les séparent ; elle porte un
texte coranique que de maladroites restaurations ont en partie
défiguré ^ Les panneaux intercalaires sont garnis de décors
géométriques ménageant au polygone de départ deux genres
FiG. 78. — Décor de plâtre, garniture des murs.
de motifs défoncés : un motif ornemental et des sentences en
lettres cursives. Ces sentences courtes sont du genre des
phrases sacramentelles El-izzou lillâh^ la majesté est à Dieu ;
1. Ce sont les derniers versets de la Soura V, « la Table ».
MOSQUÉE ET QOUBBA DE SÎDI BRÂHÎM 309
El-Amrou lillâhX^ commandement est à Dieu. Un lambris [fig.SO)
de 0°',82de haut, en mosaïque de faïence, blanc, brun, jaune et
vert garnit la base des murs. Une frise court au-dessus des
panneaux: c'est le décor géométrique habituel de cette partie
du revêtement; ]e polygone étoilé, qui occupe les centres, porte
un motif ornemental alternant avec un motif coufique. Au
dessus règne un fond où se trouvent des décors à répétition
copiés sur ceux de Sîdi Bel-Hassen et de Sîdi Bou-Médine. A
cette hauteur, deux petites fenêtres en plein cintre garnies de
claires-voies à combinaisons géométriques percent chaque mur.
La coupole à huit pans, sans aucun décor, est établie sur les
demi-voûtes d'arête ordinaires des qoubbas tlemceniennes.
Cette qoubba présente un des seuls spécimens qui nous soit
parvenu de l'art de la restauration zeiyânide après le départ
définitif des Mérinides. Moins que les autres qoubbas elle eut
à subir des restaurations durant le cours des siècles qui sui-
virent. L'élégant revêtement de plâtre dont l'avait doté son
fondateur nous est vraisemblablement parvenu intact. Seules
les plaques de faïence qui décorent la porte sont des apports
ultérieurs ; elles sont de tout point semblables à celles du
mihrâb de la mosquée.
Le styie. — Le décor de plâtre présente une grande variété
de formes en même temps qu'il témoigne d'un appauvrissement
évident du style et de la technique. L'épigraphie fait une grande
place à récriture cursive ; le coufique ne s'y rencontre plus en
inscriptions d'une certaine étendue ; il n'existe plus qu'à l'état
de motif purement ornemental de faible dimension.
La géométrie y joue un rôle assez important : c'est ici le
premier et le seul exemple que présentent les monuments
tlemceniens de décor géométrique employé dans les grandes
UO LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
surfaces et formant rornemeiit principal d'un revêtement. Le
thème n'est pas non plus du genre de ceux que nous avons
rencontrés dans les monuments déjà étudiés. C'est [fig. 78)
une combinaison de rosaces à douze pointes sur plan trigone.
Semblable ornement se remarque à Grenade, à l'Alhambra et
à l'extérieur du couvent de Zafra
près du Daro. Quant à la composi-
tion des lambris, si elle n'est point
de celles que Ton rencontre ordi-
nairement dans les revêtements de
mosaïque, elle fait, du moins, inter-
venir l'étoile à huit pointes, qui est
fréquente dans les décors de plâtre.
Ces lambris sont les seuls spécimens
de cet emploi de la faïence que nous
possédions encore. Il en existait
d'autres, et de plus beaux, à la mé-
dersa Tàchfînîya et probablement au
Méchouar. Ces deux édifices étant
démolis, nous n'en pouvons voir que
des fragments conservés au Musée
de la ville.
La flore est très simple. A part
la coquille circulaire des écoinçons
et une petite fleur à six pétales
présentées de face et d'un dessin
naïf dans les arabesques de ces mêmes écoinçons, l'élément
unique est la palme ordinaire des décors mérinides, mais
perdant de plus en plus le caractère qui la rattachait au
règne végétal : elle n'est jamais gravée de nervures intérieures,
Fig. 79. — Décor de plâtre
à ornement coufique.
MOSQUÉE ET QOUBBA DE SiDI HKÀlliM oU
le limbe et le pétiole se confondent ; elle s'assimile de pltis en
pins an irait de Técrilnre.
11 est, en somme, facile de constater dans tonte cette orne-
mentation, en même temps (pi'nne assez grande prodigalité de
thèmes différents, qnehpies-nns textnellement emprnntés anx
monnments antérienrs, un appanvrissement dn stjde qni révèle
une époqne de décadence ; la courbe s'abâtardit, le relief
devient nniforme, tont modelé disparaît.
Fie 80. — Lam])ris en mosaïque de faïence.
Si le décor de plâtre présente nn aspect panvre et monotone,
la part donnée à la décoration peinte semble en revanche })ien
pins grande. Ce ne sont plus ici seulement des tons simples
couvrant les fonds, ce sont des petits motifs qni meublent les
espaces vides devenus pins importants alors que les ornements
312 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
sculptés se rétrécissaient. Nous avons relevé [fig. 78) un
exemple de ces « garnitures », c'est un décor vermiculé noir
analogue à ceux qui décorent les plafonds de Sîdi'l-Halwi et
à ceux qu'employèrent les céramistes espagnols. Ajoutons qu'un
ton rouge dans le trait des entrelacs, un ton bleu dans le fond
des polygones étoilés complètent heureusement la polychro-
mie des panneaux.
XI
MOSQUÉE DU MÉCHOUAR
Nous avons rapporté, en nous occupant de l'enceinte du
Méchouar, à quelles circonstances se rattachait la fondation de
la mosquée qu'il contenait. Ge fut, d'après Ibn-Khaldoun, Abou
Hammou Mousa V qui en posa les premières fondations. Elle
devrait donc être sensiblement contemporaine de la mosquée
Oulâd-el-Imâm. Nous n'avons cependant pas cru devoir la
rapprocher chronologiquement de l'étude consacrée à ce petit
oratoire. Nous ne croyons en effet avoir devant les yeux que
peu de chose de la création abd-el-wâdite primitive. Ce
temple, faisant partie d'une citadelle souvent attaquée, dépen-
dant d'une résidence royale, dut subir, au cours des guerres
et des révolutions, des dommages et des restaurations nom-
breuses. La salle de prière dut même être réédifiéc pendant
l'occupation turque, le décor détruit, le plan complètement
bouleversé, le sol surélevé ^ Sa transformation en magasin
annexe de l'hôpital militaire, puis en chapelle catholique,
acheva de lui enlever tout intérêt artistique.
1. Elle reçut des colonnes provenant de Mansourah, telle, par exemple, celle
conservée au Musée de la ville et portant sur le fût une inscription pieuse
publiée par Brosselard {Revue africaine, mai 1860, p. 242 et suiv.).
314 LES MONUMENTS ARABES DE ÏLEMCEN
Le minaret est de style plus pur, et s'il a reçu, dans le cou-
rant du XI v" siècle, peut-être à l'époque de la restauration
zeiyânide, de notables embellissements, la proportion, la com-
position générale, la disposition essentielle ont dû s'en conserver
à peu près intactes : un rapprochement avec le minaret d'Oulâd-
el-Imâm indique bien une inspiration analogue. •
Deux de ces faces ont encore une partie de leur décoration;
celle du Sud est bien conservée. — - Deux panneaux s'y super-
posent; celui du bas, carré, est garni par une arcade soutenant
une rangée de losanges à lambrequins, présentant les fleurons
habituels et des incrustations en terre vernissée brun et vert.
Le panneau supérieur, percé en son centre d'une fenêtre étroite,
porte une arcade double dentelée semblable à celle qui décore
le premier panneau d'Oulâd-el-lmâm. La garniture des écoinçons
est en mosaïque de faïence brun et blanc [ficj. 81 D) ; elle offre
cette particularité de ne faire intervenir qu'une seule forme de
découpure. On remarque une combinaison identique dans la salle
de repos des bains de l'Alhambra, qui date de Mohammed Y
(L354-1391). N'y aurait-il pas là l'indice d'une réfection datant
de la restauration zeiyânide ? Une particularité plus signifîcatire
peut préciser la date de retouches plus importantes.
Le cadre de mosaïque qui, comme à Bel-Hassen et à Oulâd-
el-Imàm, enveloppait ces panneaux défoncés, se trouve remplacé
par un cadre de faïences à reflet métallique portant des orne-
ments ou des inscriptions. L'émail stannifère qui les couvre est
d'un blanc fumé présentant des taches verdâtres et sillonné de
grandes craquelures ; les intempéries Font même, en certains
endroits, complètement écaillé. Le lustre, qui est la seule
couleur employée, est de valeur et de ton variables. Parfois
semé de taches ocreuses, il va du vert clair au rouge violacé
MOSQUÉE DU MÉCHOUAR 315
«ombre. Ce décor est tracé avec ])eaucoiip de franchise et
d'habileté ; la peinture en est maigre et parfois transparente.
Les plaques d'ornements on 1 0"' ,24 sur 0™, 1 8 ; elles sont de deux
modèles (C, C'), suivant la direction de la bordure à laquelle elles
appartiennent. Le motif reproduit est, en traits de 0'",02, l'en-
trecroisement de lambrequins formant des losanges curvilignes
déjà maintes fois observé ; les raccords des bandes verticales et
horizontales sont assez mal faits. Il n'y a pas de plaques d'angle ;
le motif et les deux traits qui hii servent de bordure ne se
retournent pas. Ils sont coupés avec l'extrémité des rangées.
* Les plaqnes à inscriptions, an nombre de huit, ont G*", 39 sur
0",13. L'émail est le même que celui des premières. Elles
portent des bordures faites de deux traits inégaux, une garni-
ture de rinceaux et enfin des caractères andalous se détachant
sur un fond vermiculé, assez fin, probablement tracé au qalam;
nous en donnons ici un spécimen (B).
La réunion des mots qu'on y lit n'a paru à Brosselard présenter
aucun sens plausible, et il considère cette inscription de la
mosquée du Méchouar comme une énigme indéchiffrable ^ Nous
ne sommes pas de son avis. Tout d'abord, les plaques des gar-
nitures latérales [fig, 81 A nous paraissent porter l'eulogie bien
connue : El-yoïmvi wal-iqbdl « le bonheur et le succès ». C'est
une formule très fréquente dans la décoration épigraphique des
monuments andalous-. Nous l'avons lu nous-mêmes sur le vase
de l'Alhambra, sur des poteries hispano-moresques, et elle figure
encore sur une couronne en cuivre ciselé provenant du minaret
1. Cf. Revue africaine, mai 1860, p. 248 et suiv.
2. Parfois avec addition de Waholough El-ârnâl « et la réalisation des
désirs» ou de was-sa'd fi ikmâl, «etla prospérité parfaite» (Cf. Almegro Gar-
denas, Inscrlpciones de Granada, 11, 37, 58, etc.; — Amador de los Rios, Ins-
cripciones de Sevilla, 134, 135, 140, etc.)
316 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
de la Grande Mosquée de Tlemcen, que nous avons signalée
plus haut. D'autre part, il suffît de renverser Tordre des deux
plaques de céramique qui forment la seconde moitié de la bor-
dure supérieure pour obtenir une autre formule andalouse, très
R' A'
FiG. 81. — Décor céramique au minaret de Méchouar.
courante à Séville, àGrenatle^, et qui est la suivante : Ya tsiqati
y a amali antal-rajâ antdl-wali ikhtim bikhairin amali.
(( 0 ma confiance, ô mon espérance, c'est toi l'espoir, c'est toi
1. Cf. Amador de losRios, op. laud., 135, 158, 174, etc. — Almegro Gardenas,
op. laud., 37,176, 186, etc.
MOSQUÉE DU MÉCHOUAR 317
le protecteur; scelle mes actions par le bien. » Le caractère
est d'une élégance un peu molle ; les lettres s'y enchevêtrent
et s'y lient mal à propos [fig. 81 A' et A'^); ces plaques ont
tout le caractère de produits d'une fabrication courante.
La nature des émaux, la présence du losange peint, imitation
servile du décor classique des extérieurs, l'absence de tout
motif qui ne soit de pure origine ujoresque, la forme des
palmes polylobées, tout nous fait supposer que nous avons
sous les yeux un produit assez ancien des ateliers espagnols
fabriquant les faïences à rellet. (On sait que le premier ren-
seignement que nous ayons sur ces ateliers est fourni par Ibn
Batoutah, et remonte au milieu du xiv" siècle^). Nous ne
saurions leur attribuer une origine plus précise. En l'ab-
sence du bleu, qui semble constant dans les pièces sorties
de Malaga, nous y verrions plutôt Toeuvre d'une fabrique du
royaume de Valence, peut-être Manisès, dont les plaques de
revêtements apparaissent connue une sorte de spécialité. Quoi
qu'il en soit, le fait que, dans cette mosquée d'une résidence
royale, deux de ces plaques ont été mises en place au rebours
de leur ordre naturel, nous semble indiquer que nous sommes
en présence d'une ornementation ajoutée à une époque de
décadence oii l'inscription était, pour ceux qui l'ajustaient,
parfaitement illisible.
1. Ibn-Batoutah, IV, p. 307.
Xll
MOSQUÉE DE SÎDI SENOUSI
Elle est située dans la rue de Mascara, ancienne rue des
Bourreliers (Souq-el-Berada'în), à l'entrée de l'impasse appelée
Derb el-Msoufa à laquelle une voûte donne accès ^. L'origi-
nalité de ce petit monument consiste en ce que sa salle de
prière occupe im premier étage. Un escalier sous la voûte
permet de monter à cette salle pauvre, nue, et à laquelle des
restaurations de très basse époque ont dû achever d'enlever
tout caractère.
Elle se compose de deux parties gauchement soudées entre
elles. La première forme deux petites nefs dont les pieds
droits sont réunis par des arcs brisés en fer à cheval. Une
corniche à doucino (mouhu^e qui, nous l'avons vu, ne fut jamais
employée par les arcliitectes maghribins pendant la belle période
de leur art) couronne les nefs. Une charpente apparente, et
des tirants géminés en forment le plafond. De petites fenêtres
1. Ses haboiis ont été publiés par Brosselard ap. Hevue africaine, sep-
tembre 1861 ; elle porte le nom du grand théologien tlcmcenien, Sidi Senousi
(Cf. infrà, p. 340); mais la mosquée du Derb el-Mesoufa est citée par les textes
avant sa mort {Bosiâîi, notre manuscrit, p. 155) et la tradition veut qu'il ail
aimé à y venir prier (Revue africaine, avril 1859, p. 246; septembre 1861,
p. :m).
MOSQUÉE DE sioi SENOUSI 319
doiiiiaiit sur la rue éclaircut riiitérieur. La salle se prolonge
par une seconde partie irrégulière dont tout caractère artis-
tique est absent. Un niihrâb en plein cintre perce le mur du
fond oii s'ouvre égrdement une petite galerie à ciel ouvert
donnant sur le Derb el-Msoufa.
La partie la plus intéressante de cette mosquée est le mina-
ret qui la surmonte. Le style n'en est pas pur, mais les pro-
portions sont élégantes. Trois étages d'arcatures dentelées ou
entrelacées s'y superposent. Une frise formée de cordons de
])riques complète cette ornementation. Notons sur l'une des
faces quelques plaques de faïence stannifère à décor bleu et
jaune incrustées dans l'un des cadres d'arcade, seul exemple
de ce genre que nous ajons observé connue décor extérieur
de minaret tlemcenieu.
XI II
MOSQUÉE DE SÎDI LAHSEN
Cette mosquée, située hors de Tlemcen, à 200 mètres envi-
ron à l'angle Nord-Est de l'enceinte actuelle, groupe autour
d'elle un petit village. Elle est consacrée à la mémoire du
l)ieux Sîdi Lahsen ben-Makhlouf er-Râchidi mort en 857
(f 1453), et date vraisemblablement de l'époque du sultan
Aboul-Abbàs Ahmed ^ Cette mosquée est en ruines, comme
la plupart des maisons du village qui l'entoure (Cf. Pl. XXVI).
Les toits qui la couvraient se sont effondrés et la poussée
des plantes en a disjoint le pavage. Cependant, elle méritait
mieux que cet état d'abandon. Elle faisait partie d'un ensemble
de monuments assez intéressants par leur valeur d'art et les
souvenirs qu'ils perpétuaient. Elle-même présente les traces
de dispositions architecturales curieuses.
Elle se compose de deux parties : une cour rectangulaire
pavée est bordée au Nord et au Sud par deux galeries cou-
vertes. Elles s'ouvrent sur la cour par une large arcade en
plein cintre
1. Cf., sur la vie de Sîdi Lahsen Er-Râchidi, Complément de V Histoire des
Beni-Zeiyân, p. 321 à 346; — aussi Tombeaux des Émirs des Beni-Zeiyân,
p. 89.
MOSQUÉE DE SÎDI LHASEN 321
Une élégante vasque de grès quatrilobée servait aux ablu-
tions rituelles. Dans le pavage qui l'entoure on remarque un
petit carreau à décor estampé couvert d'un émail vert [fig. S2)
analogue à ceux qu'on observe à Sîdi Bou-Médine (Cf. supra]
Fig. 82. — Carreau de pavement dans la cour de la mosquée de Sidi Lahsen,
p. 236) et qui semble indiquer une restauration du même temps,
et de la même origine.
Un mur sépare la cour de la salle de prière. La porte
d'entrée de cette salle, qu'abrite un auvent sur consoles gémi-
n
322 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
nées en maçonnerie, est percée dans ce mur, perpendiculaire au
mur du mihrâb.
Une restauration qui doit dater de l'époque turque a rem-
placé les nefs parallèles au mur d'entrée par des travées
parallèles au mur du fond. La trace des vieilles charpentes,
encore visible sur la paroi du minaret, indique nettement
cette disposition primitive. De plus, les deux arcatures
actuelles, composées chacune d'un grand arc plein cintre flan-
qué de deux arcs plus petits forment par leur réunion une
grande nef médiane et deux bas côtés. Cette ordonnance,
est assez habituelle aux mosquées turques ; on la remarque à
la mosquée du Méchouar. Le mihrâb, très peu profond
s'encadre dans un arc brisé.
Le minaret, à Textrémité orientale du mur du mihrâb, est ici
encore la partie la plus intéressante et la mieux conservée.
Par le style de ses ornements et par les émau^ qui y sont
employés, on croirait pouvoir l'attribuer à une époque assez
ancienne : le grand réseau qui en décore les faces est établi
sur des colonnettes monolithes dont les chapiteaux à cros-
settes rappellent ceux des plus vieux minarets tlemceniens.
Des colonnettes monoUthes supportent également les arcades
dentelées de la galerie supérieure. Des plaques taillées dans
l'émail vert garnissent le réseau losangé du campanile. Enfin,
une bande sobre de faïence verte et jaune complète le décor
de ce petit monument.
La porte de la mosquée donne sur une ruelle qui constitue
la principale entrée du village. De l'autre côté de la ruelle,
en face de la mosquée, on trouve la chambre sépulcrale fort
simple de Sîdi Lahsen; des peintures à décor floral sur bois,
datant de Tépoque turque, couvrent le petit auvent, qui en
MOSQUÉE DE SÎDI LHASEN 323
abrite la porte. A l'entrée de la ruelle on remarque les ruines
d\m édifice soigneusement construit en pierre, et où plu-
sieurs arcades sont encore visibles ; c'était, suivant les rensei-
gnements à nous fournis par de vieux habitants, les latrines
de la mosquée ; une fontaine publique y était adjointe, et au
premier étage une marriya où était installée une école cora-
nique
1. Les textes parlent, en outre, d'une tnédersa de Sidi Lahsen {bostdn, notre
manuscrit, p. 27, 28); il nous a été impossible d'en déterminer remplace-
ment.
XIV
MOSQUÉE DE SIDI YEDDOUN
C'est une petite mosquée d'époque turque. A l'extérieur
elle offre un minaret très simple flanquant sa face Nord.
Une porte en fer à cheval brisé que surmonte un auvent sur
consolettes donne accès dans la salle de prières. Trois travées
la coupent parallèlement au mur du mihrâb. Elles se com-
posent de deux arcs brisés et d'un arc en plein cintre que
surmontent des charpentes assez bien conditionnées.
Un tombeau occupe le fond. Il est entouré par une clôture
en bois sculpté et décorée dans le goût turc.
XV
MOSQUÉE DE LALLA GHARIBA
Voici encore un petit temple dont le point de départ est un
tombeau. Il ne comporte qu'une salle très pauvre.
L'unique travée, parallèle au mihrâb se compose de trois
arcs ; l'arc médian est en plein cintre ; les deux autres sont
brisés.
La niche du mihrâb, de très faible profondeur, s'ouvre par
une petite arcade plein cintre. Le tombeau de la sainte est
placé dans un renfoncement du mur opposé au mihrâb^.
Le minaret n'est qu'une tour couverte par un toit de tuile à
quatre croupes, accolée à la salle de prière et s'élevant peu au-
dessus d'elle. Une seule fenêtre percée dans cette tour permet
au moueddin d'appeler les fidèles à la prière.
1. Cf. Sur la légende de Lalla Gharîba, sur sa mosquée et les inscriptions de
habous qu'elle contient, Revue africaine^ mai 1862, p. 167 et suiv.
XVI
MOSQUÉE DE SÎDFL-BENNA
Une cour carrée, flanquée, comme celle de Sîdi Lahsen, de
deux portiques latéraux, précède la salle de prières. Celle-ci,
divisée par trois travées portant des arceaux en fer à cheval
brisé, a subi des restaurations très récentes.
Le minaret orné d'arcatures simples est peint en rouge
comme l'était celui du Méchouar.
Brosselard en attribue la construction au xv^ siècle K
1. Cf. Revue africaine, décembre 1861. p. 32. note 1.
XVII
MOSQUÉE DE LALLA ROUYA
De la courette, qu'ombrage une treille portée par un arceau
de maçonnerie, monte un escalier qui conduit à la terrasse
du minaret, tour carrée sans ornement et sans édifice
terminal.
La salle de prière présente cette particularité d'être élevée
sur un plan de qoubba bien plutôt que sur le plan habituel des
mosquées. Une coupole à douze pans en occupe le centre, les
arcs brisés qui la portent retombent sur quatre pieds droits
formant à la base un tambour carré de 3 mètres de côté. Deux
nefs couvertes par des plafonds à lambris la flanquent à
droite et à gauche. En avant du mihrâb dont la niche est très
faiblement enfoncée, règne une nef transversale. Celle-ci est
couverte par une voûte d'aréte formée, d'après un modèle déjà
observé^, d'une voûte en berceau coupée par un seul demi-
cylindre placé dans l'axe du mihrâb. A l'extérieur, la coupole
s'indique par un toit pointu à huit croupes. Un toit à deux
versants abrite le reste de l'édifice 2.
1. Cf. suprà, p. 168.
2. Les tables de habous de Lalla Rouya ont été publiées par Brosselard, ap.
Revue africaine, mai 1862.
XVIII
MOSQUÉE BÂB-ZIR
Placée au Nord-Est de la ville, près des remparts, non loin
de l'emplacement qu'occupait une des anciennes portes de
Tagrârt, cette mosquée, en très mauvais état, en remplace
vraisemblablement une autre beaucoup plus vieille et plus
riche, dont les historiens nous ont conservé le souvenir, et
dont nous pouvons retrouver un vestige dans la mosquée
actuelle. C'est là, nous dit Yahja-Ibn-Khaldoun, qu'un saint de
Tlemcen appelé Abou-Mohammed Abdallah, fils d'Abd-el-
Wâhid, présidait à la prière.
Deux arcatures divisent la salle de prière en trois nefs per-
pendiculaires au mihrâb. Celle de droite est portée par trois
colonnes de forme irrégulière, celle de gauche par deux pieds
droits et une colonne engagée surmontée d'un chapiteau très
archaïque. Ce chapiteau appartient peut-être à l'édifice pri-
mitif. Il se rapproche beaucoup des chapiteaux antiques des
vieilles nefs de Cordoue et aussi d'un chapiteau que nous avons
sigaalé dans la partie antérieure de la grande mosquée de
Tlemcen (Cf. supra, p. 149 note 1). Le galbe général en est un
tronc de cône renversé ; il porte deux couronnes de feuilles en
MOSQUÉE BÂB-ZIR 329
imbrication, sans découpures, niais ornées d'une nervure prin-
cipale très apparente ; plusieurs palmes minces s'en échappent
et vont se réunir en un fleuron médian qui empiète sur un
tailloir trapézoïde semblable aux vieux impostes byzantins.
Le petit minaret très simple est décoré de trois étages
d'arcades dentelées. Deux bandes de tuiles vertes en complètent
le revêtement.
XIX
LES QOUBBâS
Le culte des saints est apparu d'assez bonne heure dans
l'Islam. Les populations musulmanes du Maghrib particulière-
ment lui ont fait une place capitale dans leur vie religieuse K
Les tombeaux des personnages vénérés sont devenus les habi-
tuels sanctuaires vers lesquels se tourne, au moins autant que
vers les mosquées, la piété de nombreux fidèles. Les femmes
surtout, dans l'Afrique du Nord, n'ont guère d'autre religion
que la vénération des saints, d'autre culte que la visite pieuse
de leurs tombeaux et l'accomplissement des actes quasi-rituels,
sacrifices, combustion de bougies et de benjoin, aspersions
d'eau de rose, dont l'ensemble constitue la ziydra. Comme l'a
remarqué Edmond Doutté, la densité de ces sanctuaires, les uns
strictement locaux, les autres célèbres dans tout le Maghrib,
va en augmentant au fur et à mesure qu'on s'avance davan-
tage vers l'Ouest La campagne voisine de Tlemcen est parti-
1. L'ouvrage capital pour le culte des saints dans l'Islam est le mémoire de
Goldziher, die Heiligenverehrung un Islam ap. Moham. Studien^ II, p. 275-378 ;
pour le Maghrib particulièrement, il faut consulter Doutté, les Marabouts
(extrait de Revue d'hislore des Religions, 1900; .
2. Cf. Doutté, les Marabouts, p. 7 et 8.
LES QOUBBAS 331
ciilièrement riche en tombeaux vénérés. Chose curieuse, un
seul d'entre eux est attribué par la tradition à un personnage
de sang royal, celui delà Sultane à Sîdi Yaqoùb. Tous les autres
contiennent les restes d'ascètes, de savants, de faiseurs de
miracles, nullement d'anciens maîtres du pays. « Tlemcen,
dit Brosselard, qui a conservé et entretenu avec une sorte
d'idolâtrie, à travers les âges, les sépulcres blanchis de ses
marabouts, a perdu jusqu'à la trace des tombeaux de ses rois »
La banlieue tlemcenienne tout entière est parsemée de tom-
beaux de saints. On en trouve non seulement dans les cime-
tières anciens ou nouveaux de la ville, mais un peu partout
dans la campagne, en pleins champs, au bord des chemins,
dans les vergers. Néanmoins, il est à noter que trois sortes
d'endroits semblent pour ces sanctuaires des emplacements de
prédilection.
Tout d'abord, le voisinage immédiat des portes de villes est
généralement occupé par des tombes de personnages très
vénérés ~. Les cimetières dans l'Islam ont fréquemment été
placés aux portes des villes ; la tombe d'un marabout, conservée
par la piété populaire peut marquer l'emplacement d'un ancien
champ des morts, abandonné depuis plusieurs siècles. Il peut
arriver aussi qu'un saint personnage ait été inhumé à la porte
d'une ville, sans qu'aucun cimetière existât antérieurement à
cette place, pour assurer à cette porte la bénédiction d'un pieux
voisinage. Le marabout est alors une sorte de génie protec-
teur de la localité ; la garde de l'entrée, voisine de son tombeau,
1. Tombeaux des Emirs Beni-Zeii/ân^ p. 7.
2. Les exemples sont innombrables ; c'est ainsi que deux portes de Damas
se disputaient l'honneur de posséder le tombeau de Bilâl, le moueddin du pro-
phète {Tahdih el-asmâ, p. 178 ; — cf. id., p. 134, 592; — Maqqari, Analectes
de Vhistoire d'Espagne^ I, p. 480, in princ.^ etc.).
332 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
est confiée à son pouvoir tutélaire. Il doit en écarter Tennemi
et empêcher le malheur de pénétrer par elle au cœur de la
cité : (( Le sultan de Tunis, arrivé devant Tlemcen, dit le Bostân,
tint conseil avec ses vizirs : « Par où, dit-il, entrerai-je dans
la ville? — Par où il vous plaira, répondirent-ils. — Combien
la ville a-t-elle de portes ? » — Ils lui en indiquèrent le nombre.
— Alors il demanda : « Quel est le ivaiî qui protège Bâb-el-
Jiàd? — C'est, lui répondirent-ils, Sidi Bou-Médyen. — Et Bâb-
el-Aqba? — Sidi Ahmed ed-Dâoudi. — Et Bâb-ez-Zâwiva ? —
Sîdi'l-Halwi. — Et Bâb-el-Qermâdm, qui la protège ? — Aucun
walî. — Eh bien donc, leur dit-il, c'est par cette porte-là que
j'entrerai. » Et la légende ajoute qu'il fallut que le ivali encore
vivant Sidi Aljdallah ben-Mancour prit Bàb el-Qermâdîn sous
sa protection, pour empêcher la perte de Tlemcen K De même,
une porte du vieil Agadir avait pour saint protecteur le très
ancien Sîdi Walib enterré auprès d'elle - ; et l'entrée occiden-
tale de Tlemcen, Bâb-Kechchout était flanquée intérieurement
du tombeau de Sîdi Mamar l)en-Alija et extérieurement du
tombeau de Sîdi Boudjemâ^. Au cours des âges, il arrive fré-
quemment que la porte perd son ancien nom, et prend celui
de son patron vénéré. Bâb-Wahb est mentionnée à une époque
déjà ancienne. Bâb-el-Aqba, Bâb-AH, Bâb-Kechchout, dans
leur dernier état, étaient couramment désignées sous les
noms de Bâb-ed-Dâoudi, Bâb-el-Halwi, Bâb Sîdi-Boudjemâ.
Parfois il a pu arriver aussi que des inhumations postérieures
faites dans le voisinage immédiat du saint, et « pour recher-
1. Cf. Bostân, notre ms., p. 274 et suiv. ; — comp. Revue africaine, jan-
vier 1862, p. 13.
2. Cf. suprà, p. 14.
3. Cf. Sur ce dernier personnage et son tombeau, Brosselard ap. Revue afri-
caine, mai 1860, p. 252-258.
LES QOUBBAS 333
cher sa bénédiction » [tabarrouk) fissent apparaître de petits
cimetières aux portes des villes, dans des endroits jusque-là
non affectés aux sépultures. Il est naturellement assez difficile
de discerner en l'espèce quel est Tantécédent et quel est le
conséquent des deux faits, inhumation du saint, et groupement
des sépultures dans les parages de son tond^eau. Toujours est-il
qu'à Tlemcen, deux des cimetières les plus anciens sont situés
dans le voisinage immédiat des qcmhbas de vieux saints locaux :
la petite nécropole dont les tombeaux de Sidi Wahab et de Sidi
Yaqoub sont le centre, et le terrain semé de tombes qui entoure
le sanctuaire de Sîdi'd-Dâoudi. C'est à ces deux endroits, à
notre avis, que des fouilles auraient le plus de chance de
mettre au jour d'anciennes inscriptions funéraires.
En deuxième lieu, les hauteurs sont encore des endroits
souvent affectés à la sépulture des saints maghribins. De la
colline ou de la montagne où il est inhumé, le marabout, comme
une vigie, surveille le pays qu'il a à ses pieds et le protège.
Ceux qui cheminent dans la plaine se sentent sous sa garde
aussi longtemps qu'ils aperçoivent sa blanche qoubba. A
Tlemcen, Lalla-Setti, « celle qui regarde sur le pays », comme
l'appellent les chansons locales, est inhumée sur le plateau
rocheux qui, au Sud-Ouest, domine la ville ^ Sîdi Bou-Médyen
a son tombeau vénéré sur le versant Nord de la pente du
Méfrouch. A Aïn-el-hout, Sîdi Abdallah ben-Mançour, le patron
de la localité, est également inhumé à mi-llanc de colline.
Enfin le grand saint musuhnan Sîdi Abd-el-Qader El-Jilàni auquel
ses nombreux sanctuaires, situés pour la plupart sur des émi-
1. Cf. Sur cette sainte, Tlemcen ancienne capitale, p. 131, 132, 309; — de
Lorral, Tlemcen, p. 309, 310.
334 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
nences, a fait donner le nom d' <( oiseau des vigies * », a éga
lement un maqdm (monument commémoratif 2) haut placé, à
très peu de distance de Tlemcen.
On rencontre enfin, très fréquemment, des tombeaux de
saints dans le voisinage immédiat des mosquées. On enterre
volontiers les ascètes et les savants auprès des oratoires qu'ils
ont fréquentés pendant leur vie. Tel fut le cas de Sîdi Moham-
med ben-Merzouq qui fut inhumé par Tordre de Yarmorâsen
près de F angle Sud-Ouest de la Grande Mosquée. De l'autre
côté de l'édifice, la petite chambre sépulcrale de Sîdi Bel-Hasen
El-Ghomâri s'ouvre sur la face occidentale de l'hospice d'incu-
rables qui porte le nom de ce saint personnage. Mentionnons
encore parmi beaucoup d'autres Sîdi Abdallah ben-El-Balad qui
fut, disent les textes, enterré auprès du inesjid es-çdlih à El-
Eubbâd.
Un autre cas également fréquent est celui où la mosquée
est élevée après l'inhumation du saint auprès de son tombeau,
devenu un lieu de pieux pèlerinage. L'anathème que la tradi-
tion fait porter au Prophète lui-même contre ceux qui prennent
pour oratoires les tombeaux des saints et des hommes ver-
tueux n'a rien pu dans le cours des siècles contre cette ten-
dance naturelle de la religiosité humaine ''. Son tombeau même
à Médine est maintenant à l'intérieur d'une mosquée^, et dans
1. Cf. Doutté, les Marabouts^ p. 65.
2. Comp., sur le sens de ce mot, Van Berrhem, Matériaux pour un corpus^
p. H5, note 2.
3. La discussion à laquelle cette tradition a donné lieu se trouve ap. Qastal-
lâni, Commentaire sur Bokhari (édition de Boulaq, 1304 de l'hégire), II, p. 437,
438 ; on pourra consulter aussi Goldziher, Le culte des ancêtres et le culte des
morts ap. Revue dliistoire des Religions^ 1884, II, 356-357.
4. Cf. Qastallàni, op. cit.., II, p. 430; — et Burton, A pilgrimage to Mecca
and Medina, II, p. 75
LES QOUBBAS 335
le Maghrib les exemples de cette pieuse hérésie sont particu-
lièrement fréquents. Citons à Tleracen la mosquée de Sîdi Bou-
Médine qu'une cour étroite sépare seule de la qoubba du saint,
la mosquée de Sidi Lahsen er-Rcâchidi voisine de la chambre
sépulcrale de ce personnage, la mosquée de Sidi'l-Halwi domi-
née par le tombeau du saint éponyme, enfin les cas de Lalla-
Gharîbaet de SîdiYeddoun, enterrés sous les voûtes même des
oratoires qui portent leur nom.
Les tombeaux vénérés sont d'importance et de genres très
divers. Les uns sont le résultat de la collaboration spontanée
de nombreux fidèles. D'autres sont des œuvres plus officielles,
fondations de princes ou de gouverneurs. Certains n'ont que
des murs en pierres sèches blanchis à la chaux par les mains
pieuses des femmes qui, chaque vendredi, vont leur rendre
visite; ce sont les hawîta. D'autres, maçonnés mais à ciel
ouvert, offrent des enceintes circulaires ou rectangulaires,
souvent ornées aux quatre angles de merlons grossièrement
découpés, ce sont les haouch ^ Les plus importants enfin
affectent la forme consacrée de la qouhba et en portent le
nom.
Cette forme est aussi fréquente dans les tombeaux d'Orient ^.
Au Caire les toiirba^ ou sépulcres, sont recouverts de coupoles
pointues. A Tlemcen les dômes en sont sphériques ou polygo-
naux. La forme ovoïde appartient plutôt au Maghrib oriental.
Le dôme est parfois enduit de plâtre, parfois couvert d'un
1. Cf. Basset, Nedromah et les Traras, p. 38, note 1 ; — Haouch en Egypte
« enclos funéraire d'une famille » (Van Berchem, Matériaux pour U7i Corpus^
271, note 2).
2. Cf. Van Berchem, Notes cfarchéolor/ie, I, 73, 74 ; — La qoubba apparaît
comme un dérivé de la kalybe syro-byzantine (Cf. de Vogué, Syrie centrale^ T,
p. 41 et suiv.).
336 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
toit de tuile, comme la qoubba qui, dans les mosquées, précède
le mihrâb. Cette forme traditionnelle a très peu varié à tra-
vers les âges. De plus, Tornementation intérieure des qoubbas,
comme nous l'avons indiqué pour la plus riche d'entre elles,
celle de Sîdi Bou-Médine, a été sans cesse remaniée par les
générations successives ^ Il s'ensuit que les plus vénérées sont
celles dont l'état primitif est le plus méconnaissable. L'adop-
tion dans la construction de formules consacrées d'une part,
les restaurations constantes et parfois indiscernables de l'autre,
font que la grande majorité de ces édifices n'offre qu'un très
médiocre intérêt archéologique. Aussi nous bornerons-nous à
étudier quelques-unes seulement des innombrables qoubbas
tlemceniennes.
LES TOMBEAUX DE SÎDI YAQOUB
Le cimetière connu sous le nom de Sîdi Yaqoub occupe, à
quelque distance à l'Est de la ville, un bois de vieux et
robustes thérébinthes, sur un plateau en saillie qui domine le
cours de loued Metchkâna; des débris de vieux remparts
suivent le bord de rescarpement. En réalité, les tombes
anciennes qui en bossèlent le sol ont du se grouper autour du
tombeau de Sîdi Wahhâb placé, comme nous l'avons vu, auprès
d'une porte du vieil Agadir.
La Qoubba de Sîdi Wahhâb ^ peut donc passer pour le plus
1. Cf. suprà, p. 230 et suiv. ; on comparera à ce que raconte VIsliqça de la
réédification des qoubbas de Idris et de Idris II à Tépoque de Moulâï Ismâïl
{Isliqça, IV, p. 46 et 47).
2. Cf., sur ce personnage, auprù, p. 11.
LES QOUBBAS 337
ancien des sanctuaires qui peuplent cette terre sacrée; c'est
aujourd'hui encore le plus populaire et le plus fréquenté. Il
s'ensuit, que les embellissements ont dû peu Tépargner. Jus-
qu'à quel point le plan primitif a-t-il été modifié? De quand
date Tordonnance actuelle? Ne s'est-on borné qu'à l'entretenir
par le périodique passage à la chaux? 11^ est difficile de rien
affirmer à son sujet. L'enfoncement très visible du sol, à l'en-
droit qu'occupe l'édicule, montre qu'on a conservé le niveau
des premières constructions. Trois élégantes arcades en for à
cheval brisé, portées sur des pieds-droits et dont les écoincons
sont décorés d'ajours géométriques, s'ouvrent sur la façade.
Un toit abrite l'entrée, flanquée de deux petites galeries suré-
levées. La chambre sépulcrale est couverte par une coupole
octogonale étabhe sur les demi-voûtes d'arète habituelles. A
l'extérieur, cette coupole s'indique par un dôme.
Également beaucoup en dessous du niveau actuel, se trouve
le tombeau de Sîdi Yaqoub, simple quadrilatère à ciel ouvert
de petits murs en pierre, ornés aux angles de merlons. Un
autre mur, plus vieux, et maintenant ruiné, l'entoure à U",50
de distance. Il ofi"re cette particularité que dans la face méri-
dionale s'ouvre la niche d'un mihrâb, orienté en plein Sud, et
qui révèle la présence d'un ancien oratoire ^
1. Le Bostân, qui consacre une notice à l'iiistoire légendaire de ce person-
nage, l'appelle du nom sous lequel il est encore connu à ïlenicen, Sîdi Ya(ioub
et-Tifrisi. D'autre part, réi)itaphe qui existe dans son kaouck le nomme Abou-
Yaqoub Yousef-ben-Abdallali (Cf. Complément de Ihisloire des Beni-Ze'njân,
p. 96). Celte épitaphc sera proclialnenient publiée par M. Bel dans sa traduc-
tion de la BagliyaL-er-Rouwâd. 11 aurait vécu à l'époque de l'abd-el-wàdite
Abou-Tàchfin ^^ Peut-être le mihràb ruiné qu'on remarque dans le mur Sud
de la deuxième enceinte de son tombeau faisait-il partie d'une mosquée où il
enseignait d'ordinaire et où il fut enterré (« il enseignait aux hommes et au
jinn dans sa mosquée » Bosldn, notte manuscrit, p. :i99, 600). — Cf. encore,
sur Sidi Yaqoub, Doutté, les Mavaoouts, p. 69; de Lorral, ïlemcen (p. 318 , où
338 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
Au milieu de ce cimetière s'élëveiit les ruines d'un autre mo-
nument funéraire (Pl. XX VII) ; c'est Celui que Ton désigne sous
le nom de tombeau de la sultane ». Sur la foi de ce nom, et
d'une tradition populaire qui désignait le cimetière de Sîdi
Yaqoiib, comme recelant des tombes royales, Brosselard en-
treprit à l'intérieur de ces ruines des fouilles ^ qui amenèrent
la découverte d'inscriptions sur pierre. L'une était l'épi-
taphe d'une petite princesse, arrière-petite fille de Yarmorâsen
morte en 4412 (815 de l'hégire). Il pensa que l'inhunia-
tion d'une enfant justifiait mal . l'importance de ce tom-
beau, et la consécration des souvenirs populaires. Les fouilles
poursuivies mirent au jour un fragment d'épitaphe plus ancienne,
malheureusement sans nom, mais dont le texte se rapportait
évidemment à une femme de sang royal. « Il est certain^ dit-
il, qu'elle mourut antérieurement à l'année 815 de l'hégire
(1412) et que le monument élevé en son honneur existait à
cette date, puisque la petite princesse dont l'épitaphe a été
relatée plus haut put y être enterrée 2. » L'examen archéolo-
lique du monument vient corroborer cette ingénieuse supposi-
tion. Les trois quarts à peine sont parvenus jusqu'à fious.
Maintenant en contre-bas du terrain avoisinant, il était établi
sur plan octogonal et formé d'arcades, découpées chacime en
neuf grands lobes. La coupole à huit pans reposait directement
sur les arcs, et n'était vraisemblablement pas abritée par un
un toit. Peut-être une enceinte moins élevée isolait-elle
l'édicule. C'est le seul exemple que nous ayons de qoubba sur
plan octogonal. Les monuments établis sur arcades ouvertes ne
la sépulture de Sîdi Ya(]oub est confondue avec celle de Sîdi Wahhàb (fig. 31D),
et W. Marçais, Algerian Jeiva dans Jewish Ehcydopedia,
1. Cf. Tombeaux dès émirs Bêni-Zeif/ân, p. 9.
2. Cf. Id., p. 140 et siiiv.
<:
<
o
LES QOtBBAS 330
se rencontrent guère que dans le cimetière d'Eubbàd es-Sefli,
qui, nous Tavons vu, fut TEubbàd primitif . Déplus, la présence
de cintres lobés, dont à Tlemcen la Grande Mosquée seule
nous offre des exemples, permet d'attribuer à cette ruine un
âge assez reculé, peu éloigné de la deuxième moitié du
xu*' siècle.
QOUBlîA DE SiDl'D-DÂOrm
Placée à quelques mètres de la vieille route de Safsaf sur
une petite éminence, la Qoubba de Sîdi'd-Dâoudi occupe un
espace rectangulaire. L'entrée tournée vers les ruines de Bàb
el-Aqba est un cintre en fer à cheval brisé qu'entoure une
fausse arcade à double feston, semblable à celle des mosquées
mérinides. Un auvent de tuiles, porté sur des coiïsolettés
géminées en maçonnerie^ surmonte ce cadre, complétant
l'analogie qu'il offre avec celui des entrées latérales de Sîdi'l-
Halwi, par exemple. A l'intérieur trois galeries flanquent le
plan carré de la coupole au Nord, au Sud et à l'Ouest. 11 n'y
en a pas à l'Est; mais le mur qui, de ce côté, forme le fond de
la chambre sépulcrale est défoncé par une fausse arcade sem-
blable à celle des qoubbas de Sidi Bou-Médine et de Sîdi
Brâhîm. Les piliers supportent des arcs brisés ; les gale-
ries sont éclairées par six fenêtres munies de barreaux. La
coupole à douze pans est percée à sa base de quatre autres
petites fenêtres. Cette coupole est visible à réxtéï*ieur. Un
épi de terre vernissée verte en surmonte le sommet ^
1. Cf., sur Sîdi'd-Dàoudi, patron de ïlemcen, avant Sîdi Bou-Médyen, suprà
p. 14 ; une vue de sa qoubba, ap.. Piesse et Canal, Tlemcen^ p. 12.
■340
LES MONUxAIENTS ARABES DE TLEMCEN
QOUBBA DE SiDI SENOUSI
Le tombeau du grand théologien Molianuned es-Senousi ' ,
s'élève à l'extréniité orientale du cimetière musulman actuel,
sur un tertre ({ui domine un chemin de traverse montant à
Sidi Bou-Médine. Il occupe l'emplacement d'une ancienne mos-
quée, dont le mihrâb, orienté à TEst, est encore parfaitement
visible. Le nnu' actuel de la qoubba est bâti dans ralignement
même du mur occidental de cet oratoire ruiné, et leurs axes
coïncident. Au Nord, au Sud et à l'Est, les murs ruinés de la
mosquée, forment enceinte autour du tombeau du saint, et de
la petite nécropole qui se presse à ses pieds. Des nierions
grossiers, de date assez récente, ornent de place eu place les
débris de ces nuirs.
La qoubba s'ouvre au Nord; une treille en ombrage
l'entrée. Le tombeau lui-même est intérieurement des j)lus
sinqjles ; le catafalque de Sîdi Senousi et celui de son frère
utérin Sidi Ali et-TelloulL-, occupent le centre de la coupole,
établie sur quatre trompes d'angle. Extérieurement la coupole
est recouverte d'un toit de tuiles vertes à quatre croupes.
1. Cf., sur ce personnage, mort en 1490 (895 de 1 hégire), Revue africaine^
avril 1859 (avec Tépitaphe qui figure à l'intérieur du tombeau), p. 245 et suiv.;
juillet 1861 ; — Journal asia/if/ue, février 1864, p. 175; octobre 185 i, p. 109: —
Complément de Vliisloire des Heni-Zeujân, p. 366 et suiv.
2. Cf. Revue afi-ica'me^ avril 1859, p. 248.
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LES QOUBBAS
341
QOUBBAS d'aÏN-EL-HOUT
Le petit village d'Aïn-el-hout, situé à 8 kilomètres environ
au Nord de Tlemcen, est entièrement peuplé de marabouts qui
ont la prétention de descendre de Soleïmân ben-Abdallah, frère
dldrîs^ La localité renferme les tombeaux de plusieurs saints
vénérés, ancêtres des marabouts actuels . Deux seulement ont
quelque importance au point de vue architectural, et encore
sont-ils d'âge assez récent; des inscriptions qu'ils contiennent
montrent que sous leur forme actuelle, ils datent du
xviii' siècle 2.
A. — QOUBBA DE SÎDI ABDALLAH BEN-MANÇOUR
Elle est située sur le flanc de la colline, qui, à l'Ouest,
domine le village. C'est un bâtiment carré de 10 mètres de
côté. Sur la face Est, tournée vers le village, un petit perron
de quatre marches donne accès à une porte basse, dont un
double feston de brique enveloppe l'arcature brisée. Un petit
auvent, couvert de tuiles, et reposant sur de frustes conso-
lettes géminées abrite cette entrée.
1. Cf. sur Aïn-el-hout : Guide-Joanne de V Algérie, p. 123; — Barges, Tlem-
cen, ancienne capitale, etc., p. 240, Doutté, les Aïssaouas à Tlemcen, p. 8,
2. Revue africaine, janvier 1862, p. 16, 17, 18.
3. Le Boslân (notre manuscrit, p. 212-281) consacre une longue notice à ce
personnage de la fin du xv siècle; on pourra aussi consulter sur lui Bevu^
africaine, janvier 1862, p. 11-16; — Tom()eanx des émirs Beni-Zeiyân, p. 114 et
suiv. ; — Complément de l'Histoire des Beni-Zeiyân, p. 407, 408.
3i2 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
A rintérioLir, le milieu de rédicule est occupé par une cou-
pole établie suivant l'habituel procédé sur dcmi-voùtes
d'arête, et reposant sur quatre arcades brisées. Le cata-
falque du saint, entouré d'une grille de fer toute moderne,
occupe le centre, pavé de mauvaise faïence. L'espace denieuré
libre entre les arcades et les murs extérieurs, et qui permet
de circuler autour du catafalque, est recouvert par des voûtes
d'arête*. Huit petites fenêtres, munies de verres de couleur,
éclairent Fintérieur de la qoubba ; elles sont garnies de
claires-voies en polygones étoilés. Diverses excavations
pratiquées dans le mup permettent de déposer de menus
objets; un mihrâb fort simple est creusé dans la face Sud,
faisant saillie à l'extérieur. La présence d'un mihrâb dans une
qoubba est exceptionnelle à Tlemcen. Elle est fréquente, au
contraire en Orient; il est bon de rappeler et à cet égard, que
la qoubba de Sîdi Abdallah bei)-]^apçour c)ate de l'époque
turque.
Le sommet de la coupole est visible de l'extérieur. Un épi
de terr^ vernissée le surmonte.
/>. — Qoubba de sîdi mohammed ben-ali
La qoubba de Sîdi Mohammed ben-Ali- est située à 200 inètres
environ au Nord du tombeau de Sîdi Abdallah ben-Mançour, et
1, Cette disposition de coupole, e;iitourée d'nne circulation, apparente
cette qoubba turque à la qoubba de Sîdi'd-Daoudi et à Isl mosquée de Lalla-
^iouya.
2. Cf., si^r ce personnage qui a,ppartient à la lin du x\^r siècle, Bévue afri-
caine, p. 16 et sjLiiv. ; — Walsin-Esterhazy, De (a dqrnination turque çlmfi
Vancienne province d'Alger^ p. 187 et suiv.
LES QOUBBAS 343
à la même hautem^ au flanc de la colline (Pl. XXX). Un palmier
la domine à TEs-t. L'entrée, fort simple, est située au Sud ; elle
donne accès dans un couloir de S'^jSO de long, qui conduit vers
l'Ouest à une cour de 7^^,80 de long sur 6'',40de large. Cette cour
est entourée par un portique formé de quatre arcades brisées
portées sur des colonnes basses et frustes. Le pourtour
est grossièrement recouvert de rondins de bois, d'un lit de
roseaux, et par-dessus, d'une terrasse. Un mihrâb creuse le mur
du Sud^ ; et dans celui du Nord s'ouvre la porte de la qoubba.
On remarque dans le pavage de la cour, quelques jolis
carreaux estampés à couverte brune, verte ou jaune.
La qoubba est haute, mais fort simple. Elle a 6°", 40 de côté.
Un catafalque en occupe le centre. Les murs sont défoncés
sur les faces Nord, Est et Ouest de fausses arcades brisées. Un
pavillon de tuiles vertes recouvre la coupole sphérique-.
Extérieurement, adossée au mur Ouest de la qoubba et au
mur Nord du couloir, une petite chambre basse de 3"", 50 de
large, servait autrefois, paraît-il, d'école coranique. La porte
est située à l'Est; un autre porte, percée dans son mur Sud et
aujourd'hui bouchée, la faisait communiquer avec le couloir qui
donne accès dans la cour. Elle est recouverte de rondins de
bois, de roseaux, et d'une terrasse ; au-dessus d'elle est cons-
truite, une ghorfa^ chambre de premier étage de 2 mètres de
profondeur et de 3"", 50 de largeur, ayant sa porte au Sud. 11
ne subsiste plus aucun escalier qui permette d'y monter. Des
amorces de murs sur les côtés Nord et Ouest de la qoubba
montrent que le tombeau de Sîdi Mohammed ben-Ali eut, jadis,
1. Cf. suprà, p. 342.
2. Cette disposition de chambre sépulcrale à murs défoncés, précédée de
l'atrium tétrastyle, apparente cette qoubba aux qoubbas déjà étudiées de
Sîdi Bou-Médine et de Sidi Brâhîm.
344 LES MONUMENTS ARABES DE TLEMCEN
cVautres dépendances encore. Un mnr d'enceinte, anjonrd'hui
ruiné, entourait cet ensemble d'édifices. Enfin à 20 mètres
environ en avant, du côté de l'Est, on peut voir les restes
d'une citerne voûtée, rectangulaire, actuellement transformée
en étable.
INDEX DES NOMS PROPRES
A
Abd el-Kader, 131, 305.
Abd el-Malik, 86.
Abd kl-Moumin, 15, 92 n. 1, 141-142,
213.
Abd el-Wàd, 17-18. Voir Benî-Zeiyân.
Abd-er-Rahmàn m, 30, 76.
Abderi (El), 19.
Aboi-Abdallah, 10.
Abou-Abdallah ben-Khemîs, 8.
Abou-Abdallafi Et-Tâbiti, 245 n. 3.
Abou-Abdallah Mohammed ben-Jafar, j
92.
Abou-Ab-der-Rahmân, 129.
Abou-Amer-IbrAhîm, 170-171.
Abou-Hammou I", 20, 34, 130, 159, 185,
198, 313.
Abou-Hammou II, 24-25, 190, 202, 306.
Abou INÀn-Fàrès, 200, 287, 290, 295.
Abou'l-Abbàs Ahmed, 21, 25-26, 130, 137,
159, 190, 231 n. 2, 320.
Abou'l-Hasen Am, 22-23, 129, 193, 197,
198-199, 200, 207-208, 210-211, 231,
235, 240-241, 244 n. 2 et 3, 251, 274,
275.
Abou'l-Hasen Ali ben Abd-er ahman ben
Ali, 140.
Abou'l-Hasen Ben-en-Ne.ijArîva, 19, 143
Abou'l-Mohàdjîr, 11.
ABOu'L-WALÎn, 34.
Abou-Malik {fils d' Abou'l-Hasen Ali),
129.
Abou-Mohammed Abdallah, 329.
Abol-Mousa Isa, 185-186.
Abou-Obaïd, 8.
Abou-Qorra, 11.
Abou-Saîd, 302.
Abou-Saîd Otsmàn, 20, 171, 196.
Abou-Sàlim, 194 n. 2.
Abou-Tàchfîn, 8, 20, 21, 25, 34, 129,
159, 195, 337.
Abou-TsAbit, 302.
Abou-Tsâbit Omar, 194, 196, 198.
Abou-Yahya Abou-Bakr, 196.
Abou-Yaqoub le Mérinide, 191-192, 193,
197-198, 199-200, 210, 215.
Abou-Yaqoub le Zeîyanide, 202, 202
n. 2; — Médersa Yaqoubîya, 172 n. 2,
186, 302, 303.
Abou-ZakAria, 118.
Abou-Zeid Abd-er-RahmAn, 185-186,
Abou-ZeiyAn (MoulAï), 143.
ACHÎB, 13.
AgAdir, 10 à 16, 19, 115-116, 117-118,
121-122, 124, 132, 134, 195, 204, 212,
336; — Mosquée d\ 82, 136-137, 138,
140, 160,
Aghlebite, 69.
Ahmed ben Touloun, au Caire [mos-
quée d';, 29.
Ahmed el-Lamti, 38, 290, 292.
AÏN-EL-HouT, 28, 212, 226, 333, 344.
Aïn-Taqbalet, 55, 228.
Aïn-WAnzouta, 132 n. 226.
Alcazar, 32, 34, 79 n. 3, 90, 100, 175,
178, 277, 288, 297 n. 1, 316; — Genil,
126 ; — Patio de las Doncellas, 255,
346
INDEX DES NOMS PROPRES
Alexa.ndhie, 29.
Alger, 27, 92, 232, 304; — Grande
Mosquée d\ 21, 46, 50 n. 2; — Moçalla,
48 n.
Alhambra, 32 n. 1, 33-34, 55 n. 1, 63,
69 70, 90, 92, 96, 100, 105, 175, 189,
230, 251, 269, 277, 297 n. 1, 310, 316;
— Salle des Abencéi'ages, 54 n<. 1 ;
— Bains de l\ 83 n., 163, 164 n.,
165-166, 168, 314; — Alberca, 176,
178, 207, 255, 288 ; — Puerta del F/no,
221; — Mosquée, 288; — Salle du
Jugement, 83, 100 ; — Cour des Lions,
255 ; — Tocador de la Reine, 251 ; —
Vase de l\ 315.
Ali Bex-Yahya el-Salaksini, 137.
Ali ben-Yousef, 141-142.
Ali el-Koudi {Ibn), 195.
Almohaoe, 16, 28.
ALM0R4VIDE, 15-16, 28, 33 n. 1, 141,
195.
Almunecar, 119.
Amh {mosquée d'), 29, 40, 44, (52.
Aroudj, 127.
AyvoupiTES, 65, 91.
AzHAR (El), 218.
B
Bàb-Abi-Qorra, 115, 134.
Bàb-Ali, 117 n. 3.
Baba-Safîr (qoubba), 196 n. 1.
BAb-el-Aqba {ou Bâbd'-Sîdi Daoudi, ou
Bdb-Agâdir), 14, 115-116, 117-H8,
122-123, 130 n. 4, 332, 339.
Bàb-el-Bonoui), 117 n. 3, 171 n. 1.
Bàb-el-Hadîd, 117 n. 3, 134.
Bàb-el-HammAm, 115.
Bàb-el-Giâd, 117, 130 n. 4, 132, 135
n. 2, 332.
Bàb-el-Khemîs, 214-215, 216.
Bâb-el-Khoukha, 115.
Bàb-el-Qermàdîn, 116-117, 119, 124-125,
134, 332.
BAb-er-Rbeut, 135.
BAb-er-RowAh, 124.
Bàb-es-Çarf, 117 n. 3.
Bàb-es-SAgA, 134.
BAb-es-Selm, 86.
BAb-er-Souîqa, 135.
Bàb-et-Tsouîtsa, 131 n., 134.
Bàb-ez-Zà\viya {ou Bdb Sîdïl-llalwi),
117, 134-135, 285 n. 2, 332.
Bàb-Kechciiouï {ou Bdb el-.lorlila ou
Bdb Sîdi Bou-Jenm), 116 117, 125-
126, 134, 185, 332.
Bàb-IlAn, 117 n. 3.
Bàb-Sour-el-HammAm, 134.
Bàb-TaqarqAret, 135.
Bàb-Waiib, 115, 132.
Bàb-Zîr, 133, 149 n.>, 328-329.
Bagdad, 30.
Barcelone, 31.
Barges {Vahbé), 1, 2, 3, 28, 198, 217,
241 n. 1, 279 n., 303.
Batoutah {Ibn), 317.
Beibarsîya {mosquée El), 218.
Bekri {El), 115.
Bel-Abbès {route de), 131-132.
Benî-Ghanya, 16-17.
Benî-KhAzer, 13.
Benî-MerIn (Voir Mérinide).
Benî-Yala, 13.
Benî-ZeiyAn, 10 n. 1, 12, 18, 22, 28,
127, 143, 303 n. 1.
BilAl {tombeau de), 331 n.
Bît-er-Rîch, 131-132, 227.
BologgIn ez-Zîri, 13.
BostAn, 283 n., 332.
Bougie, 195.
Bkekch {priîs Tenès), 185-186.
Brosselard, 2, 207, 226, 283 n. 1, 286,
290, 292, 306, 315, 331, 338.
C
Çaïqal {rendez-vous d'Ibn), 191.
Caire {monuments du), 29-30, 62, 98,
158 n., 231 n. 1, 335; — Enceintes du,
119-120; — Fostdt, 29, 195.
Gairouan, 84, 196, 292 n. 2, 157 n. 1 ;
Seiyidat el-Jami, 88.
Çarmachiq, 39, 234, 278.
Carthage, 50 n 1.
INDEX DES NOMS PROPRES
347
Chella, 194, n. 2, 264 n.
Cluxy {7nusee), 21 n. 2, 23G.
CoNSTAXTiNOr-LE, Byzance^ 30-31.
CoHOGUE {mosquée dfj, 31-32, 40, 45 n. 4,
57, 63, 65-66, 69-70, n., 75-76, 78, 86,
97, 102, 109, 144, 148-149, 150, 152-
153, 156, 169, 181, 217,220, 222, 328;
Chapelle de Villa-Viciosa, 32, 44,70;
— Vuerla del-Pardon^ 259; — En-
ceinte de, 119-120.
Chisto DR LA Luz {église del) 31, 57,
78, 86.
Cuba {palais de la), 32, 66, 155.
D
Damas {mosquée de), 30; — Portes à,
321, n.
Dana {basilique de), 62 n. 2.
Dàr-abî-Fihr, 21.
Dàp.-el-Moulk, 21.
Dàr-es-Soltàn. Voir Palais <^rEL-EuB-
BÀD.
Dàr-es-Sorour, 21.
Delphin, 292 n. 2.
Derb Msoufa, 26, 218. 319.
Djebel Terni, 7.
DouTTÉ, 33 n., 330.
DUTHOIT, 3.
EuBBÀD (El), 7, 223 à 230 ; — Es-Sefti,
43, 57 n. 1, 83, 225-226, 227-228, 282,
284, 339 ; — El-Fouqi, 223, 225, 227-
228, 229-230; — Palais d\ 27, 35, 100,
266 à 269; — Zâwiyad\Tl9, n., 280;
— Mesjid es-Çâli/i, 334.
El-Eubbàd près Fus, 224, n. 1.
F
Fàs, 12, 16 n. 3, 17--18 ; — Fontaines à,
50 n. ; — Maisons à, 81 ; — Bains à,
165 n. 2 ; — Médersa à, 300 n.
Fatimite, 65, 69, 88, 91.
Ferachbad {édicule de), 57 n. 1.
Ferfara {hen), 39, 305.
Ftrouz-Abài) (palais de), 62.
FouwÀKA (El), 313.
G
GiRALOA, 32-33 n., 36, 46 n. 2, 78, 98,
101, 218, 220, 222.
GiRAULT DE Pranc.ey, 4, 31 n. 2, 32.
Grenade (monuments de), 28, 31-32,
149, Voir (Alhambra) ; — Enceinte,
119; — Alt)a>/ci7i, 120; — Maisons à,
300.
Gubbio, 304.
Il
IIàdj-ben-Abol-Jemâa (El), 8.
Haedo (rue). 203.
TIafcide, 24.
Haïdba (citadelle d), 202, n.
Hàkem (mosquée du Chî/xh), 62.
IIamdoun-el-Qaisi, 34.
Haouqal (Ibn-), 13, 115.
Hasan (bey), 130.
Hassan (tour de^, 33, 36.
Hassan (mosquée de), 74.
Hennaya (route d'), 127.
I
IbràiiIm i:r,-MiLL\Ni, 28.
ÏDRÎs 1"% 11, 13, |36, 336 n, 1.
Tdrîs h, 12, 136, 336 p. 1.
Ifriqîya, 199.
lMÀ>fA, 127.
J
Jàhil (Ibn), 128 n.
Jérusalem, 30; — Mosquée à, .30 n. 4.
K
Kaba, 29.
Kalaoun (mosquée de), 74.
348 INDEX DES Ni
KllADRA {FA), 17.
KuAFADJA [Ibn), 8.
Khalooun {Ibn), 10-11, 17, 22, 29, 118.
129, 171, 196, 210-211, 274, 31.3.
Rhaldoun {Yahya, 7, 22, 117, .329.
Khànqâh, 228 n. 1.
Khâridjisme, 11.
Khavernaq, 7.
Khidhr, 11 n. 2.
KoTOUBÎYA, 33, 36, 46, 98, 218, 220, 2'-^.3.
L
Lalla Gharîba {mosquée de), 325, 335.
Lalla Rouya {mosquée de), 327, 342 n. 1.
Lalla Setti, 127, 206, 213, 333.
Laugier de Tassy, 165 n. 1, 166 n. 3.
Léon L'Africain. 8, 26, 128 n., 130, 165
n. 2, 166 n., 229, 300 n.
Louvre {musée), 32 n. 1, 242 n.
M
ALvGiiNiA {roule de), 127, 192, 197, 204,
214.
Maghràwa, 13, 33 n. 1.
Malaga, 79, 317.
Malik Achraf Qàit-Bey, 302 n. 1.
Malik Achraf-Inal, 302 n. 1.
Malik Nàcer [madrasa de), 30 n. 2.
Mameluck, 65.
Maxçour {VAlmohade El-), 33 n., 36 n. 2.
Manisès, 79, 317.
Mansourah, 7, 11 n. 1, 15, 20, 22, 127-
128, 192 à 201, 209, 211, 213; —
Enceinte de, 119-120, 20J à 206, 214-
215; — Qasbah, 35, 83, 199-200, 207
à 209, 235; — Mosquée de, 39 n. 2,
42-43, 68, 74-75, 91-92, 149, 192, 196-
197-198, 201, 216 à 222, 236, 251, 265,
294, 296, 307, 313 n.
Maqqari, 259.
Marmol, 128 n., 130, 279 n.
Marrakech, 12, 18; Porte à, 75; —
Médersa mérinide à, 81 ; — Qasbah
de, 218 n. ; — Sahrîdj de, 126.
Mascara {mosquée de), 39.
OMS PROPRES
Mascara {?-ue de), 318,
Mazdali, 14.
Mechhed Ali, 79.
Méchouar, 19, 22, 26-27, 35, 37, 83-84,
129-130, 131, 135, 158, 170 n. 1, 310;
— Mosquée du, 20, 201 , 313 à 317, 322,
326.
Médéaii, 130.
Mkdeksa el-Qadîma {El) {ou Médersa
Oulâd el-lmâm), 185-186.
Médine, 30 n. 1, 334.
Mekinez {porte à), 75.
Melab, 196 n. 1, 213; — Koubbat-El, 214.
Merd.] {El), 132 n.
Mérinide, 17, 22-23, 24 25, 28, 123 n. 2,
285, 294, 309.
Metcmkàna {Oued), 118, 122, 128, 336.
Metîd,ia, 17.
MiSTRA {basilique de), 104 n
xMoçalla, 313-314.
MoGiiiRA {El), 32 n. 1.
Mohammed V, 314.
Mohammed ben Abd-er-Rahmân et-Tlim-
sAni, 42 n.
Mohammed Bey, 28, 234, 278-279.
Mohammed ech-Chîkh, 34.
Mohammed en-Nàcer, 228, 230.
Mohammed ben Yousefel-Qaïsi, 132 n. 213.
]\IoïsE 11, n. 2.
Moma {El), \-2\.
MosorÉE DE Tlemcen {Grande), 15-16,
17-18, 19, 28, 33, 36, 43-44, 46 n. 2,
47 n 5, 48-49, 50, 63, 70, 84 n. 1,
88-89, 91-92, 95, 105, 107, 110, 137,
139 à 161, 175, 180, 183, 201, 217,
230, 258, 301, 304,306,316,328,334,339.
Mostafa el-Manzali, 28.
N
Nedromah, 38, 88, 157 n. 1.
O
Oqba ben-Nàfi, 11, 30; — Voir Sidi
Okba.
Omeyyade, 12-13, 30.
INDEX DES
Oran, 16-17, 27.
OuLÀD el-Imàm, 20, 27, 43, o4 n. 1, DO,
92, 185 à 191, 255, 313-314.
OuzÎDÀîN', 226.
1*
Palma {bains de), 168.
Pkcheiue {mosquée de la), 40 n. 1,
253 n.
Peduo {don), 34.
Pesaho, 304.
PlESSE, 3.
POMAHIA, 10.
PowpEï {bains de), 166 n.
PuEivjA DEL Sol, à Tolède, 63, 98, 212
n. 1.
Pu Y {caUlédrale du], 91 n.
Q
Qàciiàx, 79 n. 2.
Qàitbey {mosquée), 62.
Qaçu-Adjiça, 17.
Qaçk-el-QadÎ-M, 15, 19, 143, 145.
Qala [El), 128.
Qahawîyix, à Fds, 33, 43 n. 1 ; — 45
n. 3, 46, 157 n. 1.
QcuAQECii {Bordj), 132, 135.
U
Rauî l'Évèque, 30.
Ravekne, 31.
Uenan {Anfj, 3, 77-78, 196, 234 n. 2,
236 n.
Rhodes, 79.
RoçAFA {Er), 7.
Rôda {Miqyds de), 86.
Romain 111 {C empereur), 70.
S
Safsaf, 7, 123, 137.
Sahara, 17.
Sahkîdj el-Kebîk {ou cjrond bassin, 21,
125-126, 127.
NOMS PROPRES 349
Saln te-Maiue-la-Rlakcue, 7^, 105, 108,
181.
SAfNTE - SOIMIIE DE CoNSTANïINOPLE, 41,
104.
Saint-Jeax-dWcue {ér/lise à), 30 n. 2.
Sal\t-Jean-de-Damas, 30.
Saint-La uiiENT {près Rome), 70.
Sakhkatkl\ (Es), 16, 128, 213.
Sbeitla [temple de), 59 n. 1.
Sebdou {roule de), 201 n. 2, 206.
Sedîh {Es), 7.
Seld.joucide, 77.
Séville {enceinle de), 119-120, 203; —
Mosquée de, 45; — San Marcos, 101 ;
— Voir Alcazar et Giralda.
Sfax {église de), 30.
Shaw, 198.
Sicile, 93, 110. Voir Cuba et Zisa.
SîDi Abdallah ben-Ali, 227 n. 3.
SîDi Abdallah ben-el-Ralad, 334.
Sîdi Abdallah ben-Mançouh, 28, 332-
333, 342.
Sîdi Abd el-Qadeu el-Jîlàni, 333.
SIdi Abd es-Selam-et-Tounsi, 227 n. 3,
235.
Sîdi Ahmed Rel-Hase.\ el-Ghomàhi, 143,
160. 162-163 n. \, 354.
Sîdi Ahmed ed-Dàoldi, 332, 339, 342
n. \.
Sîdi Ali-ben-Meglîm, 226.
Sîdi Ali-et-Tellouti, 340.
Sîdi bel-Hasen, 20, 43. 49, 83, 90, 92,
108-109, 110, 153, 170 à 184, 186-1S7,
190-191, 222, 249, 255, 277, 294-295,
300, 309, 314.
SiDi Bûu IsHÀQ et-Tayyàh, 43, 226, 282-
283, 284.
SÎDI BOU-IzÀi{ {bordj), 134.
SÎDI bou-Mëdyen, 2, 14, 2J3, 227-228,
230, 332-333, 339.
SÎDI bou-Médine {village et monuments
de). 22-23, 135-137. Voir El-Eubbdd,
Qoubba de, 17. 28, 39, 78, 84, 201,
208, 223 n., 230 à 239, 294, 321, 336;
— Mosquée de, 38-39, 42-43, 45, 50,
65, 68, 84, 91 o. 1, 92, 100, 104, 109-
110, 137, 153, 158, 188-189, 200 n. 2
359
INDEX DES NOMS PROPRES^
223 n., 225 n. 1, 236, 240 à 265, 269,
286-287, 288, 296-297, 3U0-301, 309,
, 335, 340, 343 n. 2; — Médersa de,
' 100, 223 n., 227, 247, 269-270 à 278,
295; — Bains de, 167 n.
SÎDi Bràhîm, 25, 43, 81, 83-84, 172 n. 2,
186, 201-202, 312, 339, 343 n. 2.
SÎDi Bràhîm ex-Nàai'., 229.
SÎDi d' Dàouui, 14. Voir Bdb el Aqba.
SÎDi Lahsen {C/iîkh), 26, 133 n. 2, 200
n. 1, 320; — Village et mosquée, 26,
135, 320 à 323, 326, 335.
Sîdi'l-Benaà, 326.
Sîui'l-Halwi, 22, 27, :'8, 42-43, 48, 50,
61, 90, 92, 137, 215, 221-222 n., 265,
285 à 301, 306, 312, 332, 335, 339.
Sîdi'l-Haouwaui, 229.
SÎDi Mamar ben-Ahya, 332.
SîDi Mohammed ben-àli, 28, 342-343,
3i4.
Si'di Mohammed hen-Merzolq, 10, 18, 143,
3a4.
SiDi Oqba, 30, 44 n. 3, 45, 69, 74, 94,
96 n., 97 n., 144-145, 158 n.
SiDi Senousi {Chikli), 9, 26, 49, 137 n. 2,
226, 274, 240; — Mosquée, 26, 318-
319.
SiDi Wahb ou Wahhab, H, 14, 336.
Siui Yaqolb, 14, 132, 133, 371, 336 à
339.
8ii)i Yedooun, 224-335.
SlU.lILMESSA, 195.
SiD.ioux {près Tunis), 214.
soleïman ben-moiiammed el-kordi, 239.
Solejman ben-Abdallah, 12, 341.
Souq-el-Khemîs. 195.
SoussE {enceinte de), 86; — )'ibdt de,
272.
SuzE {Acropole de), 35, n. 5, 77.
Syrie, 119, 124 n.
T
Tàchfàn-ben-Ali, 16,141.
Tàchfînîya (Médersa) 10, 21, 26, 83,
310.
Tafna, 7.
Tagrârt, 15-16, 116-117, 118 n. 2, 133,
195.
Tailler del Moro, 300.
Tanger, 241 n. 2.
Tahragone (cloître à), 86.
ïauris, 241 n. 2.
Taza, 157.
Tekich (Mosquée), 62.
Tell el-Yahoudi {palais de), 77.
Temzezdekt {près d'Oujda), 128 n.
Temzezdekt {près de Bougie), 195-196.
Tenesi {Aboul Hasen ben-\aklef et-), 91,
130, 136, 171.
Tenesi {Abou-Ishâq Ibrahim et-), 283
n. 1.
Tétouans, 88.
TlARET, 12.
Tixmàl {Mosquée de) 34 n., 66 n. 1.
TouMERT (Ibn), 141.
Tunis, 24, 84; — Sultan de, 332; —
Moçalla à, 214.
Tunisie, 332.
Ù
Urgub {Edifice à), 62 n. 2
V
Valence, 79, 317.
Van Bercuem, 270.
Venise, 31.
VouLTE-CuiLHAC {cathédrale de la), 191.
W
Walîd (£7), 30, 76.
X
XiMENÉs (rue) 302, 305 n. 1.
Y
Yaqoîbi {El), 13, 115, 121.
Yaqoubîva (Médersa). Voir Abou Yaqoub.
Yaqout, 16.
INDEX DES NOMS PROPRES
Yahmoràsen, 12, 17-18, 19-20, 118, 124,
130, 133 n. 1, 137, 142, 157, 159,170.
231, 234, n. 2. 334, 338.
YOUSOUF BEN-TÀCHl'ÎX, 14.
z
Zafha {couvent de), 310.
Zafràni [bordj), 134.
Zahua (Palais de), 30.
Zkkki [ben), 271 n.
Zenata, 13.
Zekoa, 17.
ZlOHBA, 13.
ZiSA, 32, G6.
TABLE DES PLANCHES HORS TEXTE
Pages
124.
1.
Yieille enceinte de llemcen (Bab EI-Qermadin).
131.
11.
Yieille enceinte de llemcen (cote Sud).
136.
111.
- Minaret d'Agadir.
140.
IV.
Yue d'ensemble de la Grande Mosquée (côté Sud).
144.
Y.
• Çabn de la Grande Mosquée.
146.
Yl.
Mihrâb de la Grande Mosquée.
168.
AMI
Vil.
Intérieur du Bain des Teinturiers.
\12.
\ 111.
Mihràb de la mosquée de Sîdi Bel-Hasen.
185.
IX.
Mosquée d Oulad ei-Imam.
201.
X.
Enceinte de Mausourah (côté Ouest).
206.
XL
Chemin pavé à Mausourah.
216.
XII.
Ruines du Mihrâb de la mosquée de Mausourah.
220.
XIII.
Minaret de Mausourah.
220.
XIV.
Portail de la mosquée de Mausourah.
223.
XV.
El-Eubbàd.
225.
XVI.
El-Eubbàd es-Setli.
240.
XYII.
Portail de la mosquée de Sidi Bou-Médine,
244.
XVlil.
Portail (le la mosquée de Sidi Bou-Médine (Yue du Çahn).
246.
XIX.
Arcades de la salle de prière (mosquée de Sîdi Bou-Médine).
251.
XX.
Mihràb de la mosquée de Sîdi Bou-Médine.
266.
XXI.
Petit palais d'El-Eubbàd (Grand patio).
274.
XXII.
Portail de la médersa de Sîdi Bou-Médine.
282.
XXIII.
Marabout de Sidi Bou-Ishàq et-Tayyâr.
285.
XXIY.
Mosquée de Sidi'l-Halwi (côté Nord).
285.
X\Y.
Mosquée de Sidi'l-Halwi (côté Sud).
320
XXVI.
Mosquée et Yillage de Sîdi Lahsen.
338.
XXVII.
Tombeau de la Sultane à Sidi Yaqoub.
340.
XXVI 11.
Qoubba de Sîdi Senousi.
340.
XXIX.
Qoubba de Sidi Abdallah ben-Mançour.
340.
XXX.
Qoubba de Sîdi Mohammed ben-Ali.
TABLE DES ILLUSTRATIONS
INSÉRÉES DANS LE TEXTE
FiGiTRES. Pages.
1. — Construction dune qoubba 58
2. — Angle d'un comble de qoubba (ép0(iue lur(iue).... 00
3. — Tracé d'un arc 64
4. — Tracé d'un arc 64
0. — Vue perspective d'une voûte à stalactites 67
6. — Origines du chapiteau tlemcenien 71
7. — Spécimens d'écriture monumentale 87
8. — Fragment de l'inscription dédicatoire de la Grande Mosipiée 92
9. — L'entrelacs curviligne architectural 99
10. — L'entrelacs curviligne floral. — Diagrammes de constructions.. 103
11. — Rinceau byzantin 105
12. — L'entrelacs curviligne floral. — Spécimens de palmes 106
13. — Plan de Tlemcen 114
14. — Plan de la Grande Mosquée 144
15. — Voussoirs sculptés du mihrcàb 147
16. — Vue perspective des cliarpentes de la nef centrale 148
17. — Grand chapiteau 149
18. — Petit chapiteau du mihrâb et détail d'une volute 150
19. — Vue perspective d'un pan de la coupole 151
20. — Frise d'acanthe au-dessus du mihrâb 152
21. — Inscription coufique (mihrâb de la Grande Mos({uée) 154
22. — Fragment du décor garnissant une des fenêtres (intérieur du
mihrâb) 155
23. — Décor de la couronne de cuivre (minaret) 157
24. — Inscription de la Maqçoura 158
25. — Plan du bain des Teinturiers 164
26. — Décor tlanquant les fenêtres du mihrâb (mosquée de Sidi Hel-
Hassen) 173
27. — Décor des murs 174
28. — Grand chapiteau supportant les arceaux des nefs 176
29. — Coupole du mihrâb 177
23
354
TABLE DES ILLUSTRATIONS
Figures. Pag-es.
30. — Fragments d'inscriptions coufiques 179
31. — Garniture d'une fenêtre 180
32. — Garuiture d'une fenêtre 181
33. — Décors de plâtre 182
34. — Chapiteau en mosaïque de faïence 183
35. — Décor du panneau intercalé (cadre du mihràb de la Mosquée
d'Oulfàd el-lmâm) 189
36. — Construction d'une tour de ilanquement (enceinte de Mansourah). 202
37. — Plan de Mansourati 205
38. — Fragment du balcon du minaret. — Vue de face des stalactites et
profil des consoles des extrémités 219
39. — Plan de la qoubba de Sîdi Bou-Médine 231
40. — Décor de la coupole 233
41. — Chapiteau d'onyx 235
42 et 43. — Carreaux estampés de pavement 237
44. — Chapiteaux d'onyx 238
45. — Spécimens des décors peints 239
46. — Décor en mosaïque de faïence (mosquée de Sidi Bou-Médme). . . 24i
47. — Décor céramique de la douelle (porche) 242
48. — Décor de plâtre. — Trois motifs garnissant les murs du porche. . . 243
49. — Plan de la mosquée de Sîdi Bou-MécUne 244
50. — Fragment de plafond à caissons 246
51. — Frise de plâtre 248
52. — Frise de plâtre 249
53. — Chapiteau du mihràb.. 250
54. — Décor des cintres 252
55. - Motif d'angle et inscription coufique (Porche) 254
56. — Décors de plâtre 256
57. — Décor de plâtre (porche) 257
58. — Portes de bronze 259
59. — Angle de corniche au pavillon de la coupole 261
60. — Spécimens de réseau garnissant les pans du minaret. — Inscrip-
tion en coufique quadrangulaire 252
61. — Grande rosace en mosaïque de faïence 264
62. — Plan du petit palais 267
63. — Plan de la Médersa 273
64. — Fragment du cadre du portail 275
'65. — Décor de plâtre 276
66. — Plan des latrines publiques 281
67. — Plan du marabout de Sidi Bou-lshâq et-Tayyàr 282
68. — Console de l'auvent (mosquée de Sidi'l-Halwi) 287
69. — Plan de la mosquée de Sîdi'l-Halwi 289
~0. — Cadran solaire 291
71. — Chapiteau 293
72. — Décor de plâtre. — Bordure de cintre 295
73. — Décor de plâtre 296
TABLE DES ILLUSTRATIONS 355
Figures. Pages.
74. — Frise de bois à inscription 297
75. — Garniture des plafonds 298
76. — Garniture des plafonds 299
77. — Carreaux de faïence à reflets métalliques (mosquée de Sîdi-Bràhîm) 30o
78. — Décor de plâtre, garniture des murs 308
79. — Décor de plâtre à ornement coufique 310
80. — Lambris en mosaïque de faïence 311
81. — Décor céramique au minaret du Méchouar 316
82. — Carreau de pavement dans la cour de la mosquée de Sîdi Lahsen. 321
TABLE DES MATIÈRES
Chapitres. Pages.
Préface i
Introduction 7
I. — Enceinte de Tlemcen. — Le grand bassin. — Le Méchouar.
— Agadir 113
IL — Minaret d'Agadir 136
m, — Grande Mosquée 140
IV. — Bain des Teinturiers 162
V. — Mosquée de Sîdi Bel-Hassen (Musée) 160
VI. — Mosquée d'Oulâd el-lmàm 185
VIL — ELMansourah 192
A. — Enceinte de Mansourah. — Ruines de la kasbah 201
B. — Travaux d'investissement 209
G. — Mosquée de Mansourah 216
VIIL — Sidi Bou-Médine 222
A. — Le bourg d'El-Eubbàd 222
B. — Qoubba de Sidi Bou-Médine 230
G. — Mosquée de Sîdi Bou-Médine 240
D. — Petit Palais d'El-Eubbâd 266
E. — Médersa de Sidi Bou-Médine 270
F. — Maison de l'Oukil 278
G. — Latrines et bains publics 280
H. — Marabout de Sidi Bou-Ishâq et-Tayyâr 282
IX. — Mosquée de Sîdi'l-Halwi 285
X. — Mosquée et Qoubba de Sidi Brâhîm 302
A. — Mosquée de Sîdi Bràhîm 304
B. — Qoubba de Sîdi Bràhîm 307
XL — Mosquée du Méchouar., 313
XII. — Mosquée de Sîdi Senousi 318
XII I. — Mosquée de Sîdi Lahsen 320
XIV. — Mosquée de Sîdi Yeddoun 324
XV. — Mosquée de Lalla Gharîba 325
XVl. — Mosquée de Sîdi'l-Benna. , .......... . 326
358
TABLE DES MATIERES
Chapitres. Pa^es
XVn. — Mosquée de Lalla Rouya 321
XVIII. — Mosquée Bâb-Zîr 328
XIX. — Les Qoubbas 330
Les tombeaux de Sidi Yaqoub 336
Qoubba de Sîdi d-Daoudi 339
Qoubba de Sîdi Senousi 340
Qoubbas d'Ain el-Hout 34I
A. — Qoubba de Sîdi Abdallah ben-Mançour 341
B. — Qoubba de Sidi Mohammed ben-AIi 342
Index des noms propres 34g
Table des planches hors texte 352
Table des illustrations insérées dans le texte 353
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in-8° avec un grand nombre de figures 12 50
Sur quelques briques romaines du Louvre, par Héron de
ViLLEFOssE (Aiit.), membre de l'Institut, gr. in-8°. ...... 1 50
Les cités romaines de la Tunisie, par Toutain (J.), ancien
membre de l'ucole française de Rome, chargé de cours à la Sor-
bonne, in-8° cavalier, avec 2 cartes en couleur 12 50
Ouvrage couronné par V Institut (Prix Saintoiir).
TOURS, IMPRIMERIE DESLIS FRÈRES, 6, RUE GAMBETTA.